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DOSSIER - BONNES PRATIQUES

Réduire le risque d'exposition aux produits avec les CTS

JULIEN DURAND-RÉVILLE*, SONIA LAURENT** ET HUBERT POTTIAU***, D'APRÈS LEUR COMMUNICATION « CLOSED TRANSFERT SYSTEM... » AU COLLOQUE CIETAP/AFPP, LES 13 ET 14 MARS 2018, À LYON *UIPP. **Bayer. ***BASF France. - Phytoma - n°712 - mars 2018 - page 18

Les « closed transfer systems », systèmes de transfert confiné, sont des dispositifs permettant aux applicateurs de transférer les produits phytopharmaceutiques depuis le bidon jusqu'au pulvérisateur sans s'exposer eux-mêmes.
 À gauche, easyFlow, un CTS dont la nouvelle version, easyFlow M, est commercialisée depuis début 2018. À droite, le système Ezi-connect, en cours de développement.

À gauche, easyFlow, un CTS dont la nouvelle version, easyFlow M, est commercialisée depuis début 2018. À droite, le système Ezi-connect, en cours de développement.

 Photos : Bayer - BASF

Photos : Bayer - BASF

Fig. 1 : Standard proposé pour les bidons       Croquis explicatif. Le chiffrage des cotes est encore en cours de discussion.

Fig. 1 : Standard proposé pour les bidons Croquis explicatif. Le chiffrage des cotes est encore en cours de discussion.

Fig. 2 : Le principe d'Ezi-connect      Ce CTS exige des bouchons adaptés, à poser sur les bidons sur les lignes de conditionnement. L'utilisateur n'aura pas à les manipuler lui-même.

Fig. 2 : Le principe d'Ezi-connect Ce CTS exige des bouchons adaptés, à poser sur les bidons sur les lignes de conditionnement. L'utilisateur n'aura pas à les manipuler lui-même.

 Les bouchons d'Ezi-connect sont munis d'un clapet d'étanchéité refermable. Photos : BASF

Les bouchons d'Ezi-connect sont munis d'un clapet d'étanchéité refermable. Photos : BASF

 Photos : Bayer

Photos : Bayer

 Adaptateurs de cuve et de bidon easyFlow. Photos : Bayer

Adaptateurs de cuve et de bidon easyFlow. Photos : Bayer

Een matière d'exposition aux produits phyto, la phase de préparation des traitements est cruciale car, lors de cette opération, l'utilisateur manipule des produits encore concentrés. Comment restreindre cette exposition ?

Pourquoi travailler sur le CTS

Risque, danger, exposition

Comme évoqué dans l'article précédent, l'encadrement européen(1) actuel des pesticides est « le plus strict au monde », et l'ensemble de l'industrie phytopharmaceutique partage l'objectif de réduire les risques liés à l'exposition aux produits phyto.

Pour cela, il existe deux options complémentaires : réduire le danger intrinsèque des solutions de protection des plantes et/ou réduire l'exposition à celles-ci.

En soixante ans, la toxicité moyenne des substances actives mises sur le marché a été divisée par 8,5. En même temps, les doses moyennes autorisées pour traiter 1 hectare étaient divisées par plus de 34(2).

En parallèle de ces évolutions techniques, les exigences réglementaires de mise sur le marché s'enrichissent régulièrement au gré des avancées scientifiques. Si la réduction des dangers s'inscrit pleinement dans la responsabilité de l'industrie phytosanitaire, la réduction des expositions dépend du niveau d'information et de sensibilisation, de l'hygiène, de l'organisation du travail et des équipements disponibles.

Pour atteindre ces objectifs, en tant qu'industrie, nous nous plaçons comme « facilitateurs d'actions multipartenaires » et initiateurs de projets. Dans ce cadre, nous nous intéressons notamment, depuis de nombreuses années, aux systèmes de transfert de produits sans contact avec l'extérieur : les closed transfer systems (CTS).

Leçon du passé : gare au défaut de normalisation

Les premiers CTS ont vu le jour au cours des années 1970 et 1980, respectivement en Californie et au Royaume-Uni, et ont eu un succès relativement mitigé. Ces tentatives ont été assez peu suivies de par leur manque de standardisation entre l'interface des CTS et les bidons qui pouvaient s'y adapter.

