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DOSSIER

Réglementation : évolutions parallèles en Europe et France

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°715 - juillet 2018 - page 12

Depuis juin 2017, les réglementations européenne et française encadrant la protection phytosanitaire des jevi suivent globalement les mêmes pistes.
 Photo : Pixabay

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 Le paillage des massifs est une solution de plus en plus utilisée pour éviter l'usage des désherbants (notamment le glyphosate !). Photo : Pixabay

Le paillage des massifs est une solution de plus en plus utilisée pour éviter l'usage des désherbants (notamment le glyphosate !). Photo : Pixabay

Nous l'avions évoqué il y a un an, 2017 a été en France « l'an un » des « pesticides chimiques interdits en espaces publics »... Il faudrait dire « pesticides chimiques à visée phytopharmaceutique interdits en espaces publics », car les pesticides autorisés comme biocides restent utilisables dans ces espaces, par exemple pour dératiser des jardins publics.

Des décisions européennes ont un impact sur les jevi

Restrictions et interdictions pour des substances conventionnelles

Depuis l'an dernier, des décisions concernant des substances phyto(1) ont été prises au niveau européen. C'est important car aucun produit ne peut être autorisé en France si ses substances actives ne sont pas approuvées par l'Union européenne. Certaines décisions sont des coups d'arrêt pour des substances phyto conventionnelles (« pesticides chimiques »), d'autre donnent le feu vert à des alternatives.

Les coups d'arrêt européens sur des substances conventionnelles ne concernent pas les jevi relevant du domaine public français et ouverts au public ; en effet, répétons-le, ces derniers n'ont déjà plus droit aux produits phyto conventionnels depuis 2017. En revanche, ils touchent les autres jevi, et notamment :

- les domaines privés, ouverts au public ou non (golfs et autres terrains de sport privés, jardins ouverts au public mais appartenant à des propriétaires privés et entretenus par des jardiniers professionnels, etc.) ;

- les domaines non ouverts au public quel que soit leur statut (zones industrielles, parties non ouvertes au public des emprises de ports, aéroports, aérodromes, autoroutes et domaine ferroviaire, etc.).

Ainsi, les règlements européens, publiés le 30 mai dernier(2), interdisant au 19 décembre prochain les applications en plein air de trois insecticides néonicotinoïdes concernent les jevi pour deux d'entre eux : l'imidaclopride, autorisé sur arbres et arbustes d'ornement, sur rosier et en forêt, et le thiaméthoxame autorisé sur arbres et arbustes d'ornement(3).

Ceci étant, la France a unilatéralement décidé d'interdire tous les néonicotinoides le 1er septembre prochain sauf dérogation. La réglementation française est plus qu'alignée sur celle de l'Europe, elle la devance !

Moins médiatisé, le refus de renouveler l'approbation de l'iprodione, survenu en novembre dernier(4), va lui aussi avoir un impact sur les jevi.

En effet, cette substance était à la base de fongicides pour gazon de graminées sur golfs et terrains de sport. Selon le règlement de non-renouvellement d'approbation, les délais d'écoulement de stocks ne devaient pas dépasser le 5 juin 2018. À l'heure où nous mettons sous presse, ces produits sont donc interdits de vente et d'application.

Feux verts européen pour des alternatives

En parallèle, l'Europe a octroyé des approbations pour des substances de type alternatif : des produits qui en contiennent pourront être autorisés dans tous les types de jevi. Ils sont en effet dispensés des interdictions en vigueur dans les espaces publics ouverts au public, ainsi que les interdictions prévues en 2019 pour le jardinage amateur. Ces substances sont de trois types :

- approuvées comme substances de base ;

- approuvées comme « à faible risque » ;

- ayant une origine naturelle pouvant leur permettre d'espérer être incorporées dans des produits UAB (utilisables en agriculture biologique) selon les réglementations européenne et française et/ou dans des produits de biocontrôle au titre de l'article L. 253-5 du code rural inclus dans la réglementation française.

