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DOSSIER

Réglementation : nombre de décisions en suspens

Phytoma - n°716 - septembre 2018 - page 18

La qualité sanitaire des grains stockés a connu peu d'évolutions réglementaires en un an. Le point sur les décisions prises et celles en attente.

La réglementation de la qualité sanitaire des grains encadre d'une part certains contaminants naturels, d'autre part les produits - phyto(1) ou biocides - visant à préserver une qualité sanitaire acceptable.

Maîtriser les insectes de stockage

Prolongations : fluorure de sulfuryle, chlorpyrifos-méthyl, pirimiphos-méthyl

Parmi les produits phyto destinés aux grains stockés, d'anciennes substances insecticides ont vu prolonger leur durée d'approbation par les autorités européennes.

C'est le cas du fluorure de sulfuryle, connu en France dans Profume, autorisé pour la désinsectisation par fumigation des locaux vides de POV (produits d'origine végétale) dont font partie les grains stockés(2). L'approbation de la substance devait expirer en 2020. En février dernier, elle a été prolongée jusqu'au 31 octobre 2023(3).

Deux autres prolongations concernent des insecticides organophosphorés, à savoir le chlorpyrifos-méthyl et le pirimiphos-méthyl.

Le premier, contenu dans des produits utilisables au champ et d'autres au silo, a vu son approbation, qui devait expirer le 31 janvier dernier, prolongée d'un an, soit jusqu'au 31 janvier 2019(4) (voir tableau).

Le pirimiphos-méthyl, autorisé seulement en post-récolte, a été lui aussi prolongé d'un an, soit jusqu'au 31 juillet 2019(5).

Modifications de LMR

Mais la prolongation d'approbation d'une substance ne suffit pas forcément à pérenniser tous les usages pour lesquels elle était autorisée. Cela dépend aussi de l'évolution de ses LMR, limites maximales de résidus tolérées. Or celles du chlorpyrifos-méthyl ont été modifiées en mai dernier (règlement applicable le 5 décembre prochain) sur différentes denrées, entre autres certains grains stockés(6) :

- les LMR sont divisées par soixante sur blé (ou « froment »), seigle, maïs et sorgho ; fixées auparavant à 3 mg/kg, soit 3 ppm (parties par million), elles passent à 0,05 mg/kg, soit 0,05 ppm (soit 50 ppb, parties par milliard(7)) ;

- en revanche, elles doublent sur orge et avoine, passant de 3 à 6 ppm.

Des insecticides de post-récolte à base de chlorpyrifos-méthyl peuvent donc rester utilisables en France sur des stocks d'orge et d'avoine, mais les utilisations de post-récolte sur blé, seigle, maïs et sorgho semblent bien compromises. En effet, pour garantir des taux de résidus aussi bas, il faudrait diminuer les doses si fortement que l'efficacité ne serait plus assurée. Cette baisse de LMR équivaut à interdire en pratique le chlorpyrifos-méthyl sur ces grains.

Rappelons qu'en 2016, c'était le pirimiphos-méthyl qui avait vu dégringoler certaines de ses LMR : elles avaient été divisées par dix, passant de 5 à 0,5 mg kg, notamment sur maïs, riz et seigle sur lesquels la substance est donc désormais inutilisable.

Ce qui est toujours attendu

Par ailleurs, certaines évolutions attendues... le sont toujours :

- décisions concernant la cyperméthrine et la deltaméthrine ; leur approbation a été prolongée l'an dernier mais seulement jusqu'au 31 octobre 2018 (voir tableau) ; d'ici là, le sort de ces deux pyréthrinoïdes devra être publié ; expiration, renouvellement ou nouvelle prolongation d'approbation ? Les paris restent ouverts !

- nouveaux insecticides de stockage, conventionnels ou de biocontrôle/UAB (utilisables en agriculture biologique), introduisant des substances actives inédites ; les AMM (autorisations de mise sur le marché) pourraient arriver en France après l'approbation des substances actives par l'Europe, mais rien ne s'annonce.

Contaminants naturels

Toxines de Fusarium, d'ergot et d'adventices : statu quo

Les insectes de stockage ne sont pas les seuls bioagresseurs des grains stockés. S'y ajoutent des organismes toxinogènes, c'est-à-dire pouvant fabriquer des toxines :

- champignons présents au champ et susceptibles de produire des mycotoxines trouvées au stockage ; les plus connus sont ceux des genres Fusarium, agents des fusarioses de l'épi et producteur de fusariotoxines dont le DON et les toxines T2 et HT2, et Claviceps purpurea, responsable de l'ergot des céréales et producteur d'alcaloïdes ;

- végétaux adventices dont les graines risquent d'être récoltées avec la plante cultivée et contiennent des toxines (phytotoxines), dont les plus connues sont les alcaloïdes tropaniques issus de solanacées, entre autres du genre Datura, et les alcaloïdes pyrrolizidiniques issus, notamment, de certains séneçons (genre Senecio) ;

- moisissures de stockage (genres Penicillium et Aspergillus) productrices de mycotoxines de stockage (notamment aflatoxines et OTA, alias ochratoxine A), qui peuvent être favorisées par des attaques d'insectes au silo.

Plusieurs de ces contaminants naturels sont réglementés avec des limites maximales autorisées fixées, notamment le DON, d'autres fusariotoxines, les aflatoxines et l'OTA, ainsi que l'atropine et la scopolamine, alcaloïdes tropaniques issus en particulier de l'herbe du diable Datura stramonium.

La fixation de limites maximales de toxines d'ergot et des toxines T2/HT2 est en préparation depuis des années. À l'heure où nous mettons sous presse, elle attend toujours d'être publiée !

Nouveaux produits : une extension d'usage et une autorisation

Du côté des nouveaux produits, une seule nouvelle AMM vise les fusarioses des épis sur blé (plus triticale et épeautre, cultures rattachées en terme d'usage phyto). Il ne s'agit pas d'un nouveau produit mais de l'extension d'usage d'un fongicide présent sur le marché depuis quatre ans. Nommé Soleil, il associe le bromuconazole et le tébuconazole, deux substances connues depuis longtemps. Il était déjà autorisé contre des fusarioses des épis, mais sur maïs. L'autorisation contre fusarioses des épis sur blé, octroyée fin septembre 2017, est donc techniquement logique : il s'agit des mêmes espèces de champignons.

Enfin, signalons l'autorisation de Menno Florades, nouveau désinfectant des locaux vides POV. À base d'acide benzoïque, il est autorisé contre les champignons (donc a priori les genres Aspergillus et Penicillium), bactéries et virus. Une protection indirecte et préventive, certes, mais non sans intérêt pour la prévention des mycotoxines de stockage en conditions chaudes.

Et les rongeurs ?

Enfin, restent les substances rodenticides utilisables au silo ; même si les produits les contenant sont désormais réglementés comme biocides et non comme phytos, cela touche la qualité sanitaire des grains... En matière de protection antirongeurs, la nouveauté vient plutôt du déploiement du diagnostic lancé l'an dernier et qui fait l'objet de l'article suivant.

(1) Phyto = phytopharmaceutique.(2) Autorisé aussi pour désinsectiser (en enceinte fermée) les amandes, noisettes, noix, noix de pécan, pistaches et raisins secs, plus le bois de forêt abattu. (3) Règlement n° 2018/184 du 7 février 2018, au JOUE du 8. Voir Phytoma n° 712, mars 2018, p. 5. (4) Règlement n° 2018/84 du 19 janvier 2018, JOUE du 20. Voir Phytoma n° 711, février, p. 6. (5) Règlement n° 2018/917 du 27 juin, au JOUE du 28. (6) Règl. n° 2018/686 du 4/05/2018, au JOUE du 16 mai.(7) B est l'initiale de billion, qui signifie milliard en anglais.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La réglementation encadrant la qualité sanitaire des grains récoltés s'est surtout illustrée par des prolongations. De nombreuses décisions sont encore en attente.

ÉVOLUTIONS - Face aux insectes de post-récolte, le chlorpyrifos-méthyl et le pyrimiphos-méthyl, insecticides de post-récolte, ont vu leurs approbations européennes prolongées d'un an, et les décisions restent attendues pour la cyperméthrine et la deltaméthrine. Les LMR du chlorpyrifos-méthyl ont été divisées par soixante sur blé, seigle, maïs et sorgho à partir du 5 décembre 2018. Face aux mycotoxines (contaminants naturels), les limites maximales autorisées des toxines T2 et HT2 et des alcaloïdes d'ergot sont toujours attendues. Un fongicide antifusarioses connu sur maïs a bénéficié d'une extension d'usage sur blé. Rien de nouveau pour les rodenticides utilisés au silo (réglementés biocides).

MOTS-CLÉS - Qualité sanitaire des grains, réglementation, produits phytopharmaceutiques, insecticides de post-récolte, approbation, LMR (limite maximale de résidu), contaminants naturels, fusarioses, mycotoxines, alcaloïdes.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIEN UTILE : www.journal-officiel.gouv.fr

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