Depuis notre précédent dossier « Bonnes pratiques » en avril 2017, comment l'encadrement réglementaire des pratiques phytosanitaires a-t-il évolué ? D'abord de la façon annoncée l'an dernier.
Publication des textes prévus
Arrêté phyto : tout comme prévu
Juste avant les élections présidentielles, l'ancienne équipe gouvernementale a finalisé l'arrêté sur l'utilisation des produits phyto(1) remplaçant celui du 12 septembre 2006. Le nouveau texte, daté du 4 mai 2017, a été publié le 7 au Journal officiel(2).
Son contenu est identique au texte soumis à consultation publique en janvier 2017 et que nous avions évoqué en février, puis en avril dernier(3).
CEPP reconduits à l'identique
Autre dossier « bouclé » avant l'élection présidentielle, le redémarrage du dispositif des CEPP, certificats d'économie de produits phyto.
Créé par une ordonnance de 2015 voulue par la loi d'avenir de 2014(4) mais retoqué par le Conseil d'État le 28 décembre 2016(5), il a été recréé par la loi Potier de mars 2017(6) via un décret du 20 avril 2017(7). Il garde le principe des « actions standardisées » donnant droit à des certificats.
Application des décisions
CEPP : 31 actions standardisées
Ensuite, en attendant que le nouveau gouvernement soit opérationnel, les services ministériels ont exécuté des décisions actées auparavant.
Ainsi, un arrêté ministériel de mai 2017(8) a publié une liste de vingt-cinq actions standardisées donnant droit à des CEPP. Les vingt actions listées dans l'ancien texte(9) figurent dans le nouveau, et cinq autres s'y sont ajoutés. Ensuite, un arrêté du 1er août a enrichi la liste de trois actions supplémentaires et de nouveaux outils parmi ceux donnant droit à huit autres. Un arrêté du 12 décembre a publié trois actions supplémentaires(10).
La liste actuelle comprend donc 31 actions, chacune avec les outils (matériels, variétés, produits) associés.
Une des actions (n° 12) est globale (certification environnementale d'exploitation). Dix-huit autres sont alternatives à l'usage de produits phyto conventionnels. Douze permettent d'appliquer les produits, conventionnels ou non, en réduisant leurs quantités et/ou les risques.
Ces dernières sont l'utilisation :
- d'équipements d'application de produits phyto permettant de réduire les doses et/ou la dérive hors des parcelles traitées (actions nos 2, 3, 19, 22 et 31) ;
- de certains adjuvants (action n° 18) ;
- de semences ou plants peu sensibles à des maladies (actions nos 17 et 29) ;
- d'OAD (outils d'aide à la décision) permettant de traiter seulement si et quand cela est nécessaire (actions nos 13, 14, 15 et 16) ;
Les actions alternatives à l'emploi de produits phyto conventionnels utilisent :
- des matériels (filets de protection anti-insectes pour vergers et désherbage mécanique, actions nos 1 et 30) ;
- des végétaux de service (nos 10 et 11) ;
- des auxiliaires de lutte biologique (des trichogrammes pour le maïs et la vigne, respectivement actions nos 6 et 24) ;
- des produits phyto reconnus comme de biocontrôle « L. 253-5 » (actions nos 4, 5, 7, 8, 9, 20, 21, 23, 25, 26, 27 et 28).
Choix des produits côté biocontrôle
Si pas moins de douze actions se basent sur l'usage de produits phyto de biocontrôle, c'est que les pouvoirs publics le considèrent comme une bonne pratique.
L'encouragement au biocontrôle va plus loin. L'année a vu des AMM (autorisations de mise sur le marché) de produits de biocontrôle à base de nouvelles substances :
- trois micro-organismes (deux souches différentes de Beauveria bassiana et une de Pseudomonas sp.) ;
- trois bouquets de phéromones de confusion sexuelle ;
- la cerevisane et les acides gras.
D'autres nouveautés offrent des usages inédits à des substances connues (traitements en végétation pour une souche de Metarhizium, traitements du sol pour le spinosad) et des extensions d'usage. Précisions dans notre dossier « Méthodes alternatives » d'avril prochain !
En parallèle, la liste officielle des produits de biocontrôle « L. 253-5 » s'est enrichie. La dernière mouture date de janvier 2018(11), la suivante est promise pour ce mois de mars.
Choix des produits : plusieurs retraits ont été décidés
Par ailleurs, la France doit interdire les produits contenant des substances que l'Union européenne ne réapprouve pas à la fin de leur durée d'approbation. Elle a donc retiré en 2017 les AMM des spécialités à base de flupyrsulfuron-méthyle, de picoxystrobine et d'iprodione (certains produits restent utilisables en 2018).
Elle a devancé l'appel pour le glufosinate en interdisant les produits à base de cette substance (promise à l'exclusion mais encore approuvée en Europe jusqu'au 31 juillet prochain). Leurs AMM sont retirées et ils ne sont plus revendables depuis le 24 janvier dernier, mais certains restent utilisables jusqu'au 24 octobre prochain.
Réduction de la dérive
Concernant les pratiques d'application, la liste des moyens de réduction de la dérive officiellement reconnus, qui s'était enrichie entre 2016 et février 2017(12), a continué à s'allonger par une instruction technique parue en mai(13).
Autour de l'application
La réglementation se préoccupe aussi des pratiques autour du traitement. Concernant le port des EPI (équipements de protection indivuduelle), il s'agit en fait d'une normalisation, voir l'article p. 12 à 16 de ce numéro.
