1. Puceron vert du pêcher Myzus persicae, immédiatement après traitement d'Eradicoat. 2 et 3. Pucerons après séchage du produit qui a fait son oeuvre. Photos : Certis
Fig. 1 : Action sur les spiracles Micrographie de haute résolution : spiracle de puceron (à gauche) avant traitement, spiracle obstrué (à droite) après traitement.
Fig. 2 : Efficacité contre les acariens Tetranychus urticae Synthèse de deux essais sur fraise, après une application du produit. Réf. conventionnelle : bifenazate. TNT = témoin non traité.
Le nouvel insecticide de biocontrôle Eradicoat, proposé par la société Certis Europe, présente un large spectre qui lui permet de lutter efficacement contre les ravageurs et les acariens en cultures sous abri.
De quoi s'agit-il ?
Une substance d'origine végétale
La substance active de ce nouveau produit est la maltodextrine. Il s'agit d'un ingrédient couramment utilisé dans les domaines de la cosmétique, de la pharmacie et de l'agroalimentaire. On la trouve par exemple dans la fabrication de préparations pour nourrissons et boissons énergisantes.
Elle s'obtient par le biais d'une hydrolyse de l'amidon par des enzymes à une température de 85-90 °C. La maltodextrine employée dans l'insecticide est issue d'amidon de maïs non OGM fabriqué par une entreprise française.
Utilisé ailleurs en Europe
Le nouveau produit est l'unique formulation à base de maltodextrine autorisée en France en protection des plantes. Avant d'obtenir son AMM en France en février 2016, il était déjà utilisé pour cet usage dans divers pays d'Europe, notamment aux Pays-Bas depuis dix ans et en Grande-Bretagne depuis plus de quinze ans.
Les premières utilisations d'insecticides à base de maltodextrine datent d'ailleurs des années 1970, des améliorations successives ayant abouti à la formulation actuelle.
Le nouveau produit a intégré la liste biocontrôle et une fiche CEPP est en cours d'évaluation. Certis Europe attend actuellement l'intégration de la maltodextrine dans la liste des ingrédients autorisés en agriculture biologique au niveau européen pour ouvrir son utilisation aux agriculteurs AB en France.
Comment agit-il ?
Obturation des spiracles
La maltodextrine interfère avec le système respiratoire des organismes-cibles, en empêchant l'air d'entrer via les spiracles, uniques portes d'entrée de l'air chez les insectes et acariens. Cette obturation des spiracles a été observée par micrographie électronique (Figure 1). Sur ces images, prises sur puceron avant et après traitement, on observe un exemple de spiracle dont l'entrée est totalement bloquée par la maltodextrine.
La mort des cibles est due aux propriétés adhésives de la maltodextrine. Ces propriétés apparaissent en cas de séchage rapide et sont similaires aux propriétés de collage de la farine humide. Le mécanisme à l'oeuvre est une réticulation des polymères de glucose (formation d'un maillage imperméable à l'air).
À la suite du séchage, les individus ailés n'ayant pas étouffé (faute d'obturation intégrale des spiracles lors du traitement) ne peuvent plus voler en raison du collage de leurs ailes, et le déplacement des individus normalement mobiles devient difficile, leurs membres étant collés à la surface des feuilles, la solution ayant séché au niveau de leurs articulations.
Ces modes d'action sont tous mécaniques, ce qui protège Eradicoat de tout risque d'apparition de résistance. Il n'y a aucune réaction chimique avec la cible ni de toxicologie directe.
Pas de limite maximale de résidus requise
Après le séchage, subsiste sur les parties traitées un résidu de maltodextrine. Un aspect collant peut apparaître si la concentration de 2,5 % est dépassée, ou après une application répétée et rapprochée sur fruits (4/6 applications), sans pour autant entraîner un développement de fumagine, la maltodextrine ayant un effet dessicant.
Aucune limite maximale de résidus (LMR) n'est requise pour la maltodextrine(1), du fait que cette substance existe à l'état naturel, qu'elle peut déjà être présente en très faible quantité sur le végétal avant le traitement et qu'elle est largement utilisée en alimentation.
Quelles sont ses performances ?
Importance du taux d'humidité et de la température
Les performances de ce nouvel insecticide sont étroitement liées aux conditions climatiques lors de son application et des quelques heures qui suivent. De par son mode d'action, les conditions d'humidité et de température doivent permettre un séchage le plus rapide possible. Dans des conditions asséchantes, l'effet du produit est proche des références conventionnelles. Les nombreux essais conduits par Certis Europe l'illustrent bien : l'efficacité sur acariens en culture de fraise et aleurodes en culture de concombre est similaire à celles des références conventionnelles testées (Figure 2 et Figure 3 page suivante). En revanche, des essais sur le terrain conduits sur pucerons ont montré qu'une application dans un environnement où l'humidité relative est de 100 % aboutit à une mortalité nulle des populations traitées.
