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ACTUS

NÉONICOTINOÏDES QUELLES ALTERNATIVES POSSIBLES ?

Phytoma - n°726 - septembre 2019 - page 4

Un article rédigé par un groupe d'experts scientifiques indépendants(1) s'intéresse aux solutions de remplacement des néonicotinoïdes(2). Si, pour une majorité des cas, des alternatives existent, elles sont loin de réunir les critères d'efficacité, de praticité, d'applicabilité et de durabilité.
 Photo : V. Vidril

Photo : V. Vidril

æUne étude parue dans Environment International en août a été effectuée dans le cadre d'une expertise menée par l'Anses. Les produits phytopharmaceutiques à base de cinq néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride, thiaméthoxame, acétamipride et thiaclopride) sont interdits d'utilisation en France depuis le 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles(3), et trois (imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame) sont d'usages limités en Europe (usages sous serre uniquement). De fait, un nombre croissant d'études soulèvent les effets indésirables sur les abeilles et autres pollinisateurs.

Un récent article paru dans Proceedings of the National Academy of Sciences met en avant une nouvelle voie d'exposition des insectes utiles aux néonicotinoïdes : la consommation de miellat contaminé(4).

æLes auteurs rappellent que ces produits (152 identifiés en 2017) ont été utilisés en France pour protéger 120 cultures de 279 espèces d'insectes nuisibles. Selon l'étude, dans 96 % des cas, les néonicotinoïdes peuvent être remplacés par d'autres méthodes de lutte antiparasitaire efficaces et directement utilisables.

Dans 78 % des cas, au moins une méthode alternative non chimique peut remplacer les néonicotinoïdes : macro-organismes, micro-organismes, pratiques agricoles (cultures intercalaires, bandes enherbées, haies, paillage, couverture du sol, rotation, fertilisation, labour, aménagement du paysage...), produits sémiochimiques, méthodes physiques (taille, huiles minérales ou organiques, traitements thermiques, piégeage passif, filets...), résistance variétale, stimulateurs de défense des plantes. Dans 18 % des cas, d'autres insecticides chimiques constituent la seule alternative. Les mangeurs de feuilles (phyllophages) et de fleurs (anthophages) sont plus faciles à contrôler avec des méthodes non chimiques que les mangeurs de bois (xylophages) et de racines, difficiles à atteindre.

æPour chaque solution étudiée (à partir de 2 968 études de cas analysées durant 2016-2017), le groupe a évalué son efficacité, son applicabilité, sa durabilité (risque de résistance) et sa facilité de mise en oeuvre. Six des 152 utilisations étudiées de néonicotinoïdes (4 %) sont considérées comme sans méthodes alternatives connues affichant une efficacité et une applicabilité suffisantes quelque part dans le monde :

1) la protection des semences de maïs contre les mouches (Oscinella frit, Delia platura , Geomyza sp.) ;

2) la protection de la framboise contre les mouches (Drosophila et Lasioptera spp.) ;

3) la protection du navet contre les pucerons (Aphelinus abdominalis, Aphidius colemani, A. ervi, A. matricariae , Praon volucre, Ephedrus cerasicola, Diaeretiella rapae) ;

4) la protection du cerisier contre les insectes xylophages (Scolytus rugulosus, Anisandrus dispar, Cossus cossus) ;

5) la protection des arbres forestiers contre les hannetons (Melolontha sp.) ;

6) la protection des arbres et des arbustes contre les coléoptères (par exemple Otiorhynchus sp., Chrysomela sp.).

æLes méthodes alternatives étudiées ne correspondent pas toujours aux néonicotinoïdes en termes d'efficacité, d'applicabilité, de durabilité et/ou de praticité, du moins dans l'état actuel des choses. De plus, elles ne sont pas nécessairement plus sécuritaires pour l'environnement. Les catégories les plus à même de se substituer actuellement aux néonicotinoïdes sont les méthodes physiques, suivies des méthodes de lutte biologique (micro-organismes, pratiques agricoles et macro-organismes), des produits sémiochimiques et, enfin, des variétés végétales résistantes.

Les insecticides chimiques présentent une bonne efficacité quel que soit le régime alimentaire des ravageurs, alors que les différentes catégories d'alternatives se caractérisent par des efficacités variables selon les types d'insectes (phyllophages, etc.). Par ailleurs, ils présentent une grande praticabilité, suivis par les variétés résistantes et les micro-organismes. Concernant l'applicabilité, la plupart des solutions sémiochimiques, macro-organismes et variétés résistantes en sont encore au stade de la recherche et développement, elles ne sont donc guère utilisables sur le terrain. De même, la durabilité des plantes résistantes et insecticides chimiques est évaluée comme moyenne en raison de l'émergence de populations nuisibles résistantes à ces deux méthodes de gestion.

æ« L'alternative la plus courante aux néonicotinoïdes (89 % des cas), d'efficacité élevée, d'applicabilité immédiate et de praticité, est l'utilisation d'autres insecticides chimiques, en particulier ceux appartenant aux générations précédentes, tels que les pyréthroïdes. Les mécanismes d'action et la résistance sous-jacents étant souvent communs à différentes classes d'insecticides, l'utilisation de néonicotinoïdes récemment développés ou de substances ayant des modes d'action similaires (par exemple, le sulfoxaflor et la flupyradifurone) n'est pas une option viable pour remplacer les anciens néonicotinoïdes. »

Selon les auteurs, il existe un risque majeur d'une forte augmentation du nombre de nuisibles résistants aux insecticides restants « dans la mesure où 40 % des anciennes utilisations de néonicotinoïdes risquent d'être remplacées par une seule classe de substance chimique (21 %), une seule substance (17 %) ou même un seul produit commercial (2 %) pour contrôler un groupe spécifique d'espèces nuisibles ».

æLes auteurs rappellent par ailleurs qu'il existe peu d'études sur la toxicité des méthodes de lutte antiparasitaire non chimiques. La performance économique n'a pas non plus été incluse parmi les critères d'évaluation de ces techniques (prix du produit, du matériel d'application ou de la main-d'oeuvre, avantages compensatoires). Ils soulèvent le défi que représente le transfert de technologie sur le terrain, et l'intérêt des sciences participatives et citoyennes, ainsi que la nécessité d'accélérer le processus d'autorisation des méthodes alternatives. Selon eux, les subventions gouvernementales et des initiatives d'assurance économique bénéficieraient au développement de ces solutions, d'autant plus que les méthodes alternatives peuvent s'avérer moins fiables et plus sensibles à divers facteurs (conditions environnementale, etc.).

(1) Inra, Anses, Montpellier SupAgro, Gembloux Agro-Bio Tech, Ineris.(2) Environment International, Volume 129, août 2019, p. 423-429, https://doi.org/ 10.1016/j.envint.2019.04.045(3) Les premières dérogations sont parues en mai dernier sur noisette, figuier et navet (voir Phytoma n° 725, juin-juillet 2019, p. 6).(4) Publication dans PNAS le 5 août 2019 https://doi.org/10.1073/pnas.1904298116

GLOSSAIRE

• AMM = autorisation de mise sur le marché

• De biocontrôle L. 253-5 = figurant sur la liste des produits de biocontrôle « établie au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7, IV du code rural (...) »

• JORF = Journal officiel de la République française

• JOUE = Journal officiel de l'Union européenne

• MAA = ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation

• Phyto = phytopharmaceutique (qualifie un produit, une substance, un pesticide,

BILAN 2018-2019 D'UNE ANNÉE SANS NÉONICOTINOÏDES

« S'il est trop tôt pour juger de la situation de la jaunisse de la betterave, la protection d'automne des céréales et des colzas a été très compliquée, précise André Fougeroux, président de la commission « Ravageurs et Auxiliaires » de l'association Végéphyl. Beaucoup de producteurs ont été amenés à traiter trois, quatre fois contre les insectes ravageurs qui ont bénéficié d'un automne chaud et long. Sur les colzas, les dégâts d'altises, de pucerons vecteurs de virus et de charançons du bourgeon terminal sont catastrophiques et les rendements s'en ressentent. Cette situation pourrait conduire à une nouvelle baisse de la surface de colza en 2019-2020. »

POUR EN SAVOIR PLUS

Source : Terres Inovia

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