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Qu'est-ceque ?

Nucleopolyhedrovirus (NPV) HearNPV et SpliNPV

GISELA BRAND*, ALAIN QUERRIOUX**, GUILLAUME SIMON** ET CLÉMENCE CANTAU**,*Andermatt Biocontrol. **Andermatt France. - Phytoma - n°723 - avril 2019 - page 48

Les virus HearNVP (Helicoverpa armigera nucleopolyhedrovirus) et SpliNVP (Spodoptera littoralis nucleopolyhedrovirus) sont des virus de la polyédrose nucléaire (nucleopolyhedrovirus - NPV) appartenant à la famille des baculovirus (virus entomopathogènes). Ces virus sont naturellement présents dans les populations d'insectes. Les baculovirus ont un spectre d'hôtes très spécifique (à l'espèce, voire au genre), et les NPV touchent principalement les lépidoptères. Helicovex (HearNPV) et Littovir (SpliNPV), produits par le groupe Andermatt et distribués par Andermatt France, sont utilisables en agriculture biologique. Ils sont inscrits sur la liste des produits de biocontrôle (L. 253-5 et L. 253-7). Plus de quarante autorisations sont délivrées sur des cultures légumières, maraîchères, horticoles et grandes cultures.
Fig. 1 : Virus de polyédrose nucléaire      Les particules virales des polyhedrovirus sont protégées par une matrice protéique.

Fig. 1 : Virus de polyédrose nucléaire Les particules virales des polyhedrovirus sont protégées par une matrice protéique.

Fig. 2 : Cycle infectieux du polyhedrovirus

Fig. 2 : Cycle infectieux du polyhedrovirus

Fig. 3 : Comparaison de la mortalité sous l'action du Bacillus thuringiensis et du polyhedrovirus

Fig. 3 : Comparaison de la mortalité sous l'action du Bacillus thuringiensis et du polyhedrovirus

Fig. 4 : Critères d'identification des larves des ravageurs Helicoverpa armigera et Spodoptera littoralis

Fig. 4 : Critères d'identification des larves des ravageurs Helicoverpa armigera et Spodoptera littoralis

Fig. 5 : Activité des baculovirus dans différentes conditions d'ensoleillement AoGV, DL50      Adoxophyes orana granulovirus, DL50 = dose létale à laquelle 50 % des larves meurent.

Fig. 5 : Activité des baculovirus dans différentes conditions d'ensoleillement AoGV, DL50 Adoxophyes orana granulovirus, DL50 = dose létale à laquelle 50 % des larves meurent.

Fig. 6 : Contrôle d'Helicoverpa armigera sur maïs doux, essai Aquitaine 2011      Helicovex, Btk : trois applications de chaque (intervalles de onze à huit jours), stades ABC, T3 appliqué seize jours avant la récolte ; indoxacarbe : deux applications (intervalle de dix-neuf jours), stades AC ; A : apparition des panicules mâles ; B : apparition des soies ; C : apparition des soies + huit jours ; 16DAT3 = seize jours après troisième traitement. L'efficacité à la récolte est calculée par rapport au TNT.

Fig. 6 : Contrôle d'Helicoverpa armigera sur maïs doux, essai Aquitaine 2011 Helicovex, Btk : trois applications de chaque (intervalles de onze à huit jours), stades ABC, T3 appliqué seize jours avant la récolte ; indoxacarbe : deux applications (intervalle de dix-neuf jours), stades AC ; A : apparition des panicules mâles ; B : apparition des soies ; C : apparition des soies + huit jours ; 16DAT3 = seize jours après troisième traitement. L'efficacité à la récolte est calculée par rapport au TNT.

Fig. 7 : Contrôle de Spodoptera littoralis sur laitues, essai Sicile (Italie) 2011      Littovir, Bt et émamectine : trois applications, à huit jours d'intervalle, entre BBCH 20 et BBCH 42 (essai BPE). Indications a/b pour dégâts sur feuilles.

Fig. 7 : Contrôle de Spodoptera littoralis sur laitues, essai Sicile (Italie) 2011 Littovir, Bt et émamectine : trois applications, à huit jours d'intervalle, entre BBCH 20 et BBCH 42 (essai BPE). Indications a/b pour dégâts sur feuilles.

