Le matériel s'ajuste à la lutte contre les ravageurs du palmier

Un outillage adapté à l'application de moyens de biocontrôle a été développé en région PACA, pour maîtriser les insectes ravageurs des palmiers Rhynchophorus ferrugineus et Paysandisia archon.

Pour protéger les palmiers d'ornement de leurs deux principaux ravageurs, le papillon palmivore Paysandisia archon et le charançon rouge Rhynchophorus ferrugineus, il ne suffit pas d'utiliser des produits, il faut également les appliquer correctement. Or, pour réussir ces bonnes pratiques d'application, du matériel adapté est nécessaire.

Vers un biocontrôle efficace

Des produits au matériel d'application

Depuis 2004, la société Arysta LifeScience et son partenaire VégéTech travaillent au développement de moyens de lutte contre les ravageurs des palmiers P. archon et R. ferrugineus. Cette collaboration a permis l'obtention d'AMM pour deux produits de biocontrôle à base de Beauveria bassiana (Ostrinil en 2009 contre P. archon et Ary 07b001 en 2018 contre R. Ferrugineus).

Des essais menés en milieu urbain et en milieu contrôlé (cages insect proof) durant six années ont conduit à leur intégration dans un plan de lutte intégrée impliquant également des applications de nématodes (Steinernema carpocapsae)(1).

Au début des travaux, le matériel d'application utilisé était celui à disposition dans le commerce (photo 1). Une analyse critique et des tests de terrain ont conduit à étudier des améliorations pour obtenir un matériel d'application spécifiquement adapté aux situations rencontrées par les professionnels. Cette analyse permet désormais de proposer un outil facilitant l'application du programme complet de protection des palmiers (photo 2). Il rend ainsi l'utilisation des produits de biocontrôle plus simple, moins coûteuse, plus sûre et plus efficace.

Historique et analyse critique du matériel à disposition

De grands sujets avec des difficultés d'accessibilité

Les palmiers plantés sur la Côte d'Azur sont souvent des sujets de grande taille car issus de plantations anciennes. De plus, bon nombre ont été plantés dans des zones difficiles d'accès (restanques, patios, bord de piscine...), ou fortement urbanisées et fréquentées par le public (voies de circulation, bord de plage, parcs, écoles...).

La hauteur de ces végétaux et leurs emplacements se sont rapidement présentés comme une limite technique pour les applicateurs avec des exigences organisationnelles. L'obligation d'utiliser du matériel d'élévation a généré des coûts de prestations élevés, souvent rédhibitoires.

L'inaccessibilité de certains sujets à la nacelle a obligé de les traiter à l'échelle (au détriment de la sécurité !) ou en grimpé, dans tous les cas avec des difficultés à répartir correctement le produit, d'où des efficacités insuffisantes... De plus, certains de ces palmiers n'étaient pas traités du tout. Ces sujets mal ou non traités se sont transformés en réservoirs à insectes. Les professionnels de l'application réalisant régulièrement ces traitements de palmiers ont rapidement signalé l'apparition de troubles musculo-squelettiques (TMS) chez leurs salariés.

Des années de tests

Depuis 2009, une véritable recherche d'optimisation du matériel d'application a été entamée par VégéTech, d'autant plus qu'il existait peu de matériel dédié à l'application de micro-granulés. Pour favoriser l'application du produit, certains matériels ont dû être modifiés ou détournés de leur usage (voir Tableau 1).

2017 : année charnière

Élaboration d'un prototype et son test « à blanc »

L'analyse des données de terrain et de la problématique de la multiplicité des matériels d'application de la formulation granulé (qui ont un impact direct sur la qualité de l'application et les coûts pour les clients finaux) a conduit à l'idée d'un système :

- à air comprimé (l'intérêt de cette technique avait été constaté avec le pistolet à paillette testé à partir de 2012, voir Tableau 1) ;

- pouvant être fixé à l'extrémité d'une perche télescopique en fibre de carbone de 16 mètres.

Le premier prototype a été réalisé en juin 2017 avec les moyens du bord : un flacon plastique, un morceau de canne à pêche, un plot de sport et du scotch, un bras articulé récupéré sur une perche aluminium et du micro-tuyau (photos 3 et 4).

