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DOSSIER - RMT - VEGDIAG

Axe 2 : accompagner l'innovation

JEAN-CLAUDE STREITO(1), VALÉRIE GRIMAULT(2), THOMAS BALDWIN(2), FRANÇOISE POLIAKOFF(3), PASCAL GENTIT(3), ANDRÉ CHABERT(4) ET VALÉRIE LAVAL(1) (1) Inra. (2) Geves. (3) Anses. (4) Acta. - Phytoma - n°715 - juillet 2018 - page 66

En matière de techniques de biologie moléculaire, quels sont les avantages et limites des méthodes de diagnostic ? Que penser des nouvelles techniques ?
 Photo : CBGP - Montpellier

Photo : CBGP - Montpellier

Fig. 2 : Étapes de la PCR       La molécule d'ADN est dénaturée, c'est-à-dire que les deux brins complémentaires sont séparés à forte température. Les amorces spécifiques de la zone que l'on souhaite amplifier sont ensuite hybridées à la molécule d'ADN-cible. À partir de ces amorces, la Taq polymérase va reconstituer le brin d'ADN complémentaire. Après plusieurs cycles de dénaturation, hybridation, polymérisation, on obtient un grand nombre de copies de la zone d'ADN située entre les deux amorces.

Fig. 2 : Étapes de la PCR La molécule d'ADN est dénaturée, c'est-à-dire que les deux brins complémentaires sont séparés à forte température. Les amorces spécifiques de la zone que l'on souhaite amplifier sont ensuite hybridées à la molécule d'ADN-cible. À partir de ces amorces, la Taq polymérase va reconstituer le brin d'ADN complémentaire. Après plusieurs cycles de dénaturation, hybridation, polymérisation, on obtient un grand nombre de copies de la zone d'ADN située entre les deux amorces.

Fig. 3 : PCR, phase de révélation      Exemple de gel d'agarose permettant de visualiser le résultat d'une PCR diagnostique qui discrimine six espèces d'Epitrix, ravageurs des pommes de terre. La taille et le nombre des fragments d'ADN obtenus sont spécifiques de chacune des espèces. D'après Germain et al. (2013).

Fig. 3 : PCR, phase de révélation Exemple de gel d'agarose permettant de visualiser le résultat d'une PCR diagnostique qui discrimine six espèces d'Epitrix, ravageurs des pommes de terre. La taille et le nombre des fragments d'ADN obtenus sont spécifiques de chacune des espèces. D'après Germain et al. (2013).

Fig. 4 : RT-PCR, un exemple      Courbe d'amplification d'ADN de Xylella fastidiosa, lors d'analyse sur insectes Philaenus spumarius contaminés, par RT-PCR, alias PCR en temps réel (Harper et al., 2010), Anses-LSV Angers.

Fig. 4 : RT-PCR, un exemple Courbe d'amplification d'ADN de Xylella fastidiosa, lors d'analyse sur insectes Philaenus spumarius contaminés, par RT-PCR, alias PCR en temps réel (Harper et al., 2010), Anses-LSV Angers.

 2. Détection par amplification isotherme d'ADN dans un bloc chauffant à 39 °C durant 20 minutes.  Photos : Agdia Inc.

2. Détection par amplification isotherme d'ADN dans un bloc chauffant à 39 °C durant 20 minutes. Photos : Agdia Inc.

 3. Visualisation de ses résultats sur bandelettes.

3. Visualisation de ses résultats sur bandelettes.

> 4. Équipement mobile : l'amplification isotherme et la lecture des résultats se font via le lecteur.

> 4. Équipement mobile : l'amplification isotherme et la lecture des résultats se font via le lecteur.

Fig. 5 : Principe du barcoding       À chaque espèce, ici Tuta absoluta, on attribue une séquence d'ADN qui lui est propre et que l'on appelle « code-barres ». Photos : DR

Fig. 5 : Principe du barcoding À chaque espèce, ici Tuta absoluta, on attribue une séquence d'ADN qui lui est propre et que l'on appelle « code-barres ». Photos : DR

Fig. 6 : Exemple d'une base de données de barcoding       Une base de données de codes-barres comprend des séquences validées de toutes les espèces d'intérêt. Ici, à chaque espèce de tordeuse ravageur des arbres fruitiers correspond une séquence d'ADN qui la caractérise. Les couleurs permettent de visualiser les différences entre les séquences d'espèces voisines.

Fig. 6 : Exemple d'une base de données de barcoding Une base de données de codes-barres comprend des séquences validées de toutes les espèces d'intérêt. Ici, à chaque espèce de tordeuse ravageur des arbres fruitiers correspond une séquence d'ADN qui la caractérise. Les couleurs permettent de visualiser les différences entre les séquences d'espèces voisines.

 Exemple de résultat d'analyse du complexe d'espèces de Ralstonia solanacearum par puce à ADN Alere Technologies.  Photo : G. Cellier - Anses

Exemple de résultat d'analyse du complexe d'espèces de Ralstonia solanacearum par puce à ADN Alere Technologies. Photo : G. Cellier - Anses

 Photo : Agdia Inc.

Photo : Agdia Inc.

 Les techniques citées ici ne dispensent pas d'aller sur terrain, pour la prise d'échantillons - lesquels doivent être de qualité -, et d'établir un diagnostic visuel. Ne revendez pas vos bottes !  Photo : RMT VegDiag

Les techniques citées ici ne dispensent pas d'aller sur terrain, pour la prise d'échantillons - lesquels doivent être de qualité -, et d'établir un diagnostic visuel. Ne revendez pas vos bottes ! Photo : RMT VegDiag

Depuis trois ans, le RMT VegDiag en collaboration avec le Réseau français de la santé des végétaux anime une réflexion sur les nouvelles technologies d'analyses, essentiellement des techniques moléculaires.

Développer les connaissances

Travaux et animations

L'objectif est de mettre à disposition des acteurs de la santé des plantes des synthèses didactiques permettant de comprendre les mécanismes, les avantages et les limites de chacune des techniques de manière à pouvoir choisir la plus adaptée pour répondre à la question posée.

D'abord, plusieurs séminaires (parmi lesquels Angers le 28 septembre 2013, Angers les 1er et 2 avril 2015, Paris le 14 juin 2016, Paris le 4 septembre 2017) ont permis la présentation de différentes méthodes d'analyse par les laboratoires et sociétés spécialisées ainsi que des discussions et réflexions en tables rondes.

Ensuite, des fiches didactiques sur les principales techniques d'analyse ont été rédigées par des étudiants de l'Ensaia encadrés par des membres du RMT. Elles sont disponibles en ligne(1) et intégrées au guide de diagnostic.

Enfin, une enquête a été réalisée auprès des laboratoires du réseau afin de mieux cerner leurs pratiques. Cent douze laboratoires représentant toutes les disciplines de la protection des plantes ont décrit les techniques couramment employées en diagnostic et celles qu'ils souhaitent voir déployées. Les résultats ont été présentés lors du séminaire du 9 février 2017, à Paris.

Plusieurs projets de recherche menés par des membres du RMT ont également porté sur la question. Le RMT labellise également des projets CasDAR. Le tableau p. 17 donne un aperçu non exhaustif de ces projets.

Qu'entend-on par méthodes de diagnostic moléculaires ?

Plusieurs méthodes de diagnostic font appel à des techniques d'analyse issues de la biologie moléculaire. Il s'agit de techniques basées sur la recherche de la présence d'acides nucléiques (ADN ou ARN), spécifiques de l'organisme recherché.

Les méthodes moléculaires ont été utilisées en premier lieu dans le domaine médical et depuis quelques décennies dans le cadre de la détection et du diagnostic des maladies sur plantes. Différentes techniques visant à mettre en évidence et à caractériser une partie de l'ADN ou de l'ARN spécifique de l'organisme à rechercher sont à la disposition des laboratoires d'analyse : l'hybridation moléculaire (puces à ADN), la polymérase chain reaction (PCR), le séquençage.

