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Statistiques

Marché du biocontrôle la croissance se confirme

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°716 - septembre 2018 - page 11

IBMA France publie son baromètre du biocontrôle en 2017. Pour la seconde année consécutive, le chiffre d'affaires du secteur a effectué une hausse de plus de 25 %.
Sur ce rayon d'une jardinerie, ces produits en libre-service sont de type biocontrôle (et par ailleurs EAJ, d'emploi autorisé aux amateurs). Photo : M. Decoin

Sur ce rayon d'une jardinerie, ces produits en libre-service sont de type biocontrôle (et par ailleurs EAJ, d'emploi autorisé aux amateurs). Photo : M. Decoin

 Photo 6 : Inra PACA - Photo 7 : Pixabay

Photo 6 : Inra PACA - Photo 7 : Pixabay

Le « Baromètre IBMA biocontrôle » est le résultat d'une enquête effectuée annuellement en juillet auprès des adhérents d'IBMA France. Elle porte sur leurs chiffres d'affaires de l'année civile précédente. En 2018 pour l'activité 2017, comme en 2017 pour l'activité 2016, le taux de réponse est un impeccable 100 %.

Périmètre concerné

Les quatre catégories

Sachant que IBMA France représente environ 90 % du marché français du biocontrôle (celui des produits de protection des plantes alternatifs aux produits conventionnels), la représentativité semble bonne. Par ailleurs, ce qui est demandé aux sociétés sont leurs chiffres d'affaires concernant :

- les macro-organismes auxiliaires (insectes, acariens, nématodes) qui, lorsqu'ils sont élevés, commercialisés et lâchés, sont des produits de protection des plantes mais ne sont pas des produits phyto (=phytopharmaceutiques) au sens réglementaire ;

- les produits phyto à base de micro-organismes ;

- les produits phyto à base de médiateurs chimiques (phéromones, autres attractifs et répulsifs) ;

- les produits phyto à base de substances naturelles, qu'elles soient d'origine biologique (microbienne, végétale, animale) ou minérale.

Parmi ces produits, tous les macro-organismes (vendus librement, sauf les « non indigènes » qui doivent avoir une AIE, autorisation d'introduction dans l'environnement) sont utilisables en agriculture biologique. La majorité des produits phyto (qui doivent avoir une AMM, autorisation de mise sur le marché), sont utilisables en agriculture biologique (mention officielle « UAB » pour les produits phyto) et/ou sont sur la liste des produits de biocontrôle au sens de l'article L. 253-5 du code rural. IBMA France a voulu recenser le marché des produits de biocontrôle au sens de leur définition dans l'article L. 253-6 du code rural, plus large que celle de l'article L. 253-5.

Le cas du cuivre

Attention, ces statistiques n'intègrent pas les produits à base de cuivre (bouillie bordelaise, hydroxyde, oxychlorure, oxyde, sulfate...) même s'ils sont UAB. Certes, ces produits cupriques restent actuellement UAB car les agriculteurs biologiques feraient face à d'indubitables impasses techniques si on leur interdisait ces produits, notamment en viticulture(1). Mais le cuivre est une substance menacée par les autorités européennes : il fait partie des 45 qualifiées par les autorités européennes de « persistantes et toxiques » parmi les 77 substances « dont on envisage la substitution »(2).

Belle progression

Déferlante en jevi

La progression du chiffre d'affaires s'est accélérée en jevi(3), alias zones non agricoles. Avec un bond de 76 % par rapport à 2016, le chiffre d'affaires cumulé des adhérents d'IBMA France a atteint environ 42 millions d'euros en 2017.

L'activité globale « produits phyto non agricoles » est estimée à 82,6 millions d'euros en 2017(4). Les produits de biocontrôle des adhérents d'IBMA France en représentent donc environ la moitié (42 millions sur 82,6, soit 50,1 %, voir Tableau 1). On peut ainsi supposer que le biocontrôle représenterait environ 56 % du marché phyto en jevi (Tableau 2).

Honorable en agriculture

En revanche, la progression a ralenti en agriculture. Mais elle est tout de même de 9 % ! Par ailleurs, sur la même période, le marché phyto agricole aurait, lui, stagné. Il était mesuré à 2,17 milliards d'euros en 2016(5).

Ainsi, en 2016, les produits de biocontrôle frôlaient 5 % du marché phyto total français, avec 110 millions d'euros sur ce marché total de 2,27 milliards d'euros, soit 4,8 % :

- 3,9 % du marché agricole (84 millions sur 2,17 milliards) ;

- 32 % de celui en jevi (26 millions sur 81 millions(6)).

En 2017, ils passeraient la barre des 6 % du marché total français, avec 4,3 % du marché agricole et 55 à 56 % du marché jevi (Tableau 2).

Attention, ces estimations sont basées sur l'hypothèse citée plus haut d'une stagnation du marché phyto français agricole entre 2016 et 2017. Plusieurs sources concordantes font, certes, état de cette stagnation, mais les chiffres définitifs ne sont pas encore disponibles à l'heure où nous mettons sous presse. Tout reste à confirmer et à préciser !

Un contexte favorable

Des innovations mises au point

L'évolution favorable du marché du biocontrôle est liée d'abord à un développement de l'offre des produits. Et cela devrait continuer. Ainsi, en 2017, trente-trois dossiers de demandes d'AMM de spécialités phyto de type biocontrôle ont été déposés auprès de l'Anses par des sociétés membres de IBMA France. Il y en avait eu dix-huit en 2016(7), il s'agit bien une accélération.

Dans un avenir proche, IBMA France annonce qu'« une cinquantaine de nouveaux produits de biocontrôle devraient être lancés d'ici 2020 », selon les résultats partiels d'une enquête réalisée fin 2017. Seuls les deux tiers de ses adhérents ont répondu. On ignore si ceux restés muets n'ont pas de nouveauté en vue ou bien s'ils ne souhaitent pas les communiquer.

Produits phyto : la bienveillance de l'Anses et du ministère

En face, l'Anses a accéléré son rythme d'autorisation : quarante nouvelles AMM pour du biocontrôle délivrées en 2017 contre onze en 2016 !

Les demandes avaient été déposées en général plus d'un an auparavant, mais le délai entre dépôt de demande et délivrance de l'AMM tend à diminuer. Les produits de type biocontrôle bénéficient d'une attention accrue de la part des pouvoirs publics et d'une accélération des procédures, dans les faits et non seulement dans les discours.

Autre encouragement réglementaire, la « liste des produits de biocontrôle au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7 du code rural ». Il s'agit, parmi les produits phyto de type biocontrôle au sens de l'article L. 253-6 du même code de ceux qui, en plus, donnent des gages d'innocuité (voir encadré). Créée en novembre 2016, cette liste a vu ses critères d'inclusion stabilisés en mars 2017(8). Pour mémoire, elle succède à la liste des « produits de biocontrôle [...] fixant le taux de la taxe sur la vente de produits phytopharmaceutiques » (créée en avril 2015), elle-même remplaçant la liste « Nodu vert biocontrôle » (première version en 2012 avec 86 produits inclus à l'époque(9)).

Les services du ministère chargé de l'agriculture la réactualisent en fonction de ses critères, désormais sans ambiguïté (voir encadré). Et ils le font fréquemment : quatre fois en 2017, déjà quatre fois sur les sept premiers mois de 2018, la cinquième réactualisation étant promise pour ce mois de septembre et une sixième envisagée avant la fin de l'année !

Macro-organismes auxiliaires

Enfin, du côté des macro-organismes auxiliaires, l'Anses a publié depuis janvier 2017 cinq avis favorables pour l'autorisation (AIE) de macro-organismes auxiliaires non indigènes : les acariens prédateurs Amblyseius andersoni, Amblyseius swirskii et Transeius montdorensis (syn. Amblyseius montdorensis), de la société Agrobio SL, la punaise prédatrice Macrolophus pygmaeus, de la même société et Mastrus ridens, hyménoptère parasitoïde du carpocapse des pommes Cydia pomonella, autorisation demandée par l'UMR Inra-CNRS-UNS - Institut Sophia Agrobiotech.

Ce dernier dossier correspond à un projet de dissémination sans commercialisation (Phytoma avait évoqué en janvier dernier le travail réalisé(10)), mais les quatre autres sont des souches commercialisées comme produits de biocontrôle.

Elles représentent une petite partie de l'offre de macro-organismes auxiliaires : ceux vendus en France sont en majorité des espèces et souches indigènes ou naturalisées depuis longtemps et/ou figurant sur une longue liste établie en 2015. Quoi qu'il en soit, indigènes ou non, ces macro-organismes sont bien des outils de biocontrôle utilisables en agriculture conventionnelle ou biologique sans nécessiter d'AMM ni de mention UAB.

(1) Voir « L'Inra évalue les alternatives au cuivre en agriculture biologique », Phytoma n° 711, février 2018, p. 5. (2) Source : règlement européen 2015/408 du 11 mars 2015, paru au JOUE (Journal officiel de l'UE) le 12 mars 2015.(3) Jardins, espaces végétalisés et infrastructures. (4) Chiffre à consolider à l'heure où nous mettons sous presse. (5) Source : rapport d'activité UIPP, décembre 2017, en accès libre sur son site (voir « Liens utiles »). (6) Ces 81 millions d'euros sont le total des 26 millions du marché professionnel et des 55 millions du marché amateurs. Voir Delors J., 2017, « UPJ : une approche du jardinage drastiquement modifiée », Phytoma n° 709, décembre 2017, p. 21-25.(7) Source : Anses (février 2018), cité par IBMA France. (8) Note DGAL/SDQSPV/2017/ 289 du 28 mars 2017.(9). Voir « Le Nodu vert est arrivé », Phytoma n° 657, octobre 2012, p. 4.(10) D. Muru & al., 2018, « Un parasitoïde exotique pour lutte contre le carpocapse », Phytoma n° 710, janvier 2018, p. 37 à 41.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - IBMA France, association des sociétés fournissant 90 % du marché français du biocontrôle, a publié son baromètre 2017.

ÉTAT DES LIEUX - Le chiffre d'affaires a augmenté de 25 % entre 2016 et 2017 : 9 % en agriculture et 76 % en jevi qui pèsent désormais le tiers du marché du biocontrôle. Celui-ci frôle les 5 % du marché phytopharmaceutique en 2017 (évaluation provisoire août 2018). La croissance résulte de la réglementation (restrictions des produits phyto conventionnels en jevi) et de l'innovation (33 dossiers de demande d'AMM déposés, 40 AMM octroyées en 2017).

MOTS-CLÉS - Biocontrôle, produits phyto, produits phytopharmaceutiques, macro-organismes auxiliaires, IBMA France, marché, croissance, jevi (jardins espaces végétalisés et infrastructures), agriculture.

Liste biocontrôle L. 253-5 : conditions d'entrée et caractéristiques

Pour figurer sur la liste biocontrôle L. 253-5, un produit phyto doit être de type biocontrôle : sa ou ses SA (substances actives) doivent être des médiateurs chimiques, des substances naturelles, des copies conformes de telles substances ou des micro-organismes naturels. De plus, sa ou ses SA ne doivent pas être de celles « dont on envisage la substitution » au niveau européen. Enfin, le produit ne doit être affecté d'aucune des mentions suivantes :

- H300, H310, H330, H301, H311, H331 (toxicité aiguë) ;

- H340, H341, H350, H351, H360, H361, H362 (produits CMR) ;

- H370, H371, H372, H373 (toxicité spécifique sur certains organes-cibles) ;

- H400, H410 (écotoxicité pour le milieu aquatique), sauf si « la formulation ou le mode d'application du produit conduisent à un transfert dans l'environnement et à un risque absent ou négligeable » (ex. : des produits à base des médiateurs chimiques type phéromones de confusion sexuelle classés H400 et/ou H410 mais diffusés dans l'atmosphère à partir de diffuseurs placés dans les parcelles, donc non pulvérisés ; aucune gouttelette les contenant ne risque de dériver jusqu'aux points d'eau).

D'autre part, les pièges associant un attractif et un insecticide, même chimique, sont eux aussi classés de biocontrôle.

En effet, seuls les insectes-cibles (attirés par l'attractif spécifique, volatil mais non toxique), viennent s'exposer à l'insecticide ; ni les organismes non-cibles, ni les végétaux qu'ils protègent, ne lui sont exposés.

Faire partie de la liste donne aujourd'hui droit à :

- un taux réduit de taxe sur la vente des produits phyto ;

- pour les produits qui sont par ailleurs EAJ(1), rester en accès libre aux particuliers... et, bientôt, rester en vente après le 1er janvier 2019(2) ;

- pour les produits destinés aux professionnels en jevi, rester utilisables depuis le 1er janvier 2017 dans les espaces publics ouverts au public(2) ;

- pour tous (agricoles, produits pro en jevi, produits EAJ), pouvoir faire l'objet de publicités commerciales, y compris dans les médias grand public ;

- dans le cadre de la mise en place des CEPP, certificats d'économie de produits phyto, ne pas être comptabilisé dans les pesticides chimiques soumis à la réduction...

Des avantages supplémentaires pourraient figurer dans la future loi sur l'alimentation, mais son texte n'est pas arrêté à l'heure où nous écrivons ces lignes.

(1) Emploi autorisé dans les jardins.

(2) Privilèges partagés avec notamment les produits UAB, utilisables en agriculture biologique - de nombreux produits sont à la fois UAB et listés biocontrôle L. 253-5.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : www.ibmafrance.com (chiffres biocontrôle et autres infos sur IBMA France)

info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2018-528 (liste biocontrôle L. 253-5, version de juillet 2018)

https://eur-lex.europa.eu/oj/direct-access.html?locale=fr (JOUE en français)

www.uipp.org (chiffres marché phyto agricole)

www.upj.fr (chiffres marché phyto jevi)

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