Tout d'abord, des essais de sortie de granulé ont été réalisés à blanc (avec des granulés d'argile sans spores). Ils ont permis d'ajuster le nombre et le positionnement des orifices de sortie du produit. Les projections réalisées au-dessus d'une bâche ont montré une répartition harmonieuse du produit : les granulés projetés hors du bocal butent contre la collerette, ce qui diminue leur vitesse et les oriente.

Expérimentation terrain en milieu urbain à Nice

Dès lors, les premiers essais terrain en milieu urbain ont été menés sur une parcelle expérimentale déclarée par la ville de Nice (partenaire de recherche sous convention) afin de tester le comportement du matériel in situ et sur des actions répétées.

Bien que d'aspect « chaotique », l'appareil a montré une fonctionnalité et un potentiel intéressant pour l'application des granulés.

Fin 2017, après une réunion technique de suivi et d'encadrement des essais de lutte contre le charançon rouge avec les services espaces verts de la ville de Nice, il est décidé de poursuivre le développement technique du système.

La région Provence-Alpes-Côte d'Azur ayant lancé un appel à manifestation d'intérêt (plan de sauvegarde des palmiers), ce projet est inclus dans les demandes de subvention pour les expérimentations nouvelles à venir en 2018.

Notre objectif était de développer un système permettant sur un même outillage de pouvoir passer du mode liquide (nématode) au mode granulé afin de traiter facilement de grands sujets avec les produits de biocontrôle, quelle que soit la formulation.

2018 : vers un outil abouti

Définition des besoins

Des financements ayant été obtenus pour l'année 2018, le projet a pu entrer dans une phase de développement/production. VégéTech, créateur du prototype, a fait appel en février 2018 à un designer local (Atelier 360). Une première réunion de travail a lieu en février, d'autres ont suivi en mars, avril, juillet et août pour aboutir au lancement de production des premiers modèles.

Le designer a d'abord travaillé sur une approche de modélisation.

Le premier prototype étant fonctionnel, l'étude préliminaire avait pour objectif de définir :

- la meilleure architecture produit ;

- l'ergonomie idéale ;

- le process de fabrication et les matériaux ;

- la forme identitaire (aspect final de l'objet associé à sa marque/son fabricant).

En termes d'architecture produit, l'équipe s'est interrogée sur les besoins spécifiques de l'utilisateur. Il fallait :

- que l'outil soit démontable et transportable rapidement, sans risque de détérioration ;

- qu'il permette de traiter aussi bien avec les nématodes (formulation liquide) qu'avec les produits à base de Beauveria (formulations micro-granulé) ;

-qu'il puisse traiter toutes les espèces de palmier et que les poudres soient réparties de manière homogène ;

- qu'il puisse être manipulé à grande hauteur facilement et sans danger ;

- et enfin... qu'il soit abordable financièrement !

Améliorations proposées

À partir de ces éléments, le portrait-robot du futur produit a été défini, il comprenait :

- une articulation en moins ;

- un embout clipsable (l'embout nématode reste à demeure, l'embout poudre s'emmanche dessus) ;

- des collerettes de dispersion et d'orientation interchangeables selon l'espèce de palmier à traiter ; chaque espèce ayant un volume palmaire différent, le cylindre doit avoir un rayon variable ; pour une bonne répartition du produit, il fallait couvrir le cylindre englobant le coeur et les couronnes périphériques, le produit non retenu en partie sommitale se répartissant par gravité dans les couronnes inférieures ;

- des contenants pour la poudre de différentes tailles, avec des trous d'évacuation de la poudre inclinés afin d'accentuer l'effet vortex généré par l'air comprimé dans le pot.

Après validation de cette première approche, la phase de prototypage et de test a pu commencer. Au total, une dizaine de prototypes ont été fabriqués et testés en calibration et essai terrain.

Calibration

La calibration était effectuée pour chaque contenant de la manière suivante :

- avec la dose maximale ;

- avec la demi-dose ;

- avec chaque collerette ;

- à pression 4 bars et 5 bars ;

- avec mesure du cercle de répartition de la poudre sur une table positionnée à une distance de 1 m au-dessous du disperseur (distance moyenne lors des tests in situ) ;

- avec mesure du résidu dans le bol.

