Pièges installés sur le dispositif 2017 en forêt domaniale du mont Ventoux : 1. Piège Procerex rempli avec de la terre de diatomée Rampa'Clac (Protecta). 2. Buxatrap. 3. Mastrap L. 4. Procerex. Photos : 1. E. Pal, Inra 2 à 4 et vignette haut de page J.-C. Martin - Inra
Fig. 1 : Pièges testés sur le dispositif 2017 Quatre pièges, cinq modalités : Procerex avec eau + huile, Procerex avec terre de diatomée (entretien plus facile), Cameratrap avec eau + mouillant, Buxatrap sans ajout, Mastrap L sans ajout. Dessin : Anne-Sophie Brinquin - Inra.
Fig. 2 : Captures des papillons mâles durant l'été 2017 en forêt domaniale du mont Ventoux selon le type de piège Les différences statistiques sont symbolisées par les différentes lettres. T = témoin. P1 = Procerex avec ajout d'eau/huile. P2 = Procerex avec ajout de terre de diatomée.
Fig. 3 : Captures selon le diffuseur de phéromones Test réalisé en 2017 en forêt domaniale du mont Ventoux. Les différences sont non significatives (NS) vu la dispersion des résultats (n = 20). P : Phérodis (10 mg de phéromones/diffuseur). F1 et F2 : diffuseurs expérimentaux. F1 : 100 mg/diffuseur. F2 : 50 mg/diffuseur.
Fig. 4 : Comparaison des pièges et modalités d'utilisation Il s'agit d'une visualisation, et non d'une mesure scientifique de résultats chiffrés.
Fig. 5 : Impact de la hauteur sur le piégeage des papillons de T. pityocampa Deux campagnes de mesures effectuées en 2016 (A) et en 2017 (B) dans la Drôme. Les différences statistiques sont symbolisées par les astérisques. Il est visible que plus les pièges sont proches du houppier, plus le piégeage est efficace.
Contre la processionnaire du pin Thaumetopoea pityocampa aux si nuisibles chenilles, le piégeage des adultes peut avoir deux usages : surveiller les populations afin de mieux cibler les traitements ou piéger en masse pour espérer réguler ces populations.
La processionnaire du pin
Modèle d'étude de l'impact sur le changement climatique
Depuis de nombreuses années, la processionnaire du pin constitue un véritable enjeu sanitaire et sociétal. Les soies de sa forme larvaire contiennent une toxine, la thaumatopoéine, pouvant provoquer de fortes urtications sur les animaux et les hommes (Ducombs et al., 1981). Elle est également classée parmi les principaux ravageurs des forêts, les fortes défoliations qu'elle occasionne pouvant fragiliser les milieux forestiers (Hodar et al., 2003).
D'autre part, ce ravageur est considéré aujourd'hui comme modèle biologique d'étude de l'impact du changement climatique (Netherer et al., 2010), et a été désigné comme bio-indicateur par l'Onerc(1).
En effet, originaire du Bassin méditerranéen, l'espèce a conquis la quasi-totalité du territoire français, en lien notamment avec le changement climatique. Face à cette expansion, l'Unité expérimentale entomologie et forêt méditerranéenne (UEFM) de l'Inra PACA développe depuis une dizaine d'années des méthodes d'optimisation des pièges pour le suivi du ravageur et des outils de gestion alternative aux insecticides.
Comparaison des nouveaux produits disponibles
Types de pièges comparés
Bien que le piégeage phéromonal soit utilisé depuis plusieurs années pour le suivi des populations de cet insecte (Jactel et al., 2006) ou dans la lutte (Martin et al., 2015), l'UEFM continue d'innover dans la conception de pièges.
Ainsi le piège Buxatrap (photo 2), mis au point récemment par l'unité pour la pyrale du buis, a été testé en été 2017 pour la processionnaire du pin. Ce piège fonctionne avec deux diffuseurs de phéromone sexuelle sans aucun autre ajout.
Par ailleurs, le piège Procerex nécessitant un ajout d'eau et d'huile (d'où des manipulations périodiques)a été expérimenté en comparaison avec le même piège sans ajout liquide mais avec 1,5 litre de terre de diatomée dans la cuve (photos 1 et 4). Cette dernière, commercialisée comme asséchant de litière, est issue de carrière de fossiles d'algues marines microscopiques.
