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DOSSIER - Vigne

Bilan 2017 : le climat plus redoutable que les bioagresseurs

LÉA MARTINAT, consultante spécialisée en Viticulture - Agrosolutions. - Phytoma - n°708 - novembre 2017 - page 38

Les pires ennemis de la vigne n'ont pas été les bioagresseurs classiques (mildiou, oïdium, tordeuses...) mais les agressions abiotiques : gel printanier, grêle d'été, sécheresse. Avec une expression et une expansion des maladies de dépérissement.
 1. Dans le Cognac, redémarrage difficile trois semaines et demie après le gel du 27 avril. La végétation était en avance, elle repart en retard... Et de façon hétérogène à l'intérieur de la parcelle.  Photo : P. Maran, Océalia - A. Moreau, Qualisol.

1. Dans le Cognac, redémarrage difficile trois semaines et demie après le gel du 27 avril. La végétation était en avance, elle repart en retard... Et de façon hétérogène à l'intérieur de la parcelle. Photo : P. Maran, Océalia - A. Moreau, Qualisol.

2. Dégâts de grêle en AOC Fronton, précisément à Labastide-Saint-Pierre (Tarn-et-Garonne). Photo : P. Maran, Océalia - A. Moreau, Qualisol.

2. Dégâts de grêle en AOC Fronton, précisément à Labastide-Saint-Pierre (Tarn-et-Garonne). Photo : P. Maran, Océalia - A. Moreau, Qualisol.

3. Mildiou sur grappe (ugni blanc) dans un témoin non traité. Photo : P. Maran - Océalia. Y. Flagel - Bourgogne Viti Service

3. Mildiou sur grappe (ugni blanc) dans un témoin non traité. Photo : P. Maran - Océalia. Y. Flagel - Bourgogne Viti Service

4. Pyrale du buis venant se réfugier dans les vignes de Saône-et-Loire après avoir ravagé la totalité des buis.  Photo : P. Maran - Océalia. Y. Flagel - Bourgogne Viti Service

4. Pyrale du buis venant se réfugier dans les vignes de Saône-et-Loire après avoir ravagé la totalité des buis. Photo : P. Maran - Océalia. Y. Flagel - Bourgogne Viti Service

5. Cochenilles farineuses sur chardonnay, à Mudaison, dans l'Hérault.  Photo : P. Maran - Océalia. Y. Flagel - Bourgogne Viti Service

5. Cochenilles farineuses sur chardonnay, à Mudaison, dans l'Hérault. Photo : P. Maran - Océalia. Y. Flagel - Bourgogne Viti Service

Une enquête qualitative auprès des trente-deux coopératives d'approvisionnement viticoles du réseau d'InVivo, nommé le « Pool vigne », a dressé le bilan de la campagne viticole 2017. Les référents techniques de ces structures ont répondu fin août-début septembre (70 % de participation). Certains départements et appellations ne seront pas représentés dans ce bilan de campagne.

Côté pluviométrie

Un hiver sec dans tout l'Hexagone

Les incidents climatiques auront marqué la production viticole de 2017. L'hiver a connu un déficit hydrique très important. La pluviométrie a été très déficitaire, sauf en Corse et du Roussillon aux Cévennes.

Le déficit a souvent dépassé 50 %, du Grand-Est jusque dans le Rhône-Alpes et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. En moyenne, dans le pays, le déficit pluviométrique a frôlé les 40 %, proche de celui de l'hiver 1975-1976. Cet hiver 2016-2017 est ainsi parmi les cinq les plus secs depuis 1959.

Un printemps plus contrasté

Le mois d'avril a été remarquablement sec sur l'ensemble du pays mais, grâce aux précipitations des mois de mars et mai, l'ensemble est proche de la normale sur la moitié sud du pays (hormis en Corse) et supérieur à 20 % de la Bretagne au nord des Pays de la Loire, ainsi que des Hauts-de-France au Grand-Est. Le nombre de jours de pluie a été cinq à dix jours en dessous de la normale.

En moyenne, sur le territoire, le déficit pluviométrique est proche de 15 % au printemps (source : Météo France).

S'ajoutent à cela des déficits pluviométriques combinés à des températures élevées : accentuation de l'assèchement des sols superficiels (Grand-Est, Sud...). Ce dernier phénomène a touché fortement les rendements en jus des baies dans le Sud-Est et le Languedoc-Roussillon. Ces derniers territoires n'ont toujours pas reçu de précipitations, les référents techniques s'inquiètent pour le débourrement 2018.

