La qualité sanitaire des grains peut être affectée par des contaminants : mycotoxines, toxines végétales, résidus de pesticides, etc. Les moyens pour déceler ces substances évoluent, avec la recherche de nouvelles substances et la baisse des limites analytiques.
Techniques analytiques de plus en plus fines
La « chromato »... toujours
Cinq laboratoires accrédités Cofrac (accréditation offficielle en France) ou Belac (accréditation officielle en Belgique) pour la recherche des contaminants des grains stockés ont répondu à nos questions.
Nommés Capinov, Eurofins, Phytocontrol, Primoris et Qualtech, ils analysent des résidus de pesticides et contaminants naturels, notamment des toxines d'origine biologique : mycotoxines et alcaloïdes végétaux.
Tous les cinq utilisent les techniques chromatographiques, en particulier :
- la GC/MSMS (chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse en tandem).
- la LC/MSMS (chromatographie en phase liquide couplée à la MSMS) ;
- l'UFLC/MSMS (Ultra fast liquid chromatography, chromatographie en phase liquide ultra-rapide, couplée à la MSMS) ;
- la LC associée à la fluorimétrie ;
Les techniques sont connues mais les matériels ne cessent d'évoluer et les laboratoires de s'équiper d'outils dernier cri pour réduire la durée des analyses et améliorer leur sensibilité.
Ainsi Capinov a acquis récemment deux nouveaux appareils GC/MSMS et LC/MSMS parmi les plus sensibles du marché, plus un automate de préparation des échantillons améliorant la fiabilité et la réactivité. Phytocontrol, qui vient de réaliser une extension de son laboratoire central pour l'analyse de pesticides, a dans ce cadre renouvelé l'intégralité de son parc analytique en LC/MSMS avec des appareils de nouvelle génération. Quant à Eurofins, Primoris et Qualtech, ils renouvellent leur parc matériel par roulement.
Les pesticides, l'OTA et les « parties par milliard »
Concernant la sensibilité des méthodes, Eurofins annonce que sa LQ, limite de quantification, est actuellement pour les pesticides de 0,01 mg/kg (10 µg/kg ou 10 ppb(1)) en LC/MSMS. Autre exemple, Qualtech a confirmé la division par deux de sa LQ par LC/MSMS de l'OTA (ochratoxine A), mycotoxine de stockage des plus redoutées. Il y a un an, ce laboratoire était en train de passer de 1,2 à 0,6 ppb. Aujourd'hui, c'est acquis.
Rappelons que, dans l'Union européenne, la limite réglementaire maximale d'OTA est de 5 ppb dans les grains bruts de céréales (y compris le maïs, le riz et la pseudo-céréale qu'est le sarrasin), 3 ppb dans leurs produits dérivés et 0,5 ppb dans les aliments pour bébés (« nourrissons et enfants en bas âge ») à base de céréales(2).
Tests rapides pour autocontrôles
Enfin, il ne faut pas oublier les méthodes à résultats rapides. Bien qu'elles ne soient pas officielles, y recourir permet des contrôles préliminaires bien précieux pour orienter les lots de grains très rapidement. Et elles aussi font des progrès.
Ainsi, la société Novakits, connue pour ses « tests Elisa », a récemment signalé la sortie de solutions améliorées pour la détection des aflatoxines totales (dans le détail : B1, B2, G1 et G2). Il s'agit d'un test Elisa et de sa déclinaison en format bandelette. Cette dernière est réalisable à l'arrivée sur le site de stockage ou de transformation.
La société rappelle que, l'an dernier, des maïs en provenance d'Europe centrale ont subi une contamination importante en aflatoxines qui, par ricochet, a « chargé » les laits des bovins ayant consommé ces maïs (lait dans lequel elles ont été transformées en aflatoxines M1 et M2).
Substances recherchées de plus en plus nombreuses
Côté pesticides
Pour les résidus de pesticides, les cinq laboratoires interrogés ne cessent d'élargir leur offre pour la recherche ciblée de substances précises ou en packs multi-résidus.
Ainsi Capinov, qui utilise à la fois la LC/MSMS et la GC/MSMS, a lancé en avril dernier deux nouveaux packs multirésidus ciblés, nommés Usage Plus et Export Plus. L'entreprise annonce pouvoir détecter, différencier et quantifier plus de 500 molécules différentes, avec davantage de métabolites pertinents. Le tout accrédité Cofrac en portée flexible.
De même, Eurofins déclare pouvoir doser, sous accréditation Cofrac, environ 600 résidus de pesticides différents en multi-résidus, et une vingtaine en mono-résidu.
Pour sa part, Phytocontrol détecte, sous Cofrac, plus de 600 substances en LC/MSMS ou GC/MSMS, certaines accessibles dans plusieurs packs multirésidus différents, dont un LC-MSMS de 350 substances.
Primoris annonce des packs multi-résidus pour plus de 500 substances en GC/MSMS et LC/MSMS (accréditation Belac).
