Différents aspects de Penthalodes ovalis. Ces individus ont été récoltés en Loire-Atlantique début 2017. Photos : CDDM
Différents aspects de Penthalodes ovalis. Ces individus ont été récoltés en Loire-Atlantique début 2017. Photos : CDDM
Différents aspects de Penthalodes ovalis. Ces individus ont été récoltés en Loire-Atlantique début 2017. Photos : CDDM
Différents aspects de Penthalodes ovalis. Ces individus ont été récoltés en Loire-Atlantique début 2017. Photos : CDDM
Différents aspects de Penthalodes ovalis. Ces individus ont été récoltés en Loire-Atlantique début 2017. Photos : CDDM
Différents aspects de Penthalodes ovalis. Ces individus ont été récoltés en Loire-Atlantique début 2017. Photos : CDDM
Différents aspects de Penthalodes ovalis. Ces individus ont été récoltés en Loire-Atlantique début 2017. Photos : CDDM
Symptômes sur radis (déformations : extrémités pointues) suspectés d'être induits par P. ovalis. Mais cela reste à prouver. Photos : CDDM
Des pullulations d'un acarien inhabituel ont été signalées en 2016 et au début de l'année 2017 sur une commune de Loire-Atlantique, dans des cultures de radis, laitues et mâches sous des abris plastiques.
Un ravageur à identifier
Dégâts et présence constatés
Une présence de grandes densités d'acariens accompagnée de dégâts importants sur radis a été constatée à La Chevrolière, en Loire-Atlantique. Ces acariens sont suspectés de rendre l'extrémité des radis pointue plutôt que ronde, ce qui nuit à leur commercialisation. Cependant, à ce jour il n'a pas été possible de prouver le lien de cause à effet entre pullulations d'acariens et dégâts observés.
Les acariens étaient présents sur les radis, et également sur les laitues mais uniquement si des radis étaient présents à proximité.
Le CDDM (Comité départemental de développement maraîcher) de Loire-Atlantique a récolté des spécimens à plusieurs reprises début 2017, notamment à La Chevrolière. Ces spécimens ont été identifiés par le laboratoire d'acarologie de Montpellier SupAgro à l'UMR CBGP ainsi que par un spécialiste hongrois de l'institut de protection des plantes de Budapest comme appartenant tous à l'espèce Penthalodes ovalis.
Historique de l'espèce
De 1834 à 1941 : description sommaire
L'espèce Penthalodes ovalis a été décrite en 1834, il y a près de deux siècles, par le médecin et zoologiste français Antoine Dugès (1797-1838), sous le nom de Megamerus ovalis Dugès, à partir d'individus prélevés dans un lieu incertain d'Europe. Cette description très brève et incomplète, comme souvent à cette époque (Kalúz, 2000), a entraîné des problèmes de taxonomie par la suite.
Plus d'un siècle après cette description initiale, Thor & Willmann (1941) en ont publié une nouvelle, plus détaillée. Mais ils ont surtout réutilisé les informations disponibles dans la littérature et ont apporté peu d'éléments supplémentaires caractérisant l'espèce et permettant une identification fiable.
Depuis 1971, l'Alaska, les régions britanniques, la Slovaquie, la Turquie...
Trente années ont passé avant que Strandtmann (1971) fournisse une description plus détaillée basée sur de nouveaux spécimens collectés en Alaska (États-Unis)... mais en se trompant d'espèce.
En 1990, Baker a discuté la morphologie des acariens de la super-famille Eupodoidea qui inclut la famille des Penthalodidae, donc P. ovalis, en utilisant des spécimens collectés dans les régions britanniques.
Mais la première nouvelle description précise des espèces européennes a été proposée il y a moins de vingt ans par Kalúz (2000). Celui-ci a basé son travail sur des spécimens collectés en Slovaquie et Turquie. Il a mentionné davantage de caractères morphologiques ainsi que leur variabilité par rapport aux caractères morphologiques décrits à partir des premiers spécimens (forme des yeux, forme des dessins polygonaux ornant le tégument de P. ovalis, forme et nombre de certaines soies du corps).
Cette dernière décennie, Jesionowska (2010) a décrit les spécimens de Strandtmann (1971) comme appartenant à une nouvelle espèce, Penthalodes alaskaensis Jesionowska, décrite de pair avec une autre nouvelle espèce, Penthalodes hawaiiensis Jesionowska, nommée précédemment Penthalodes ovalis d'Hawaii par Strandtmann and Goff (1978).
En France, signalée en 2002 dans les Albères
Penthalodes ovalis avait déjà été signalée en France avant 2016-2017. En effet, cette espèce a été récoltée et identifiée pour la première fois en France, par Haupt et Coineau en 2002, à partir d'individus collectés vers la fin du mois de mars sur des mousses poussant sur un talus argileux orienté au nord/nord-ouest, à proximité de Montesquieu-les-Albères, sur la face nord du massif des Albères (altitude 200 m), dans les Pyrénées-Orientales.
Le signalement en Loire-Atlantique, bien plus au nord donc, est le premier en parcelles agricoles et sous abri.
