1. Trissolcus basalis parasitant une ooplaque de Halyomorpha halys. 2. Telenomus sp. parasitant une ooplaque de H. halys. 3. Ooencyrtus telenomicida parasitant une ooplaque H. halys. 4. Anastatus bifasciatus parasitant une ooplaque de H. halys. 5. Scelionidae sur ponte de Graphosoma italicum. 6. Trissolcus basalis émergeant d'une ooplaque de Nezara viridula. 7. Aridelus rufotestaceus parasitoïde larvaire de N. viridula. 8. Peristenus digoneutis, parasitoïde larvaire de Lygus spp. 9. Trichopoda pennipes parasitoïde larvaire de Pentatomidae. 10. Gymnosoma rotundatum parasitoïde larvaire de Pentatomidae. 11. Larve d'Arma custos Pentatomidae prédateur. 12. Anthocoris nemorum punaise Anthocoridae. 13. Chrysoperla sp., larve chassant une larve de Liocoris tripustulatus. 14. Fourmis Crematogaster scutellaris consommant une ooplaque de H. halys exposée artificiellement. 15. Argiope lobata, araignée. 16. Beauveria bassiana, champignon entomopathogène. 17. Heterorhabditis bacteriophora nématode entomopathogène. 18. Lygus spp. infecté par des nématodes entomopathogènes visibles à la base de l'aile et à travers le pronotum. Photos : 1,2, 3, 4, 5, 6 et 14 A. Bout. 7 H. Dumas. 8 T. Haye. 9 et 10 M. Huguet. 11, 12, 13 et 15 J.-C. Streito. 16 et 17 Koppert et 18 Koppert-Lisa Tonino
Les premiers articles consacrés aux punaises en agriculture(1) dressent un panorama des « problématiques punaises » actuelles pour les différentes filières de productions françaises. Si le nombre d'espèces de punaises incriminées est important, il n'existe pas de solution générique pour ce cortège. Il n'y a donc pas une mais des problématiques « punaises » !
Étape n° 1 : l'identification
Des espèces difficiles à distinguer
Reconnaître correctement les différentes espèces est le premier verrou à lever avant d'envisager une méthode de gestion, notamment via la lutte biologique (voir tableau en fin d'article), mais pas exclusivement. À titre d'exemple, les espèces du genre Lygus (Hahn, 1833) sont très difficiles à distinguer les unes des autres et souvent confondues sur le terrain avec d'autres espèces (Liocoris tripustulatus (Fabricius, 1781), par exemple), c'est le cas notamment sur fraise. Un inventaire taxonomique (morphologique et moléculaire) est d'ailleurs en cours dans le cadre du CasDAR IMPULsE (Encadrés 1 et 2).
Les auxiliaires potentiels
Prédateurs
En l'état, les recherches sur les ennemis naturels des punaises phytophages ont essentiellement porté sur les macro-organismes, qu'ils soient prédateurs (ils chassent et consomment au cours de leur vie plusieurs proies pour leur développement et leur reproduction) ou parasitoïdes dont la vie pré-imaginale (avant le stade adulte) se fait au détriment d'une espèce hôte. Les photos 1 à 18 p. 24 illustrent la diversité des prédateurs et parasitoïdes d'hétéroptères.
Parmi les prédateurs, nous rencontrons principalement des prédateurs généralistes (c'est-à-dire qui consomment différentes espèces de proies), de différents groupes taxonomiques :
- des arthropodes avec une diversité de genres et familles d'insectes parmi lesquels des hétéroptères (Reduviidae, Nabidae, Anthocoridae, etc.), des coléoptères (Coccinellidae et Carabidae), des orthoptères, des hyménoptères (Formicidae), des araignées, etc. ;
- parmi les vertébrés, citons divers oiseaux et des chauves-souris et peut-être aussi des reptiles, amphibiens ou des petits rongeurs, la bibliographie étant cependant peu étoffée.
Toutes ces espèces ont un impact sur les populations de punaises phytophages dans des proportions difficilement quantifiables, mais doivent contribuer de façon significative aux services écosystémiques rendus par la biodiversité présente.
Parasitoïdes
Parmi les parasitoïdes, deux ordres d'insectes sont connus pour parasiter des punaises : les diptères et les hyménoptères.
Au sein des diptères se trouve principalement la famille des Tachinidae dont les adultes sont floricoles mais dont les larves de certaines espèces se développent aux dépens des larves et jeunes adultes de différentes punaises, c'est-à-dire Trichopoda pennipes (Fabricius, 1781) sur Nezara viridula (Linnaeus, 1758) ou Cylindromyia bicolor (Olivier, 1812) sur Rhaphigaster nebulosa (Poda, 1761).