Enfin, Qualtech recherche plus de 430 molécules en packs multi-résidus : « insecticides céréales » (organochlorés + organophosphorés + pyréthrinoïdes + butoxyde de pipéronyl), « screening céréales » (deux packs, l'un d'une centaine de molécules et l'autre d'environ 200). Accrédités Cofrac comme il se doit.
Toxines naturelles issues de champignons pathogènes
Concernant les toxines naturelles, les cinq laboratoires recherchent toutes les mycotoxines réglementées dans les grains. Elles sont au nombre de neuf. En détail, ce sont :
- l'OTA (ochratoxine A) et les aflatoxines B1, B2, G1 et G2, toutes cinq des mycotoxines issues de moisissures qui se développent sur grain durant le stockage ;
- le DON (déoxynivalénol), la ZEA (zéaralénone) et les fumonisines B1 et B2, toutes quatre des fusariotoxines (c'est-à-dire mycotoxines issues du genre Fusarium) qui se forment au champ avant la moisson ;
Outre ces mycotoxines réglementées, tous nos laboratoires proposent la recherche des toxines T2 et HT2, fusariotoxines dont la réglementation est annoncée « pour bientôt » depuis... des années.
Enfin, tous proposent la recherche d'autres mycotoxines (voir tableau) :
- certaines connues depuis longtemps mais pas encore réglementées (nivalénol, fusarénone X, T2 triol et/ou fumonisine B3) ;
- celles dites émergentes ; chaque laboratoire en dose neuf à quinze parmi dix-neuf possibles (voir tableau) ;
- le DON-3-glucoside, qualifiée de mycotoxine masquée car il n'est pas décelable par les techniques qui détectent spécifiquement le DON ; la recherche de cette toxine, proposée déjà auparavant par Capinov, Phytocontrol et Qualtech, a été lancée en 2017 chez Primoris qui la réalise désormais en routine (voir tableau) ; Eurofins est en mesure de développer cette analyse dès qu'il aura des demandes en ce sens ;
- des métabolites du DON et de la ZEA ;
- douze alcaloïdes d'ergot (noms en note 2 du tableau), pas encore réglementés, seuls les taux de sclérotes d'ergot le sont.
Alcaloïdes végétaux, réglementés ou non
S'y ajoutent des alcaloïdes végétaux. Tout d'abord, Eurofins, Phytocontrol et Qualtech et, depuis août 2017, Primoris (voir tableau) proposent la recherche de l'atropine et la scopolamine. Ces deux alcaloïdes tropaniques sont produits notamment par des adventices du genre Datura, en particulier D. stramonium, dont les graines peuvent se retrouver dans des récoltes.
Ils sont réglementés depuis 2016 dans les « préparations à base de céréales et aliments pour nourrissons et enfants en bas âge contenant du millet, du sorgho, du sarrasin ou des produits qui en sont dérivés ». Leur taux ne doit pas dépasser 1 ppb (1 <03BC>g/kg)(3).
Ensuite, il est possible de rechercher les alcaloïdes pyrrolizidiniques. Ces substances, pas encore réglementées, sont produites par divers végétaux, notamment des séneçons. Dans les zones où peuvent se cultiver des céréales, l'espèce la plus riche en alcaloïdes semble être le séneçon jacobée (Senecio jacobaea). Actuellement, pas moins de vingt-neuf de ces alcaloïdes sont identifiés et analysables. Eurofins propose leur analyse depuis plusieurs années.
En 2018, Phytocontrol lance une méthode multi-alcaloïdes permettant de doser à la fois les douze de l'ergot, les deux tropaniques réglementés et les vingt-neuf pyrrolizidiniques (plus d'autres alcaloïdes qui en principe ne menacent pas les grains stockés) dans divers produits, y compris les grains stockés de céréales et leurs produits dérivés. La technique utilisée est l'UFLC/MSMS (détection et quantification simultanée).
Point important, le laboratoire a annoncé avoir été le premier en France à obtenir pour cela l'accréditation Cofrac dans un cadre de portée flexible.
(1) 1 ppb = 1 partie pour milliard (« billion » en anglais). À ne pas confondre avec 1 ppm = 1 partie pour million = 1 milligramme/kg (1 mg/kg). (2) Règlement n° 1881/2006 du 19 décembre 2006, au JOUE (Journal officiel de l'Union européenne) du 20 décembre 2006. Accessible aussi dans sa version consolidée au 12/12/2014. (3) Règlement n° 2016/239 du 19 février 2016, au JOUE du 20 février.
RÉSUMÉ
MOTS-CLÉS - Qualité sanitaire des grains, laboratoires, analyse, détection, dosage, chromatographie, test Elisa, kit bandelettes, LQ (limite de quantification), résidus de pesticides, mycotoxines, alcaloïdes d'ergot, alcaloïdes végétaux.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : m.decoin@gfa.fr
LIENS UTILES : https://eur-lex.europa.eu/oj/direct-access.html?locale=fr
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:02006R1881-20140901