Les pièges Mastrap L sans ajout (photo 3) et Cameratrap avec eau plus mouillant ont aussi été intégrés à ce dispositif. Tous ces pièges (Figure 1) ont été équipés du nouveau diffuseur Phérodis(2) (Koppert) dosé à 10 mg, sauf le piège témoin (sans diffuseur). Le dispositif a été installé en forêt domaniale du mont Ventoux, dans le Vaucluse, à raison de vingt répétitions par modalité.
Deux nouveaux diffuseurs de phéromones
Deux nouvelles formulations (codées F1 et F2) de phéromones sous forme de gel micro-encapsulé (fournisseur M2i Life-sciences) ont été testées dans un seul modèle de piège (Cameratrap avec eau et mouillant) en comparaison avec le diffuseur Phérodis. Les formulations F1 et F2 sont dosées respectivement à 100 et 50 mg par diffuseur. Le dispositif de vingt répétitions par modalité a été installé sur le même site.
Résultats
Concernant les pièges
Les résultats (tableau et Figure 2, analyse par test de Kruskal-Wallis) confirment que le Procerex muni d'eau et d'huile végétale couplé avec le diffuseur Phérodis à 10 mg reste le dispositif le plus performant pour capturer la processionnaire du pin, avec 2 067 papillons capturés au total pour l'été 2017. Toutefois, les pièges Buxatrap (sans ajout) et Procerex muni de terre de diatomée Rampa'Clac (Protecta), encore jamais testés jusqu'à présent sur ce lépidoptère, montrent d'importants taux de capture : ils se situent entre le Procerex muni d'eau et d'huile végétale et le Mastrap L sans ajout.
Pour les diffuseurs
Le test de comparaison de diffuseurs (tableau et Figure 3) montre que les deux formulations de la société M2i capturent un nombre total de papillons plus important que la phéromone Phérodis, utilisée ici comme référence. Toutefois, les analyses statistiques n'émettent aucune différence significative sur le taux de capture moyen vis-à-vis du diffuseur de référence alors que les dosages sont cinq à dix fois supérieurs aux diffuseurs Phérodis.
Les deux formulations codées F1 et F2 sont en effet surdosées, puisqu'elles correspondent pour la première au dosage des billes Phéro Ball utilisées en confusion sexuelle (étude en cours) et pour la seconde à la demi-dose de ces mêmes billes.
Aide à la décision
Classement selon quatre critères
Une analyse, destinée à aider le gestionnaire sur la pertinence du choix de piège, est présentée selon quatre critères (Figure 4 page suivante) :
- la performance de capture, notée en fonction des résultats obtenus au test de Kruskal-Wallis (c = 3, bc = 2, b = 1) ;
- la facilité d'usage évaluée en fonction du mode de montage du piège, de l'ajout hebdomadaire d'eau, d'huile ou mouillant, poids du piège, nettoyage du piège et volume de stockage...
- l'intégration dans le paysage, fonction de l'esthétique et de la taille du piège ;
- le facteur « économique » calculé par rapport à l'achat du piège et à la manutention nécessaire dans la durée.
Ainsi le gestionnaire pourra choisir le modèle de piège en fonction de son efficacité mais aussi de la faisabilité d'installation ou de suivi (fréquence des passages requis) sur la période de vol des papillons.
Les pièges sollicitant un ajout d'eau ou eau/huile végétale (Cameratrap et Procerex) nécessitent respectivement un entretien hebdomadaire ou mensuel pour éliminer les papillons morts et remettre à niveau l'eau et le mouillant contenus dans le réservoir collecteur. Malgré leur forte efficacité sur le lépidoptère ravageur, l'utilisation de ces pièges peut être contraignante pour l'utilisateur. À l'inverse, les pièges sans ajout comme le Mastrap L ou le Buxatrap sont faciles à utiliser. Le Buxatrap offre un bon compromis entre efficacité, esthétique (couleur verte et surtout petite taille), coût et entretien. Sans ajout, il est généralement vidé de son contenu par l'action des prédateurs naturels (guêpes, éphippigères [photo 5], fourmis...). Il ne nécessite donc pas d'entretien régulier.
À l'inverse, le Mastrap L, aussi facile d'utilisation, est peu esthétique. De plus, c'est le moins performant en termes de capture.
