L'Association française de protection des plantes, propriétaire de Phytoma(1), a élu à sa présidence Louis-Marie Broucqsault. Celui-ci travaille par ailleurs à la Fnams, Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.
Pourquoi la santé végétale ?
Phytoma - Que fait un « homme des semences » dans une association de la santé végétale ?
L.-M. Broucqsault - Sachez que la production de semences demande une protection sanitaire sans faille des végétaux cultivés et récoltés ! Elle représente de nombreuses espèces végétales avec beaucoup de bioagresseurs mais, en général, chaque espèce cultivée couvre de petites surfaces. Une bonne part de sa protection fait donc partie de ce que, dans le jargon phytosanitaire, on appelle des « usages mineurs ».
Les produits phyto(2) autorisés sur une culture le sont-ils aussi sur la production des semences correspondantes ?
Oui, car, selon le nouveau catalogue des usages, les AMM(3) qui s'appliquent aux cultures de consommation sont valables sur les cultures porte-graine correspondantes. C'est la règle générale. D'ailleurs, pour un grand nombre d'espèces de cultures porte-graine, le cycle de la production de semences est quasi le même que celui de la culture de consommation, même en tenant compte des sensibilités de lignées, notamment dans le cas particulier des herbicides sur maïs semences.
Mais il y a en plus des usages spécifiques aux productions de semences ; pour certaines espèces(4), la culture passe d'abord par le cycle de consommation, puis continue par le cycle reproducteur avec des bioagresseurs spécifiques. Sans oublier la question de la qualité des semences qui exige des précautions particulières de protection de ces cultures.
Elles ont besoin de davantage de protection ?
Oui, contre des maladies ou des ravageurs préjudiciables au cycle reproducteur, ou des adventices qui ne peuvent pas être séparées des lots de semence. Il revient à la Fnams, en tant qu'institut technique, de porter les dossiers de demandes d'extension d'usage. Je suis chargé depuis 2007 des dossiers réglementaires de la fédération ; à ce titre, je coordonne cette activité relative aux AMM. Comme mes correspondants de l'Itepmai et de l'Unilet(5), j'ai découvert le milieu de la protection des plantes et l'AFPP.
Parlez-nous de votre arrivée à l'AFPP.
Très vite, j'ai apprécié l'ouverture et le rôle de facilitateur d'échanges techniques de l' association. J'y ai adhéré en 2008. Je suis entré au conseil d'administration en 2013 et au bureau en 2017 en remplaçant Alice Baudet, devenue directrice de l'AFPP.
cuménique
Vous trouvez l'AFPP utile ?
Et comment ! C'est lié à son fonctionnement. Ses commissions et groupes de travail mobilisent beaucoup de bonnes volontés. Ils permettent une mutualisation des compétences de professionnels des différents collèges. Il y a une volonté collective de faire avancer les connaissances, les dossiers, etc., par ces groupes et commissions, et aussi les conférences et formations.
Vos projets pour l'association ?
D'abord, il n'est pas question de bouleversements. Je me situe dans la continuité des présidents Marc Delattre et Serge Kreiter, qui restent au bureau. Pour moi, l'AFPP doit rester une plateforme pluridisciplinaire, de rencontres scientifiques et techniques, oecuménique, ouverte aux tenants de l'agriculture biologique comme conventionnelle. Elle n'a pas à défendre des positions tranchées, à faire du lobbying...
Vous ne défendrez aucun type d'agriculture ?
Pas d'un type contre un autre. Pas de lobbying auprès des politiques, de publication de communiqués, de commentaires d'actualité, de polémique. Vive les débats et la liberté de parole en interne ! Mais l'AFPP ne prend et ne prendra pas de position politique. En revanche, il faut situer la protection des plantes dans une approche globale...
L'agroécologie, la protection intégrée ?
Oui. L'AFPP contribue à développer la protection intégrée en lien avec les avancées de la recherche, dans le cadre de l'agroécologie. Mais elle le fait via la science et la technique, par les échanges en commission, les colloques et formations qu'elle organise. Pas par des prises de position !
Bien sûr, il faut accompagner, favoriser, pousser le développement du biocontrôle. Il faut lui donner toute sa place au sein de l'AFPP. D'autant qu'il y a besoin d'innovation dans ce domaine, pour que les méthodes de biocontrôle réussissent.
C'est vrai aussi pour les autres alternatives à l'emploi des produits phyto classiques : techniques mécaniques, agronomie... et semences tolérantes et résistantes aux bioagresseurs.
L'agriculture française est à un tournant vers l'agroécologie. Il y aura toujours une place pour la protection des plantes, y compris en agriculture biologique, mais avec un choix de produits conventionnels plus restreint et une plus grande attention aux impacts, dont il faut prendre la mesure.