Le concept des CTS a été récemment remis au goût du jour du fait de son efficacité en terme de réduction des expositions pour les utilisateurs et l'environnement.

De nouveaux dispositifs attendus

Un travail important a été réalisé avec les parties prenantes et plusieurs études menées. L'une d'entre elles, effectuée par l'ECPA(3), visait à faire l'inventaire des attentes principales des utilisateurs.

Les opérateurs de pulvérisation désirent :

- un système fiable et intuitif ;

- un système effectivement étanche (sans contact) ;

- la possibilité de ne verser qu'une partie du bidon et pouvoir restocker le reliquat pour une utilisation ultérieure ;

- le rinçage et le nettoyage simples, rapides et efficaces ;

- la rapidité de vidange au moins équivalente au remplissage manuel actuel ;

- le fonctionnement sur un maximum de formulations liquides (même les plus visqueuses) ;

- ne pas provoquer de mousse ou autre désagrément lors du remplissage ;

- une facilité d'entretien ;

- un coût de l'investissement matériel.

Fort des leçons du passé et à l'issue d'un travail de réflexion global, un projet de normalisation international a été lancé en février 2016 au sein de l'ISO (International Organization for Standardization).

Il vise à définir un ensemble de critères minimaux de performance ainsi que des éléments de standardisation des bidons.

Processus de normalisation

L'étape des commentaires

Le processus de normalisation international est en cours et a bien avancé. Le projet de norme ISO/CD 21191:2016 (equipment for crop protection - closed transfer systems (CTS) - performance specification) a atteint la phase formelle de « committee draft » (CD) et fait l'objet de commentaires par les organismes nationaux de normalisation (l'Afnor pour la France).

Plusieurs séances d'allers/retours de commentaires formels et de votes ont eu lieu. Ces séances se répéteront jusqu'à l'aboutissement d'un consensus.

Exigences normatives probables sur les fonctions remplies par les CTS

Un CTS, selon la version actuelle du draft normatif, nécessite de répondre à différentes conditions :

- avoir la possibilité de se connecter aux emballages phyto de produits liquides (une annexe spécifique relative à la standardisation des bidons est rédigée à cet effet, voir plus bas) ;

- pouvoir transférer une partie ou la totalité du produit ;

- disposer d'un système de rinçage pour décontaminer le dispositif et le bidon de produit lorsqu'il est vide ;

- réaliser ces opérations sans exposer l'opérateur ou l'environnement à des pertes supérieures à celles déterminées par la norme ;

- être installé à hauteur d'homme ;

- fonctionner pendant au moins 1 000 cycles de chargement ;

- garantir l'intégrité des systèmes de circulation ou de stockage de l'équipement d'application pour empêcher notamment l'introduction d'excès d'air, ce qui peut entraîner la création de mousse dans le réservoir de pulvérisation ou la perte de performance de la pompe ;

- pouvoir fonctionner lorsque l'opérateur utilise des équipements de protection individuelle, y compris les mains gantées, lorsqu'une évaluation des risques de l'opérateur en fait une exigence.

À noter : utiliser un CTS ne dispense en effet pas du port d'EPI. Ces derniers devant protéger l'opérateur tout au long du chantier phyto, de la préparation au nettoyage final du pulvérisateur après intervention dans les parcelles.

Exigences normatives de performance pour les CTS

Actuellement, les exigences chiffrées proposées sont :

- le niveau de résidu maximal dans le récipient rincé, qui ne doit pas dépasser une valeur seuil ;

- le niveau de fuite maximal pendant le transfert ;

- le niveau de résidu maximal dans le dispositif après déconnexion ;

- le niveau de résidu maximal dans le dispositif fermé, après rinçage ;

- le système doit pouvoir fonctionner avec des bidons de produits liquides de 1 litre à 20 litres ;

- le système doit supporter toutes les formes de bidon ;

- la vitesse d'écoulement des bidons devra être déterminée.

En effet, afin que l'usage des CTS devienne une préférence pour la plupart des opérateurs, les CTS doivent être rapides et pratiques à utiliser.

Standardiser aussi les bidons

Une interface standard entre les CTS et les bidons est nécessaire pour assurer une utilisation la plus universelle possible, quel que soit le CTS et le format du bidon utilisé.

