Dipel DF, insecticide de biocontrôle

La bactérie Bacillus thuringiensis var. kurstaki permet de lutter spécifiquement contre les chenilles phytophages.

La profession s'intéresse de longue date au biocontrôle, comme l'illustre le produit Dipel DF contenant la bactérie Bacillus thuringiensis var. kurstaki (souche ABTS 351) aux propriétés insecticides, commercialisé par Philagro depuis vingt-quatre ans.

De quoi est-il fait ?

Contre les chenilles phytophages

Bacillus thuringiensis (ou Bt) est une bactérie commune du sol qui a des propriétés insecticides. Il existe plus d'une centaine de sous-espèces. Dipel DF est une formulation de granulés à disperser dans l'eau (WG) contenant 540 g/kg de spores et toxines de Bacillus thuringiensis ssp. kurstaki souche ABTS 351, obtenue par fermentation. Cette souche, sélectionnée par Valent BioSciences, se caractérise par la production de spores et toxines (cristaux protéiques) présentant une action insecticide spécifique aux lépidoptères (Figure 1 page suivante).

Le produit s'utilise pour lutter contre les chenilles phytophages sur cultures légumières (artichaut, choux, tomate, haricots écossés frais, haricots et pois non écossés frais, concombre, melon, céleri branche, poireau, chicorées racine, oignon, épinard, navet, laitue, pois écossés frais, poivron), pommier, olivier, riz, légumineuses potagères sèches, betterave potagère, cultures porte-graine PPAMC, arbres et arbustes, cultures florales et plantes vertes, et en traitements généraux (encadré p. 47).

Il est également homologué contre la tordeuse de la grappe sur vigne ; les chenilles foreuses des fruits sur prunier, pêcher et pommier ; les insectes xylophages sur prunier et pommier ; et les ravageurs divers sur PPAMC. Il est utilisable en agriculture biologique et figure sur la liste officielle des produits de biocontrôle. Par ailleurs, il entre dans le cadre du dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP). Il est listé dans la fiche-action 2018-034 « Lutter contre les chenilles phytophages au moyen d'un produit de biocontrôle contenant du Bacillus thuringiensis ».

Comment agit-il ?

L'ingestion des spores et toxines de Bt ssp. kurstaki souche ABTS 351 par les chenilles provoque un arrêt de la nutrition en quelques minutes (effet de choc), puis leur mort par septicémie (Figure 2).

Quelles sont ses performances ?

Mode d'action

Le produit agit par ingestion sur les jeunes stades larvaires de lépidoptères phytophages. Il combine quatre endotoxines (Cry1Aa, Cry1Ab, Cry1Ac, Cry2A), lui conférant un mode d'action multisite. Le risque de développement d'une résistance est ainsi fortement réduit. D'un point de vue environnemental, son mode d'action spécifique lui attribue une grande sélectivité vis-à-vis des arthropodes auxiliaires. Cette solution de biocontrôle montre un faible impact sur la biodiversité et permet l'utilisation du produit en période de floraison grâce à la mention « abeilles ».

Évaluation sur maïs

Dans le contexte d'une simplification à venir du catalogue des usages (voir encadré), Philagro a fait évaluer l'efficacité de la spécialité sur la pyrale du maïs Ostrinia nubilalis en production de maïs grain, maïs doux et maïs semence. Pour l'évaluation de l'efficacité de la formulation contre Ostrinia nubilalis en production des maïs, le produit a été appliqué à la dose de 1 kg/ha en une à plusieurs applications, en comparaison à la référence Coragen à base de chlorantraniliprole.

Cette étude a été menée sur quatre sites en 2015 et 2016 (Tableau 1). Les applications foliaires, avec un volume d'eau de 200 à 300 l/ha, ont été réalisées lors des pics de vol, soit un, deux ou trois traitements correspondant aux stades de fin floraison mâle et fin floraison femelle de la culture. Des blocs de Fischer à quatre répétitions avec témoin non traité inclus constituaient le dispositif expérimental, avec des parcelles de quatre rangs de 6 à 10 mètres de longueur. Les larves de pyrale du maïs étaient quantifiées après dissection de vingt plantes consécutives sur les deux rangs centraux.

Résultats d'efficacité

L'efficacité moyenne de Dipel DF, toutes notations confondues (fréquence sur plante, intensité d'attaque et fréquence sur épi) est de 41 %, contre 88 % pour la référence Coragen. En considérant l'intensité d'attaque sur plante entière, Dipel DF, en double ou triple applications, montre des efficacités de 36 à 59 % (48 % en moyenne) ; celles de la référence sont de 92 à 94 % (Tableau 2). Sur ce même critère, en considérant l'essai le plus infesté d'Étoile-sur-Rhône en 2015 (1,54 larve par plante), Dipel DF en double applications montre une efficacité de 59 % ; celle de la référence est de 93 %.

Les résultats présentent une plus forte variabilité en protection de l'épi, avec 64 % d'efficacité à Étoile-sur-Rhône et 0 % à Saint-Agnet pour Dipel DF. Dix-neuf tests de valeur pratique réalisés en 2017 et 2018, et répartis sur le territoire français, ont montré une efficacité moyenne de 55 % (18 % de plantes attaquées à la récolte, contre 40 % pour le témoin non traité).

Comment l'utiliser ?

Positionnement de l'application

Dipel DF 1 kg/ha s'emploie dès le pic de vol identifié. Sa persistance d'action est de l'ordre de douze à quatorze jours. L'efficacité de la spécialité est liée à son positionnement adéquat, au moment des pics d'éclosions du ravageur. Il est donc important de suivre les vols par un réseau de piégeage approprié.

Perspectives d'utilisation sur maïs

Les résultats d'essais montrent une efficacité de Dipel DF contre les larves de pyrale sur maïs grain, maïs doux et maïs semence. Un produit à base de Bacillus thuringiensis ssp. kurstaki souche ABTS 351 est actuellement autorisé contre la pyrale sur maïs doux (« Maïs doux*Trt Part.Aer.*chenilles phytophages ») et diverses chenilles phytophages en traitements généraux (« Traitements généraux*Trt Part.Aer.*Chenilles phytophages »). La DGAL a annoncé la parution imminente d'un nouveau catalogue des usages, qui devrait intégrer la pyrale dans l'usage « Maïs*Trt Part.Aer.*Chenilles phytophages ». Dipel DF pourrait ainsi trouver sa place dans la lutte contre Ostrinia nubilalis en culture de maïs, en application unique ou dans le cadre d'une stratégie combinant la lutte « conventionnelle » et/ou de biocontrôle (trichogrammes...).