Retour

imprimer l'article Imprimer

Sur le métier

Guilhem Sévérac prône l'innovation durable en arboriculture

PAR ANNE-ISABELLE LACORDAIRE - Phytoma - n°714 - mai 2018 - page 48

Conseiller en arboriculture fruitière à la chambre d'agriculture du Vaucluse, Guilhem Sévérac a commencé son activité en 1997. À l'origine dédiée à l'arboriculture conventionnelle, celle-ci est vouée aujourd'hui à l'arboriculture bio à 80 %. Mais les fondamentaux de son travail subsistent : jouer les têtes chercheuses de l'innovation puis oeuvrer proche du terrain.
 Photo :  J.-N Carles

Photo : J.-N Carles

Un point commun existe entre la pomme Juliet, marque déposée, et les filets Alt'Carpo, surtout pas marque déposée : tous deux ont débuté leur développement en France dans le Vaucluse, sous l'égide de Guilhem Sévérac. Conseiller en arboriculture fruitière à la chambre d'agriculture du Vaucluse, il décrit ainsi son métier : « Mon rôle est d'apporter un conseil technique global auprès des producteurs de fruits, tel que l'accompagnement sur l'ensemble des facteurs de production ainsi que sur l'orientation technico-économique du verger. Il s'agit de rendre les producteurs les plus autonomes possibles et de mettre en perspective des éléments de réflexion pour les aider dans leurs prises de décision. »

Pour ce faire, notre conseiller joue les têtes chercheuses.

« Je suis constamment en veille réglementaire et en recherche de nouvelles références techniques. Une partie de mon travail est d'élaborer de nouvelles solutions, les évaluer expérimentalement et, si elles sont validées, d'en assurer la vulgarisation à travers différentes actions de diffusion. » Cela a été le cas avec la pomme Juliet, un travail qui a commencé il y a vingt ans.

Étude de faisabilitédu bio

« En 1998, au salon Miffel, le pépiniériste Benoît Escande m'a parlé d'une variété de pomme issue de la recherche américaine, résistante à la tavelure et encore à développer, nommée Juliet. » Amusé par la coïncidence avec la naissance toute récente de sa fille Juliette, notre conseiller plante quelques pieds dans le verger variétal qu'il a mis en place. C'est presque un pari : la forme irrégulière des fruits handicape la variété sur le marché conventionnel et, à l'époque, « le bio n'était pas encore à la mode ». C'est sans compter sur l'évolution des mentalités face à la crise de la filière pomme et l'intérêt croissant pour le bio.

« En 2000, avec un groupe de producteurs de l'OP Midisaveur dont j'assure le suivi technique, nous initions une étude de faisabilité du "bio" en trois volets : réglementaire, technique et commercial. Sur l'aspect réglementaire, il s'agissait d'étudier la possibilité d'intégrer un atelier de production bio dans une exploitation conventionnelle. En effet, il était inenvisageable de convertir immédiatement l'intégralité de l'entreprise en AB.

Sur le plan technique, les chiffres de rendements moyens en production de pommes AB étaient de l'ordre de 7 t/ha. » C'est loin des 40 tonnes, voire plus, des vergers conventionnels. « Il fallait construire un itinéraire technique permettant une production de pommes biologiques économiquement viable.

Concernant les aspects commerciaux, le marché était très atomisé. Il semblait indispensable d'organiser la mise en marché. »

La variété Juliet a été sélectionnée à l'issue de ce travail. Dans le verger de collection, elle avait montré son potentiel gustatif et confirmé sa tolérance à la tavelure et aussi au puceron cendré. En 2002, les premiers vergers sont plantés dans le Vaucluse. En 2005, c'est la création de l'association des Amis de Juliet. Actuellement, cette pomme, réservée à la production en agriculture biologique et plantée partout en France, est commercialisée par le metteur en marché Cardell, basé à Avignon.

« Je continue à assurer l'expertise et la coordination technique au niveau national », précise Guilhem Sévérac. Il organise et anime les réunions annuelles avec l'ensemble des producteurs de toutes les régions sur les pratiques, les conduites culturales...

Le concept Alt'Carpo

Mais il existe un autre bioagresseur important à maîtriser, en bio comme en conventionnel : le carpocapse ! Guilhem Sévérac est le père du concept Alt'Carpo. « Dans cette dénomination, on perçoit la recherche d'alternative et l'envie de donner un coup d'arrêt à la problématique carpocapse, principal ravageur du pommier et du poirier. L'élaboration de cette méthode de protection basée sur l'utilisation de filets a permis de faire "sauter" un verrou technique. » Le conseiller réalise lui-même le premier essai en 2005 dans son propre verger. Devant les « résultats spectaculaires », il initie un groupe de travail qui, en 2006, réalise dix essais avec différentes modalités (type de maille) et commence à communiquer sur l'intérêt de la technique, entre autres dans Phytoma(1). En 2007, c'est le début du développement en vergers commerciaux.

Vulgarisation

« En même temps, nous poursuivons les travaux sous la forme d'un suivi de réseau de parcelles pluriannuel. » Il y aura des collaborations avec l'Inra(2). Vu son efficacité, la méthode se développe en bio comme en conventionnel. De plus, « le travail de diffusion de cette innovation a permis sa vulgarisation en France mais également à l'étranger ».

Dans la région, « Alt'Carpo a contribué au développement de la production de fruits à pépins bio ». En vingt ans, l'activité de Guilhem Sévérac est passée de 100 % de conseil en production conventionnelle à 80 % en production biologique. Il est le conseiller arbo bio référent de sa chambre d'agriculture.

Aujourd'hui, il poursuit son travail de recherche d'innovation et de valorisation de celle-ci. L'activité de diffusion/vulgarisation passe par la presse spécialisée, comme Phytoma, mais aussi les médias grand public. Notre conseiller participe le plus possible aux réseaux de techniciens de Ceta, de chambres d'agriculture. Il échange avec les stations d'expérimentation, l'Inra et « des organismes de recherche et de développement étrangers » et estime que c'est l'innovation qui est le fil conducteur de l'évolution des pratiques.

(1) G. Sévérac et L. Romet, « Alt'Carpo, contre le carpocapse : travailler avec filets », Phytoma n° 601, février 2007, p. 10 à 14. D'autres publications suivront en février 2008 (n° 612, p. 16 à 20), septembre 2009 (n° 624-625, p. 30 à 33), mars 2010 (n° 632, p. 18 à 20), juin 2011 (n° 645). (2) B. Sauphanor et G. Sévérac, « Alt'Carpo : résultats en vergers, suite », Phytoma n° 645, juin-juillet 2011, p. 39 à 42. G. Sévérac et M. Siegwart, « Protection Alt'Carpo : nouvelles études », Phytoma n° 668, novembre 2013, p. 33 à 37.

BIO EXPRESS

1990-1997. Conseiller en arboriculture fruitière pour une structure de formation et conseil, puis une coopérative fruitière.

Depuis 1997. Conseiller en arboriculture fruitière à la chambre d'agriculture du Vaucluse.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :