Le bureau d'IBMA France entourant le ministre. De gauche à droite : Denis Longevialle, Frédéric Favrot, Stéphane Travert, Antoine Meyer et Ronan Goff. Photos : IBMA
Une table ronde au colloque du 30 janvier. De gauche à droite, Caterine Deschamps (Axéréal), Jean-Louis Sagnes (réseau Dephy), Jean-Philippe Moinet (fondateur de la revue Civique, qui animait les débats), Karine Grosbeau (IBMA France, Éléphant Vert) et Éric Chantelot (IFV). Photo : IBMA
Fig. 1 : Répartition du chiffre d'affaires du biocontrôle en France Activité biocontrôle (% chiffre d'affaires) des membres d'IBMA France en 2016, soit 90 % du marché français du biocontrôle. En rouge, évolution du chiffre d'affaires entre 2015 et 2016. Source : enquête ADquation réalisée pour l'association en juin 2017.
Les produits de biocontrôle
Définitions à rappeler
À l'occasion du colloque IBMA, l'association française des entreprises de produits de biocontrôle est revenue sur les conditions de succès à réunir pour accélérer le développement de ces solutions.
Celles-ci sont développées en France depuis les années 1980 (et même avant avec le soufre), et les produits de biocontrôle bénéficient d'une définition officielle inscrite au code rural et de la pêche maritime (CRPM) depuis la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt d'octobre 2014 (voir Encadré 1). Il reste toutefois nécessaire de bien préciser le cadre de ces solutions lorsqu'elles sont évoquées. Les produits de biocontrôle protègent les plantes contre les stress biotiques (bioagresseurs tels qu'insectes et autres ravageurs, agents pathogènes, adventices), à la différence des biostimulants concernés par les stress abiotiques (thermiques, hydriques, nutritionnels...) et le métabolisme général des plantes.
Les produits de biocontrôle utilisent les mécanismes et interactions naturels. Leur principe est fondé sur la gestion des équilibres des populations d'agresseurs plutôt que sur leur éradication.
Macro-organismes et produits phyto
Les quatre familles de ces produits se rassemblent en deux groupes :
- les macro-organismes d'une part, qui relèvent d'une réglementation nationale quant à leur introduction sur le territoire s'ils sont non indigènes (article R. 258-2 du CRPM) ;
- les produits phyto (=phytopharmaceutiques) de biocontrôle d'autre part (comprenant micro-organismes, médiateurs chimiques et substances naturelles) dépendant du règlement européen 1107-2009 pour leur mise sur le marché, comme pour tout type de produit phyto ; ils doivent disposer d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l'Anses pour pouvoir être commercialisés.
Deux listes non exhaustives
Ces deux groupes de produits disposent chacun d'une liste officielle établie par l'autorité administrative :
- la liste des macro-organismes non indigènes publiée avec l'arrêté du 26 février 2015 (« liste T0 ») actualisable au fil des nouvelles autorisations ;
- la liste des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle établie par la DGAL, au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7du CRPM, depuis mars 2016.
Cette dernière liste est mise à jour périodiquement. La dernière en date a été publiée au Bulletin officiel du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation du 15 au 22 mars 2018. La prochaine mise à jour est prévue en mai. Ces deux listes ne sont toutefois pas exhaustives ! Qui veut passer en revue l'ensemble des produits de type biocontrôle existants doit ajouter :
- les macro-organismes indigènes (voir Encadré 2 page suivante) ;
- les produits phyto de type biocontrôle mais ne satisfaisant pas aux critères d'établissement de la liste établie par la DGAL.
Offre et déploiement
Des inégalités
Les produits de biocontrôle sont développés et déployés de façon inégale en fonction des cultures. Il y en davantage pour les cultures spécialisées que pour les grandes cultures ; bien plus avec les cultures sous abri qu'en plein champ. Près de 100 % des cultures de tomates ou de concombres sous serre bénéficient de ces produits. Les techniques de confusion sexuelle sont déployées sur quelque 70 % des surfaces de vergers de pommes ou de poires. Enfin, 7 % des vignobles français utilisent ces mêmes techniques à base de phéromones.
Les grandes cultures font encore figure de « parents pauvres », avec à peine une quinzaine de solutions développées. Parmi celles-ci, le trichogramme est déployé sur 100 000 ha en 2017, soit près du quart des 430 000 ha protégés contre la pyrale du maïs en France, et le phosphate ferrique (antilimace) est épandu sur plus de 600 000 ha.
Associés en protection intégrée
À l'instar de la « trajectoire de progrès pour la protection des plantes », soutenue, via le « contrat de solutions » lancé fin 2017 sous l'impulsion de la FNSEA par trente autres organisations professionnelles partenaires, dont IBMA France, les produits de biocontrôle trouvent toute leur expression dans le cadre de la protection intégrée des cultures.
Ils doivent être associés à d'autres techniques, complémentaires les unes des autres en matière de protection des plantes, telles que l'agronomie (assolements...), la génétique (sélection variétale...), le numérique (outils d'aide à la décision...), la mécanique (robotique...) et les produits phytosanitaires conventionnels en dernier recours.
5 % du marché français de la protection des plantes
Progression globale
Depuis 2015, IBMA France mesure indirectement le marché du biocontrôle en France à travers le... BIB : baromètre d'IBMA France sur l'activité biocontrôle de ses membres. Ces derniers représentent près de 90 % du marché du biocontrôle en France (voir tableau ci-dessus). En juin dernier, IBMA France publiait ses derniers chiffres avec un marché du biocontrôle à 110 M€ en 2016. Cela représente près de 5 % du marché de la protection des plantes en France et une progression de + 25 % entre 2015 et 2016.
Jevi et agriculture
L'activité biocontrôle des membres d'IBMA France se répartit à plus des trois quarts pour les filières agricoles et près d'un quart pour les jardins, espaces végétalisés et infrastructures, alias « jevi » (voir Figure 1).
Entre ces deux grands segments, l'évolution, bien que toujours à deux chiffres, est contrastée : + 18 % d'augmentation du chiffre d'affaires du biocontrôle destiné à l'agriculture entre 2015 et 2016 et... + 54 % pour la part « jevi ».
L'effet « loi Labbé » est sans aucun doute la principale raison de cette forte croissance en jevi. Mais celle-ci ne doit toutefois pas masquer la nécessité d'accélérer la recherche sur le biocontrôle, y compris pour les jevi.
Quatre leviers prioritaires pour atteindre 15 % en 2025
Accélération nécessaire
En effet, bien que significatives, ces croissances demeurent nettement insuffisantes au regard des enjeux, des attentes de la société et des ambitions portées par IBMA France : atteindre d'ici 2025 le cap des 15 % du marché de la protection des plantes en France ! Selon l'association, cet objectif sera atteint si quatre leviers prioritaires sont favorisés et soutenus par l'ensemble des acteurs publics comme privés :
- l'innovation - « accélérer la recherche » ;
- la réglementation - « soutenir le développement du biocontrôle » ;
- l'information - « faire connaître les solutions existantes » ;
- la formation - « apprendre à les utiliser ».
Collaborer avec des partenaires
Ces quatre leviers ont été développés et évoqués tout au long du colloque 2018 sur le biocontrôle, dont l'intégralité des interventions peut être visionnée à partir du nouveau site internet d'IBMA France (voir « Lien utile »). Ils sont actionnés notamment en association à d'autres acteurs/partenaires comme le consortium public/privé sur le biocontrôle, lancé en 2016, pour accélérer la recherche, ou l'Académie du biocontrôle et de la protection biologique intégrée, pour développer les formations sur le biocontrôle. Des initiatives telles que le « contrat de solutions », déjà évoqué, doivent par ailleurs favoriser l'action de ces quatre leviers.
Voies d'avenir
Associer les solutions alternatives
Le 30 janvier, ce colloque d'IBMA France a confirmé l'intérêt de développer et d'accroître l'utilisation des solutions de biocontrôle dans une approche agronomique basée sur l'anticipation, privilégiant le préventif, et associées à d'autres solutions alternatives en premier lieu agronomiques, tenant compte :
- du sol, des assolements, des couverts, des dates de semis... ;
- des agroéquipements dont la robotique, l'usage de drones... ;
- de l'agriculture numérique, le big data agricole, et les outils d'aide à la décision ;
- des intérêts indirects générés par la lutte contre les stress abiotiques avec des biostimulants, la biofertilisation ;
- en dernier recours, de l'emploi des produits phytopharmaceutiques conventionnels à doses réduites.
Accélérer la recherche
Les sociétés membres d'IBMA France qui représentent 90 % du marché du biocontrôle en ont conscience. Avec leurs autres partenaires de la recherche publique, du développement agricole et des jevi, et fort d'un appui attendu des pouvoirs publics, elles doivent accélérer la recherche et l'innovation pour développer rapidement de nouvelles solutions de biocontrôle, efficaces et durables, particulièrement en grandes cultures, afin de répondre aux attentes de la société et de l'agriculture française.
RÉSUMÉ
1 - Bientôt une reconnaissance européenne ?
Les produits de biocontrôle disposent en France d'une définition inscrite au code rural et de la pêche maritime à l'article L. 253-6.« Les produits de biocontrôle sont des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, précise cet article.
Ils comprennent en particulier : 1° Les macro-organismes ; 2° Les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. »
Lors de son colloque, IBMA France a souhaité que l'Union européenne puisse faire sienne cette définition des produits de biocontrôle. « La France demandera la reconnaissance, au niveau européen, des produits de biocontrôle », a affirmé le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert, avant de préciser : « C'est une catégorie de produits qui n'existe pas en tant que telle dans la législation européenne actuelle. Nous allons profiter de la révision en cours de cette législation pour proposer de lui ménager un statut spécifique de la même façon que nous l'avons fait en France. »
Les 37 membres actifs et associés d'IBMA France en 2018
Action Pin, Agrauxine, Andermatt France, Arysta LifeScience, BASF, Bayer, Belchim, Biobest, Bioline AgroSciences, CBC Biogard, Certis, Compo, Crea, De Sangosse, Dow AgroSciences, If Tech, Jouffray-Drillaud, Koppert France, Lallemand Plant Care, Novozymes, Philagro, Protecta, Savéol Nature, SBM, Scotts, Sumi Agro France, Sumitomo Chemical Agro Europe, Syngenta, Total Fluides, Vivagro
Akinao, ARD, Biovitis, Éléphant Vert, Limagrain, Vegenov, Végépolys
2 - La liste des macro-organismes non indigènes
Pas moins de 371 macro-organismes, associés chacun à un fournisseur et aux territoires nationaux correspondant parmi les dix considérés (France métropolitaine continentale, Corse, Guadeloupe, Réunion, etc.), sont répertoriés dans la liste « T0 ».
Celle-ci comprend « les macro-organismes non indigènes dispensés de demandes d'autorisation d'entrée sur un territoire et d'introduction dans l'environnement ».
Elle a été publiée avec l'arrêté éponyme daté du 26 février 2015. Depuis, une quinzaine d'organismes l'ont rejointe.
Deux précautions de lecture s'imposent. D'une part, il ne s'agit ici que de macro-organismes non indigènes : un macro-organisme indigène d'un territoire n'a pas besoin d'être sur cette liste pour circuler dans ce territoire, y être testé, vendu et utilisé. D'autre part, un macro-organisme non indigène répertorié dans cette liste pour un fournisseur et des territoires donnés ne signifie pas forcément qu'il ne puisse pas être proposé par ce même fournisseur sur les autres territoires non mentionnés. En effet, sur ces autres territoires, le macro-organisme en question peut être considéré comme indigène ; sa présence sur la liste pour ces autres territoires est alors sans objet.
En attendant une liste exhaustive de l'ensemble des macro-organismes proposés en France, la liste « T0 » doit être nécessairement complétée de tous les macro-organismes indigènes.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : denis.longevialle@ibmafrance.com
LIEN UTILE : www.ibmafrance.com