Gelées de printemps

Aucun vignoble n'a été épargné

Du 19 au 30 avril, le vignoble français a subi d'importantes gelées. La Figure 1 présente, à gauche, le pourcentage d'hectares touchés par les gelées et, à droite, le pourcentage de pertes de récolte estimées par les référents techniques (enquête durant les deux premières semaines de septembre).

Cet épisode a rappelé l'année 1991 : aucun vignoble n'a été épargné. Les stades phénologiques étaient déjà bien avancés (entre dix et quinze jours d'avance mi-avril) grâce aux températures records du mois de mars (le plus chaud depuis 1900). En présence d'air continental très sec, les nuits sont alors devenues très froides, avec des « gelées noires » généralisées. Le gel a donc été très sévère sur les stades avancés.

L'Hérault et l'Aude, habituellement non concernés par ce phénomène, ont connu des dommages. La Bourgogne (hormis Chablis, Maligny et Lignorelles, frappés de 15 à 90 %) et le Beaujolais ont subi des impacts plus localisés et ont été relativement peu touchés, comparé à 2016. Le vignoble jurassien, quant à lui, a subi de forts dégâts.

Entre 70 et 100 % des hectares ont été touchés avec des pertes de récolte allant de 50 à 90 %. Toutes les communes du Jura ont été touchées, à l'exception de quatre : l'Étoile, Arlay, La Villette et Saint-Cyr. Dans le Val de Loire, Cheverny (Loir-et-Cher), Châteaumeillant (Cher) et l'Orléanais (Loiret) ont connu des dommages, de 90 à 100 % du vignoble, de même pour Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier).

L'appellation Cahors a aussi été très touchée à 80 % de son vignoble avec des pertes de récolte avoisinant 80 %.

Une reprise retardée

Par la suite, le redémarrage de la végétation a été très difficile dans ces parcelles gelées. La photo 1, prise trois semaines et demie après le gel du 27 avril dans le Cognac, témoigne du retard de végétation. Ce phénomène climatique a provoqué des disparités de stades phénologiques au sein des parcelles.

Malgré cela, nous verrons par la suite que les conditions climatiques ont été plutôt clémentes, empêchant la prolifération des maladies.

Le mois de mai (du 25 au 31) a connu un épisode de fortes chaleurs, les stades phénologiques se sont alors enchaînés. Globalement, comme pour le millésime 2015, la vigne a eu en moyenne sur la France de dix à quinze jours d'avance.

Autres accidents non parasitaires

En juillet, la grêle n'épargne pas la vigne

La grêle a également touché les vignobles en juillet. Les principaux dégâts sont notés en Beaujolais, Bourgogne et à Cognac. Le couloir de grêle s'est étendu sur l'aire d'appellation de certains crus (morgon, régnié, chiroubles, fleurie) sur les mêmes sites que l'année dernière. Pour le cognac, 300 à 400 hectares auraient été frappés, double peine pour les vignerons déjà touchés par le gel.

Le vignoble alsacien, l'AOC fronton (photo 2), le sud de la Drôme et de l'Ardèche ont connu le même sort. Globalement, les pertes de récoltes sont difficiles à estimer.

Coulure et millerandage

Autres incidents physiologiques ayant touché la récolte 2017 : la coulure, chute des fleurs non ou mal fécondés, a été globalement généralisée (départements : Ardèche, Bouches-du-Rhône, Drôme, Gard, Var, Vaucluse) mais aussi sur sauvignon (départements : Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret, Sarthe). La perte de récolte due à cet incident s'annonçait également très conséquente sur ces départements.

Le millerandage, développement de baies apyrènes, a aussi provoqué des dégâts dans certains cépages cette année, dont le merlot (départements : Ardèche, Bouches-du-Rhône, Drôme, Gard, Vaucluse), le gamay (départements : Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret, Sarthe, Allier) et le chardonnay (départements : Allier, Aude, Côte-d'Or).

Bioagresseurs

Mildiou actif en fin de campagne

Les conditions climatiques extrêmes de cette année ont permis une pression plutôt faible des maladies fongiques et des ravageurs.

Au regard de l'année dernière, la pression mildiou a été relativement faible tout au long de la campagne (Figure 2).

