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DOSSIER

Produits phytopharmaceutiques : nouveautés vigne de l'année

MARIANNE DECOIN, Phytoma. - Phytoma - n°718 - novembre 2018 - page 30

Depuis un an, l'innovation en matière de produits se poursuit pour la vigne et, comme l'an dernier, le biocontrôle y figure en bonne place. Récapitulatif.
 Le mildiou (ici, attaque sur grappe de cépage grenache) est la cible de quatre nouveaux produits. Photo : P. Parrot

Le mildiou (ici, attaque sur grappe de cépage grenache) est la cible de quatre nouveaux produits. Photo : P. Parrot

 Photos : 2. C. Faimali - GFA - 3. et 4. M. Decoin

Photos : 2. C. Faimali - GFA - 3. et 4. M. Decoin

Sept nouvelles spécialités, dont trois de biocontrôle, et deux extensions d'usage notoires dont une de biocontrôle, introduisent huit substances actives inédites sur la vigne. Sans oublier les autres extensions d'usage. Voici le bilan de l'innovation en produits phyto(1) pour la vigne depuis un an.

Mildiou : le pire ennemi

L'oxathiapiproline

Comme l'an dernier(2), le mildiou est la cible de la majorité des nouveautés parues depuis un an. Tout d'abord Zorvec Zelavin de DuPont (bientôt Corteva) est à base d'oxathiapiproline (voir Tableau 1).

Cette substance antimildiou, que DuPont présente sous le nom de marque internationale Zorvec, est inédite en phytopharmacie. En France, elle est lancée sur vigne en même temps que sur pomme de terre.

Appartenant à la nouvelle famille des pipérydinyl-thiazoles isoxazolines, elle avait été citée dans Phytoma il y a trois ans(3) à l'occasion de sa présentation à la Cima 2015(4). À l'époque, son mode d'action n'était pas encore élucidé. Aujourd'hui, il est identifié comme lié au métabolisme des lipides (homéostasie et transfert/stockage) selon le FRAC(5) et classé comme l'unique représentant du groupe 49 et même du surgroupe F9 de la classification du même FRAC. Il est estampillé U-E5 selon la classification unifiée du R4P(6).

Le mandipropamide associé à la zoxamide

Le second antimildiou notable, Ampexio, de Syngenta, associe le mandipropamide à la zoxamide (Tableau 1). Les deux substances sont connues en phytopharmacie, mais leur association est inédite et le mandipropamide n'était pas autorisé sur la vigne. Bien entendu, la formule associe deux modes d'action différents :

- le mandipropamide, un CAA (groupe 40, surgroupe H5 du FRAC et U-C1a du R4P), inhibe la synthèse de cellulose ;

- la zoxamide, une benzamide (surgroupe B3, groupe 22 du FRAC et U-K2a du R4P), perturbe la formation des microtubules.

Zoxamide et DMM

Le troisième antimildiou conventionnel, Présidium, de Gowan France, est lui aussi une association de CAA et de benzamide (Tableau 1). Cette dernière est, là encore, la zoxamide. Quant au CAA, il s'agit du dimétomorphe, alias DMM. Les deux substances étaient déjà connues séparément sur vigne, c'est leur association qui est inédite.

La cerevisane intronisée

Le quatrième produit se démarque nettement. Nommé Roméo et commercialisé en France par BASF, il est à base de cerevisane (Tableau 1). Cette substance naturelle extraite de parois de levure fait partie des quatorze officiellement approuvées dans la catégorie « à faible risque » par l'Union européenne. Elle a un mode d'action de type SDN/SDP (stimulateur des défenses naturelles/stimulateur de défense des plantes). Le produit est à la fois UAB (utilisable en agriculture biologique) et listé biocontrôle L. 253-5.

C'est une rareté dans la catégorie des antimildiou ! Les seules substances antimildiou alternatives sont :

- le cuivre et ses composés, à la base de nombreux produits UAB mais non listés biocontrôle L. 253-5, sachant cette substance risque de voir ses doses autorisées abaissées par la législation européenne (un vote à ce sujet, prévu le 24 octobre 2018, a été reporté...) ;

- des phosphonates, disponibles dans des produits listés biocontrôle L. 253-5 mais pas UAB ;

- l'huile essentielle d'orange douce, jusque-là seule substance de la phytopharmacopée autorisée contre le mildiou de la vigne qui soit à la base de produits à la fois UAB et de biocontrôle L. 253-5.