À noter : les substances de base et celles « à faible risque » représentent deux catégories d'approbation différentes. Une même substance ne peut pas se trouver à la fois dans les deux catégories. En revanche, toute substance d'origine naturelle peut être approuvée comme « de base », « à faible risque » ou encore comme une substance classique. Depuis un an, les trois cas se sont rencontrés.

Quatre substances de base ont été approuvées : le chlorure de sodium en septembre 2017(5), la poudre de graines de moutarde ainsi que la bière en novembre 2017(6) et le talc E553B en mai 2018(7). Cela monte la panoplie à dix-neuf substances de base (voir Encadré 1). Toutes sont ainsi commercialisables en France pour des usages phytosanitaires.

La récolte est plus mince pour les substances à faible risque : une seule approbation, celle de la laminarine(8), et il ne s'agit pas d'une nouveauté. Cette substance a été reconnue à faible risque lors du renouvellement de son approbation. Cet extrait naturel d'algues marines est connu en France dans plusieurs produits, dont un autorisé dans les jardins d'amateurs. Mais cette approbation « faible risque » ne change rien en pratique. En effet, ce produit était déjà reconnu UAB et « de biocontrôle L. 253-5 », nous reviendrons sur ces deux reconnaissances.

À noter par ailleurs que l'approbation d'une autre substance d'origine naturelle, la souche NPP111B005 du champignon entomopathogène Beauveria bassiana, en mai 2017(9), concerne les jevi : elle s'applique sur palmiers ornementaux.

Au niveau franco-français

Haro sur les néonics

Voyons maintenant les événements de l'année concernant les règles franco-françaises. Comme en Europe, la tendance est aux restrictions côté chimique et aux encouragements côté biocontrôle.

Les restrictions touchent en premier lieu les grandes vedettes médiatiques : les néonicotinoïdes et le glyphosate. Dans les deux cas, la France va plus loin que l'Union européenne.

Vis-à-vis des « néonics », le gouvernement reste sur sa position : interdire toutes les substances de cette famille, et pas seulement celles visées par l'Europe, le 1er septembre 2018 sauf dérogations pour impasses techniques. L'Anses a publié le 30 mai son rapport sur la question. Il pointe six usages pour lesquels aucune alternative aux produits à base de néonicotinoïdes n'existe. Or deux d'entre eux concernent les jevi :

- les coléoptères sur arbres et arbustes (sous-entendu « d'ornement »), usage intéressant pour l'horticulture ornementale (pépinières) mais aussi pour ces ligneux en place en jevi ;

- les insectes du sol (hannetons) en forêt.

Dans sept autres cas, il existe une seule alternative chimique (une seule substance active, même si elle est proposée dans plusieurs produits différents), et aucune alternative non chimique. Deux concernent l'horticulture ornementale et les jevi :

- lutte contre les mouches des racines et des bulbes des cultures ornementales ;

- lutte contre les cicadelles, cercopidés et psylles sur les arbres et arbustes.

Reste à savoir si ces usages pourront bénéficier de dérogations... Ou non. Le piquant de l'affaire est que toutes ces restrictions ne concernent pas les produits biocides à base de néonicotinoïdes... alors qu'il en existe à destination des professionnels, et même pour les particuliers (par exemple, une seringue anticafard à base d'acétamipride).

Côté glyphosate

Quant à l'interdiction du glyphosate, en même temps que celle des autres produits phyto chimiques, elle touche déjà les usages professionnels en espaces publics :

- réaménagements de jardins publics pour supprimer les surfaces en terre nue (remplacés par le paillage, les plantes couvre-sol, l'enherbement, et aussi le dallage, l'empierrage et le bétonnage des allées de circulation) ;

- équipements des communes en matériels de désherbage mécanique et/ou thermique (pour la voirie, les allées, etc.) et de tonte (pour les espaces enherbés supplémentaires) ;

- réorganisation du travail des jardiniers et agents d'entretien.

Par ailleurs, en même temps que celle des autres produits chimiques, elle va avoir un impact sur la gestion des jardins d'amateurs. Quel sera l'effet sur l'opinion publique, actuellement très favorable au « bio », de l'évolution obligée des méthodes d'entretien des jardins ? À suivre... Enfin, quand elle sera effective (dans trois ans ? cinq ?) sur tous les espaces non agricoles, elle touchera fortement le désherbage des surfaces qu'il faudra bien continuer à désherber. Actuellement, les solutions de désherbage alternatives sont plus chères et/ou posent des problèmes d'efficacité, de sécurité, voire d'environnement : consommation d'énergie fossile, émissions de GES (gaz à effet de serre), d'autres polluants (particules fines, etc.). Les progrès en la matière, certainement possibles, seront-ils effectifs dans trois ans ?

Listes biocontrôle et reconnaissances UAB

Cependant, en parallèle des interdictions, la réglementation cherche à favoriser leur remplacement par des méthodes alternatives, parmi lesquelles l'utilisation de produits composés de substances de base, ceux UAB et ceux « de biocontrôle L. 253-5 ».

Ainsi, la France applique la réglementation européenne sur les substances de base de la façon la plus encourageante qui soit : tout produit composé exclusivement de celles-ci, pures ou diluées dans l'eau, est en vente libre pour des usages phytosanitaires, sans restriction. Ceci en jevi et en agriculture, par les professionnels comme les amateurs, avec ou sans certiphyto, sans nécessiter d'une AMM phytopharmaceutique.

Attention, les produits vendus doivent contenir exclusivement de telles substances, pures ou diluées dans l'eau. Pas question d'y associer un autre solvant ou un conservateur chimique ! C'est la seule exigence, mais elle ne souffre pas de dérogation.

De fait, dans les jardineries, les produits commerciaux composés de substances de base ont commencé à garnir les rayons des spécialités en vente libre.

Quant aux produits UAB et de biocontrôle L. 253-5, leurs listes s'allongent. La dernière mouture de la liste UAB, datée du 30 mars, et celle de la liste biocontrôle, datée du 16 mai, ont été publiées fin mai(10).

Parmi les nouveaux produits listés biocontrôle, le seul à base d'une substance active originale est autorisé en jevi ! Contenant une souche inédite de Beauveria bassiana, il est destiné à combattre le charançon rouge Rhynchophorus ferrugineus sur palmier - utilisé comme végétal d'ornement dans le sud de la France métropolitaine (voir articles p. 15 et p. 34). L'approbation européenne date seulement de mai 2017, le produit qui la contient a été autorisé sur palmiers d'ornement en mars 2018 et l'inclusion sur la liste biocontrôle L. 253-5 deux mois plus tard. On voit que les autorités françaises n'ont pas traîné.

À noter : concernant les substances à faible risque, tous les produits autorisés en jevi qui en contiennent sont reconnus UAB et/ou de biocontrôle L. 253-5.

(1) Phyto = phytopharmaceutique.(2) Règlements nos 2018/783, 2018/784 et 2018/785 du 29 mai 2018, au JOUE (Journal officiel de l'Union européenne) du 30. Les AMM (autorisations de mise sur le marché) doivent être retirées au plus tard le 19 septembre 2018, mais l'utilisation reste possible jusqu'au 19 décembre. (3) La troisième substance, la clothianidine, n'est autorisée en France que sur pomme de terre et en verger. (4) Règlement n° 2017/2091 du 14 novembre 2017, au JOUE du 15.(5) Règlement n° 2017/1529 du 7 septembre, au JOUE le 8.(6) Règlements n° 2017/2066 du 13 novembre et n° 2017/2090 du 14 novembre 2017, aux JOUE des 14 et 15.(7) Règlement n° 2018/691 du 7 mai, au JOUE du 8.(8) Règlement n° 2018/112 du 24 janvier 2018 au JOUE du 25.(9) Règlement n° 2017/843 du 17 mai 2017, au JOUE du 18.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les réglementations française et européenne en matière de produits phytopharmaceutiques destinés aux jevi ont suivi des évolutions globalement parallèles depuis notre dernier point depuis un an.

EUROPE - L'Europe a restreint l'usage de substances conventionnelles de type pesticides chimiques, notamment par l'interdiction en plein air de trois néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) à partir du 19 décembre 2018. De plus, elle n'a pas réapprouvé l'iprodione. Ces décisions ont un impact sur les jevi. Elle a encouragé les produits alternatifs en approuvant quatre nouvelles substances de base, une substance à faible risque et une nouvelle substance naturelle.

FRANCE - La France devance l'Europe en ce qui concerne les restrictions de pesticides chimiques pour les néonicotinoïdes (interdiction de toutes dès le 1er septembre) et le glyphosate (préparation de son interdiction), et la suit pour l'iprodione (interdiction actée).

Elle favorise l'autorisation de produits UAB (sous cadre européen) mais aussi de biocontrôle (cadre franco-français).

MOTS-CLÉS - Jevi (jardins, espaces végétalisés et infrastructures), réglementation, pesticides chimiques, néonicotinoïdes, iprodione, glyphosate, biocontrôle.

1 - Substances « de base » : où en est la panoplie ?

Dix-neuf substances de base étaient approuvées par l'Union européenne le 11 juin, soit quatre de plus qu'il y a un an. Toutes sont utilisables en jevi, par les professionnels comme les amateurs. Ce sont :

- le saccharose (communément appelé le sucre), le vinaigre, l'huile de tournesol, l'hydrogénocarbonate de sodium (bicarbonate de soude) et, nouveau, le chlorure de sodium (le « sel »), la bière et la poudre de graine de moutarde ;

- la lécithine, le fructose, le lactosérum (petit-lait) et le phosphate di-ammonique de qualité oenologique et, nouveau, le talc E553B ;

- la prêle, le chlorhydrate de chitosan, l'écorce de saule et l'ortie (Urtica spp.) ;

- l'hydroxyde de calcium (chaux éteinte), le peroxyde d'oxygène (de « l'eau oxygénée ») et le charbon argileux.

2 - Substances « à faible risque » utilisables en jevi

Parmi les douze substances phyto reconnues par l'Union européenne comme à faible risque au 11 juin 2018 (elles étaient onze en juin 2017), cinq sont utilisables en jevi :

- trois des quatre(1) substances inertes, le phosphate ferrique (pour des produits à la fois EAJ, UAB et de biocontrôle L. 253-5), ainsi que le COS-OGA (pour un produit à la fois EAJ et de biocontrôle L. 253-5) et, c'est nouveau, la laminarine (pour un produit EAJ, UAB et de biocontrôle L. 253-5) ;

- deux des huit micro-organismes(2), les champignons Isaria fumosorosea (synonyme Paecilomyces fumosoroseus) autorisé sur cultures florales sous serre et Coniotyrhium minitans souche CON/M/91-08, autorisé en traitements généraux, donc y compris en jevi.

(1) La quatrième est la cerevisane, disponible uniquement dans des produits professionnels à usage agricole.

(2) Les deux autres champignons reconnus à faible risque sont Trichoderma atroviride souche SC1 qui n'a d'usages qu'agricoles, et Saccharomyces cerevisiae souche LASO2 qui n'est pas autorisé en France. L'unique bactérie reconnue à faible risque, Bacillus amyloliquefaciens souche FZB24, n'est pas encore disponible en France. Aucun des trois isolats du virus de la mosaïque du pépino reconnus à faible risque n'est autorisé en jevi (un des trois l'est en agriculture).

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : JORF : www.journal-officiel.gouv.fr

JOUE : https://eur-lex.europa.eu/oj/direct-access.html?locale=fr

Liste biocontrôle : https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2018-394

Liste UAB : www.itab.asso.fr/activites/guide-intrants.php

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