Quelques définitions

L'ADN et l'ARN sont de grosses molécules, résultats de l'association de chaînons constitués d'une molécule de désoxyribose reliés par des groupes phosphates sur chacun desquels est fixée une base azotée : adénine (A), cytosine (C), guanidine (G), tyrosine (T). Ces chaînons s'organisent en un double brin en forme d'hélice (voir Figure 1).

La PCR (polymerase chain reaction) est une réaction chimique qui permet l'amplification (ou multiplication) rapide et exponentielle d'importantes quantités d'un fragment d'ADN spécifique et de longueur définie. Pour qu'elle puisse avoir lieu, la PCR nécessite d'être amorcée. Les amorces sont de courts fragments d'ADN dont la séquence complémentaire avec le site-cible de l'ADN permet une hybridation spécifique de part et d'autre de la partie (un gène ou partie de gène) que l'on souhaite mettre en évidence (voir Figure 2). Grâce à une enzyme appelée la Taq-polymérase, le brin d'ADN peut être dupliqué et reproduit jusqu'à l'infini. L'ordre de grandeur à retenir est celui du million de copies en quelques heures.

Le séquençage consiste en la lecture du code génétique (enchaînement des nucléotides : A, C, G, T), c'est-à-dire l'identification des nucléotides de la portion du génome de l'organisme-cible ou fragment d'ADN amplifié par PCR. Les séquences obtenues sont comparées à celles disponibles dans des bases de données contenant des séquences d'organismes identifiés, donc déjà associées à un nom.

Les techniques que nous allons présenter sont des déclinaisons de la PCR, de l'hybridation ou du séquençage.

Méthodes adaptées si l'on sait quels organismes chercher

La PCR et la RT-PCR, soit les PCR conventionnelles et « temps réel »

Le principe de la PCR et de ses dérivées est le suivant : dans le cas où l'organisme recherché est présent (qu'il soit vivant ou non), les amorces rencontrent leur cible. Elles s'hybrident alors et un amplifiât de la séquence, de taille connue, sera obtenu et visualisé par différentes techniques. Dans le cas contraire, la séquence n'est pas amplifiée et aucun signal ne sera obtenu.

La définition des amorces PCR détermine la spécificité de la réaction d'amplification. Ainsi, en fonction de la cible choisie, qui peut être plus ou moins universelle, une PCR peut être développée simplement et rapidement pour être spécifique d'un pathotype, ou encore pour être capable d'amplifier une large gamme d'espèces ou de genres.

De plus, par ses capacités de multiplexage, la PCR facilite le diagnostic de plusieurs agents pathogènes en une seule analyse.

Par ailleurs, en combinant l'amplification d'ADN avec une étape enzymatique de reverse transcription (RT-PCR), il est possible d'amplifier des ARN et donc de détecter des virus à ARN.

Les produits de l'amplification de la PCR peuvent être observés à la fin de la réaction sur un gel d'agarose grâce à la fluorescence d'un intercalant de l'ADN ajouté lors de la phase de la révélation (Figure 3), ou en temps réel par l'intermédiaire d'une courbe transcrivant l'évolution de la réaction d'amplification en cours (PCR ou RT-PCR en temps réel) (Figure 4). La PCR en temps réel (RT-PCR) est utilisable pour la quantification de la cible avec une référence correspondant à une gamme étalon.

La PCR conventionnelle, ainsi que la PCR en temps réel :

- permettent de détecter un organisme précis et, comparées aux méthodes traditionnelles et sérologiques, sont plus performantes en termes de spécificité, sensibilité analytique et seuil de détection ;

- nécessitent des programmes de températures précis et font appel à des appareils coûteux (thermocycleur) (photo 1 p. 16) ;

- exigent donc un équipement particulier et des compétences spécifiques pour les mettre en oeuvre que l'on rencontre généralement dans un laboratoire spécialisé.

Une certaine expertise est nécessaire pour l'utilisation de ces méthodes afin d'éviter tout problème de contamination croisée et de faux positifs.

Techniques d'amplification isotherme de l'ADN

D'autres méthodes pour l'amplification d'acides nucléiques sont utilisables, notamment celles d'amplification isotherme telles que la RPA (recombinase polymerase amplification) et la loop mediated isothermal amplification (Lamp).

Ces techniques, développées depuis une dizaine d'années, partagent avec la PCR le concept d'extension d'amorces spécifiques de la cible à amplifier par une ADN polymérase, mais elles s'affranchissent des cycles thermiques de dénaturation/amorçage. Elles sont plus simples à mettre en oeuvre que la PCR et permettent une détection rapide (généralement en 30 min). La détection des produits d'amplification peut également se faire à l'aide d'une réaction colorée du milieu réactionnel (photos 2 et 3).

Ces méthodes sont adaptées à l'emploi sur le terrain en utilisant un équipement mobile et robuste (photo 4). Cependant, comme pour les PCR conventionnelles, une certaine expertise est nécessaire afin d'éviter les problèmes de contaminations croisées et de faux positifs.

Les techniques d'amplification isothermes permettent comme précédemment la détection d'un organisme précis. Elles nécessitent donc que l'on ait une idée de l'agent pathogène à rechercher.

Les puces à ADN

Le principe à la base des puces à ADN repose sur l'hybridation. La puce est constituée d'une surface solide, généralement en verre, recouverte de polylysines, molécules capables de fixer des fragments d'ADN (sondes). Chaque sonde correspond à une séquence d'ADN spécifique de l'organisme recherché. Les copies d'une même sonde sont alors déposées sous forme de « spot », à des emplacements précis sur la puce.

Après la préparation, notamment marquage par un fluorochrome, les ADN de l'échantillon sont mis à incuber sur la puce. Si l'échantillon contient une séquence complémentaire d'une des sondes, il s'accroche et la zone correspondante de la puce s'allume grâce au fluorochrome. En fonction du ou des spots présentant une fluorescence, il est possible de déterminer quels organismes sont présents (photo 5).

Cette méthode permet donc de rechercher en même temps autant d'organismes que la puce contient de sondes (soit plusieurs milliers pour les puces les plus avancées).

C'est une méthode fiable mais le coût de production de la puce est élevé et la sensibilité limitée en particulier pour les organismes faiblement concentrés dans les plantes (il n'y a pas de phase d'amplification contrairement à la PCR ou la Lamp). Pour ces raisons, cette technique est peu utilisée en santé des plantes.

Méthodes adaptées pour la recherche sans a priori

Principe : « balayer » tout l'ADN présent dans un échantillon

Le séquençage de l'ADN est le processus consistant à déterminer l'ordre précis des nucléotides dans une molécule d'ADN. Les techniques précédemment évoquées donnent un résultat positif ou négatif. L'organisme dont on pensait qu'il pouvait être la cause de la maladie a été détecté ou non... Mais, en cas de résultat négatif, aucune indication n'est obtenue sur l'agent causal de la maladie et des symptômes.

Au contraire, le séquençage des acides nucléiques présents dans un échantillon permet de déterminer sans a priori le ou les éventuels organismes pathogènes présents.

Le barcoding

Le barcoding de l'ADN est une méthode d'identification qui utilise un fragment universel de l'ADN (une sorte d'empreinte génétique). Elle repose sur le séquençage de ce fragment, que l'on appelle, par abus de langage, barcode ou code-barres, lequel est présent chez tous les individus de la même espèce, mais qui peut présenter des séquences légèrement différentes en fonction de la variabilité à l'intérieur de l'espèce. Dans certains cas (comme certaines bactéries), plusieurs séquences sont nécessaires pour caractériser l'organisme.

À chaque espèce ou taxon correspondent une ou plusieurs séquences d'ADN qui le caractérisent (Figure 5). Son code-barres ADN lui est particulier et permet de le reconnaître et de le différencier des espèces ou taxons voisins. Un non-spécialiste peut ainsi identifier une espèce qu'il ne connaît pas, sous réserve d'une bonne maîtrise de la technique.