La cerevisane partage un autre point commun avec l'huile essentielle d'orange : ce n'est pas un antimildiou strict, le produit protège aussi contre d'autres bioagresseurs.

Le botrytis visé

Un produit à associer

En effet, Roméo est également autorisé comme SDN contre l'oïdium et le botrytis, alias pourriture grise (Tableau 2). Contre la première maladie, il s'ajoute à l'huile essentielle d'orange, au soufre et au bicarbonate de sodium comme outil de biocontrôle. Contre le botrytis, il rejoint des produits de biocontrôle à base de bicarbonate de potassium, de la levure Aureobasidium pullulans, des bactéries Bacillus amyloliquefaciens et Bacillus subtilis et du mélange de terpènes eugéniol/géraniol/thymol.

Attention, la société ne préconise pas ce produit seul mais associé à des doses d'autres fongicides, soit conventionnels (il permet de réduire leurs doses), soit UAB pour les viticulteurs bio... ou sur des parcelles très pentues dans le cadre de l'expérimentation sur les drones évoquée dans l'article p. 16 à 20 !

Bacillus amyloliquefaciens : la souche inédite MBI 600

Le botrytis voit ainsi arriver trois nouvelles substances. Deux d'entre elles sont de biocontrôle : outre la cerevisane, il s'agit de la souche MBI 600 de Bacillus amyloliquefaciens. Elle est proposée dans Serifel, là encore par BASF (Tableau 2).

Certes, il existe un autre produit à base de la même espèce de bactérie autorisé contre la pourriture grise. Il s'agit d'Amylo-X WG, de Certis Europe, dont nous avions signalé l'AMM il y a un an. Mais il s'agissait alors de la souche D747 de la sous-espèce plantarum. Même si les deux souches visent toutes deux le botrytis, elles sont aussi différentes que le sont deux substances conventionnelles de la même famille chimique ! La souche MBI 600 est donc bien une nouveauté.

Isofétamide : un SDHI spécial

Le botrytis est également la cible de Kenja, produit proposé par Belchim (Tableau 2). Sa substance active est l'isofétamide, découverte par ISK (la société japonaise Ishihara Sangyo Kaisha).

Il s'agit d'un SDHI, autrement dit un inhibiteur de la succinate déshydrogénase, une enzyme impliquée dans la respiration cellulaire (surgroupe C2 et groupe 7 du FRAC et groupe U-A2a du R4P). Bien sûr, ce mode d'action est déjà connu et utilisé sur la vigne. Mais, parmi les SDHI, la substance est actuellement la seule qui appartienne au groupe chimique des « phényl-oxo-éthyle thiophène amides ».

Le seul insecticide est « bio »

Un Beauveria vient sur la vigne

Par ailleurs, Naturalis, de De Sangosse, représente la première autorisation sur vigne d'un produit à base de champignon du genre Beauveria. Il s'agit précisément de la souche ATCC74040 de Beauveria bassiana (Tableau 2).

Le produit, reconnu de biocontrôle et UAB, a été autorisé à la fois sur vigne et sur différentes cultures fruitières et légumières. Sur vigne, ce bio-insecticide est en même temps bio-acaricide puisqu'il vise les thrips et les acariens.

Substances inédites en extensions d'usage

Cocktail du genre Trichoderma

Outre ces sept nouvelles spécialités, l'année est marquée par deux extensions d'usage de produits déjà connus par ailleurs mais qui font arriver sur la vigne des substances qui y étaient jusqu'alors inconnues.

La plus notable est celle de Blindar, d'Isagro. Ce produit avait été lancé fin 2015 pour le traitement du sol sur plusieurs cultures fruitières et légumières sous le nom de Tellus. Il associe des souches de champignons du genre Trichoderma de deux espèces différentes. Il s'agit de la souche ICC080 de T. gamsii et des souches ICC012, T25 et TV1 de T. asperellum. Depuis février 2018, il est utilisable en TPA (traitement des parties aériennes) contre les maladies du bois de la vigne, usage appelé « esca-BDA » (Tableau 3).