Les hyménoptères sont un ordre également extrêmement diversifié, avec près de 154 000 espèces décrites à ce jour (Hubert, 2017) qui comprennent plusieurs familles d'intérêts pour le contrôle des punaises phytophages. Citons tout d'abord les Scelionidae, avec deux genres principaux qui nous intéressent plus spécifiquement, les genres Trissolcus et Telenomus. Ces deux genres regroupent des parasitoïdes oophages qui s'attaquent à d'autres groupes taxonomiques comme les lépidoptères. Certains sont toutefois spécialistes des oeufs de punaises. En France, les espèces les plus classiques qui nous intéressent pour lutter contre les hétéroptères Pentatomidae sont Trissolcus basalis (Wollaston, 1858) et Telenomus podisi (Ashmead, 1893).
D'autres parasitoïdes oophages de Pentatomidae et Coreidae, au moins, appartiennent à la famille des Eupelmidae, avec notamment Anastatus bifasciatus (Geoffroy, 1785), et à celle des Encyrtidae, avec le genre Ooencyrtus et, plus particulièrement, l'espèce O. telenomicida (Vassiliev, 1904). D'autres hétéroptères comme les Miridae (genres Lygus et Orthops notamment) sont susceptibles d'être parasités par des parasitoïdes oophages de la famille des Mymaridae. Ces derniers sont des proches parents des trichogrammes, mais sont encore plus petits (0,17 mm à 1,5 mm).
Les hyménoptères parasitoïdes dits larvaires parasitent des stades juvéniles des punaises ciblées. Là encore, différentes familles sont considérées, avec principalement des Braconidae dont Aridelus rufotestaceus (Tobias, 1986) sur N. viridula et Peristenus digoneutis ou P. relictus (Ruthe, 1856) sur Lygus spp.
À la limite prédateurs/parasitoïdes, citons les hyménoptères Sphecidae dont plusieurs espèces sont spécialisées dans la chasse aux punaises qu'elles paralysent pour nourrir leurs larves ectoparasites ! Cette famille a certainement un rôle important dans les milieux naturels et agricoles mais nous ne disposons que de très peu d'études à ce sujet.
Micro-organismes
Concernant les micro-organismes, les principaux auxiliaires semblent être des champignons et des nématodes entomopathogènes.Concernant les champignons entomopathogènes, différentes espèces ou souches commerciales sont utilisables en France, telles que Beauveria bassiana (Cordycipitaceae) ou Metarhizium anisopliae (Clavicipitaceae). D'après la littérature, l'usage de ces champignons entomopathogènes et leur efficacité sont fortement dépendants des conditions du système de culture (Arthurs et Thomas, 2001 ; Lord, 2005). En outre, il semblerait que H. halys, par exemple, soit en mesure d'émettre des composés inhibiteurs de certains champignons entomopathogènes et ainsi de s'en prémunir (Pike, 2014).
En revanche, Halyomorpha halys serait sensible aux États-Unis à un autre champignon entomopathogène : Ophiocordyceps nutans qui, lui, serait spécifique. Une piste à creuser, éventuellement, mais les compétences dans ce domaine seraient toutefois limitées dans le paysage scientifique français ! Concernant les nématodes (famille des Steinernematidae et des Heterorhabditidae), leur efficacité semble encore peu connue, que ce soit sur Pentatomidae, Coreidae ou Miridae.
Enfin, le développement de virus ou de bactéries entomopathogènes contre les hétéroptères n'est que très peu, voire pas du tout envisagé pour le moment.
Exemples dans le monde
Nezara viridula
Nezara viridula (Pentatomidae) est une des punaises phytophages réémergente et problématique, notamment en cultures légumières. Elle a fait l'objet de différents programmes de lutte biologique par acclimatation à travers le monde, en Nouvelle-Zélande, Australie, États-Unis, Taiwan, Brésil, les îles du Pacifique, etc. Le parasitoïde oophage Trissolcus basalis (Scelionidae) a notamment été introduit dans tous ces pays et il s'y est installé avec succès. Trichopoda pennipes (Fabricius, 1781) (Tachinidae), un diptère parasitoïde larvaire originaire du nouveau monde, a été introduit accidentellement en Italie en 1988, puis s'est dispersé, notamment en France.