Les oospores ont été matures en moyenne dès les deux premières semaines d'avril. Les premiers traitements ont eu lieu début mai. Les contaminations ont été très tardives et les plus importantes ont eu lieu de mi-juin à mi-juillet. La moyenne est de six traitements réalisés sur le vignoble français.

Cette année, la vigilance était requise en fin de campagne. Des symptômes sont apparus en fin de saison (début septembre), sur la partie haute du feuillage, voire sur grappe (photo 3) dans certains vignobles. Ces attaques finales sont un risque de problème de mise en réserve pour la campagne future. Le contrôle de la maladie, lui, a été satisfaisant.

Oïdium et black-rot peu présents

L'oïdium a été quant à lui pratiquement absent dans la moitié nord du vignoble. Les secteurs à forts historiques ont connu cette année des températures excessivement élevées et un ensoleillement important qui ont stoppé l'oïdium (Figure 3).

Le contrôle de la maladie a été jugé satisfaisant, voire excellent cette année. Les applications ont démarré tôt en saison au stade 5-6 feuilles (hormis pour les secteurs à drapeaux 2-3 feuilles) afin de gérer ce bioagresseur de façon préventive et éviter des pics d'expression de symptômes impliquant des traitements curatifs.

Le black-rot, plutôt discret cette année, s'est présenté en début de campagne dans les parcelles à historique dans le Sud (Sud Ardèche, Hérault, Gard, Gers, Tarn-et-Garonne et le Tarn), et en Savoie. En Val de Loire, le Guignardia bidwellii a été quasiment absent.

Botrytis fort essentiellement dans deux secteurs

Malgré des récoltes précoces, le botrytis n'a pas épargné le Sud-Ouest et la Champagne. Dans ces secteurs, il a frappé fort peu avant les vendanges. L'expression des pourritures était très hétérogène, par foyer. Des phénomènes de pourriture acide ont aussi été relevés, le tri des vendanges devait être irréprochable.

Maladies du bois : des symptômes très expressifs

Quant à l'esca et aux Botryosphaeriaceae, l'expression des symptômes, principalement apoplectique, a été très forte cette année (Figure 4).

Cela peut être en partie expliqué par des conditions climatiques très extrêmes. Les viticulteurs se retrouvent toujours dans une impasse technique vis-à-vis de ce complexe de champignons. La filière attend avec impatience de nouvelles techniques de management de ces maladies.

Du côté des insectes

Pyrale du buis : la vigne refuge

Une petite nouveauté est arrivée concernant les ravageurs. En effet, les attaques de la pyrale du buis, Cydalima perspectalis, ont été dévastatrices sur l'ensemble du territoire. D'importants vols de pyrale ont eu lieu dans les vignes, notamment en Saône-et-Loire (photo 4).

La vigne semblant servir de refuge pour ce lépidoptère, aucun dégât n'est constaté.

Vers de grappes

Les attaques de vers de grappe sont restées globalement calmes avec de fortes variabilités entre les générations.

Sur eudémis, la génération 1 a été très importante, avec dans certains secteurs plus de 300 glomérules pour 100 inflorescences. Elle a eu lieu généralement de début avril à début mai. La génération suivante a été plus faible avec des avortements de pontes observés et expliqués par les fortes températures. La génération 3 a été plutôt faible mais avec des dégâts conséquents.

Sur cochylis, la génération 1 a aussi été marquée par un nombre important de glomérules. Ensuite, les vols ont été hétérogènes pour la génération 2, notés conséquents dans le vignoble alsacien. Des difficultés ont été rencontrées dans certains secteurs pour effectuer le suivi de ces lépidoptères, essentiellement dues à des échecs de capsules contenues dans les pièges.

Eulia, petite tordeuse de la grappe, continue d'être observée sans dégât particulier dans le Sud-Est. Plus récemment et très localement, elle est identifiée en Champagne mais aussi en Alsace, sans doute pour ce dernier de par sa proximité avec la Suisse où elle sévit depuis longtemps. La campagne 2018 sera marquée par la création de réseaux d'observations spécifique à Argyrotaenia ljungiana.

Quant à Cryptoblabes, présente dans le Sud-Est de façon très localisée, peu de dégâts sont pour le moment observés. Les vignes sont principalement protégées par les traitements en G3 sur eudemis.

Cicadelles : la flavescence inquiète

La quasi-absence des cicadelles des grillures dans les secteurs à historique est principalement due aux températures élevées de fin de saison.

