Entré chez PAT (Plant Advanced Technologies) en 2013, Jean-François Ginglinger est responsable des partenariats R&D de la structure. Basée à Vandoeuvre-lès-Nancy, (Meurthe-et-Moselle), PAT est spécialisée dans l'identification, l'optimisation et la production, par des plantes, des principes actifs innovants et rares pour l'industrie cosmétique, pharmaceutique et phytosanitaire. Créée en 2005, la société compte aujourd'hui quarante salariés dont la moitié en recherche, et une dizaine en production dans les serres (3 ha) situées à 35 km du siège. Selon le secteur d'activité visé, PAT se focalise uniquement sur la recherche ou peut aller également jusqu'à la production du principe actif découvert.
Recherche de fongicides
« Nous ne produisons pas pour l'industrie phytosanitaire car nous n'avons pas les capacités de fournir les volumes suffisants pour approvisionner le monde entier », précise Jean-François Ginglinger, dont la mission est de faire le lien entre les équipes de recherche, voire de production, et les clients partenaires. L'activité en santé végétale a vraiment décollé avec un premier contrat de R&D signé avec BASF en 2016 pour découvrir de nouvelles substances actives fongicides pour les grandes cultures. « Ce projet conduit en codéveloppement avec notre partenaire nous occupe beaucoup. »
Un postulat de base
« Nous partons du principe que les plantes présentes sur la planète ont résisté à certains agresseurs depuis des milliers d'années et ont donc développé des mécanismes de défense, et notamment des molécules leur permettant d'interagir avec leur environnement. Ceux-ci peuvent nous être utiles pour lutter contre les maladies de nos cultures. »
Pour cette recherche de fongicides, les plantes à explorer sont sélectionnées d'après la bibliographie ou encore parce qu'elles survivent dans un contexte à forte pression en champignons pathogènes. « C'est le cas de la flore d'une partie de l'île de la Réunion qui reçoit 15 m d'eau par an ! » Mais la Réunion n'est pas la seule source. Dans les serres de Lunéville, les plantes viennent des quatre coins du monde. « Il faut seulement respecter les lois mondiales sur la protection de la biodiversité. Nos spécialistes vérifient tous nos achats de végétaux et nos prélèvements naturels. »
Une culture en aéroponie
Et ces plantes poussent en aéroponie, c'est-à-dire suspendues entièrement dans l'air et nourries par une solution nutritive vaporisée sur les racines. « Elles sont beaucoup plus productives que si les racines étaient dans le sol ou l'eau. » En phase de recherche, la plante entière est ensuite récoltée pour en produire un extrait contenant toutes les molécules. En phase de production (pour la cosmétique par exemple), les matières actives d'intérêt sont récoltées sans détruire les végétaux via la technique des « Plantes à Traire » mise au point par PAT à son origine. « Les racines sont plongées dans une solution contenant un solvant doux qui perméabilise les membranes cellulaires des racines et libère ainsi le contenu cellulaire, sans détruire la plante. Deux à six "traites" par an sont ainsi réalisées, permettant de multiplier jusqu'à 300 fois la production de molécules comparée à une culture en champ. »
Revenons à la phase recherche. L'extrait de la plante entière étudiée est analysé par chromatographie ou autres techniques pour avoir une vue d'ensemble des molécules présentes. « Notre partenaire mesure ensuite l'activité biologique sur les champignons visés de tous les extraits ainsi produits à partir de dizaines de plantes différentes. En moyenne, 10 à 15 % des extraits montrent une activité, ce qui est énorme comparé à la création de molécules par la chimie classique (inférieur à 0,1 %). »
PAT applique ensuite le Target Binding sur les extraits actifs, un savoir-faire spécifique développé pour établir un pont entre le monde de la phytochimie et celui de la « recherche de candidats », c'est-à-dire trouver dans l'extrait actif LA molécule responsable de l'activité fongique, pour ensuite l'optimiser.
Des cibles biologiques
Le Target Binding remplace les techniques classiques complexes et fastidieuses, grâce à l'utilisation de cibles fongiques. « Une bonne cible est souvent une protéine (et très souvent une enzyme), dont l'activité est vitale pour le champignon, et qui n'existe pas chez l'homme ou chez les animaux. Nous les utilisons comme hameçons. » La protéine-cible du champignon est en effet mélangée avec chaque extrait à tester pour que seule la molécule active se fixe sur cette protéine-cible. Après extraction, elle sera identifiée chimiquement, puis purifiée pour être à nouveau testée pour confirmer son activité antifongique.
Des candidats déjà retenus
« Si celle-ci est avérée, sa structure est alors optimisée en construisant quatre à dix molécules différentes dérivées de la première. Celles qui montrent une activité fongique renforcée seront retenues. » À ce stade, PAT passe définitivement la main à son partenaire avant son entrée dans un long processus de développement dans lequel les structures moléculaires sont encore améliorées. Son objectif est d'obtenir les agents antifongiques les plus efficaces et les plus sûrs vis-à-vis des consommateurs, des agriculteurs et de l'environnement. Depuis 2016, PAT a déjà testé des centaines d'extraits de plante et plusieurs molécules sont en cours de transfert chez son partenaire.
BIO EXPRESS
JEAN-FRANÇOIS GINGLINGER
2005. Ingénieur en biotechnologie, diplômé de l'Ensaia, à Nancy (Meurthe-et-Moselle).
2006. Thèse sur rôle des cytochromes P450 dans la fabrication des composés organiques volatils à l'Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP), à Strasbourg (Bas-Rhin).
2010. Post-doctorat à l'IBMP sur le même sujet.
2013. Global R&D Partnerships Manager chez PAT à Vandoeuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle).