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Sur le métier

Corinne Audusseau détecte les bactéries pathogènes du végétal

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°720 - janvier 2019 - page 44

Au Laboratoire de la santé des végétaux de l'Anses, Corinne Audusseau analyse des échantillons à la recherche de bactéries pathogènes dans le cadre d'analyses demandées par le ministère de l'Agriculture ou par des professionnels. Son quotidien ? Examiner les symptômes, multiplier les bactéries, les identifier grâce à différentes techniques, détecter des pathogènes émergents et mettre au point des méthodes de référence.

Corinne Audusseau a passé toute sa carrière au chevet des végétaux afin de mettre en évidence des bactéries phytopathogènes. Depuis 2011, elle est responsable technique en phytobactériologie, experte et référente en diagnostic au Laboratoire de la santé des végétaux (LSV) de l'Anses, à Angers. Le LSV est réparti sur six sites : Angers (bactériologie, virologie, OGM), Clermont-Ferrand (virologie et unité de quarantaine), Montpellier (entomologie et plantes invasives), Nancy (mycologie), Rennes (nématologie) et La Réunion (ravageurs et pathogènes des plantes tropicales). Notre experte fait partie de l'équipe de bactériologie qui compte huit collaborateurs (sur les vingt-cinq présents au laboratoire d'Angers), deux agents temporaires et une doctorante.

Analyses réglementaires

« Je recherche tous types de bactéries, hormis Xylella fastidiosa (vigne, olivier...) et Xylophilus ampelinus (vigne), sur lesquelles un collègue travaille à plein temps », explique-t-elle. Au palmarès des bactéries les plus recherchées : Ralstonia solanacearum sur pomme de terre et Xanthomonas citri sur agrumes (deux parasites de quarantaine), Clavibacter michiganensis sur tomate et Pseudomonas syringae sur kiwi. « Mais cela varie d'une année à l'autre. En 2018, nous avons eu beaucoup de demandes pour Xanthomonas axonopodis du haricot, parasite de quarantaine. » Cinq de ses collègues, pour certains spécialisés sur une bactérie en particulier, lui viennent en aide. Une grande part des analyses sont réalisées dans le cadre réglementaire, c'est-à-dire demandées par le ministère de l'Agriculture (recherche d'une bactérie précise sur un végétal donné), notamment dans le cas des contrôles de produits à l'importation.

« Je vais par exemple rechercher Xanthomonas citri sur des clémentines du Maroc, ou encore Ralstonia solanacearum sur des boutures de Pelargonium ou de pétunia. »

Prestations pour les producteurs

Notre technicienne réalise également de la prestation pour les professionnels : des experts juridiques dans le cadre de contre-analyses, et des producteurs en arboriculture, maraîchage et horticulture qui font appel à l'Anses après avoir contacté le SRAL à la suite de l'observation de symptômes suspects. « Il est très important de garder ce type d'activité pour ne pas se couper du terrain. C'est de cette façon que l'on peut détecter des bactéries émergentes. » En effet, Corinne Audusseau ne se contente pas de rechercher uniquement la bactérie demandée par le client. « Je fais un check-up complet. Si les symptômes ne me sont pas connus, il est nécessaire de chercher dans la bibliographie. »

Alors qu'une des missions du LSV est de mettre au point des méthodes d'analyse de référence pour chaque pathogène, Corinne Audusseau travaille aussi sur le sujet, et actuellement elle cherche à adapter, pour Clavibacter michiganensis sur tomate, une méthode de détection assez lourde afin de pouvoir la déléguer aux laboratoires agréés qui vont devoir la mettre en oeuvre.

Multiplier les bactéries

« Quand je reçois un échantillon (fruits, graines, plants entiers ou une partie d'un végétal), il faut être réactif car il peut se détériorer très rapidement. » La première étape consiste à décrire les symptômes très précisément. « Ensuite, un fragment avec symptômes est prélevé et déposé sur un milieu de culture, choisi en fonction de la bactérie recherchée, pour qu'elle se multiplie afin de disposer de la souche que l'on conserve dans notre collection interne. » Pour certains échantillons (graines de haricot sec par exemple), il faut d'abord réaliser une macération pour pouvoir déposer l'extrait sur le milieu de culture. Les colonies bactériennes ainsi obtenues au bout de trois à huit jours sont prélevées pour être identifiées grâce à des tests d'hypersensibilité sur tabac, biochimiques (fluorescence, oxydase, consommation des sucres...) et/ou sérologiques.

Identifier et confirmer

Le résultat est ensuite confirmé par PCR. « Cette technique rassure les clients. C'est une de mes collègues qui s'en charge car c'est très différent des autres manipulations. » Dans certains cas, pour être sûre de son verdict, surtout s'il s'agit d'un parasite de quarantaine observé dans de nouveaux foyers, Corinne Audusseau réinocule la bactérie à une plante-hôte : c'est le test du pouvoir pathogène. Une dizaine de jours sont ensuite nécessaires pour voir si on obtient réellement les symptômes qui correspondent à la bactérie détectée. « Je le fais pour Ralstonia solanacearum de la pomme de terre, par exemple. »

Former préleveurs et labos agréés

Il peut arriver de ne rien trouver parce que l'échantillon n'a pas été correctement prélevé.

« Lorsque je forme les inspecteurs SRAL ou DGAL qui prélèvent pour les analyses réglementaires, j'insiste beaucoup sur la qualité de cette opération pour maximiser les chances de détecter les bactéries. » Malgré un bon échantillonnage, il peut arriver de ne rien pouvoir isoler en milieu de culture. « Je conseille alors une recherche de virus ou de champignons. »

Corinne Audusseau forme également les techniciens d'une dizaine de laboratoires privés, agréés par le ministère de l'Agriculture pour les analyses réglementaires en bactériologie du végétal.

À quelques mois de la retraite, deux évolutions majeures auront marqué son métier : depuis 2004 l'instauration de l'assurance qualité pour améliorer la traçabilité, avec la « marche en avant » pour éviter les contaminations croisées et, surtout, l'utilisation de la PCR et du séquençage (de la biologie moléculaire en général) qui renforce la fiabilité des résultats d'analyse.

CORINNE AUDUSSEAU BIO EXPRESS

1977. BTAG à La Roche-sur-Yon (Vendée).

1978. Technicienne de laboratoire au Laboratoire de la protection des végétaux, puis au GRISP, à Angers (Maine-et-Loire).

1995. Responsable technique en bactériologie au Laboratoire national de la protection des végétaux (LNPV) du ministère de l'Agriculture, sur le site d'Angers.

2011. Responsable technique en phytobactériologie, experte et référente en diagnostic au Laboratoire de la santé des végétaux (LSV) de l'Anses, à Angers.

2019. Chargée de projet scientifique et technique en diagnostic et phytobactériologie.

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