La panoplie de produits phyto(1) pour la vigne s'est enrichie en un an. Dix-huit spécialités ont obtenu soit une AMM(2) originale, soit une extension d'usage les introduisant sur le marché vigne. Cela contraste avec l'an passé qui avait vu quatre nouveautés et des séries de retraits du marché(3).
Fongicides : mildiou d'abord
Substance originale : un SDN/SDP bio
Cinq autorisations visent le mildiou (Tableau 1). Une seule intronise une substance active inédite sur vigne : l'extension d'usage de Messager, de Jouffray Drillaud.
La substance est le COS-OGA, pour « chito-oligo-saccharide/oligogalacturonanes ». Ce composé naturel a été présenté dans Phytoma en mars dernier(4). C'est un SDP (stimulateur des défenses des plantes), alias SDN (stimulateur de défenses naturelles). Il est approuvé comme substance à faible risque par l'Union européenne.
Le produit commercial, connu depuis 2015 sur cultures légumières, a été autorisé fin 2016 sur vigne, contre le mildiou et l'oïdium. De par la loi d'avenir de 2014, le principe actif étant « à faible risque(5) » et le produit lui-même étant non classé sur le plan toxicologique, il est applicable sans restriction à proximité des écoles notamment (détails dans l'article p. 12).
De plus, de par la loi Potier de 2017, le produit étant inscrit sur la liste « biocontrôle L. 253-5(6) » et dispensé de tout classement (toxicologique et écotoxicologique), il est applicable en prestation de service sans agrément... Attention, de toute façon, l'applicateur doit avoir son certiphyto !
L'application de ce SDP permet de baisser « l'IFT conventionnel » de l'exploitation (son indice de fréquence de traitement avec des produits phyto conventionnels). Elle figure dans une « action standardisée » donnant droit à des CEPP, certificat d'économie de produits phyto : l'action 7...
Le produit n'apparaît pas dans la liste des produits UAB (utilisables en AB c'est-à-dire agriculture biologique) car sa substance n'est pas inscrite sur la liste européenne des substances utilisables en AB (annexe II du règlement bio européen n° 834/2007). L'Europe aurait donné un avis favorable mais l'actualisation de la liste se fait attendre.
SDN et fongicides associés
Une autre façon de combiner les SDP aux fongicides conventionnels est de les associer dans une même formulation. BASF le propose dans Futura, qui associe le phosphonate de potassium avec le dithianon.
Spyrit WG, de Sapec Agro, est une autre association SDP/fongicide sensu stricto. Le SDP est le fosétyl-Al, phosphonate réputé fongicide vigne durant des années avant que soit découvert son mode d'action SDP. Lui sont associés deux fongicides classiques, le dimétomorphe (alias DMM) et le folpel.
Le cuivre s'associe
On retrouve le fosétyl-Al dans Pangolin DG, d'UPL. Il est associé à un fongicide multisite, le séculaire cuivre. Ces deux incontournables de la protection antimildiou n'étaient pas proposés à la vente dans la même spécialité (ils l'ont été associés au folpel).
Dernier antimildiou de l'année, Valis Plus, de Belchim, associe le cuivre dans deux sels différents, à savoir l'oxychlorure et l'hydroxyde, avec le valifénalate dit aussi valiphénal.
Le black-rot
Enfin, trois antimildiou d'Adama contenant du folpel ont obtenu des extensions d'usage sur black-rot (voir bas du Tableau 1). Ces décisions succèdent à l'extension sur le même usage, l'an dernier, d'un produit de BASF.
Autres fongicides
Protéger les bois en pépinière et en production
Le mildiou n'est pas tout ! Deux autres nouveautés visent à protéger le bois. La plus attendue se nomme Vintec (Tableau 2 page suivante). Proposée par Belchim, elle est à base de la souche SC1 de Trichoderma atroviride présentée dans Phytoma en novembre dernier(7).
Ce micro-organisme est, comme le COS-OGA déjà cité, approuvé par l'Union européenne comme substance à faible risque. Le produit, non classé aux plans toxicologique et écotoxicologique, est reconnu de biocontrôle L. 253-5. Il bénéficie donc des mêmes atouts que Messager. Lui aussi attend sa reconnaissance UAB.
Il est autorisé contre les maladies du bois (MDB) en traitement des plants et boutures en pépinière, et sur ceps après plantation. Ces MDB sont une problématique montante, (voir p. 24 à 28 puis 29 à 32 de ce numéro), 2017 l'a confirmé (voir p. 38 à 42).
L'autre produit de protection de bois ne concerne que la pépinière. À base de sulfate de 8 hydroxyquinoléine, Beltanol-L, de la société Probelte, était connu comme un désinfectant pour serre. Il est désormais autorisé en traitement des plants et boutures contre leurs « maladies de conservation ».
Deux de plus contre l'oïdium
Revenons aux maladies du feuillage avec l'oïdium, visé par Messager déjà cité mais aussi par deux fongicides classiques.
Yaris, de BASF, introduit une substance active inédite sur vigne : le fluxapyroxad déjà connu auparavant en grandes cultures. Il est autorisé seulement sur oïdium.
Tokra WG, de Sapec Agro, associe deux substances connues sur vigne : le krésoxim-méthyl et le penconazole. Il est autorisé à la fois contre l'oïdium et le black-rot.
Botrytis : l'atout biocontrôle
Enfin, trois nouveaux produits visent le botrytis. Deux d'entre eux, reconnus de biocontrôle L. 253-5, ont des principes actifs inédits en phytopharmacie.
Amylo X WG, de Certis Europe, est à base d'un micro-organisme, la souche D747 de sous-espèce plantarum de la bactérie Bacillus amyloliquefaciens. Également UAB et non classé, il a droit aux avantages réglementaires déjà cités.
Mevalone, de SumiAgro, associe trois substances naturelles, l'eugénol, le géraniol et le thymol. L'une d'elles étant une copie car trop chère à extraire de végétaux, le produit ne sera pas UAB. Il est reconnu biocontrôle L.253-5 car la substance est la copie conforme de son modèle naturel.
Enfin, Javise Max, de Sapec Agro, est un antibotrytis à base de cyprodinil, substance déjà connue sur vigne mais pas seule.
Insecticides
Large spectre
Place aux insecticides avec quatre nouveautés. Une d'elle est à base de spinetoram, une substance active inédite en phytopharmacie (ou quasi inédite car elle avait obtenu des dérogations contre Drosophila suzukii). Cette substance d'origine biologique (un micro-organisme) a été modifiée lors de sa fabrication, donc n'est pas identique à la substance naturelle originale. Les produits la contenant ne seront ni UAB ni biocontrôle.
Le spinetoram est autorisé sur vigne dans Radiant, de Dow AgroSciences (Tableau 3) et en vergers dans Délégate.
Sur vigne, l'insecticide est autorisé contre les tordeuses eudémis et cochylis et les chenilles en général dont la pyrale de la vigne, ainsi que les thrips et enfin les mouches, dont la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster et le nouveau fléau Drosophila suzukii.
Confusion antitordeuses
Les tordeuses de la vigne sont visées par une autre spécialité, mais, celle-là, spécifique des chenilles : Isonet LA Plus, de CBC Biogard. Ce produit de confusion sexuelle (donc applicable sans certiphyto), reconnu UAB et de biocontrôle, associe quatre substances phéromonales. Il est autorisé contre trois tordeuses : eudémis, cochylis et eulia.
Contre des ravageurs secondaires
Suivent deux extensions d'usage. Met52 OD de Novozymes, produit connu sous serre, introduit sur vigne la souche F52 de la variété anisopliae de Metarhizium anisopliae. Il est autorisé contre les thrips.
Sokalciarbo WP, produit de biocontrôle L. 253-5, UAB et non classé à base de kaolin, proposé par Agrisynergie et déjà connu en verger, arrive sur vigne pour lutter contre la cicadelle verte. Attention, pas contre celle de la flavescence dorée !
Herbicides
Deux nouvelles associations
Les deux dernières nouveautés sont des herbicides (Tableau 3). Contenant des substances connues en phytopharmacie, ils sont autorisés sur vigne en même temps que d'autres cultures dont des vergers.
Surflan Flo, de Dow AgroSciences, lancé sous son second nom de Selectrum, associe l'isoxabène et l'oryzalin, substances déjà connues sur vigne séparément. Le produit est autorisé sur vigne installée et en pépinière mais uniquement sous le rang.
Pour sa part, Tavas, d'Adama France, vendu sous son second nom d'Elysium, est à base de métribuzine et de diflufénicanil (DFF), substances inédites sur vigne.
Le produit est autorisé seulement sur vigne installée, soit à dose pleine sur le rang (la zone traitée ne devant pas dépasser la moitié de la surface de la parcelle), soit à demi-dose en plein.
Un marché qui évolue
Pourquoi ces lancements alors que les surfaces de vigne desherbées chimiquement diminuent ? Une réponse possible est que l'aminotriazole (alias amitrole) a été interdit et que le glyphosate est menacé de l'être. Cela ouvre un marché.
De plus, l'amitrole et le glyphosate, substances dont les brevets avaient expiré, étaient à la base de produits génériques bon marché. Cela freinait le lancement de spécialités plus onéreuses. La disparition de ces deux substances ne fait pas qu'ouvrir un marché, elle le revalorise. C'est un phénomène comparable à celui du désherbage du maïs après le retrait de l'atrazine...
Le 12 octobre dernier, Philippe Pinta, président de l'AGPB (Association générale des producteurs de blé), déclarait à l'AFP : « Le grand gagnant d'une suppression du glyphosate, ce sera les boîtes phyto [...] Le glyphosate [...] est tombé dans le domaine public. Un litre de glyphosate de base, ça vaut 3 euros, 1,50 euro. Demain, si c'est un produit nouveau, avec le brevet, on s'en prend plein la figure sur le prix. » Il parlait des grandes cultures, mais ce propos vaut aussi pour la vigne !
Épamprage : la fin du glufosinate
Par ailleurs, Basta F1, de Bayer, vient de se voir retirer son AMM le 24 octobre 2017, en même temps que neuf produits d'importation similaires autorisés par permis de commerce parallèle. Tous étaient à base de glufosinate-ammonium. La vigne est concernée, non pas pour le désherbage proprement dit, mais pour l'épamprage. En pratique :
- les distributeurs peuvent écouler ces produits jusqu'au 24 janvier 2018 ;
- les utilisateurs peuvent les appliquer jusqu'au 24 octobre 2018.
(1) Dans tout cet article, phyto = phytopharmaceutique. (2) Autorisation de mise sur le marché.(3) Nouveautés citées au bas des tableaux p. 17 et 18. Retraits des produits à base d'amitrole réalisés fin 2015. Retrait des produits à base de glyphosate avec des tallowamines décidés et réalisés en 2016. Voir « La réglementation en pleine effervescence », Phytoma n° 698, novembre 2016, p. 16 à 19. (4) Lascaux E. & Buonatesta R., 2017, « Qu'est-ce que le COS-OGA (...) », Phytoma n° 702, mars 2017, p. 60 à 62. (5) et (6) Explication p. 12 à 15 de ce numéro !(7) D'Enjoy G. & Boulon J.-P., 2016, « Qu'est ce que la souche SC1 de T. atroviride ? », Phytoma n° 698, novembre 2016, p. 45 à 47.