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Voyage d'étude CEB 2017 innovation tout-terrain

JÉRÔME LAVILLE, Anses. - Phytoma - n°706 - août 2017 - page 13

La Commission des essais biologiques s'est penchée sur les nouveautés en date : outils numériques de surveillance et diagnotic, auxiliaires sous serre et par drones, « bio-mol » au champ et... luminothérapie du piment.
1. Culture de fraisiers sous serre, sur un, deux ou trois niveaux.  Photo : A. Locatelli

1. Culture de fraisiers sous serre, sur un, deux ou trois niveaux. Photo : A. Locatelli

2. Drone lâcheur de trichogrammes.  Photo : A. Locatelli

2. Drone lâcheur de trichogrammes. Photo : A. Locatelli

3. Cerisier sous filet anti-insecte. Photo : A. Locatelli

3. Cerisier sous filet anti-insecte. Photo : A. Locatelli

En juin dernier, une trentaine de membres de la Commission des essais biologiques (CEB)(1) ont participé au traditionnel voyage d'étude de cette commission. Tradition placée cette année sous le signe de l'innovation. Qu'on en juge.

Plonger dans l'avenir

Former pour demain le « mas numérique »

Montpellier SupAgro entreprend de transformer le domaine du Chapitre (100 ha) de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) en un « mas numérique ». Ce projet, adossé à la Fondation SupAgro(2), est la création d'une exploitation méditerranéenne exemplaire intégrant toutes les solutions numériques, plus particulièrement pour la viticulture et l'oléiculture.

Quatorze entreprises partenaires apportent une multitude de technologies matures et commercialisées pour l'agriculture (cartographie parcellaire, modélisation, application numérique, données agroclimatiques, logiciel de gestion des travaux, pulvérisation de précision, traçabilité des interventions, outil d'aide à la décision, géolocalisation...), pour la protection des plantes et la maîtrise qualitative et quantitative de la production du raisin et du vin, ainsi que de l'olive et de l'huile. Le site est conçu pour accueillir des formations initiales et continues.

Les innovations numériques : OAD pour l'irrigation et la fertilisation

Un des partenaires du projet, ITK(3), développe des objets connectés (ex. : débitmètre) et outils d'aide à la décision (OAD). Ils visent actuellement à optimiser l'irrigation de la vigne et l'irrigation et la fertilisation des cultures arables (blé, maïs, soja).

Ces applications numériques, qui s'appuient sur des données parcellaires, des données météorologiques et des modèles de croissance des plantes, ont pour objectif d'aider l'agriculteur dans ces décisions d'irrigation et fertilisation, afin d'assurer un rendement optimal et une récolte de qualité tout en réduisant les interventions dans les parcelles.

Côté protection phytosanitaire

Pour protéger la vigne de maladies (mildiou et oïdium), Bayer(4), associé à ITK, a créé l'OAD Movida. Le « concept 4P » intègre les contraintes réglementaires, des informations sur la plante (stade de croissance, sensibilité), sur les produits phytopharmaceutiques (efficacité, rémanence) et sur les pathogènes (épidémiologie), ainsi que des données climatiques.

Le logiciel informatique génère des situations à l'échelle de la parcelle de culture pour une prise de décision d'intervention par l'agriculteur, à l'échelle d'un territoire pour le conseiller en culture et à l'échelle du secteur de vente pour le distributeur.

Identifier les ceps atteints de flavescence et les mauvaises herbes résistantes

Dans la lutte obligatoire contre la flavescence dorée de la vigne, l'identification des ceps atteints est une étape préalable à la décision de traitement ou d'arrachage. Le test ADN Vitikit FD, proposé par Phyteurop(5) en partenariat avec Anova-Plus(6), ne dispense pas de l'obligation de déclaration et d'analyse par un laboratoire officiel. Mais sa rapidité de mise en oeuvre et sa spécificité (98,9 % de corrélation avec la méthode officielle) en font un outil supplémentaire de la lutte contre l'extension de la maladie en France.

Par ailleurs, des kits de détection de la résistance des mauvaises herbes aux familles de substances (Dim, Fop...) pourraient être disponibles en 2018.

La protection intégrée

Auxiliaires sous serre

Au Ctifl(7), le centre de Balandran poursuit les recherches sur la protection intégrée des cultures. L'installation de la punaise miride Macrolophus, prédatrice du ravageur Tuta absoluta, est perturbée par l'injection de CO2 visant à améliorer la croissance et le développement des tomates. Cependant ralentir l'injection du gaz limite cet effet.

Pour lutter contre Trialeurodes vaporariorum et Nesidiocoris tenuis, l'aspiration mécanique des insectes présents sur les parties supérieures de la plante peut réduire les populations. La punaise miride a toutefois une action de prédation des aleurodes qu'il faut préserver.

Alors qu'elle ne concerne que 20 % des surfaces cultivées, la production de fraise sous serre est supérieure à celle de plein champ. Cette situation va probablement s'accentuer avec les essais de culture sur trois niveaux permettant une augmentation de 80 % du rendement par mètre carré de serre. Si l'oïdium reste essentiellement contrôlé par des applications hebdomadaires de produit à base de soufre, l'activité des chrysopes permet de limiter les populations de puceron.

Coup de filet sur les cerisiers

En verger de cerisier, mettre totalement les arbres sous des filets à maille fine est un des moyens de lutte contre les mouches. Avec cette technique, certes coûteuse (4 à 6 €/m²), les dégâts de Drosophila suzuki sur les cerises sont limités à moins de 10 %, contre 50 à 100 % dans les arbres hors filet. De plus, la technique permet de réduire l'ITF(8) de la culture de 12 à 3.

Une lueur d'espoir

Technologie inspirée de la lumière pulsée

Les UV-B sont connus pour leur effet sur la stimulation de la synthèse des composés phénoliques impliqués dans la défense naturelle des plantes contre les bioagresseurs. Toutefois, le risque pour l'opérateur et les temps d'exposition nécessaires trop longs empêchent la mise en oeuvre en pratique.

En revanche, la structure fédérative de recherche rattachée à l'université d'Avignon(9) a démontré que des flashs d'UV-C réduisaient de 70 % le développement de Phytophthora capsici sur le piment. Un effet systémique du message est observé sur piment et laitue : exposer 10 % de la surface foliaire permet de bloquer le développement de l'agent pathogène sur 100 % de la surface foliaire.

La technologie s'inspire de la lumière pulsée utilisée pour la désinfection du matériel en secteur hospitalier, des contenants alimentaires et des denrées récoltées. Des brevets ont été déposés et des essais sont en cours, notamment sur la vigne.

Les UV-C ont également la capacité de détruire certaines substances actives. Ils pourraient être utilisés pour réduire les résidus sur les denrées alimentaires avant leur commercialisation.

Capter pour ne plus noter

Un environnement sous forme de données

La mesure de l'architecture d'une plante renseigne sur l'état et l'évolution du végétal dans son environnement. Dans le cadre d'une large collaboration scientifique, l'UMT Capte(10) teste la capacité de capteurs permettant d'accéder à des variables d'état de la plante et caractériser son environnement.

Pour la plante, les capteurs utilisés sont le télémètre laser, l'imageur couleur, l'imageur multi/hyper-spectral, le radio-spectromètre et la caméra. Pour l'environnement de la plante, sont employés des capteurs de sons, d'odeurs, de gaz, d'humidité, de courant électrique et de chimie.

Les applications concernent actuellement le phénotypage dans le cadre de la sélection, le pilotage de la fertilisation et de l'irrigation et le suivi de l'apparition et du développement des maladies. Les auteurs de ce projet interrogent la CEB pour savoir si les données acquises par capteurs pourraient remplacer les observations et notations humaines dans les méthodes d'expérimentation.

Prendre de la hauteur

En partenariat avec des opérateurs spécialisés, l'application par drone de trichogrammes pour lutter contre la pyrale du maïs est proposée par Bioline AgroSciences(11). Les participants au voyage d'étude ont pu observer la capacité d'un appareil adapté aux applications agricoles.

L'application aérienne permet de réduire le coût d'intervention, par rapport à l'accrochage manuel, sur les feuilles du maïs, des capsules contenant l'auxiliaire. De plus, les capteurs et logiciels embarqués par le drone ou utilisés par le pilote assurent une parfaite traçabilité de l'application. Même si seulement 20 % des capsules tombent dans les feuilles du maïs et 80 % au sol, le mode d'application et la formulation du produit ne réduirait pas l'efficacité du traitement. En fonction des contraintes réglementaires, des projets d'application par drone d'engrais foliaires ou de produits de protection des cultures pourraient être développés par les opérateurs.

(1) La CEB est une commission de l'Association française de protection des plantes : afpp.net (2) www.supagro.fr/fondation/mas_numerique.html (3) www.itk.fr (4) www.bayer.com (5) www.phyteurop.fr (6) www.anova-plus.com (7) www.ctifl.fr (8) Indice de fréquence de traitement. (9) http://univ-avignon.fr/recherche/sfr-4241-tersys-developpement-des-produits-naturels-qualite-et-environnement-1204.kjsp?RH=1488793283924 (10) www.acta.asso.fr/recherche-developpement/partenariats-nationaux/unites-mixtes-technologiques/detail-umt/fi/detail/capte/print.html (11) www.biolineagrosciences.com (12) www.flyingeye.fr

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RÉSUMÉ

CONTEXTE - La Commission des essais biologiques organise un voyage d'étude annuel. Celui de cette année a plongé dans l'innovation.

CONTENU - Il a porté sur la détection rapide des bioagresseurs, la protection des auxiliaires et des cultures et la stimulation des défenses naturelles des plantes, conditions facilitant la mise en oeuvre de la lutte intégrée. Des capteurs, associés à la modélisation et à des applications informatiques permettent d'envisager la création de ferme numérique ou de révolutionner les méthodes d'expérimentation. Il reste aux drones d'obtenir l'autorisation de voler...

MOTS-CLÉS - CEB (Commission des essais biologiques), innovation, outils numériques, capteurs, biologie moléculaire, OAD (outils d'aide à la décision), modélisation, auxiliaires, drones, protection intégrée, expérimentation.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : jerome.laville@anses.fr

LIENS UTILES : voir notes (1), (2), (3), (4), (5), (6), (7), (9), (10) et (11).

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