Du côté du traitement des effluents phyto, un nouveau procédé a été officiellement reconnu en juillet dernier. La reconnaissance est acquise mais pas encore publiée. Il s'agit du Phytosec, d'Axe Environnement.
Le procédé fonctionne par évaporation accélérée par ventilation forcée. Le résidu solide se dépose dans une bâche. Originalité : pour éviter la fuite de molécules phyto volatiles, un filtre adsorbant les retient et ne laisse passer que la vapeur d'eau. La bâche et le filtre sont à éliminer ensuite. Il existe donc désormais dix-huit procédés reconnus.
Retour des incertitudes
Plan d'action en vue : effets possibles sur le choix des produits
Après ces nouvelles mesures réglementaires actées et signées, la réglementation sur les produits phyto va probablement évoluer dans un proche avenir. Une mission parlementaire est en cours et un plan d'action gouvernemental en préparation.
Concernant ce dernier, et vu le bref délai octroyé pour la concertation, il y a fort à parier que son contenu soit proche de celui publié le 19 janvier dernier(14).
Son objectif est fixé : baisse de l'utilisation des produits phyto conventionnels, considérée comme un moyen de réduire les risques associés, encouragement aux techniques alternatives dont le biocontrôle, développement de l'agriculture biologique.
Parmi les mesures réglementaires touchant les pratiques phytosanitaires, le premier volet du plan vise à diminuer l'usage des produits contenant les substances « considérées comme les plus préoccupantes pour la santé et l'environnement » ; sont visées trois molécules promises à l'exclusion au niveau européen (époxiconazole, flumioxazine et quizalofop-téfuryl) et trois autres en discussion (dimoxystrobine, chlortoluron et profoxydime).
Autres décisions en suspens
À noter : le périmètre d'interdiction des insecticides néonicotinoïdes reste à fixer ; des usages seront interdits dès le 1er septembre prochain. Certains usages essentiels et/ou posant peu de problèmes aux pollinisateurs pourraient être maintenus par dérogation(s). Mais bien que beaucoup pensent à certaines utilisations sous serres, ces usages ne sont pas connus à l'heure où nous mettons sous presse.
Par ailleurs, le sulfoxaflor a été suspendu, pour l'instant à titre provisoire en l'attente d'un jugement sur le fond. Certes, il s'agit d'une mesure judiciaire, et non pas réglementaire au sens strict, mais son application reste obligatoire !
Quant à l'interdiction du glyphosate d'ici trois ans, annoncée en décembre 2017, donc pour fin 2020, elle se prépare.
Les trois autres volets du plan (recherches sur les impacts des produits phyto sur la santé/recherches d'alternatives, accompagnement des agriculteurs pour leur adoption/renforcement d'Écophyto 2 avec éventuelle refonte de l'arrêté du 4 mai 2017) seront plus ou moins réalisés selon... les moyens humains et financiers investis.
En attendant, la séparation du conseil et de la vente des produits phyto est dans le projet de loi issu des EGA, États généraux de l'alimentation. Cette mesure concerne, bien évidemment, les filières de productions végétales, mais quel sera son impact sur les usages phytosanitaires ? Aura-t-elle l'effet d'encourager les bonnes pratiques ? Quoi qu'il en soit, la question est à suivre !
(1) Dans cet article, « phyto » = phytopharmaceutique.(2) Arrêté relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural. Daté du 4 mai 2017 et paru au JORF (Journal officiel de la République française) du 7 mai 2017. (3) « Utilisation des phytos : le paradoxe des deux arrêtés », Phytoma n° 701, février 2017, p. 9-10. « Réglementation : ce qui se prépare autour de l'arrêté phyto », Phytoma n° 703, avril 2017, p. 20-21. (4) Ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 au JORF du 8. Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 au JORF du 14.(5) « CEPP : allers-retours législatifs », Phytoma n° 701, février 2017, p. 6. (6) Loi n° 2017-348 du 20 mars 2017, au JORF du 21 mars.(7) Décret n° 2017-590 du 20 avril 2017, au JORF du 22 avril. (8) Arrêté du 9 mai 2017, au Bulletin officiel du ministère chargé de l'agriculture (BO Agri) n° 19 dit du 4 au 11 mai, mis en ligne le 12 mai. Voir Phytoma n° 705, juin-juillet 2017, p. 6.(9) Voir « Réglementation des pratiques : ce qui est acté depuis un an », Phytoma n° 703, avril 2017, p. 16 à 18. (10) Arrêtés du 1er août 2017, au BO Agri n° 31 du 27 juillet au 3 août mis en ligne le 4, et du 12 décembre 2017, au BO Agri n° 50 du 7 au 14 décembre mis en ligne le 15. Voir Phytoma n° 706, août-septembre 2017, p. 6, et n° 710, janvier 2018, p. 7. (11) Note de service DGAL/SDQSPV 2018-54 du 22 janvier 2018, au BO Agri n° 4 du 18 au 25 janvier 2018, mis en ligne le 26. Voir Phytoma n° 711, février 2018, p. 7.
RÉSUMÉ
Ils concernent les CEPP (liste des actions standardisées avec réactualisations), le biocontrôle (réactualisations de la liste des produits de biocontrôle au sens de l'article L. 253-5 du code rural), les retraits de produits phyto conventionnels, la reconnaissance des moyens de réduction de dérive (liste réactualisée), la normalisation des EPI et la reconnaissance de procédés de gestion des effluents phyto.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : m.decoin@gfa.fr
LIEN UTILE : http://agriculture.gouv.fr