Tout nouveau produit visant ces maladies est intéressant compte tenu de la gravité de celles-ci, et d'autant plus qu'il s'agit d'un produit UAB et de biocontrôle.

Ceci étant, l'utilisation des Trichoderma spp. (autrement dit de champignons du genre Trichoderma) contre les maladies du bois de la vigne n'est pas une totale nouveauté. Deux produits à base de T. atroviride sont déjà autorisés sur cet usage : Esquive WP, d'Agrauxine, à base de la souche I-1237, et Vintec, de Belchim, avec la souche SC1. Mais le nouveau produit décline des espèces différentes du genre Trichoderma.

Comme ses prédécesseurs et comme son quasi-jumeau Escalator, de De Sangosse (qualifié de « spécialité similaire » à Blindar sur le site E-Phy de l'Anses et autorisé depuis l'été 2018, seulement sur la vigne), il s'utilise en préventif pour empêcher la colonisation des plaies de taille par le complexe de champignons nuisibles liés aux maladies du bois.

L'abamectine, connue sur légumes

La deuxième extension d'usage introduisant de nouvelles substances actives sur la vigne est celle d'Apache EW, acaricide à base d'abamectine (Tableau 3).

Le produit est récent : sa première autorisation en France date de l'été 2017. Mais l'abamectine est une vieille connaissance des agriculteurs, notamment producteurs de légumes. Un picorage dans de vieux Index phytosanitaires de l'Acta révèle l'existence de produits à base d'abamectine dès la fin des années 1980 (notamment Vertimec, toujours autorisé, mais pas sur vigne).

Autres extensions

Le black-rot dans le collimateur

La revue ne serait pas complète sans signaler des extensions d'usage obtenues par des produits déjà connus sur la vigne, mais qui rendent leurs substances actives utilisables sur de nouvelles cibles. C'est le cas d'abord d'Almanach Flash, antimildiou de Tradi-Agri qui associe le cymoxanil, le folpel et le mancozèbe. La première substance est une cyanoxime (groupe 27 du FRAC et U-F6b du R4P), les autres sont multisites, ce qui en fait un produit à l'épreuve des résistances. Le produit a ses usages étendus au rougeot parasitaire et au black-rot (Tableau 4), ce qui le rend intéressant, notamment parce que le black-rot, considéré auparavant comme une maladie secondaire, se fait remarquer depuis quelques années. De plus, les cépages résistant au mildiou et à l'oïdium ne le sont pas au black-rot, ce qui risque d'ouvrir à cette maladie un boulevard de succulent feuillage : l'absence de symptômes de mildiou et d'oïdium lui « laisse la place ».

L'huile essentielle d'orange vise aussi les ravageurs

D'autres extensions d'emploi visent des ravageurs par le biais des produits à base d'huile essentielle d'orange : Limocide/Essen'ciel/Prev-Am, de Vivagro, et Prev-Am Plus, importation parallèle proposée par Nufarm. Tous ces produits étaient déjà autorisés sur vigne comme fongicides contre le mildiou et l'oïdium, ils le sont désormais aussi comme insecticides-acaricides, contre l'érinose (due au phytopte Colomerus vitis, ravageur apparenté aux acariens), les thrips et les cicadelles (Tableau 4). À noter que tous ces produits sont UAB et de biocontrôle.

Désherbage en pépinières

Les dernières extensions d'usage autorisent, pour le désherbage des pépinières et jeunes plantations, deux herbicides déjà utilisables sur vignes installées (Tableau 4).

La démarche est classique : les autorisations sont d'abord données sur vignes installées, moins fragiles vis-à-vis des phytotoxicités dues à des herbicides que les jeunes plants encore en pépinière ou récemment plantés. Le terme de « jeunes plantations » désigne les vignes de moins de quatre ans. Cependant, les deux produits ont des profils différents.