CARACTÉRISTIQUES TOXICOLOGIQUES ET ÉCOTOXICOLOGIQUES

Toxicologie et écotoxicologie

Les NPV touchent particulièrement les lépidoptères, ils ne présentent aucun risque pour la santé humaine, ni pour l'environnement (OCDE, 2002). Selon les conclusions d'études et de revues bibliographiques sur les baculovirus (OCDE 2002, Efsa 2013, OCDE 2014) :

- ils sont hautement spécifiques (à l'espèce, voire au genre), non infectieux, ni réplicables pour les mammifères ;

- ils ne présentent aucun effet pathogène, allergène, génotoxique, mutagène ou cancérogène chez les mammifères ;

- ils ne génèrent pas de toxines ;

- ils ne présentent aucun effet indésirable sur les vertébrés, les micro-organismes et les plantes.

Le règlement (UE) 2017/1432 les classe comme substances actives à faible risque par défaut. Le règlement (UE) 1107/2009 les présentent comme une substance à faible risque pour la santé humaine, animale et pour l'environnement.

PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES

Biologie

Les polyhedrovirus sont naturellement encapsulés par un corps d'inclusion polyédrique, ou matrice protéique, qui protège les particules virales des influences environnementales défavorables. Ces capsules contiennent à leur tour plusieurs virions (Figure 1), qui sont les unités infectieuses, constitués d'une bicouche lipidique entourant l'ADN. Ceux-ci contiennent les informations nécessaires à la réplication virale (Evans et Entwistle, 1987).

Les progrès de la recherche donnent une idée plus détaillée des interactions entre les virus et leur hôte, ce qui a conduit à la mise au point de nouveaux isolats viraux hautement efficaces et persistants. Pour lutter contre les ravageurs clés des cultures horticoles, légumières et grandes cultures, de nouvelles opportunités se sont présentées dans le contrôle intégré de ces nuisibles. Les niveaux de performances sont similaires à ceux obtenus par les molécules de synthèse de dernière génération. Ils sont par ailleurs sans résidu et sans risque pour la faune auxiliaire, du fait de leur grande spécificité.

Helicoverpa armigera, communément appelé héliothis ou noctuelle de la tomate, est un ravageur hautement polyphage que l'on retrouve dans diverses cultures à travers le monde. Provoquant d'importants dommages économiques, cette espèce a développé des résistances à une large gamme d'insecticides. L'utilisation de baculovirus a été l'une des approches permettant de surmonter ces résistances (Rohrmann, 2011).

Les caractéristiques de cette espèce incluent (Hardwick, 1965 ; Fitt, 1989 ; Matthews, 1991) :

- sa capacité de dispersion, via notamment des migrations annuelles jusqu'à 1 000 km ;

- son potentiel de reproduction élevé, entre 1 500 et 3 000 oeufs par femelle ;

- sa polyphagie, 200 plantes-hôtes recensées ;

- son développement rapide, le cycle de vie prend quatre à six semaines pour passer du stade oeuf au stade adulte (températures comprises entre 25 °C et 28 °C) avec deux à onze générations par an, en fonction des conditions climatiques ;

- les oeufs d'héliothis sont dispersés sur toute la plante, ce qui constitue une des clés pour son identification ;

- une entrée en diapause possible, selon les conditions climatiques.

L'émergence, l'alimentation et la ponte des adultes ont lieu la nuit. Les larves peuvent se nourrir de jour ou de nuit, quel que soit leur stade de développement.

Spodoptera littoralis, communément appelé ver du cotonnier, est un ravageur qui endommage de nombreuses cultures d'importances économiques. Les larves choisissent préférentiellement les jeunes feuilles pour se nourrir, mais lors d'importantes attaques, les feuilles de tout âge sont consommées. Les larves peuvent creuser des galeries dans les fruits, alors rendus impropres à la consommation. Cette noctuelle vole la nuit jusqu'à 1,5 km pendant 4 h, ce qui facilite la dispersion et la ponte sur différentes plantes-hôtes. Les femelles pondent 1 000 à 2 000 oeufs en ooplaques de 100 à 300 oeufs. Selon les conditions climatiques, quatre à huit générations peuvent se développer par an.

Un cycle dure minimum cinq semaines. Les jeunes larves (L1-L3) s'alimentent en groupe. Lors des stades L4-L6, les larves se dispersent et passent la journée dans le sol sous les plantes-hôtes, se nourrissant la nuit et tôt le matin.

Mode d'action : infection

Les particules du virus se déposent sur le chorion (membrane de l'oeuf). Ce dernier est ingéré par les jeunes larves d'Helicoverpa armigera et de Spodoptera littoralis lorsqu'elles s'extraient de l'oeuf. D'une manière générale, les jeunes larves d'Helicoverpa armigera et de Spodoptera littoralis, en se déplaçant et s'alimentant activement, ingèrent le virus appliqué sur la surface de la plante.

Après l'ingestion, les particules virales pénètrent dans l'intestin moyen, où les capsules de protéine se dissolvent en raison du niveau de pH élevé (pH > 10). Le virion est libéré et infecte les cellules de l'intestin moyen. L'information génétique du virus envahit le génome de l'hôte, entraînant sa multiplication. Les cellules de l'hôte sont ainsi détruites et les nouveaux virus infectent de nouvelles cellules de l'hôte. Dans les quatre premiers jours, les virus infectent la majorité des organes de l'hôte et la larve cesse de s'alimenter. Son corps entre en léthargie et se décolore, et elle meurt. Le corps se liquéfie en dégageant des millions de nouvelles particules virales, qui vont à leur tour infecter d'autres larves (Figure 2).

Transmission horizontale

La transmission horizontale est le fruit de la libération des corps d'occlusion produits par l'hôte après sa mort. L'insecte contaminé se liquéfie en libérant des corps d'occlusion infectieux dans l'environnement (à la surface des plantes, des feuilles, des oeufs, etc.). Ces capsules protéiques représentent une forme de virus écologiquement stable qui, après ingestion, contaminera d'autres larves.

Transmission verticale

Les baculovirus peuvent également être transmis d'une génération à une autre. Les larves âgées ne meurent pas nécessairement après l'ingestion des particules virales. Dans ce cas, l'infection se manifestera, au plus tard, au sein de la génération suivante.

En forme latente, l'infection peut être transmise aux formes adultes, oeufs, puis aux larves de la prochaine génération. Un affaiblissement ou un stress externe (application insecticide, manque de nourriture...) activeront les particules virales au sein de l'hôte.

Niveau d'infection selon les stades larvaires

Les études sur les baculovirus montrent que l'ingestion d'une seule particule virale suffit à tuer rapidement une larve de premier stade (L1). Les larves plus développées (> L3) ne meurent pas instantanément et peuvent continuer à s'alimenter avec moins de voracité, avant de mourir aux derniers stades larvaires. C'est un avantage par rapport à d'autres moyens de protection basés sur des toxines, comme les produits à base de Bt (Bacillus thuringiensis), dont l'efficacité dépend d'une quantité de substance active ingérée (Figure 3).

Origine du virus

Le virus est un parasite obligatoire qui est présent naturellement dans les populations d'insectes. Pour la production, des larves infectées sont collectées en milieu naturel et, ensuite, les particules virales sont isolées et sélectionnées. La production de virus à grande échelle s'effectue in vivo sur des populations d'insectes élevées dans ce but.

Les freins à l'activité du virus/conditions défavorables

Lors de l'application, les fortes températures n'altèrent pas l'efficacité des produits (exemple d'applications : Brésil, Argentine, Afrique du Sud, Australie...). Pour une conservation longue durée, le stockage est possible pendant :

- plus que trois ans à -18 °C ;

- deux ans à une température inférieure à 5 °C ;

- trois mois à 20 °C ;

- un mois à 25 °C.

Les radiations lumineuses (UV) peuvent influer sur l'efficacité du virus en endommageant l'ADN des organismes vivants (Figure 5).

Spectre d'activité

Helicoverpa armigera nucleopolyhedrovirus : Helicoverpa sp.

Spodoptera littoralis nucleopolyhedrovirus : Spodoptera littoralis, Spodoptera frugiperda (pas de demande d'homologation en France pour cette dernière espèce).

RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX

Efficacité et sélectivité

Les deux produits sont parfaitement sélectifs des cultures sur lesquelles ils sont autorisés. Les essais et les études n'ont décelé aucune phytotoxicité. Ils offrent un contrôle efficace des ravageurs ciblés en limitant les dégâts et en contrôlant les populations larvaires.

Helicovex a été testé sur maïs doux (Aquitaine, 2011). Le produit a été appliqué à trois reprises à un intervalle de huit à onze jours : T1 sur panicule, T2 et T3 sur soie. La notation a été faite à la récolte, soit seize jours après le T3. L'efficacité et les dégâts ont été comparés à un témoin non traité et deux autres produits, à savoir Btk et indoxacarbe. La solution à base de NPV permet de réduire significativement les dégâts sur les épis (Figure 6).

Pour Littovir, l'essai sur laitue (Sicile, 2011) montre une efficacité probante de la solution à base de NPV, appliqué à trois reprises à huit jours d'intervalle (entre BBCH 20 et BBCH 42), comparé à un témoin non traité et deux autres produits : Btk et émamectine benzoate.