Qualité de pulvérisation
Le deuxième facteur clé est la qualité de pulvérisation. Toujours en lien avec son mode d'action, le produit doit non seulement entrer en contact avec ses cibles, mais doit également les recouvrir. Un volume de bouille adapté à la végétation ainsi qu'une répartition très homogène du produit sont donc indispensables, y compris sur les faces inférieures des feuilles. La photo 1 montre un exemple de puceron (Myzus persicae) juste après traitement, avant séchage de la solution.
Adapté aux ravageurs de petite taille
Eradicoat possède un large spectre vu ses modes d'action non spécifiques. Mais ce sont les ravageurs de petite taille et peu mobiles qui sont les plus touchés : pucerons de petite taille, aleurodes et acariens. Il affecte tous les stades, depuis les oeufs jusqu'aux adultes en passant par les larves. Les oeufs d'aleurodes, par exemple, sont affectés puisqu'ils respirent par le chorion (paroi de l'oeuf).
Concernant l'intégration de ce produit de biocontrôle dans les programmes de protection biologique intégrée, il faut respecter quelques règles. Certis Europe a étudié dans son laboratoire biocontrôle (Nîmes) la réaction des auxiliaires les plus utilisés après une application directe ou indirecte du nouveau produit.
Lorsque les auxiliaires sont disposés sur des feuilles ayant subi un traitement avec ce produit, aucune mortalité n'est observée. L'explication est que la maltodextrine n'a aucune toxicité directe, et qu'après avoir séché, elle perd ses modes d'action mécaniques. Ceci est une composante importante de l'intérêt du nouveau produit : il n'existe aucun effet résiduel après séchage.
Dans le cas d'une application directe, pour la plupart des auxiliaires on observe plus de 50 % de mortalité. Ce n'est pas le cas au stade momies, où les hyménoptères parasitoïdes type Encarsia ou Aphidius ne sont que peu ou pas touchés.
Comment l'utiliser ?
Un traitement ciblé
Les mesures à prendre pour le respect des auxiliaires sont d'éviter ou de réduire au maximum l'application directe sur les auxiliaires, en favorisant une réintroduction des auxiliaires après séchage du produit et en pratiquant une gestion localisée des foyers. Il est en effet recommandé de traiter uniquement les plantes ou les parties de la serre infestées, ou encore d'intervenir uniquement sur un étage foliaire des plantes. Par exemple, pour traiter des aleurodes en culture de tomate, une application en tête de plante visera les aleurodes adultes, tout en protégeant les auxiliaires présents sur les étages inférieurs.
Perturber le cycle des ravageurs
Eradicoat est homologué sur toutes les cultures légumières et ornementales, sous abri uniquement, pour le traitement des aleurodes, acariens et pucerons. La dose de l'AMM est de 75 l/ha. Cependant, une telle quantité n'est pas recommandée : la bonne dose à apporter se calcule en concentration, à 2,5 %, soit 25 ml du produit formulé par litre d'eau. Il doit être appliqué à la limite du ruissellement pour bien couvrir les ravageurs, en conditions asséchantes (notamment en milieu de journée ensoleillée, avec un faible taux d'humidité). Un volume d'eau maximal de 1 000 l/ha doit être utilisé, soit une dose maximale de 25 l/ha.
Les applications sont à mettre en oeuvre dès l'apparition des premiers foyers et à répéter à intervalle régulier, entre trois et sept jours, afin de perturber le cycle de développement des ravageurs. Le produit peut s'appliquer jusqu'à vingt fois par an.
(1) La maltodextrine est incluse à l'annexe IV du règlement (CE) n° 396/2005, qui regroupe les substances pour lesquelles il n'est pas nécessaire de fixer de limite maximale de résidus.
Fiche d'identité
Nom de marque : Eradicoat
N° d'AMM : 2160114
Composition : maltodextrine 597,8 g/l
Classement : H319 (Provoque une sévère irritation des yeux) et H412 (Nocif pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme)
Dose d'AMM : 75 l/ha en respectant une concentration de 2,5 % d'Eradicoat
Dose recommandée : 2,5 % pour une application à la limite de ruissellement. Ne pas dépasser 1 000 l d'eau/ha
Nombre maximal d'applications : 20 par an
DAR : 1 jour
ZNT : non pertinent (usage sous abri uniquement)
DRE : 24 h
Gamme d'usage : professionnel
POUR EN SAVOIR PLUS
roger@certiseurope.com
LIEN UTILE : www.certiseurope.fr