Beloukha, de Jade, proposé par Belchim, est un des rares herbicides de biocontrôle disponibles sur le marché phytopharmaceutique français, et le seul autorisé sur la vigne. À base d'acide pelargonique d'origine végétale, c'est un produit de contact, autorisé pour le désherbage de la vigne - désormais de toutes les vignes - et l'épamprage (usage « destruction des rejets »).

Quant à Stratos Ultra, de BASF, c'est un herbicide conventionnel à base de cycloxydime, substance connue dans des produits autorisés sur vigne depuis le début des années 1990. Mais son extension d'usage sur jeunes vignes est inédite.

Les tendances

Fongicides d'abord

Au final, que ressort-il de ce coup d'oeil sur une année d'innovations ? Tout d'abord, la prééminence des fongicides : ils représentent six des sept nouveaux produits de l'année, la plus notable des extensions d'usage et une extension supplémentaire. Les antimildiou tiennent sans surprise le haut du pavé, mais cette année les antibotrytis les talonnent.

Les insecticides viennent loin derrière, avec un nouveau produit et deux extensions d'usage dont la plus notable apporte une nouvelle substance sur la vigne. Les herbicides semblent à la traîne.

Montée du biocontrôle

Seconde tendance, les produits de biocontrôle montent en puissance. Rappelons qu'ils représentent pas moins de trois des sept nouveaux produits et trois des six extensions d'usage, dont la plus notable !

Reste à bien les utiliser - plusieurs d'entre eux doivent être associés, soit avec d'autres produits de biocontrôle, soit avec des produits conventionnels à dose réduite, soit avec d'autres méthodes, telles que la prophylaxie, le désherbage mécanique, etc.

(1) Phyto = phytopharmaceutique. (2) Voir « Produits phyto : les nouveautés vigne arrivées sur le marché », Phytoma n° 708, novembre 2017, p. 16 à 19. (3) Voir « Substances actives : trois nouveautés à découvrir », Phytoma n° 689, décembre 2015, p. 30 à 33. (4) Conférence internationale sur les maladies des plantes, organisée en décembre 2015 à Tours par l'AFPP (aujourd'hui Végéphyl). La prochaine Cima aura lieu là encore à Tours, les 11 et 12 décembre prochains. (5) Fungicide Resistance Action Commitee. Comité international de droit privé surveillant les fongicides et les classant par mode d'action. (6) Réseau de réflexion et de recherche sur la résistance aux pesticides. Voir leur article « Une classification unifiée des produits de protection des plantes », Phytoma n° 716, août-septembre 2018, p. 42 à 46 et les « Liens utiles » p. 34.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Depuis un an, de nouvelles autorisations de produits phyto sont survenues sur vigne.

NOUVEAUX PRODUITS - Sept nouveaux produits sont à noter :

- trois antimildiou à base, l'un d'oxathiapiproline (substance inédite) et les autres de zoxamide (connue sur vigne) associée, soit au mandipropamide (nouveau sur vigne), soit au DMM (connu sur vigne, association inédite) ;

- un fongicide/SDN polyvalent de biocontrôle à base de cerevisane (substance inédite) ;

- deux antibotrytis à base de substances inédites, Bacillus amyloliquefaciens souche MBI600 (biocontrôle) et l'isofétamide.

- un bio-insecticide (souche inédite de Beauveria bassiana).

EXTENSIONS D'USAGE - Deux extensions d'usage amènent des substances inédites sur vigne :

- l'association Trichoderma gamsii souche ICC080/T. asperellum souches ICC012, T25 et TV1, contre l'esca-BDA ;

- l'abamectine anti-acariens.

Quatre extensions amènent un antimildiou sur black-rot, un produit de biocontrôle sur ravageurs et deux herbicides (un de biocontrôle) en pépinières et jeunes plantations.

MOTS-CLÉS - Vigne, produit phyto (= phytopharmaceutique), nouveau produit, extensions d'usage, substance active, fongicide, insecticide, herbicide, biocontrôle.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : m.decoin@gfa.fr

LIENS UTILES : https://ephy.anses.fr

www.frac.info

www.r4p-inra.fr

BIBLIOGRAPHIE : voir les notes (2), (3) et (6) p. 31.

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