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DOSSIER - Les bioagresseurs souterrains sous les projecteurs

Nouveaux produits phyto : le biocontrôle émerge

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°714 - mai 2018 - page 18

Depuis un an, huit nouveautés, dont quatre de biocontrôle, visent des maladies ou des ravageurs (insectes ou vertébrés) souterrains. Sans compter quatre extensions d'usage. Le point.
 Photo : Pixabay

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La protection contre les bio-agresseurs du sol a vu arriver du nouveau depuis un an, surtout du côté du biocontrôle. Par ailleurs, les seuls produits visant directement des ravageurs sont des traitements du sol.

Traitement des semences : deux produits de biocontrôle

Les points communs

Les nouveaux traitements des semences et plants sont principalement fongicides. Deux d'entre eux sont à la fois :

- de type biocontrôle puisque leurs principes actifs sont des micro-organismes naturels (non modifiés génétiquement) ; il s'agit, dans les deux cas, de bactéries ;

- listés biocontrôle L. 253-5(1), car leurs fabricants ont pu prouver qu'ils possèdent des caractères d'innocuité que n'ont pas tous les produits naturels(2).

Les micro-organismes contenus dans ces produits appartiennent à des genres (et même pour l'un, à une espèce) connus, mais il s'agit de souches inédites. Sachant que deux souches d'une même espèce peuvent avoir des propriétés différentes, il s'agit donc bien de substances actives originales.

Autre point commun aux deux produits : tous deux visent les « champignons autres que pythiacées(3) », mais pas les mêmes espèces ni sur les mêmes cultures.

Bacillus pour le colza

Integral Pro, de BASF, est à base de la souche MBI600 de Bacillus amyloliquefaciens. Il est autorisé en traitement des semences du colza et de la navette. Il a été testé et officiellement reconnu efficace contre le phoma du colza, maladie causée par Leptosphaeria maculans (Tableau 1).

À noter une originalité : le produit a également un effet de stimulation de défenses naturelles (SDN) des plantes sur toutes les crucifères oléagineuses contre des insectes ravageurs de cette famille de plantes, à savoir la grosse altise (Psylliodes chrysocephala) et la petite altise (espèces du genre Phyllotreta sp.). Toutefois, il ne s'agit pas d'un effet direct, et l'efficacité contre ces coléoptères s'apparente plutôt à ce que l'on appelle un effet secondaire. Le nouveau produit est, avant tout, un fongicide.

Pseudomonas pour le plant de pomme de terre

L'autre traitement « bio » des semences - en fait des plants - est Proradix, de la société allemande SP Sourcon Padena (le distributeur du produit en France n'est pas encore connu). À base de la souche DSMZ 13134 de Pseudomonas sp., il vient d'être inscrit sur la liste officielle des produits UAB, utilisables en agriculture biologique.

Il est destiné à protéger les plants de pomme de terre contre les champignons autres que pythiacées, en pratique le rhizoctone brun et la gale argentée dus respectivement à Rhizoctonia solani et Helminthosporium solani (Tableau 1).

Autres traitements des semences

Sedaxane en solo/duo, soit pour maïs, soit pour céréales à paille

Par ailleurs, deux traitements des semences fongicides conventionnels sont proposés par Syngenta (voir Tableau 1). Tous contiennent du sédaxane. Cette substance n'est pas une inconnue en phytopharmacie mais elle est relativement récente : le premier produit qui en contient, Vibrance Gold, a été autorisé fin 2011. Jusqu'à l'an dernier, c'était l'unique produit phyto disponible contenant cette substance.

Les deux nouvelles spécialités sont :

- Vibrance, dont la seule substance active est le sedaxane et qui est autorisé sur maïs et ses cultures rattachées (sorgho, millet, moha, miscanthus et panic dont Switchgrass) ainsi que sur maïs doux ; il vise le charbon des inflorescences et le rhizoctone (usage « champignons autres que pythiacées » avec précision « efficacité montrée sur rhizoctone ») ;

- Vibrance Duo, commercialisé en France sous son second nom de marque Celest Power, associe le sédaxane et le fludioxonil ; il est autorisé sur blé et ses cultures rattachées (triticale et épeautre), orge, seigle et avoine contre les champignons autres que pythiacées.

Binôme pour céréales à paille

Le cinquième traitement de semences de l'année, Redigo pro, de Bayer, associe le tébuconazole au prothioconazole (Tableau 1). Il vise, lui aussi, les champignons autres que pythiacées sur blé, triticale, épeautre, orge, avoine et seigle.

Traitements du sol

Biocontrôle antitaupin sur maïs

Passons aux nouvelles spécialités destinées aux traitements du sol. Toutes visent des ravageurs (Tableau 2). Le premier produit, nommé Success GR, est à base de spinosad, un extrait bactérien naturel. Son AMM relève de la société SBM Développement mais il est proposé en France par Dow AgroSciences (cette société est en train de fusionner avec DuPont pour former Corteva Agriscience mais, cette dernière ne devant être autonome qu'en 2019, la marque Dow perdure en 2018).

Quoi qu'il en soit, cette autorisation sur maïs est un événement : c'est le premier antitaupin de biocontrôle autorisé sur cette culture, que ce soit en traitement du sol ou des semences. Inscrit sur la liste biocontrôle L. 253-5, le produit attend sa reconnaissance officielle UAB.

Ce produit micro-granulé, à appliquer dans la raie de semis lors du semis lui-même, a été autorisé sur maïs. Il est également développé sur pomme de terre, culture sur laquelle Dow va probablement demander une extension d'usage. Pour en savoir plus, voir l'article p. 30 à 34.

Biocontrôle antitaupin sur pomme de terre

Un autre produit de biocontrôle vise aussi les taupins, mais il concerne la pomme de terre. Il s'agit de Naturalis, de De Sangosse, à base d'une souche originale du champignon entomopathogène Beauveria bassiana.

Ceci étant, cette formulation liquide (suspension huileuse) est autorisée également sur diverses cultures pour des usages en TPA (traitement des parties aériennes) contre des ravageurs autres que souterrains, et la société a travaillé surtout ces derniers usages. Elle estime ne pas avoir encore suffisamment de recul pour donner des préconisations techniques précises sur pommes de terre et n'a donc pas fait la promotion du produit pour les plantations 2018.

Du nouveau contre les campagnols

La troisième nouveauté vise des ravageurs souterrains vertébrés : les campagnols et autres petits rongeurs des cultures. C'est Ratron GL, de Frunol Delicia, commercialisé en France par Lodi (Tableau 2).

Il se présente sous forme de granules, à l'aspect de lentilles, prêtes à l'emploi. Ces appâts contiennent du phosphure de zinc qui libère de la phosphine seulement après ingestion par les rongeurs. Frunol Delicia propose une canne d'application spécifique permettant de placer les lentilles sans les manipuler dans les trous de rongeurs. Nous avons déjà évoqué ce produit(4). Rappelons que :

- sa substance active vient garnir un usage mal pourvu ; un seul autre rodenticide, la bromadiolone, est autorisé dans des produits phyto contre les campagnols et les mulots, ce qui est notoirement insuffisant contre les risques de résistance ; la phosphine a un mode d'action différent ;

- il offre une meilleure sécurité que la bromadiolone vis-à-vis de la faune non-cible, en particulier des consommateurs de campagnols (rapaces et autres omnivores et carnivores de la faune sauvage, et aussi chats et chiens aventureux) ; en effet, la phosphine, au contraire des rodenticides anticoagulants, ne persiste pas dans l'organisme des rongeurs ; les animaux consommant ces derniers ne risquent pas les intoxications secondaires occasionnées par les anticoagulants.

Les extensions d'usage

Téfluthrine sur diverses cultures

La revue des innovations phytopharmaceutiques ne serait pas complète sans les extensions d'usage inédites de produits déjà autorisés par ailleurs.

L'une d'elles est encore un traitement du sol visant des ravageurs souterrains, des insectes en l'occurrence. Il s'agit de Force 1,5 G, micro-granulé de Syngenta à base de téfluthrine.

Certes, la substance active est autorisée contre des ravageurs du sol depuis début 1988(5). Quant au produit lui-même, autorisé depuis 2008 sur maïs et maïs doux, il a déjà bénéficié d'extensions d'usage. Mais celles de début 2018 font arriver la téfluthrine sur des usages inédits pour elle en traitement du sol.

Les extensions concernent des grandes cultures (tournesol, chanvre, betteraves industrielle et fourragère) et des légumes, surtout de plein champ. Les ravageurs visés sont tous ceux du sol avec une mention particulière aux mouches dont les asticots sont des ravageurs souterrains de ces cultures (voir Tableau 3).

Deux nouveaux pour le lin

Deux autres extensions d'usage concernent des traitements des semences fongicides, tous deux de Syngenta et dans les deux cas sur la culture du lin. Il faut dire que cet usage a failli devenir orphelin : l'unique traitement des semences à base de manèbe a disparu du marché le 31 janvier dernier vu le non-renouvellement d'approbation de la substance active(6). Il ne serait donc plus resté que des produits à base de thirame. Cette substance vient de voir son approbation prolongée, mais seulement jusqu'au 30 avril 2019(7). De fait, les deux nouveautés comblent un vide...

Dans le détail, Apron XL, à base de métalaxyl-M, vise les pythiacées, et Celest Net, qui contient du fludioxonil, vise les champignons autres que pythiacées. Le tout est autorisé sans indications d'efficacité sur des espèces précises.

Un fongicide pour la pomme de terre

La dernière extension concerne elle aussi un fongicide. C'est Sercadis, de BASF, à base de fluxapyroxad, désormais autorisé pour protéger les plants de pomme de terre contre les champignons autres que pythiacées, avec une efficacité reconnue contre Rhizoctonia solani, agent du rhizoctone brun. Son application est autorisée aussi bien en traitement du plant qu'en traitement du sol à la plantation. Un produit mixte, donc, d'autant plus qu'il était déjà autorisé en traitement des parties aériennes en verger.

(1) Autrement dit « inscrits sur la liste des produits de biocontrôle au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime ». (2) Pour intégrer la liste L. 235-5, un produit ne doit pas être classé très toxique ou toxique (toxicité aiguë, mentions de danger H300, H310, H330, H301, H311 ou H331), ni avoir une toxicité chronique de type CMR, c'est-à-dire cancérogène, mutagène ou reprotoxique avéré, soupçonné (mentions H350, H340, H360) ou possible (H351, H341, H361, H362) ; il ne doit pas être toxique ou très toxique pour les organismes aquatiques (mentions H400 et H410), sauf risque négligeable de transfert dans les eaux (ex. : diffuseurs pour confusion sexuelle).(3) Pour mémoire, les taxonomistes classent aujourd'hui les pythiacées plus près des algues que des champignons (les pythiacées les plus connues sont celles des genres Pythium ainsi que Phytophthora infestans, agent du mildiou de la pomme de terre et de la tomate et Plasmopara viticola, agent du mildiou de la vigne). (4) « Nouveaux produits phyto : l'innovation passe par le bio », Phytoma n° 711, février 2018, p. 29 à 32.(5) Dans Force TS (AMM n° 8700640), en traitement des semences de betterave. Source : E-phy, voir « Liens utiles ». (6) Nommé Rivanebe 80, il était autorisé via un permis de commerce parallèle. Ce dernier est arrivé à échéance le 31 janvier 2018 (décision Anses : voir « Liens utiles ») à la suite du non-renouvellement de l'approbation européenne du manèbe (elle même décidée par le règlement n° 2016/2035 du 21 novembre 2016, au JOUE du 22, voir « Abrégements de prolongations : manèbe et fipronil », Phytoma n° 699, décembre 2016, p. 5).(7) Règlement n° 2018/524 du 28 mars 2018, au JOUE du 4 avril. Voir « Prolongations : 23 substances », Phytoma n° 713, avril 2018, p. 5.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Huit nouveaux produits phyto dont quatre de biocontrôle sont apparus en un an contre des bioagresseurs souterrains.

NOUVEAUX TS - Cinq sont des traitements des semences (TS) :

- un biofongicide colza à base de Bacillus amyloliquefaciens ;

- un biofongicide plants de pomme de terre à base de Pseudomonas sp.

- trois fongicides conventionnels (à base de sedaxane, fludioxonil, prothioconazole et/ou tébuconazole) pour le maïs ou les céréales.

NOUVEAUX TSOL - Trois s'utilisent en traitement du sol (Tsol) :

- deux bio-insecticides (à base de spinosad sur maïs, et de Beauveria bassiana sur pomme de terre) ;

- un rodenticide anticampagnol contenant du phosphure de zinc.

EXTENSIONS D'USAGE - Quatre produits conventionnels ont obtenu des extensions d'usage sur lin, pomme de terre ou diverses cultures industrielles et légumières.

MOTS-CLÉS - Bioagresseurs souterrains, produits phytopharmaceutiques, biocontrôle, traitement des semences, traitement des plants, traitement du sol, fongicide, insecticide, rodenticide.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : https://ephy.anses.fr

www.anses.fr/fr/system/files/RIVANEBE80_PRAUT_2017-2605_D.pdf

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