Les discussions normatives autour du standard pour les bidons ont permis de sélectionner une référence (que la plupart des produits sur le marché suivent déjà) avec un diamètre de 63 mm du goulot et un « pas de vis » bien défini (voir Figure 1).

Deux exemples de CTS

easyFlow : déjà commercialisé

La sécurité des utilisateurs fait partie des préoccupations permanentes de Bayer. La société ne cesse d'innover pour réduire les risques, en agissant sur deux leviers : l'amélioration des produits et la réduction des expositions. Ainsi, afin de renforcer la sécurité des utilisateurs de produits liquides, Bayer a développé avec Agrotop le système easyFlow de transfert du bidon au pulvérisateur. Ce dispositif permet de verser un produit liquide dans la cuve du pulvérisateur sans contact avec l'utilisateur. Il facilite par ailleurs le nettoyage et le rinçage des bidons employés. Il est distribué en France depuis 2015 par Bedouelle Distribution et Axe Environnement, des spécialistes de la pulvérisation.

Le dispositif se compose de deux parties, une fixée sur le pulvérisateur (cuve, bouchon de l'orifice de remplissage, trémie d'incorporation ou incorporateur), l'autre vissée sur le bidon puis raccordée au pulvérisateur. L'appareil transperce les opercules des bidons et permet de nettoyer bidon et opercule intégralement. Les emballages peuvent ainsi être recyclés par Adivalor ou un système de collecte agréé.

Les bénéfices sont nombreux :

- sécurité renforcée pour l'agriculteur ; pas de contact avec le produit concentré, rinçage à l'eau claire du système et du bidon ;

- confort et ergonomie ; manipulation facilitée, vidange complète ou partielle du bidon possible, donc dosage ajusté, rinçage possible après une utilisation totale ou partielle du bidon, utilisable sur la plupart des bidons (diamètre 63 mm) ;

- rapide et efficace ; installation simple et fixe sur la majorité des pulvérisateurs, gain de temps.

En 2018, ce système de transfert sécurisé du bidon au pulvérisateur s'enrichit avec sa nouvelle version. Il s'agit d'easyFlow M, qui permet également de verser un produit à formulation liquide en toute sécurité et se branche directement au système d'aspiration du pulvérisateur. Il est équipé d'un récipient intermédiaire gradué facilitant le dosage du produit.

Ezi-connect, prototype avancé

Ezi-connect est un système qui permet le transfert sécurisé d'une formulation liquide vers le pulvérisateur ainsi que le rinçage du bidon. L'opération vidange/rinçage se déroule sans ouverture du bouchon par l'opérateur, donc sans contact avec le produit (Figure 2).

À l'état de prototype, ce CTS est développé par BASF en lien avec la société Scholle IPN depuis quelques années. L'interface entre le bidon et l'appareil repose sur un bouchon spécial muni d'un clapet d'étanchéité refermable. Ce bouchon pourra être posé directement sur les bidons sur les lignes de conditionnement.

Le bidon est retourné et connecté à l'appareil via un mécanisme qui permet de relever le clapet du bouchon. Une sonde assure la vidange du produit et le rinçage du bidon par jet d'eau sous pression. La sortie de vidange est reliée au système d'aspiration du pulvérisateur via le circuit du bac incorporateur. L'entrée de rinçage peut être reliée à la cuve d'eau claire du pulvérisateur ou à une arrivée d'eau externe sécurisée, avec dispositif antiretour, sur l'aire de remplissage. Divers prototypes ont été testés par des agriculteurs en France et en Europe. Une nouvelle version sera testée en 2018.

Au-delà du bénéfice reconnu en termes de sécurité par les opérateurs - pas de contact avec les produits purs, absence d'odeur - les attentes des agriculteurs portent sur les points suivants : facilité d'installation, robustesse, vitesse de vidange et performance de rinçage des bidons au moins égales à leurs pratiques habituelles via l'utilisation du bac incorporateur.

L'adoption du système Ezi-connect passera bien entendu par la mise à disposition, sur une grande majorité de spécialités phytopharmaceutiques, de bidons munis d'origine du bouchon à clapet.