Le remplacement de l'eau additionnée d'huile végétale dans le piège Procerex par de la terre de diatomée rend le piège plus facile d'utilisation tout en restant dans une bonne performance. Il exige néanmoins le changement de la terre de diatomée après chaque épisode pluvieux. En effet, la poudre mouillée se colmate et perd ses capacités asséchantes, indispensables pour capturer puis contenir les papillons dans le piège.
Optimisation du piégeage
La hauteur de pose
Au cours des étés 2016 et 2017, l'ONG Objectif Science International (OSI), partenaire de l'UEFM, a expérimenté l'impact de la hauteur de pose des pièges à phéromones sur le taux de captures. L'étude a été conduite par des jeunes participants au séjour scientifique « Au fil de l'arbre » sur deux sites de la Drôme (Dieulefit et Musiflore).
Les pièges Cameratrap avec ajout d'eau et de mouillant équipés de la phéromone Phérodis (10 mg) ont été positionnés à 5 mètres de hauteur, en comparaison avec ceux installés à 1,5 mètre. Les dispositifs des deux années étaient composés de huit répétitions pour chaque modalité.
Les résultats analysés par un test de Wilcoxon montrent que les pièges installés à 5 m de hauteur capturent sur toute la saison deux à trois fois plus de papillons au total que les pièges situés à 1,5 m (Figure 5). Ainsi, le positionnement des pièges près des houppiers améliore la performance du piégeage de masse. Cela est à prendre en considération dans le cadre de la mise en place d'une stratégie de lutte contre ce ravageur.
Vers de nouvelles méthodes de lutte
Confusion sexuelle et biocontrôle
Le piégeage de masse, déjà largement utilisé par les gestionnaires afin de réguler la processionnaire du pin, sera plus performant en utilisant les meilleures combinaisons de pièges et de diffuseurs de phéromones. L'utilisateur a ainsi une comparaison multicritère de choix de piège afin de l'aider dans sa décision.
La lutte contre la processionnaire du pin doit aussi intégrer le facteur « risque santé publique ». Lorsque ce dernier est important (forte fréquentation), la combinaison de plusieurs stratégies doit être privilégiée : piégeage de masse, pose de nichoirs à mésanges afin de favoriser la prédation, piégeage des chenilles...
Elle sera la meilleure approche pour répondre aux enjeux sociétaux, environnementaux et économiques occasionnés par cet insecte. D'autres techniques de régulation sont en cours d'étude à l'Inra, notamment la confusion sexuelle avec des procédés innovants de dépôt de la phéromone sexuelle ou le biocontrôle par des lâchers de parasitoïdes.
Méthode de pose du piège en hauteur
Deux techniques permettent de suspendre les pièges, quelle que soit la taille de l'arbre.
Le lancer du petit sac consiste à projeter, depuis le sol, en hauteur autour d'une branche, un petit sac relié à une cordelette.
Ensuite, le sac lesté de billes de plombs peut être récupéré et remplacé par un piège à phéromones. Ce dernier sera alors hissé, puis accroché au plus près du houppier de l'arbre.
À la place du lancer manuel, il est également possible d'utiliser une catapulte de lancer, type Big Shot Buckingham (Hévéa Élagage).
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : jean-claude.martin@inra.fr
- Hodar J. A., Castro. J, Zamora R., 2003, Pine processionary caterpillar Thaumetopoea pityocampa as a new threat for relict Mediterranean Scots pine forests under climatic warming, Biological Conservation 110, 123-129.
- Jactel H., Menassieu P., Vétillard F., Barthélémy B., Piou D., Frérot B., Rousselet J., Goussard F., Branco M., Battisti A., 2006, Population monitoring of the pine processionary moth (Lepidoptera : Thaumetopoea) with pheromone-baited traps, Forest Ecology and Management 235, 96-106.
- Martin J. -C., Damoiseau L., Tabone É., Frerot B., Guérin M. (2015), Gestion de la processionnaire du pin : les pratiques ont évolué, 2012, Phytoma n° 682, 42-47.
- Netherer S., Schopf A., 2010, Potential effects of climate change on insect herbivores in European Forests - General aspects and the pine processionary moth as specific example, Forest Ecology and Management 259, 831-838.