L'objectif à long terme est de créer un catalogue exhaustif des séquences d'ADN de toutes les espèces du globe en commençant par toutes les espèces ayant un intérêt agronomique (Figure 6).

Lorsqu'on s'est assuré que la séquence choisie est commune à tous les individus de l'espèce ou du taxon et qu'elle permet de le différencier des taxons voisins, elle est considérée comme validée. Les séquences validées sont réunies dans une base de données (Figure 6).

L'identification consiste à comparer la séquence d'un spécimen inconnu à toutes les séquences validées de la base. Si la base contient des erreurs d'identifications et/ou de séquençage, le résultat sera faux. Si la base de données ne contient aucune séquence de l'espèce recherchée, la méthode ne donnera aucun résultat ou donnera le nom de la séquence la plus proche avec un risque non négligeable de mauvaise interprétation. Il est donc fondamental d'avoir des bases de données les plus complètes possibles et surtout validées, et d'avoir des connaissances dans l'analyse des séquences. Il est toutefois difficile en pratique d'obtenir une base exhaustive, cela nécessiterait de connaître parfaitement la diversité du vivant...

Tous les êtres vivants y compris les bactéries, les champignons, les nématodes et les insectes, peuvent potentiellement être identifiés par barcoding. La technique fonctionne par ailleurs sur tous les stades de développement et sur toutes les formes (parfaites et imparfaites des champignons, les stades oeufs, larves, nymphes des insectes, etc.).

Actuellement il n'existe pas de séquenceur capable de produire une séquence sur le terrain, mais les progrès techniques actuels peuvent permettre de l'espérer.

L'identification par bacoding nécessite le prélèvement ou l'isolement de l'organisme à rechercher. Si la collecte d'un insecte est assez simple et peut se faire sur le terrain, l'isolement d'un champignon ou l'extraction de nématodes phytopathogènes nécessitent en général le recours à des techniques de laboratoire. Ces contraintes font qu'il est actuellement nécessaire d'avoir recours à un laboratoire spécialisé pour « barcoder », c'est-à-dire séquencer le code-barres, d'un organisme.

Le séquençage haut débit ou NGS

Contrairement au « barcoding » qui permet d'identifier un spécimen grâce à une séquence qui lui est propre, le séquençage haut débit, encore appelé « NGS » (pour next generation sequencing), permet l'obtention sans a priori de grandes quantités de séquences des acides nucléiques présents dans un échantillon. Plusieurs millions de séquences sont lues, et correspondent à plusieurs organismes présents en mélange dans l'échantillon (un insecte et ses bactéries symbiotiques ; une plante et tous les virus qui l'infectent, les bactéries d'un sol, etc.).

Plusieurs technologies existent et sont en concurrence, avec des longueurs de séquences obtenues et une fiabilité de séquençage très différentes selon la technologie. Chaque séquence est ensuite identifiée par comparaison à une base de données comme pour le barcoding et on obtient une liste d'organismes (ravageurs ou non ravageurs, pathogènes ou non pathogènes) présents dans l'échantillon.

Étant donné le très grand nombre de séquences obtenues, ces technologies requièrent des compétences spécifiques (bio-informatique) et parfois une grande capacité de calcul informatique pour trier, assembler et catégoriser les séquences. Elles sont encore peu utilisées en routine mais ouvrent d'immenses perspectives en diagnostic végétal :

- connaître tous les virus ou les champignons contenus dans une plante ;

- établir la liste d'espèces d'insectes contenus dans un piège ;

- connaître tous les genres (voire espèces) de nématodes extraits d'un sol, etc. ;

- détecter une maladie bactérienne ou virale dans un vecteur ;

- détecter un parasitoïde dans une larve et calculer des taux de parasitisme ;

- mettre au point des outils terrain d'identification automatique, etc.