Lors des tests, les problèmes rencontrés relatifs à l'ergonomie (prise en main, repères visuels, chargement, interchangeabilité des pots et des collerettes, point de sécurité...) ont été relevés. Chaque test a été suivi d'une réunion de travail afin d'optimiser chaque point du produit.

Évaluation lors des essais terrain

Les prototypes étaient également testés dans le cadre des expérimentations de produits. Étaient notées :

- la solidité (chute de perche, prise dans les palmes) ;

- la maniabilité ;

- la facilité de passage entre les palmes ;

- la visibilité du dispositif lors de son positionnement.

- l'observation ou non d'une importante chute de produit en gravitaire (produit non retenu par le palmier, ce qui entraîne une baisse de la dose touchant la cible) ;

Les tests de calibration ont permis d'ajuster la forme et la dimension des collerettes et de les associer à différentes espèces de palmier (Tableau 2). Entre 4 et 5 bars, peu de différences ont été constatées. La forme des contenants a été rendue ovoïdale (photo 6) car le vortex y est plus fort, ainsi le produit n'accroche pas et se disperse totalement, sans laisser de résidus. Les tests de terrain ont mis en évidence des points de faiblesse au niveau du bras porteur, qui ont entraîné des ruptures. Le dispositif a de ce fait été renforcé par un tube en aluminium.

Les collerettes ont été fabriquées en matériau souple afin de favoriser le passage entre les palmes sans accrochage (bonne capacité de déformation). Des dispositifs sécuritaires antidécrochement du dispositif et du gobelet ont été mis en place pour éviter tout risque de chute d'une grande hauteur. Leur positionnement a été ajusté.

La couleur orange du dispositif a été choisie afin d'améliorer la visibilité pour les applicateurs (photos 6 à 8). De plus, une ampoule Led clignotante a été ajoutée sous le bol pour les chantiers de nuit, notamment sur la voirie.

Enfin, une griffe latérale a été mise en place afin de pouvoir appuyer la perche en toute sécurité contre le stipe des grands palmiers lors de l'opération de mise en place des rallonges sur la perche principale en fibre de carbone.

Lancement de la fabrication à l'aide d'une imprimante 3D

Depuis fin août 2018, les premières fabrications ont été lancées en vue de la commercialisation du dispositif aux applicateurs du Beauveria (souche 111 et/ou souche 147, visant respectivement le charançon et le papillon) et des nématodes en stratégie intégrée.

L'étape de la fabrication passe par l'utilisation d'imprimantes 3D. Cette technique d'impression permet d'ajuster la structure interne des pièces afin d'optimiser le rapport résistance/poids. De plus, pour de petites séries, il est possible d'éviter les investissements outillage. Pour les produits fondamentalement nouveaux, qui peuvent encore nécessiter des améliorations, cela permet également de travailler par itérations successives sans devoir renouveler à chaque fois les outillages de fabrication.

Pour ce dispositif, le matériau utilisé est celui qui a donné satisfaction lors des tests, soit de l'ABS renforcé traité anti-UV, et pour les collerettes du TPU shore 98A.

Conclusion

Une technologie de biocontrôle complète

Les produits de biocontrôle sont de plus en plus largement utilisés, mais ils restent très techniques. Ils doivent être appliqués à des moments précis et aux bons endroits. On ne peut donc pas utiliser n'importe quel outil sans risquer de réduire l'efficacité globale du programme de traitement.

Fort d'une importante expérience de laboratoire et de terrain, VégéTech a su, au travers de ses partenariats, faire coévoluer le matériel et la technologie de traitement (utilisation dans le cadre de la lutte intégrée de Beauveria souche 147 ou 111 et de nématodes), en collaboration avec Arysta depuis 2004 sur Paysandisia archon et 2010 sur Rhynchophorus. Le développement de ce matériel s'est inscrit dans un travail complet de recherche et d'innovation technologique.

Le « disperseur Antenna », de son nom commercial, a ainsi été testé et optimisé pour une parfaite application des produits de biocontrôle en toute sécurité par les professionnels. Les clients finaux auront ainsi accès à une technologie de biocontrôle complète contre les ravageurs des palmiers.