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Sur le métier

Colin Chaballier, spécialiste de l'imagerie agronomique

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°725 - juin 2019 - page 52

Dirigeant de Carbon Bee AgTech, Colin Chaballier « photographie » les cultures avec un capteur hyperspectral. Analysées grâce à l'intelligence artificielle, les images ainsi captées permettent d'identifier une maladie, une carence, ou encore des adventices et de réaliser une cartographie de la parcelle. L'objectif final est de raisonner les traitements phytosanitaires en fonction de la pression observée, voire à l'avenir de les moduler en temps réel.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

Rien ne prédisposait Colin Chaballier, ingénieur télécom de l'Insa de Lyon, à parler « désherbage céréales » ou « maladie de la vigne » dix ans plus tard. Consultant indépendant dans le secteur des objets connectés, son chemin croise celui de la jeune start-up Carbon Bee en 2015. « Son fondateur, Gérald Germain, issu du monde de l'électronique mais aussi d'origine agricole, avait imaginé une solution (un capteur) pour mieux observer les cultures », raconte Colin Chaballier. Une coopérative contacte Carbon Bee pour différencier l'esca d'une carence sur vigne.

Un capteur et un logiciel

À partir de ce moment-là, Colin Chaballier travaille de plus en plus pour Carbon Bee. « En 2016, je rencontre des acteurs du maraîchage également intéressés par la technologie. J'ai alors commencé à développer une stratégie pour le secteur agricole. » Au Sima 2017, il entend parler des problématiques de désherbage et sent qu'il y a quelque chose à faire de ce côté-là aussi. En décembre 2017, Carbon Bee AgTech est créée pour développer l'activité dans le secteur agricole. Colin Chaballier prend alors la direction de la filiale. Avec aujourd'hui dix salariés, elle se définit comme la spécialiste de l'imagerie agronomique pour automatiser la détection d'espèces et de maladies. « Nos solutions sont basées sur deux éléments essentiels : le capteur hyperspectral et le logiciel d'interprétation des images captées. Elles sont destinées à des coopératives, négoces, fournisseurs de l'agroéquipement, firmes phytosanitaires... »

Un spectre de 250 bandes

Le capteur hyperspectral, conçu en interne, est la raison d'être de la société. Pour faire simple, un capteur multispectral (technologie souvent utilisée en agriculture) capte seulement trois à six bandes de couleurs, notamment là où s'exprime l'activité chlorophyllienne de la plante. Il identifie alors les zones d'anomalie mais sans la qualifier. « Notre capteur hyperspectral enregistre 250 bandes. Cette image combinée à l'intelligence artificielle nécessaire pour traiter cette masse d'informations va permettre d'automatiser, non seulement la détection de l'anomalie, mais aussi son identification. Et le diagnostic en temps réel est possible grâce à un calcul immédiat. »

Mieux que l'oeil humain

« L'enjeu technologique a été de concevoir un capteur que l'on puisse mettre dans un petit boîtier pour être installé sur un véhicule très mobile, et ce, à un coût acceptable. » Le boîtier peut équiper tout véhicule agricole : pulvérisateur, outil de récolte, quad, station de phénotypage... Autre enjeu technologique : construire l'intelligence artificielle pour interpréter les images captées et vérifier son adéquation sur le terrain. Les images nécessaires à l'éducation du logiciel proviennent du terrain grâce à des partenariats avec des coopératives, instituts, firmes phytosanitaires... « Ainsi, nous avons pu démontrer avec des partenaires la capacité de l'intelligence artificielle à travailler aussi bien que l'oeil humain, voire mieux en situation de pression moyenne, ce qui peut faire sens sur des opérations de phénotypage pour le screening de molécules. »

Identifier chaque adventice

Aujourd'hui, Carbon Bee AgTech propose la solution Impaact pour piloter le désherbage en blé, maïs et colza, et une solution sur mesure pour des problématiques particulières (maladies ou désherbage), construite avec le client à partir de son capteur et de son logiciel. Impaact est capable de différencier les graminées des dicotylédones et des vivaces. « En théorie, nous devrions pouvoir distinguer les dicotylédones entre elles. Nous commençons à travailler sur la reconnaissance du datura, problématique spécifique du Sud-Ouest. Différencier les graminées entre elles est beaucoup plus compliqué. C'est là que la caméra hyperspectrale a tout son intérêt. » Impaact sort une cartographie des grandes catégories d'adventices (graminées, dicotylédones, vivaces) sur la parcelle. « Nos clients peuvent l'utiliser pour un conseil de traitement et la traduire en carte de modulation pour le producteur. » La réalisation des images peut se faire avec un capteur fixé sur une petite rampe sur un quad ou lors d'un passage de tracteur. Le deuxième usage visé à moyen terme est l'équipement des pulvérisateurs. « Nous sommes en plein test avec les constructeurs de pulvérisateur. L'objectif est que la buse s'ouvre quand la caméra détecte une adventice. Certains pulvérisateurs récents en sont capables sans réduire le débit de chantiers. »

Détecter les maladies précocement

Côté maladie, c'est sur la différenciation entre l'esca de la vigne et une carence que Carbon Bee est en train de concevoir une solution services standard. « La cartographie de la parcelle indique où la maladie est présente et avec quelle intensité. Certains clients l'utilisent pour en faire un conseil agronomique. En fongicide, personne ne prend encore le risque de moduler. » Carbon Bee AgTech planche aussi sur la rouille et la fusariose du blé, et sur l'oïdium et mildiou en légumes. « À l'avenir, nous aimerions détecter les maladies avant l'apparition visible des symptômes. Nous misons sur le fait que le champignon entraîne des modifications de la plante non visibles à l'oeil nu mais qui pourraient être captées avec notre technologie. »

BIO EXPRESS COLIN CHABALLIER

2007. Ingénieur télécom de l'Insa Lyon (Rhône).

Ingénieur de recherche à l'Inria (institut de recherche sur les réseaux de capteurs sans fil) à Lyon.

2009. Chef de projet notamment sur la fibre optique chez MT2, société fabriquant des outils pour tester les équipements de télécommunication, à Tournon (Ardèche).

2012. Consultant indépendant dans le secteur des objets connectés.

2015. Conseille Carbon Bee en matière de stratégie et marché en tant que consultant.

2017. Devient dirigeant de Carbon Bee AGTech, filiale de Carbon Bee, à Valence (Drôme).

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