Des bases de données « en cours de construction »

Les techniques faisant appel au séquençage de l'ADN reposent toutes sur la comparaison d'une séquence à une base de données de référence. Ces techniques sont récentes. Il est normal que les bases ne soient pas encore construites et que l'on découvre puis corrige encore des biais. Constituer les bases de données est un travail de fond, long, et qui fait appel à des spécialistes ayant une grande expertise et un accès à de solides collections. Malheureusement, le faible nombre de taxonomistes, d'ailleurs en décroissance, ralentit la construction des bases de référence.

Les techniques de séquençage deviennent intéressantes économiquement et en termes de délais uniquement lorsque le nombre d'échantillons est important. Elles ne pourront être utilisées en routine qu'à condition que la demande en analyses en santé des plantes augmente considérablement.

Conclusion

Des méthodes enthousiasmantes, mais avec des limites

Il existe une large gamme de méthodes moléculaires, et elle continue et continuera à s'enrichir avec de nouvelles techniques. Ces méthodes apportent des avantages significatifs en termes de délais de réponse, spécificité, sensibilité et dans la profondeur des informations qui peut être obtenue. Elles permettent aussi d'envisager des études plus fines et plus rapides, notamment des résistances, des réseaux trophiques, du parasitisme et de la vection. Leur intérêt pour le diagnostic et l'épidémiosurveillance est donc indéniable.

Cependant, toutes ces méthodes détectent la présence d'acides nucléiques (ADN ou ARN). Or celle-ci n'est pas toujours liée à la présence d'un organisme vivant, viable et pathogène. La présence de traces d'acides nucléiques par contamination externe de l'échantillon non liée à une infection de la plante, ou encore la présence de cellules mortes ou de virus inactivés peut ainsi être détectée.

Aussi, ces méthodes doivent être utilisées dans le processus de diagnostic pour confirmer des hypothèses et en s'assurant que les organismes détectés sont bien impliqués dans l'expression des symptômes observés. La démarche de diagnostic sur le terrain et au laboratoire, par une personne ayant des compétences en santé végétale suffisamment générales, est indispensable et ne pourra jamais être remplacée. Il convient d'avoir des relations étroites avec les acteurs de terrain qui ont fait les observations et les prélèvements. En aucun cas les méthodes moléculaires ne peuvent entièrement remplacer le diagnostic (pas plus qu'une analyse de sang ne peut remplacer le diagnostic réalisé par son médecin généraliste !).

Un défi pour les agriculteurs

Le diagnostic est la première étape et une étape clé dans une démarche de santé durable des plantes. Détecter précocement des résistances, des émergences ou de nouvelles invasions de bioagresseurs est aussi un enjeu important. Nous disposons actuellement de technologies de plus en plus performantes pour aider au diagnostic, mais, paradoxalement, la demande en diagnostic stagne à un faible niveau.

Cette absence de demande freine le développement des techniques les plus performantes mieux adaptées aux grandes séries ; elle est surtout très inquiétante face à la demande sociétale de diminuer l'utilisation des pesticides.

Améliorer le diagnostic en santé végétale, d'abord sur le terrain puis par confirmation grâce à des techniques innovantes, est sans doute un défi parmi les plus importants que va devoir relever l'agriculture française dans les années à venir.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les techniques de biologie moléculaire se développent pour le diagnostic en santé végétale. Le RMT VegDiag a fait le point sur la question.

ÉTAT DES LIEUX - Il existe deux catégories de techniques :

- la PCR, la RT-PCR, l'amplification isotherme et les puces à ADN décèlent des organismes dont la présence dans un échantillon est soupçonnée (ou prouvent leur absence) ;

- le barcoding et le NGS séquencent tout l'ADN des échantillons et le comparent à des bases de données.

Les spécificités, intérêts et limites de chaque technique sont signalés. Aucune ne dispense de la phase « terrain » du diagnostic.

MOTS-CLÉS - RFSV (Réseau français de la santé des végétaux), RMT VegDiag, diagnostic, biologie moléculaire, ADN, PCR (polymerase chain reaction), RT-PCR PCR en temps réel, Lamp (Loop mediated isothermal amplification), hybridation moléculaire, puces à ADN, séquençage, barcoding, NGS (next generation sequencing), séquençage haut débit.