Nezara viridula, comme d'autres punaises phytophages, a peu fait l'objet de lutte biologique par augmentation, notamment en raison des coûts de production des insectes parasitoïdes trop importants à grande échelle. Le seul exemple allant dans ce sens est au Brésil, où une partie significative de l'investissement nécessaire a été pris en charge par l'État. Cet exemple a pris fin avec le désengagement de l'État après plusieurs années (Corrêa-Ferreira et Panizzi, 1999 ; Panizzi, 2013).
Il existe dans la bibliographie des exemples de lutte biologique par conservation, notamment la plantation de plantes dites de service (soit des plantes pièges, soit des plantes offrant une nourriture de substitution aux auxiliaires) qui permettrait de détourner les N. viridula des cultures et augmenterait l'efficacité des parasitoïdes (Rea et al., 2002, Tillman et al., 2015). Les résultats de la mise en place de telles stratégies se sont avérés variables suivant les lieux et les contextes.
Halyomorpha halys
Aux États-Unis, Halyomorpha halys (Pentatomidae) est arrivée en 1996 et elle cause énormément de dégâts. En Italie, où elle est arrivée en 2002 (2012 en France), elle entraîne déjà des dégradations conséquentes sur noisette et kiwi. Dans ces pays, l'usage des produits phytosanitaires de synthèse n'apporte pas de solution efficace. La recherche d'auxiliaires naturels a mis en évidence l'incapacité quasi généralisée des parasitoïdes indigènes (aussi bien américains qu'européens) à parasiter avec succès et régularité les ooplaques de H. halys. En effet, les parasitoïdes au mieux induisent un avortement des oeufs de la punaise sans pour autant arriver à terminer leur cycle complet de développement.
En France et en Italie, du moins, seuls A. bifasciatus et O. telenomicida semblent en mesure de réaliser leur cycle complet. Tous deux présentent des taux de parasitisme naturel faibles sur H. halys (il semblerait qu'en Italie A. bifasciatus soit plus efficace) et une inconstance dans leur capacité à parasiter. De plus, A. bifasciatus est un parasitoïde présentant un large spectre d'hôtes allant de différentes familles de punaises à des lépidoptères, ce qui en soi pourrait être un handicap pour un usage en lutte biologique par augmentation (Haye et al., 2018).
L'ensemble de ces pays se sont intéressés également à la lutte biologique par acclimatation avec un candidat venant d'Asie : Trissolcus japonicus (Ashmead, 1904). L'exposition d'oeufs sentinelles (oeufs de l'hôte étudié, déposés volontairement dans le but de récupérer pour identifier et/ou élever les parasitoïdes venus parasiter l'ooplaque piège) a conduit à la découverte en 2014 aux États-Unis (Talamas et al., 2015), puis en 2018 en Suisse et en Italie (Stahl et al., 2018 et Peverieri et al., 2018) de populations « autochtones » de T. japonicus.
Le fait qu'un auxiliaire suive son hôte lors d'une invasion biologique serait une chose plus commune que l'on ne le pense mais difficile à établir. Les punaises Pentatomidae, avec la possibilité d'utiliser leurs ooplaques en exposition sur le terrain, sont de bons modèles d'étude pour ces situations. Ainsi, aux États-Unis il a été récemment retrouvé un parasitoïde de la zone d'origine de la punaise invasive Bagrada hilaris (Burmeister, 1835) : Trissolcus hyalinipennis (Ganjisaffar et al., 2018). Nous pouvons également citer l'introduction aux États-Unis de Peristenus digoneutis, en réponse aux dégâts causés par des punaises du genre Lygus (Pickett et al., 2017).
Des stratégies à base d'utilisation de parasitoïdes oophages ont également été évaluées au champ mais sans succès probant. En effet, les Lygus spp. attaquent les cultures de fraises et ont la particularité (comme tous les Miridae) de pondre les oeufs de façon isolée et à l'intérieur du végétal, ce qui, dans le cas de la fraise, complique la tâche des parasitoïdes car les oeufs se retrouvent alors protégés en partie par les akènes du fruit (Udayagiri et Welter, 2000). Les parasitoïdes alors considérés appartiennent à la famille des Mymaridae.
Et en France ?
Un projet de grande envergure
Après la découverte en France en 2012 de H. halys, l'Anses a réalisé une évaluation du risque lié à cet organisme et a conclu à un risque important (Haye et al., 2013). L'Inra s'est positionné sur cette thématique dès 2016. Dès 2017, un projet de plus grande envergure, ciblé sur la gestion des punaises en cultures légumières, a été initié : le projet IMPULsE (Encadré 1).
Ces projets contribuent à caractériser la diversité des parasitoïdes indigènes susceptibles d'être utilisés en lutte biologique contre un certain nombre de punaises ravageurs de ces cultures légumières. Plus récemment, le GIS Fruit s'est saisi de cette question en arboriculture fruitière avec l'organisation d'un « groupe punaises » et d'un séminaire d'information et de co-construction de nouvelles actions(2).
La caractérisation de la biodiversité des parasitoïdes indigènes sur ponte de Halyomorpha halys devrait permettre :
- d'identifier des candidats agents de lutte biologique potentiels ;
- de confirmer ou non la présence de T. japonicus en France ;
- d'évaluer T. japonicus en quarantaine dans le cas où celui-ci n'est pas présent sur le territoire.
Des stratégies globales
Longtemps considérées comme des ravageurs secondaires, les punaises phytophages dans leur ensemble sont en passe de devenir des ravageurs de premier ordre dans différentes filières agricoles.
Le développement de solutions de lutte biologique passe nécessairement par un inventaire précis des espèces de punaises et des taxons principaux susceptibles de fournir des auxiliaires. L'identification et l'évaluation des meilleurs candidats de lutte biologique, ainsi que leur mise à disposition pour les producteurs et/ou particuliers nécessiteront d'approfondir les études débutées, en France comme à l'étranger.
Dans le cadre plus particulier de la lutte biologique par augmentation, le succès final sera conditionné non seulement par la capacité d'identifier un auxiliaire efficace mais également par la capacité zootechnique à le produire en masse et avec un modèle économique favorable à l'utilisation de la méthode.
Enfin, il est probable qu'aucune méthode de lutte biologique testée ne permettra, à elle seule, la régulation des populations de punaises. L'intégration de ces méthodes dans des stratégies plus globales associant plusieurs solutions disponibles (filets, pièges, plantes de services, etc.) sera donc nécessaire.
(1) Phytoma n° 722, mars 2019, p. 49 et p. 53.(2) www.gis-fruits.org/Groupes-thematiques/Bio-agresseurs/Groupe-Punaise-diabolique-et-autres-punaises
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Le regain d'inquiétude vis-à-vis des punaises s'explique par la réémergence de plusieurs espèces indigènes, considérées jusqu'à présent comme des ravageurs secondaires et dont les dégâts ont augmenté ces derniers temps à la faveur de changements de pratiques agricoles, de changements plus globaux, voire d'apparitions de résistances.
Par ailleurs, les activités humaines introduisent des espèces exotiques qualifiées d'invasives, comme la punaise diabolique Halyomorpha halys.
LUTTE BIOLOGIQUE, BIOCONTRÔLE, ALTERNATIVES - La lutte biologique est définie par l'Organisation internationale de lutte biologique (OILB) comme l'utilisation d'organismes vivants (appelés auxiliaires ou agents de lutte biologique) ou de leurs produits pour prévenir ou réduire les dégâts causés par les ravageurs.
Le terme « biocontrôle » intègre, dans son acception française officielle, la lutte biologique à l'aide de macro- ou micro-organismes, des solutions basées sur les médiateurs chimiques ou de substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Des méthodes complémentaires (filets, plantes de services...) peuvent s'envisager.
GESTION DES PUNAISES - À l'échelle mondiale, deux espèces ont plus particulièrement fait l'objet de programmes de lutte biologique : Nezara viridula avec l'acclimatation du parasitoïde oophage Trissolcus basalis ; Halyomorpha halys avec des populations autochtones de Trissolcus japonicus.
MOTS-CLÉS - Punaises, hétéroptères, lutte biologique, conservation, acclimatation, augmentation, parasitoïdes, prédateurs, Nezara viridula, Halyomorpha halys, projet IMPULsE, GIS Fruit.
1 - Projet IMPULsE
Le projet IMPULsE, « Développement et intégration de Méthodes innovantes pour la maîtrise des Punaises en cultures Légumières »(1), teste en parallèle l'intégration de plusieurs techniques (filets, pièges colorés, plantes pièges, nématodes, auxiliaires de lutte biologique...) pour contrôler durablement les populations de diverses punaises en cultures légumières. Ce projet, financé par l'Agence française pour la biodiversité à travers le plan Écophyto et le CasDAR, est également soutenu par le GIS PIC Leg. Il regroupe les partenaires suivants : Ctifl, Inra PACA UMR ISA, Inra Montpellier CBGP, le Grab, l'Aprel, Invenio, les chambres d'agricultures 13 et 47, Koppert France, ainsi que les lycées agricoles de Sainte-Livrade et d'Avignon.
(1) www.picleg.fr/Projets/Les-projets-en-cours/IMPULsE
2 - Importance de la taxonomie pour la lutte biologique (cas emblématique des Miridae)
Des dégâts observés en cultures légumières (aubergine, fraise) sont en recrudescence. On les attribue généralement aux « Lygus » (Miridae). Dans le cadre du projet IMPULsE, des inventaires ont permis de collecter deux à quatre espèces de Lygus mais aussi des mirides des genres Adelphocoris et Closterotomus sur aubergine et Liocoris tripustulatus sur fraise. Ces espèces confondues sous le nom générique de « Lygus » sont-elles toutes impliquées dans des dégâts ? Ont-elles la même biologie ? Sont-elles régulées par les mêmes parasitoïdes ?
Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de pouvoir discriminer ces espèces, or l'identification morphologique des Lygus est actuellement impossible, même par un spécialiste... Une étude de taxonomie intégrative est donc menée sur le genre Lygus. L'objectif est d'associer caractères morphologiques et moléculaires pour déterminer parmi les sept espèces de Lygus décrites en Europe de l'Ouest combien sont réellement des espèces (isolées reproductivement et caractérisées par des biologies différentes) et comment les différencier avec fiabilité. Pour cela, des dizaines de spécimens ont été étudiés morphologiquement et moléculairement (Figure). Les analyses sont en cours.
Une fois que le nombre d'espèces présentes dans nos champs sera établi et que l'on pourra les reconnaître, il sera alors possible d'étudier finement leur biologie respective, savoir si elles causent les mêmes dégâts, aux mêmes stades phénologiques, si elles sont régulées par les mêmes parasitoïdes et lesquels sont les plus intéressants pour la lutte biologique.
3 - Autres méthodes alternatives à la lutte chimique contre les punaises
Pièges à phéromones : modèles AlphaScient (1), AgBio (2), ResCue (3) et piège ResCue avec de nombreuses punaises Halyomorpha halys capturées (4). 5.-7. Usage de filets en arboriculture (en Italie, les kiwis sont déjà bien équipés de filets antigrêle, contrairement à la France), de culture de plantes attractives (éventuellement en renforcement des parasitoïdes ou en mode « attract and kill ») et la combinaison des trois méthodes filets, culture compagne et pièges en bordure. Photos : A. Claudio Pizzinat - Agrion (Italie)
Parmi les moyens de protection complémentaires disponibles (photos), il existe des méthodes de protection physiques comme les filets pouvant être utilisés sous serre, tunnel, voire en maraîchage plein champ et verger.
Différents types de pièges sont testés contre certaines espèces de punaises. Ce sont classiquement des pièges englués qui interceptent les punaises au vol pour ensuite les coller.
Leur efficacité peut être augmentée en choisissant des formes, des couleurs et des positions attractives pour l'espèce à réguler. Les phéromones, notamment celles d'agrégation, sont une piste sérieuse. Il en existe par exemple pour Lygus rugulipennis (Poppius, 1911) et Halyomorpha halys, mais leur efficacité et leur sélectivité mériteraient d'être améliorées. Des nappes textiles imprégnées d'insecticides sont testées en Italie contre H. halys.
La recherche sur ces techniques appliquées aux punaises commence à peine. Le besoin en pièges efficaces est important, d'une part pour suivre et évaluer les populations et, d'autre part, pour un piégeage massif destiné à réduire suffisamment les populations notamment hivernantes.
L'utilisation de plantes dites de service, c'est-à-dire plantes compagnes, pièges, répulsives, etc., peut également jouer un rôle important à l'échelle de la parcelle pour limiter les attaques, les anticiper ou renforcer une action, que celle-ci soit biologique ou même chimique.
Enfin, les aménagements du milieu dans le cadre de la lutte par conservation des auxiliaires sont envisageables, mais ils risquent de se heurter à des biologies très différentes d'une espèce de punaise à l'autre, et aussi possiblement à des recommandations contradictoires.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACTS : alexandre.bout@inra.fr
jean-claude.streito@inra.fr
BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article est disponible auprès de ses auteurs.
REMERCIEMENTS
Les auteurs souhaitent remercier H. Dumas, M. Huguet, C. Pizzinat (Agrion) et L. Tonino (Koppert) ainsi que T. Haye (Cabi-Suisse) pour l'envoi de leurs photographies.
Ces travaux ont bénéficié du soutien du programme CasDAR/Écophyto IMPULsE.