Bilan provisoire

Innover et normaliser

Un travail d'innovation matérielle (mise au point de dispositifs, recherches pour adapter ces solutions aux formulations solides...) en cours et l'adoption, à terme, d'une norme internationale, seront des avancées majeures pour réduire de manière significative l'exposition, donc les risques liés à la manipulation de produits dangereux.

Les phases de préparation, mélange et chargement des produits dans les appareils de pulvérisation sont d'autant plus sensibles que les produits utilisés à ce moment-là sont purs, non dilués. L'usage et la généralisation de tels dispositifs sont donc un moyen efficace supplémentaire de protéger les opérateurs (projection, exposition aérienne...) et l'environnement (risque de déversement ou d'intoxication animale...).

Recommandations complémentaires

Disposer d'un CTS ne dispense évidemment pas des autres réflexes de prévention :

- bonne information (lecture des étiquettes, conditions d'emploi des produits et EPI) ;

- bonne organisation du travail (utilisation de matériel adapté et entretenu, mise en oeuvre de protections collectives type cabine filtrée...) ;

- port d'équipements de protection individuelle (EPI) associé à l'hygiène (lavage des mains, douche en fin de traitement) et à un comportement rigoureux (procédure d'habillage/déshabillage).

(1) Règlement encadrant la mise sur le marché (CE 1107/2009), règlement encadrant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans les denrées alimentaires (CE 395/2005), règlement encadrant l'utilisation durable des pesticides (CE 128/2009)...(2) Données UIPP 2013. Pour la toxicité, l'indicateur retenu est la DJA (dose journalière admissible).(3) Étude ECPA 2015.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La prévention du risque phytopharmaceutique est une priorité de l'industrie depuis de nombreuses années. Réduire le risque pour les utilisateurs passe par une réduction des dangers intrinsèques des produits mais aussi par la réduction de l'exposition à ces derniers.

CONCEPT - Des innovations récentes majeures visent à réduire très significativement ces expositions via des systèmes sécurisés de transfert des produits dans les cuves, sans contact avec l'utilisateur : les closed transfer systems (CTS).

Ces systèmes ont pour objectifs de pouvoir être utilisés pour un maximum de types de formulations et de pouvoir s'adapter à un maximum de produits commerciaux sur le marché.

RÉALISATIONS - Des travaux normatifs sont en cours pour définir les critères techniques afin d'assurer l'efficacité de ces systèmes, mais aussi pour favoriser la standardisation des goulots des bidons qui s'y interfaceront. Deux exemples sont présentés : easyFlow et Ezi-connect.

MOTS-CLÉS - Bonnes pratiques phytosanitaires, réduction de l'exposition, pesticide, CTS (closed transfer systems), prévention, normalisation.

SUMMARY

CLOSED TRANSFER SYSTEMS: CONCEPT, POINT OF SITUATION AND STANDARDIZATION

ABSTRACT - Prevention of plant protection risk has been an industry priority for many years. Reducing the risk for users involves reducing the intrinsic hazards of the active substances and formulations, but of course also reducing their exposure to them. Major recent innovations aim to reduce these exposures very significantly by developing secure systems to transfer products into tanks, without any contact with the user: Closed Transfer Systems (CTS). These technical systems aim to be used for a maximum of formulations types and to adapt to as many commercial products as possible. Normative work is underway to define technical criteria to ensure the effectiveness of such device, but also to promote the standardization of the bottlenecks of the cans that will interfere with them. Two CTS examples will be illustrated: easyFlow and Ezi-connect.

KEYWORDS - Exposure reduction, pesticide, CTS (closed transfer systems), prevention, normalization.

CTS : définition

Le CTS (closed transfer system) est un dispositif ou un assemblage de composants destiné à transférer totalement ou partiellement des produits phytopharmaceutiques, ou d'autres liquides, de leurs récipients d'origine dans des équipements d'application ou de mélange.

Cette opération, faite par couplage direct ou d'autres moyens d'ingénierie de l'enceinte, entraîne des niveaux d'exposition négligeables pour l'opérateur et l'environnement.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : jdreville@uipp.net

sonia.laurent@bayer.com

hubert.pottiau@basf.com

LIEN UTILE : www.bayer-agri.fr/3451/easyflow/

BIBLIOGRAPHIE : la communication dont est tiré cet article est disponible auprès de ses auteurs (contacts ci-dessus).

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