Enseignements de 2017
Comptages et traitements
Des bols enterrés ont permis de récupérer et compter les acariens. Les comptages ont débuté avec l'apparition des déformations sur radis et se sont terminés lorsque l'abri a été planté de laitues.
La Figure 1 présente les comptages d'acariens réalisés au fil des cultures de radis sous un GAP (grand abri plastique).
Des traitements expérimentaux à base d'abamectine ont été réalisés sur des parcelles élémentaires non récoltées afin de déterminer l'impact sur la colonie d'acariens. Ces traitements ont momentanément fait chuter la population de Penthalodes ovalis mais le terrain a été rapidement recolonisé.
Biologie : ce qui est supposé
Proche de Penthaleus major
La biologie de P. ovalis n'est pas connue, mais la famille à laquelle il appartient, celle des Penthalodidae, semble très proche de celle des Penthaleidae, autre famille de la super-famille des Eupodoidea que les Anglo-Saxons appellent « earth mites ». Or, la famille des Penthaleidae contient des espèces phytophages ravageurs, en hiver, des pâturages et d'une large gamme de cultures en Australie du Sud et en Nouvelle-Zélande. Une des espèces, Penthaleus major Dugès, est signalée de France (Hastings, 1994 ; Lacordaire, 2012).
Les adultes de P. major, de couleur bleu foncé-noir et mesurant environ 1 mm de long par 0,7 à 0,8 mm de large (la taille d'une tête d'épingle), possèdent huit pattes rouge-orangé. Une marque rouge caractéristique sur le dos les différencie de Halotydeus destructor (Tucker), autre Penthaleidae ravageur important. Les adultes de Penthalodes ovalis, à peine plus petits, ont également une couleur très foncée et des pattes rouge-orangé (photos p. 42). Les deux espèces sont visibles à l'oeil nu sur les plantes.
Dégâts avérés de P. major
Les individus de P. major occasionnent, sur les plantules et les plantes sous abri, des dégâts qui s'étendent d'année en année. Ils ne se manifestent pas par un jaunissement de la plante (ce qui est le cas de la plupart des acariens ravageurs), mais par un aspect plombé des feuilles et un nanisme des plantes. Les dommages typiques sont des plages argentées ou blanchâtres sur le feuillage. Les acariens utilisent leurs pièces buccales adaptées pour lacérer les tissus foliaires des plantes et aspirer la sève. Cette destruction des cellules et de la cuticule favorise la dessiccation, retarde la photosynthèse et produit une argenture caractéristique mais souvent confondue avec des dégâts de gel.
Les individus de P. major sont nuisibles l'hiver en période humide. En fonction des conditions, ils présentent deux à trois générations par saison, d'une durée de huit à dix semaines chacune.
La première génération émerge à l'automne à partir d'oeufs en diapause estivale, si le sol est suffisamment humide. L'acarien se reproduit par parthénogenèse. Les femelles déposent des oeufs sur les feuilles, tiges et racines des plantes ou sur la surface du sol.
Après l'éclosion, les acariens se nourrissent sur les feuilles tendres et cotylédons près du sol. Les adultes se nourrissent plus haut sur les plantes durant la nuit et, par temps nuageux ou froid, le jour. Dans la partie la plus chaude de la journée, ils tendent à se rassembler à la base des plantes, à l'abri dans les gaines foliaires, sous des débris ou le paillage. Ils cherchent l'humidité et la fraîcheur. Si le temps est chaud et sec, ils s'enfouissent dans le sol jusqu'à 8 à 12 cm de profondeur. Ils ne sont pas affectés par de grandes périodes d'humidité, de précipitations, de courtes périodes de gel ou un sol gelé jusqu'à 5-6 cm de profondeur.
Le pic de la première génération se situe entre décembre et janvier. La deuxième génération d'individus actifs arrive entre mars et avril. Les populations diminuent dès que les températures deviennent chaudes. L'été est passé en diapause et sous forme d'oeufs résistants à la dessiccation.
Les cultures favorables à P. major sont le radis, la laitue, les chicorées, le navet, l'épinard, la blette, la pomme de terre primeur et la mâche.
Statut de Penthalodes ovalis
Choisir entre deux hypothèses
Avec P. ovalis, nous sommes en présence d'un acarien nouveau pour les cultures mais qui semble avoir un aspect, une biologie et des cultures-hôtes très proches de P. major, sans, en revanche, provoquer de symptômes foliaires.
Il est donc très important et urgent de savoir si :
- soit les pullulations nouvellement observées de P. ovalis sur les radis et les laitues sont uniquement le fruit du hasard ou accidentelles, liées à l'utilisation de certains substrats ou amendements par exemple, les acariens ayant utilisé les plantes uniquement comme habitats ou supports sans être les responsables des dommages ;
- soit ces acariens consomment régulièrement les laitues et radis et sont devenus récemment de véritables ravageurs dans ces cultures.
Des travaux conduits actuellement par le CDDM devraient permettre de préciser rapidement le statut exact de cette espèce.