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Sur le métier

Jérôme Pinaud, arboriculteur en protection intégrée

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°710 - janvier 2018 - page 49

En mars 2017, Jérôme Pinaud, producteur de pommes, signe la charte « Pour une arboriculture mieux intégrée à son environnement ». Objectif : apaiser les relations entre les producteurs et les riverains des vergers, avec des mesures allant au-delà des dispositions réglementaires. Choix du jour de traitement, solutions alternatives ou encore matériel antidérive font partie des préconisations.
Jérôme Pinaud C. Urvoy

Jérôme Pinaud C. Urvoy

Arboriculteur à Saint-Cyr-les-Champagnes (Dordogne), Jérôme Pinaud est installé sur 25 ha de pommiers, une production initiée par son père. La Golden représente 80 % des surfaces. « Mais nous cherchons à nous dégager de cette monoculture car c'est trop risqué », précise-t-il. Le reste est implanté en Canada et depuis quatre ans en Evelyna, variété tolérante à la tavelure qui permet de réduire les fongicides.

AOP Limousin

La production répond depuis longtemps au cahier des charges PFI(1) et au référentiel Eurepgap(2). En 2005, l'AOP(3) Limousin est reconnue pour la Golden. Jérôme Pinaud fait partie de l'aire d'appellation. « Le cahier des charges a repris les exigences des référentiels déjà existants pour éviter l'empilement. » L'emploi d'insecticides, sauf biologiques, est interdit le mois précédant la récolte, ainsi que tout traitement au cours des 72 h précédant la récolte et une fois les fruits récoltés.

« Je vais plus loin en essayant de ne pas traiter sept jours avant récolte. »

En mars 2017, le syndicat de défense de l'AOP Pomme du Limousin (SDPL) signe une charte « Pour une arboriculture mieux intégrée à son environnement » avec l'association des riverains, les coopératives et les maires. Objectif : apaiser les relations entre les professionnels et les autres acteurs du territoire, et en particulier les riverains des vergers, avec des mesures allant au-delà des dispositions réglementaires. « Je l'ai signée dès sa parution car cette démarche va dans le bon sens », estime Jérôme Pinaud qui a eu un souci avec un riverain par le passé.

Problème de voisinage

En mars 2015, en effet, il apprend par un reportage télévisé que ses passages dans le verger posent problème à son voisin en terme de dérive de la bouillie et de bruit.

« Nous avions discuté trois semaines avant le reportage. Il aurait pu m'en faire part », déplore le pomiculteur. Pour restaurer le dialogue, il contacte Fabrice Micouraud, porte-parole de l'association de riverains, intervenant également dans le reportage. Un compromis est trouvé avec l'installation d'un filet brise-vent de 30 m de long sur 5 m de haut, le long du verger (photo). « Cela m'a coûté 3 000 € mais ça a calmé la situation. Même sans cette histoire, j'aurais quand même signé la charte. »

Traiter hors week-end

Quelles sont les mesures préconisées ? Les premières concernent le moment du traitement. Le dimanche et les jours fériés sont à proscrire pour toute parcelle ainsi que les samedis pour celles proches des habitations.

« Je respectais déjà cela depuis cinq ans pour le dimanche. Désormais, si le samedi est le jour optimal pour traiter, je gère ces parcelles le vendredi ou le lundi. » Si les vergers sont à moins de 50 mètres d'une habitation, un dispositif antidérive (haie double rang et filet antidérive) est conseillé.

« Au fur et à mesure de la replantation des vergers, je vais implanter des haies le long des routes et des habitations. Une distance plus grande sera laissée entre les pommiers et la route ou les habitations. Les jeunes vergers étant traités avec un volume de bouillie plus réduit et seulement d'un côté du rang, les haies seront suffisamment efficaces dès le départ pour ne pas avoir besoin de filets antidérive. »

Pour réduire la dérive, la charte préconise d'utiliser un matériel performant.

« Ce printemps, j'ai acheté un pulvérisateur à double turbine verticale qui permet une pulvérisation plus concentrée sur les pommiers, et le traitement de deux rangs à la fois. Je vais donc deux fois plus vite, ce qui réduit aussi les nuisances sonores. »

Maladies et insectes

Lors des traitements, comme le recommande la charte, Jérôme Pinaud ne protège les rangs côté habitation et le long des routes et chemins que sur une face. « Dans ces situations, je coupe également la pulvérisation 5 mètres avant la fin du rang. » Quant à développer les méthodes de biocontrôle, le pomiculteur utilisait déjà la confusion sexuelle contre le carpocapse, et les acariens contre les araignées rouges.

« Malheureusement, il n'existe pas de solution de biocontrôle contre la tavelure, qui représente une grosse partie des traitements (une vingtaine par an), ni contre les pucerons (cinq par an). La seule alternative contre la tavelure est de planter des variétés tolérantes ou résistantes comme Evelyna. Celle-ci me permet de réduire de deux tiers le nombre de traitements. » Une taille suffisante des arbres limite également les maladies.

Désherbage mécanique

Côté entretien du sol, l'interrang est enherbé. Pour le rang, il développe le désherbage mécanique. « Je pense que dans trois ans, tout le verger sera ainsi désherbé. Mais il faut de bonnes conditions pour le faire efficacement et cela nécessite quatre à cinq passages par an contre deux en chimique. »

Vers le bio

Ainsi, pour Jérôme Pinaud, l'application de la charte a eu peu d'impact, la plupart des mesures étant déjà appliquées avant. L'arboriculteur souhaite aller plus loin.

« Dans cinq à sept ans, une dizaine d'hectares seront en production bio avec des variétés plus résistantes aux maladies et aux ravageurs. Il n'y aura plus de traitements antitavelure sur les variétés résistantes. Il en restera quelques-uns, à base de cuivre ou de soufre, sur les variétés tolérantes, mais ils protégeront également la production contre d'autres maladies. » Le pulvérisateur sortira encore de temps en temps mais beaucoup moins souvent.

(1) Production fruitière intégrée. (2) Référentiel mis en place en 1997 par des groupes européens de la grande distribution.(3) Appellation d'origine protégée.

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BIO EXPRESS

1998. BTS arboriculture à Murat (Corrèze).

1999. S'installe avec son père sur 12 ha de vergers de pommier à Saint-Cyr-les-Champagnes (Dordogne) en acquérant 6 ha supplémentaires et installe des filets pare-grêle.

2004. S'équipe en matériel d'irrigation après la canicule de 2003.

2005. S'engage dans la certification AOP Limousin pour la production de Golden.

2017. Signe la charte « Pour une arboriculture mieux intégrée à son environnement ».

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