La flavescence dorée inquiète et n'en finit plus de s'étendre. Des extensions de foyer sont signalées, notamment dans le sud de l'Ardèche, le nord et le sud du Gard et le centre des Bouches-du-Rhône. Les parcelles sont en cours d'analyse.

Concernant les autres ravageurs secondaires, les acariens d'été et de printemps, les cicadelles pruineuses, les cochenilles et les araignées reviennent sur le devant de la scène.

Les cochenilles farineuses ont frappé fortement cette année le sud de la France (photo 5). Les dégâts peuvent aller jusqu'à la perte de récolte pour les cas les plus extrêmes. C'est l'espèce Pseudococcus ficus avec ses nombreuses générations estivales successives qui pose les plus gros problèmes.

Les adventices évoluent

Pression moyenne mais certaines espèces en augmentation

La pression adventice a été relativement moyenne et le désherbage bien géré dans l'ensemble. Les sécheresses ont induit dans certains secteurs de faibles levées.

Par contre, compte tenu de la réglementation retirant des matières actives et limitant l'utilisation des herbicides, la pression de certaines adventices ne cesse d'augmenter. Les conditions climatiques des hivers sont de plus en plus douces et ne permettent pas de limiter la flore adventive.

Inversion de flore : agir tôt en saison

Avec l'arrêt de l'aminotriazole (31 décembre 2015), des inversions de flore apparaissent. Les géraniums, ray-grass, érigérons, séneçons, vulpie et autres sont en extension et difficiles à maîtriser avec les molécules actuellement disponibles.

Il est de plus en plus important d'envisager des traitements plus précoces courant de l'automne ou début d'hiver sur des stades juvéniles avec des herbicides de post-émergence, uniquement dans les parcelles en échecs de protection. Ce type de stratégie très encadrée permettrait de limiter une fréquence de traitement plus importante au printemps.

Conclusion

Globalement, l'année 2017 a été marquée par des incidents climatiques extrêmes. Les bioagresseurs se sont montrés discrets mais les maladies du bois et la flavescence dorée continuent de s'exprimer et de s'étendre fortement.

Selon les estimations par Agreste au 1er octobre 2017, la production est annoncée à la baisse, avec un niveau inférieur de 18 % à la moyenne des cinq dernières années. Les vignobles jurassiens (-52 %), bordelais (-33 %) et alsaciens (-31 %) sont les plus touchés. La Champagne, l'Alsace, le Languedoc-Roussillon et la Corse suivent, avec en moyenne -20 % de pertes. Nous attendons les résultats sur la qualité de la récolte 2017.

Fig. 1 : Dégâts dus aux gels de printemps

 Photo : P. Audrain - Terres du Sud

Photo : P. Audrain - Terres du Sud

Carte A : proportion de surfaces certainement touchées. Carte B : dégâts estimés.

Fig. 2 : Fréquence et intensité du mildiou en 2017

Il est visible que cette campagne n'est pas une « année à mildiou » ! Le gel et la grêle ont fait bien pire.

Fig. 3 : Fréquence et intensité de l'oïdium

Encore une maladie discrète pour cette campagne.

Fig. 4 : Pression esca/botryospaeria

Forte expression de ces maladies, probablement favorisées par les conditions météorologiques.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le bilan phytosanitaire d'une campagne viticole permet de mieux préparer la suivante.

CONSTAT - En 2017, les agressions abiotiques ont plus pesé sur la vigne que les bioagresseurs.

La sécheresse hivernale et estivale, les gels de printemps et les orages de grêle d'été ont touché le rendement en 2017 (moins 18 %).

Les maladies dites du feuillage et des grappes (mildiou, oïdium, black-rot) ont été discrètes.

Il en est de même des ravageurs, à l'exception des cochenilles farineuses dans le sud du pays et de la présence spectaculaire (sans dégât sur vigne) de la pyrale du buis.

Les adventices ont été maîtrisées. En revanche :

- les maladies du bois (MDB) se sont très fortement exprimées ;

- la flavescence dorée et son vecteur ne cessent de s'étendre ;

- les adventices difficiles continuent de s'étendre ;

- le botrytis a sévi sur certains vignobles, impliquant des vendanges encore plus précoces.

MOTS-CLÉS - Vigne, bilan, accidents climatiques, gel, grêle, sécheresse, maladies, MDB (maladies du bois), ravageurs, flavescence dorée, cochenilles, adventices.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : lmartinat@agrosolutions.com

LIENS UTILES : www.invivo-group.com/

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