Agronome de formation et rattachée au département Génétique et protection des plantes, Céline Robert parle « ravageurs des oléoprotéagineux » depuis son entrée à l'institut en 2010. « Le rôle d'un chargé d'étude est d'animer des projets au carrefour entre la recherche appliquée de nos laboratoires ou de ceux de nos partenaires, et le conseil terrain diffusé par nos ID (ingénieurs de développement) », précise-t-elle. Tout commence par l'identification des questions prioritaires avec les ID mais également avec les collègues des autres métiers. « Ensuite pour chaque problématique, je monte un projet en interne ou avec des partenaires extérieurs pour la traduire en actions de recherche et de développement. »
Scientifique et budgétaire
Cela passe par la création de protocoles d'essais qui seront réalisés par les stations d'expérimentation de l'institut ou par des coopératives ou négoces (en lien avec les ID), l'analyse des résultats de ces essais et leur discussion avec les partenaires du projet. « L'idée est d'en tirer des enseignements pour les diffuser auprès des producteurs, dans la presse technique, lors de colloques nationaux et internationaux... » Si sa mission est a priori plutôt scientifique, elle comprend cependant un volet économique. Céline Robert doit en effet rechercher des financements pour ses projets. « Je réponds à des appels d'offres type CasDAR en constituant un dossier technique et budgétaire avec l'espoir que nos projets soient retenus et financés. Si c'est le cas, il faut ensuite démontrer à quoi a servi le financement. » Actuellement, la grosse altise d'hiver et le charançon du bourgeon terminal, ravageurs les plus problématiques du colza, occupent une bonne partie de son temps.
Altise, charançon et bruche
Parmi les projets, citons le suivi de l'évolution des résistances chez les méligèthes (depuis 1999), les grosses altises et les charançons du bourgeon terminal (depuis 2013). « Les insectes prélevés sur le terrain par Terres Inovia ou nos partenaires terrain (OS(1), chambres d'agricultures, firmes phytosanitaires...) sont testés dans notre laboratoire. Côté méthodologie et analyse des résultats, nous bénéficions de l'appui de l'Inra d'Avignon, spécialiste de la question. L'objectif est de comprendre les mécanismes en jeu pour optimiser nos conseils terrain en termes de choix d'insecticides. » Autre sujet : l'impact des colzas associés sur les ravageurs et plus largement des leviers agronomiques. L'étude des associations colza-légumineuses a d'abord été engagée pour l'aspect fertilisation azotée. « Au détour de quelques comptages de ravageurs, on s'est aperçu qu'elles avaient un impact positif pour réduire les dégâts de certains insectes. Nous avons alors décidé de creuser la question. » Côté protéagineux, Céline Robert a travaillé avec l'Inra de Versailles, Arvalis-Institut du végétal et une douzaine d'acteurs de terrain sur les COV(2) attractifs de la bruche.
Un matériau complexe
Mais notre chargée d'études doit composer avec une difficulté : travailler avec des insectes est beaucoup plus complexe qu'avec des adventices ou des champignons. « Nous sommes en effet complètement dépendants de la pression ravageurs naturelle, car on ne peut pas infester les parcelles comme on peut inoculer des champignons ou favoriser leur développement. » Sans compter que des insectes, ça se déplace ! De plus, contrairement aux pucerons, on ne sait pas élever la grosse altise et le charançon du bourgeon terminal en laboratoire. Or, ceux-ci ne produisent qu'une génération par an et sont très difficiles à capturer. « Les études en laboratoire, qui complètent celles conduites au champ, sont donc très compliquées à réaliser. »
Développement d'outils
Et cela l'est encore plus avec les auxiliaires. Les plus efficaces sur les coléoptères ravageurs du colza sont les hyménoptères parasitoïdes, insectes très difficiles à étudier car petits (2 mm), discrets et identifiables seulement par des spécialistes. « Les premiers travaux datent des années 1960, mais on avance peu, étant bloqués par des aspects méthodologiques et le manque de spécialistes. Nous avons surtout travaillé sur le développement d'outils moléculaires dans le cadre d'un projet CasDAR (Coleotool) avec l'Inra de Montpellier et le Cirad pour nous permettre, ainsi qu'à d'autres structures (firmes phyto, Inra, coopératives...), de les identifier. Il est également compliqué de démontrer l'efficacité de ces auxiliaires, car cela ne se voit pas tout de suite, comme l'action des coccinelles sur les pucerons : le parasite agissant en fin de cycle, au stade larvaire du ravageur, le résultat ne se constate que l'année suivante. Les méthodes développées nous permettent aujourd'hui d'identifier et de quantifier le service de régulation de ces auxiliaires et, à terme, de valider les leviers permettant de favoriser leur action. »
Une mission riche
Après neuf années à ce poste, pas de risque de s'ennuyer. « On n'a jamais fait le tour de la question. En ravageurs, il y a même trop de problématiques à étudier. De plus, l'intérêt de ma mission est d'intervenir à toutes les étapes d'un projet jusqu'à la diffusion des résultats et de travailler en collaboration avec des métiers très différents les uns des autres. » Quant à l'avenir, s'il est difficile de savoir quel ravageur fera parler de lui demain, « la tendance de fond est à la recherche d'alternatives aux produits phytosanitaires. Et il va falloir en combiner plusieurs pour obtenir une efficacité satisfaisante, ce qui est beaucoup plus complexe à gérer que des traitements insecticides seuls », conclut Céline Robert.