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ACTUS

PESTICIDES LE PLAN D'ACTION GOUVERNEMENTAL SE PRÉCISE

Phytoma - n°711 - février 2018 - page 4

Le plan interministériel pour une agriculture moins dépendante des pesticides, qui vise essentiellement les produits phyto, est sur les rails. Aperçu.

Le 19 janvier 2018, un communiqué MAA/MTES/MSS/Mesri(1) annonçait lancer « la concertation sur les propositions de plan d'actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides ».

Il se base sur les recommandations issues des EGA (états généraux de l'alimentation), le rapport Inra sur les alternatives au glyphosate(2) et le rapport d'une mission commune CGAAER/Igas/CGEDD remis fin décembre (voir « Pour en savoir plus »). Quatre priorités sont définies.

æ« Diminuer rapidement l'utilisation des substances les plus préoccupantes pour la santé et l'environnement. » Ce volet se base notamment sur le rapport de la mission CGAAER/Igas/CGEDD qui a identifié six substances préoccupantes : l'époxiconazole classé à la fois CMR probable et perturbateur endocrinien, la flumioxazine et le quizalofop-éthyl classés CMR probables, ainsi que la dimoxystrobine, le chlortoluron et le profoxydime classés perturbateurs endocriniens (voir encadré).

L'idée est :

- de peser sur l'Europe pour qu'elle ne prolonge pas les approbations amenées à disparaître (trop tard pour la dimoxystrobine, voir p. 6 !), refuse les autres et améliore sa législation sur les produits phyto ;

- d'anticiper les retraits en France comme l'Anses l'a déjà fait pour le glufosinate(3)...

Par ailleurs, le plan prévoit des études sur le glyphosate y compris sa toxicologie, confirme le projet de séparer le conseil de la vente et prévoit de revoir la redevance pollutions diffuse.

æ« Structurer et renforcer la recherche sur les impacts des produits phyto sur la santé [coordination des travaux en cours, surveillance de l'air, déjà lancée(4), actualisation de l'expertise Inserm 2013, travail sur l'exposition, la biosurveillance, les effets « cocktail »...] en soutien du renforcement de la protection des populations. » (matériel antidérive, conditions d'usage des produits près des zones d'habitation, évaluation des arrêtés d'interdiction à proximité des lieux à personnes vulnérables...).

æ« Accompagner la recherche d'alternatives et la mise en oeuvre de ces solutions par les agriculteurs. » Il s'agit de :

- renforcer la recherche en particulier des alternatives aux herbicides ;

- soutenir le développement du biocontrôle (outre les mesures existantes, soutien aux PME du secteur et proposition de reconnaissance réglementaire européenne) ;

- faciliter le recours aux PNPP, préparations naturelles peu préoccupantes ;

- accompagner les exploitations dans la réduction des phytos et l'emploi des méthodes alternatives (ex. : cibler des aides publiques pour l'achat de matériel, amplifier les dispositifs bio et HVE, haute valeur environnementale).

æ« Renforcer le plan Écophyto 2, améliorer sa gouvernance et son fonctionnement. » À son sujet, citons la p. 9 du rapport CGAAER/Igas/CGEDD : « Les moyens actuels directs d'Écophyto (71 M€) sont sans commune mesure avec l'enjeu et ne permettront pas en l'état d'impulser une dynamique suffisante pour assurer une transition réelle vers des systèmes alternatifs. »

Un plan Écophyto 2+ serait copiloté par les quatre ministères signataires du communiqué. Le déploiement du réseau des 30 000 fermes Dephy serait accéléré, ainsi que celui des CEPP, certificats d'économie de produits phyto... Mais comment faire si conseil et vente sont séparés ?

(1) MTES = ministère de la Transition écologique et solidaire. MSS = min. des Solidarités et de la Santé. Mesri = min. de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. (2) Voir Phytoma n° 710, janvier 2018, p. 6. (3) Voir Phytoma n° 708, novembre 2017, p. 5. (4) Voir Phytoma n° 710, p. 5.

POUR EN SAVOIR PLUS

http://agriculture.gouv.fr/utilisation-des-produits-phytopharmaceutiques-rapport-tome-1-annexes-tome-2

GLOSSAIRE

• AMM = autorisation de mise sur le marché

• Anses = Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail

• CGAAER = Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux

• CGEDD= Conseil général de l'environnement et du développement durable

• Igas = Inspection générale des affaires sociales

• JORF = Journal officiel de la République française

• JOUE = Journal officiel de l'Union européenne

• MAA = ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation

• Phyto = phytopharmaceutique (qualifie un produit, une substance, un pesticide, un marché...)

EXTRAITS DU RAPPORT CGAAER/IGAS/CGEDD

La France est l'un des premiers pays utilisateurs de produits phyto [en Europe] (75 287 tonnes en 2014) derrière l'Espagne (78 818 tonnes). Rapporté à la SAU, il est consommé en France 2,7 kg de produits phyto par hectare, ce qui place celle-ci au 8e rang européen.

Les substances classées 1A et 1B [NDLR : CMR 1A = C, cancérogène, M, mutagène ou R, reprotoxique avéré, CMR 1B = cancérogène, mutagène ou reprotoxique probable] sont amenées à disparaître à l'issue de leur période d'approbation au niveau européen (substances dites soumises à exclusion). Il n'y a plus aujourd'hui de substances classées CMR 1A sur le marché national. En revanche, il en subsiste trois CMR 1B(1).

Enfin, les substances à caractère perturbateur endocrinien sont également soumises à exclusion [NDLR : elles seront forcément exclues du marché européen à la fin de leur période d'approbation, sauf si leurs fabricants peuvent prouver qu'elles ont été classées à tort]. Cependant à ce jour, aucune définition n'est arrêtée concernant les produits phyto. Dans l'attente de cette définition, des critères provisoires ont été définis. Quatre substances répondant à ce jour à ces critères sont approuvées au niveau européen(2).

La situation est appelée à évoluer puisque des critères de l'effet perturbateur endocrinien applicables aux pesticides ont été adoptés le 13 décembre 2017 à la suite d'un premier rejet par le Parlement européen des critères adoptés le 4 juillet 2017.

(1) Il s'agit, à la date de novembre 2017, de l'époxiconazole (C2R1B, 226 tonnes vendues en 2016), de la flumioxazine (R1B, 31 t en 2016) et du quizalofop-P-tefuryl (M2R1B, 15,5 t en 2016). Concernant le glufosinate (R1B), le dernier produit en contenant a été retiré sur le territoire national le 24 octobre 2017 par l'Anses (127 t en 2016).

(2) L'époxiconazole (C2RIB), la dimoxystrobine (C2R2), le chlorotoluron (C2 R2) et le profoxydime (C2 R2).

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