RECOMMANDATIONS D'EMPLOI

Stades d'application des produits

Ces larvicides d'origine naturelle et hautement spécifiques doivent être appliqués de préférence en début d'éclosion, ou sur les premiers stades larvaires (L1 et L2). Les jeunes larves consomment le chorion durant l'éclosion. Un traitement très précoce permet l'ingestion à un stade de grande sensibilité larvaire aux produits. Par ailleurs, à ce stade, les larves n'ont pas encore pénétré à l'intérieur des fruits. Les applications doivent être répétées tous les huit jours en conditions ensoleillées, et tous les quinze jours en temps couvert, au cours des périodes de plus grandes sensibilités des cultures.

Programme et stratégie d'alternance

En raison de leur mode d'action unique, Helicovex et Littovir constituent des outils de gestion et de limitation des résistances. Ils seront utilement inclus dans tout programme de protection de type conventionnel ou biologique. Leur innocuité et leur absence de résidu en font des produits de choix pour les cahiers des charges les plus exigeants. Ils peuvent être utilement associés avec Lepinox Plus (Btk) pour agir simultanément contre H. armigera ou S. littoralis, et sur diverses chenilles de lépidoptères. Ils peuvent aussi s'utiliser en alternance dans des programmes ou en association avec d'autres produits.

CARACTÉRISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES

Substances actives

• Noms scientifiques : HearNPV (Helicoverpa armigera nucleopolyhedrovirus) et SpliNPV (Spodoptera littoralis nucleopolyhedrovirus)

• Taxonomie : nucleopolyhedrovirus (NPV) appartenant à la famille des baculovirus et au genre des Alphabaculovirus

• Apparence : micro-organismes non visibles à l'oeil nu

• Reconnaissance : utilisable en agriculture biologique conformément au RCE 834/2007

• Classement : sans classement CLP

• LMR : dispensé

Produits formulés

• Reconnaissances : UAB et produits de biocontrôle inscrits sur la liste DGAL/SDQSPV au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime

• Classement : sans classement (aucune mention de danger). Mention abeilleEUH401 : Respectez les instructions d'utilisation pour éviter les risques pour la santé humaine et l'environnement. EUH 208 : Peut provoquer une réaction de sensibilisation

• Nom : Helicovex®AMM n° 2140094

• Composition : > 7,5 × 1 012 corps viraux de HearNPV/l

• Formulation : suspension concentrée liquide (SC), gris-brun, conditionnée en bidons de 200 ml, 1 l, 5 l. pH 6-7. Miscibilité insecticide, fongicide et engrais (pH 5 et 8,5). Bonne résistance au lessivage (50 mm)

• Nom : Littovir®AMM n° 2160706

• Composition : > 5 × 1011 corps viraux de SpliNPV/l

• Formulation : suspension concentrée liquide (SC), gris-brun, conditionnée en bidons de 200 ml, 1 l, 5 l. pH = 6-7. Bonne résistance au lessivage (50 mm)

Liens utiles et bibliographie

www.andermatt.fr ; https://ephy.anses.fr

- Baculovirus Properties Taxonomy, E. A. Herniou, B. M. Arif, J. J. Becnel, G. W. Blissard, B. Bonning, R. Harrison, J. A. Jehle, D. A. Theilmann et J. M. Vlak, 2012.

- Baculovirus biopesticides: an overview, A. Beas-Catena, A. Sanchez-Miron, F. Garcia-Camacho, A. Contreras-Gomez et E. Molina-Grima, The Journal of Animal and Plant Sciences, 2014.

- The ecology and evolution of insect baculoviruses, J. S. Cory et J. H. Meyers, Annual Review of Ecology Evolution and Systematics, January 2003.

- Normes OEPP, Protocoles de diagnostic pour les organismes réglementés, Bulletin OEPP/EPPO 33, 2003.

- Organisme de quarantaine OEPP, préparé par le CABI et l'OEPP, Spodoptera littoralis et Spodoptera litura.

- Morphological Characterization of Helicoverpa armigera, L. Queiroz-Santos, M. M. Casagrande, A. Specht, 2018.

- Virus entomopatógenos: nuevos avances en el control de plagas de lepidópteros en cultivos hortícolas, Juan Rodriguez et Gisela Brandt, 2017.

- OECD, Consensus Document on information used in the assessment of environmental applications involving baculoviruses, 2002.

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