Axes de travail
À part cela, quels sont les chantiers concrets ?
D'abord, vu notre positionnement scientifique, oecuménique et non partisan, je compte oeuvrer pour que le premier collège soit mieux représenté. L'Inra, le CNRS, l'université, mais aussi l'Anses et les ministères ont vocation à être présents et actifs dans l'association. C'est enrichissant pour tous. Et ce n'est pas un conflit d'intérêt... ou alors il faut dissoudre tout de suite le consortium public/privé sur le biocontrôle ! Ensuite, il faut attirer vers l'AFPP de jeunes adhérents, ingénieurs et techniciens. Pour cela, nous réfléchissons à un tarif d'adhésion « jeunes professionnels ». Enfin, de par mon profil professionnel, je veux travailler au rapprochement entre la filière semences et le monde de la santé végétale.
Les semences sont un maillon fort de l'agroécologie. 70 % des maladies de début de cycle des cultures assolées peuvent être contrôlées grâce à la semence en dehors de la génétique, soit au champ sur les cultures porte-graine, soit à l'usine (triage et traitement des semences) : la semence est un levier puissant pour réduire les IFT ! Plus largement, il y a aussi les ravageurs souterrains et les bioagresseurs attaquant les jeunes plants au-dessus du sol... Les chercheurs et techniciens de la filière semences (dont ceux de la Fnams), et ceux des filières protection des plantes ont des bénéfices réciproques à se connaître et à échanger de l'information scientifique et technique.
1) Éditeur délégué : GFA.(2) phytopharmaceutique.(3) Autorisation de mise sur le marché.(4) Betteraves, cultures fourragères et certaines cultures potagères, florales et de PPAMC, plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires.(5) Institut technique des plantes à parfum, aromatiques et médicinales, et Union nationale interprofessionnelle des légumes transformés. (6) Bimestriel édité par la Fnams, destiné aux agriculteurs multiplicateurs et aux techniciens d'établissements semenciers.
Parcours
Ingénieur Ensaia (Nancy).
1982-1985. Ingénieur développement agricole en Sica puis Ceta.1986-1989. Agronome départemental « relance agronomique » CA de Haute-Savoie.
1989. Entre à la Fnams, à la station expérimentale de l'Étoile-sur-Rhône (Drôme).Depuis les années 2000. Responsable « réglementation intrants ». Gère les demandes d'extensions d'usages mineurs pour les PG.
Est actuellement :
- ingénieur régional Sud-Est ;
- en charge de la station d'Étoile-sur-Rhône ;
- responsable « réglementation des intrants » ;
- rédacteur en chef de Bulletin Semences(6).
1 - La Fnams, un réseau voué aux semences
Créée en 1956, la Fnams relie les agriculteurs multiplicateurs de semences français organisés en « 46 syndicats départementaux (SAMS) regroupés au sein de sept unions régionales. Ces deux niveaux d'organisation permettent d'échanger au niveau local sur les thèmes syndicaux, économiques, réglementaires ou techniques, et de faire remonter les problématiques au niveau national ».
Ce syndicat professionnel régi par la loi de 1884 revêt également un rôle d'institut technique (adossé à Arvalis-Institut du végétal), notamment grâce à sept stations d'expérimentation réparties sur le territoire national, dont celle d'Étoile-sur-Rhône (Drôme).
Parmi ces actions techniques figurent celles visant la santé des cultures de semences : tests de produits phyto avec les demandes d'AMM de ces produits (en général en « usages mineurs »), recherche de méthodes alternatives de protection. La Fnams emploie une quarantaine de salariés.
2 - L'AFPP compte désormais quatre collèges
Les adhérents de l'AFPP se répartissent en quatre collèges, entre lesquels tourne la présidence de l'association. Deux existaient déjà auparavant :
- 1er collège, secteur public (ministères, Anses, Inra, université, etc.) ;
- 2e, profession agricole (agriculteurs, salariés de chambre d'agriculture, d'instituts techniques, etc. ; collège auquel appartient L.-M. Broucqsault, la Fnams ayant un statut d'institut technique adossé à Arvalis) ;
Deux correspondent à l'ancien collège « secteur privé », soit :
- 3e, collège, entreprises fabriquant des intrants (phytopharmacie, biocontrôle, semences) et du machinisme ;
- 4e, autres acteurs d'économie marchande (distributeurs, prestataires).
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACTS : m.decoin@gfa.fr
louis-marie.broucqsault@fnams.fr
LIEN UTILE : www.afpp.net