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Sur le métier

Vincent Bouguet éleveur de coccinelles

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°717 - octobre 2018 - page 44

Jeune ingénieur agronome, Vincent Bouguet a créé son entreprise pour vendre des solutions de biocontrôle afin de lutter contre les ravageurs. Ses clients sont à la fois des professionnels (maraîchers, horticulteurs, paysagistes, collectivités...) et des jardiniers amateurs. Parmi les auxiliaires proposés : trois espèces de coccinelles qu'il élève lui-même, ainsi que les pucerons qui leur servent de nourriture.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

À 27 ans, Vincent Bouguet est depuis un an et demi à la tête d'InsectÖsphere, société qu'il a créée à Saint-Jean-le-Vieux (Ain), son village natal. Agronome de formation, pendant son cursus il s'est spécialisé dans l'élevage d'insectes auxiliaires pour la protection des cultures. « Après mes études, j'ai très vite voulu créer ma société pour faire quelque chose qui me passionnait », raconte le jeune patron. La boutique en ligne InsectÖsphere est créée en février 2017 pour vendre aux professionnels et au grand public des solutions de biocontrôle contre les insectes prédateurs. « Nous avons également notre propre élevage de coccinelles. »

Deux gammes

« Côté professionnel, je travaille essentiellement avec des paysagistes, des horticulteurs, des pépiniéristes, des arboriculteurs et quelques collectivités. En 2018, nous avons seulement répondu à leurs demandes en leur fournissant des pièges à phéromones, les phéromones associées, des pièges contre la chenille processionnaire, des nématodes entomopathogènes (contre insectes du sol, tigre du platane...), des coccinelles contre les pucerons, des trichogrammes contre la pyrale du buis... »

Côté amateur, les mêmes produits sont commercialisés. Mais à cette gamme de solutions de biocontrôle s'ajoute également des produits phytosanitaires biologiques, nichoirs à oiseaux ou à chauve-souris, mélanges fleuris, engrais et amendements organiques, biostimulants...

Un conseil via le web

« L'objectif est de proposer une stratégie de lutte globale en effectuant tout d'abord un traitement biologique curatif puis de créer un milieu défavorable à l'apparition de nouvelles problématiques, notamment en favorisant les auxiliaires naturels (semences de mélanges fleuris, nichoirs ...) et en augmentant la résistance des plantes aux différents stress (engrais, amendements et biostimulants). L'idée est aussi de vendre des solutions biologiques via notre site web, avec tout le conseil nécessaire aux amateurs pour une utilisation optimale. C'est un service que l'on ne trouve pas souvent en jardineries pour ce genre de produits. » Afin de s'assurer une offre de qualité pour ses deux marchés, Vincent Bouguet s'appuie sur les spécialistes français ou européens de chaque produit. « Je suis toujours en veille et très exigeant dans le choix de mes fournisseurs. Ce qui m'intéresse, c'est la technicité du produit et son efficacité, d'où la commercialisation de produits de qualité professionnelle. Ma politique est également de vendre des produits sans classement toxicologique. »

Trois coccinelles

Mais ce qui passionne avant tout notre chef d'entreprise, c'est l'élevage de coccinelles. « Notre particularité, c'est de les nourrir avec des pucerons et non avec des sources de nourritures artificielles. Elles sont d'autant plus voraces une fois relâchées. » Vincent Bouguet produit trois espèces : la coccinelle à deux points (Adalia bipunctata), celle à sept points (Coccinella septempunctata) et la coccinelle migratrice (Hippodamia undecimnotata).

La première est une prédatrice des pucerons des arbres et arbustes tandis que la seconde préfère ceux des plantes basses (maraîchage, grandes cultures...). « C'est la plus complexe à élever, souligne le producteur. Peu de sociétés arrivent à la produire. »

Enfin, la coccinelle migratrice est très polyvalente. « C'est la seule espèce qui agit contre le puceron jaune du laurier-rose, espèce toxique pour les autres insectes. »

Une espèce de puceron

Et comme souvent en élevage, peu de répit pour les éleveurs ! « J'ai embauché un salarié à mi-temps depuis ce printemps, et pendant le pic de production, de mars à juin, nous travaillons sept jours sur sept. » Tout commence par l'élevage des pucerons, étape très aléatoire. « On n'obtient pas forcément les pucerons en quantité quand on en a le plus besoin ! »

L'ingénieur agronome a sélectionné une espèce qui convient aux trois coccinelles, ce qui simplifie les choses. La plus grosse partie est produite au printemps sur des légumineuses en milieu fermé avec un éclairage horticole. « Nous les inoculons avec quelques pucerons qui se multiplient rapidement. Nous les récoltons, puis nous réinfestons. » Une bonne dose de pucerons frais est ensuite donnée aux coccinelles élevées dans de grandes boîtes en plastique dans un local chauffé. « C'est aussi une certaine organisation mais une fois qu'on a la nourriture, ça roule, car elles sont moins exigeantes que les pucerons. » Trois à quatre semaines, voire plus, sont nécessaires pour un cycle complet. « Tout comme nos clients professionnels, nous sommes tributaires de la météo. La difficulté est d'anticiper les besoins. »

Plein développement

L'activité grand public, qui représente plus de 50 % du chiffre d'affaires, devrait se développer encore en 2019. « Avec la loi Labbé(1), les jardiniers amateurs ne trouveront plus de produits phyto chimiques. » Un des objectifs de 2019 est de développer le marché professionnel car les problématiques y sont très variées et les échanges de qualité. La production de nouveaux auxiliaires est également lancée. « Nous produisons une nouvelle espèce de coccinelles pour combattre les cochenilles. » Les volumes pourraient également croître. « Nous avons la capacité de produire mais, avant cela, il faut vendre, d'où l'intérêt de prospecter », conclut le jeune entrepreneur, très heureux d'avoir fait le choix de créer sa petite entreprise.

(1) Loi n° 2014-110 du 06/02/2014.

BIO EXPRESSVINCENT BOUGUET

2014. Stage à l'université de Gand (Belgique flamande) sur l'élevage de masse d'insectes et d'acariens auxiliaires.

2015. Ingénieur agronome spécialisé en agroenvironnement, à Dijon (Côte-d'Or), après un stage de fin d'étude chez Scotts France (Rhône).

2016. Technicien aux affaires réglementaires chez Scotts France.

2017. Lancement d'InsectÖsphere en février, à Saint-Jean-le-Vieux (Ain).

2018. Embauche un salarié à mi-temps en mars.

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