1 - Quelques bases de données utilisables en « barcoding » et leurs limites

Qbank(1) : la base la plus complète pour les organismes de quarantaine pour l'Europe. C'est une base qui approche de la complétude (pour ces organismes) et qui est validée.

Rsyst(2) : base de données regroupant les séquences des organismes d'intérêt pour l'Inra (maladies, ravageurs, auxiliaires, diatomées, plantes). Référence pour les diatomées, elle contient encore peu de séquences pour les autres organismes, mais elle est validée.

Arthemis(3) : base de données regroupant des séquences d'arthropodes d'intérêt agronomique (ravageurs et auxiliaires). Elle est complétée progressivement, contient environ 25 000 séquences, et elle est validée.

Bold(4) : base de données de référence pour les animaux. Elle comporte plusieurs millions de séquences mais elle est loin d'être complète pour les groupes de ravageurs et d'auxiliaires qui intéressent la santé des plantes. Elle est validée mais contient des erreurs.

GenBank(5) : base d'ADN de référence pour l'ensemble du vivant au niveau mondial. Plusieurs millions de séquences mais elle n'est pas complète pour les groupes qui intéressent la santé des plantes. Elle n'est pas validée et, suivant les groupes taxonomiques, elle comporte énormément d'erreurs d'identification. Tout ceci limite fortement son intérêt pour faire de l'identification.

(1) www.q-bank.eu/

(2) www6.inra.fr/r-syst

(3) http://arthemisdb.supagro.inra.fr

(4) www.boldsystems.org

(5) https://blast.ncbi.nlm.nih.gov/Blast.cgi

2 - Exemples d'application des techniques de séquençage en diagnostic

Le projet Lycovitis(1)

Du diagnostic visuel au séquençage : Lycovitis un outil de diagnostic pour la tomate et la vigne.

Projet porté par l'Inra et associant une douzaine d'équipes de recherche ainsi que le RFSV et le RMT VegDiag.

Financement métaprogramme SMaCH de l'Inra.

Il s'agissait de créer un outil de diagnostic pour la vigne et la tomate, intégrant un diagnostic par l'image et une confirmation moléculaire.

On débute par un diagnostic au champ grâce aux applications nomades pour téléphones Di@gnoplant-Tomate et Di@gnoplant-Vigne. Lycovitis redirige l'utilisateur vers un laboratoire d'analyse via l'annuaire du RFSV(2). La séquence obtenue est ensuite comparée à la base de données de référence Rsyst(3) qui est la plus complète et la plus fiable pour ces deux cultures.

Ce projet comportait aussi un volet socio-économique au cours duquel ont été évalués : la méthode, son coût et l'adéquation de l'outil à la demande. Les enquêtes et séminaires menés par le RFSV depuis quatre ans ont été mobilisés en complément d'une enquête ciblée. Le présent article s'appuie en grande partie sur les résultats et l'expérience acquise au cours du projet.

Le projet Casdar Coleotool

Outils d'identification des charançons du colza et de leurs hyménoptères parasitoïdes.

Projet porté par Terres Inovia et l'unité de recherche CBGP de l'Inra. Il s'agissait de répondre à un besoin de Terres Inovia : identifier en routine les charançons du colza et leurs parasitoïdes afin de pouvoir mesurer des taux de parasitismes dans divers contextes agronomiques.

Des outils d'identification morphologiques et moléculaires ont été développés. Ils ont été mis en accès libre sur le web(4).

L'originalité du projet réside dans l'utilisation pour la première fois du séquençage haut débit associé à la base de données moléculaires pour mesurer directement les taux de parasitismes dans les larves de charançon. Cette technique innovante a été transférée au laboratoire d'analyse de Terres Inovia.

(1) Il est accessible via le site Inra e-phytia : http://ephytia.inra.fr/fr/CP/30/Identifier-les-maladies-et-les-ravageurs

(2) www.rfsv.fr/www/annuaire_rfsv/

(3) www6.inra.fr/r-syst

(4) www1.montpellier.inra.fr/CBGP/coleotool/index.html

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :