Pour résumer sa carrière, Marc Masson se définit comme un « agronome généticien. » « Mon obsession a toujours été d'avoir des outils capables de détecter les pathogènes de façon précoce mais également de caractériser les différentes souches car elles peuvent cacher des résistances aux produits phytosanitaires, ou d'autres informations utiles à l'instauration d'une lutte adéquate. » Après un parcours dans l'amélioration des plantes, puis dans la détection des pathogènes des cultures entre la France et les États-Unis, Marc Masson crée Anova-Plus en 2012 « pour développer des kits de détection basés sur l'ADN/ARN, utilisables sur le terrain. » Sept ans plus tard, la petite entreprise compte huit salariés, essentiellement des chercheurs, et bénéficie des outils de recherche mutualisés de Genopole(1), cluster basé à Évry (Essonne) où elle s'est installée. « Nous accédons ainsi à des technologies telles que le séquençage, qui permettent d'accélérer la mise au point de nos outils d'aide à la décision tout en limitant les coûts de recherche. »
Séquence spécifique
Comment détecter un pathogène ou une résistance à un produit phytosanitaire grâce à l'ADN/ARN ? « Nous recherchons une séquence spécifique du pathogène ciblé ou une ou plusieurs mutations de l'ADN/ARN de l'adventice ou du champignon résistant. Nous travaillons en collaboration avec des scientifiques qui ont identifié ce type de mutations. » Si cette détection est déjà réalisable en laboratoire, le challenge de Marc Masson est de démocratiser la technologie, c'est-à-dire la simplifier pour être utilisable au champ par un non-laborantin, et réduire le coût de l'analyse et le délai de réponse. « Nos tests coûtent trois à quatre euros par marqueur recherché pour une réponse en moins d'une heure. Une analyse par un laboratoire revient 20 à 30 fois plus cher avec un délai de réponse de 10 à 15 jours, voire plus pour les laboratoires officiels. »
Tampons adaptés
Premier kit mis au point : la détection du phytoplasme responsable de la flavescence dorée en vigne. « Avec la méthode officielle, il faut deux mois pour obtenir un résultat avant de devoir arracher le cep malade si c'est positif. » Anova-Plus a ensuite travaillé sur la détection de Xylella fastidiosa sur vigne avec l'université de Barri, en Italie, et sur celle de l'alternariose de la pomme de terre (avec différenciation de Alternaria solani et Alternaria alternata) en collaboration avec les professionnels et Arvalis. Pour chaque kit, un tampon d'extraction et un tampon d'amplification de l'ADN/ARN ont été mis au point. « Ceux utilisés en laboratoire ne conviennent pas car ils doivent être manipulés avec certaines précautions par un personnel formé en raison de leur toxicité. » Autre problématique : le tampon doit également bloquer les molécules comme les glycoalcaloïdes et les polysaccharides contenus dans les feuilles de vigne et de pomme de terre qui inhibent l'amplification. Avec 40 cycles en 45 min, celle-ci est identique à celle réalisée en laboratoire « pour obtenir un kit suffisamment sensible. »
Trois étapes
Autre challenge : la validation de chaque kit. « Pour cela, il nous faut 400 à 500 analyses réalisées par différents manipulateurs, ce qui nécessite beaucoup de temps », souligne Marc Masson. L'objectif est également de simplifier au maximum les opérations à réaliser par l'utilisateur. Ainsi, les sept étapes du départ du kit de la flavescence dorée ont été réduites à trois. Le protocole est le même pour le kit Flashdiag Alternaria. L'opérateur collecte au moins cinq feuilles avec symptômes. Ceux-ci sont découpés puis déposés dans un tube ou sachet d'extraction pour être mélangés au tampon d'extraction de l'ADN/ARN. Une quantité est prélevée avec une pipette à volume défini puis déposée dans un second tube contenant les réactifs nécessaires à l'amplification. Celui-ci est ensuite placé sur un petit bloc chauffant fonctionnant sur batterie pour l'amplification. Pour lire le résultat, une bandelette est plongée dans le tube pendant quelques minutes : un premier trait confirme le bon déroulement de l'amplification (témoin), un second et un troisième apparaissent respectivement en présence d'Alternaria solani et Alternaria alternata.
Une plateforme multiplexe
Anova-Plus a également mis au point Multigène, une plateforme multiplexe de 96 puits recherchant jusqu'à quatre marqueurs par puits, utilisable hors laboratoire mais dans un lieu disposant d'une prise électrique. « Le kit Flashdiag donne un premier niveau d'information. La plateforme Multigène permet d'aller plus loin dans l'analyse. » Par exemple en céréales, Multigène est capable de détecter les souches de Fusarium qui produisent des mycotoxines et celles qui n'en produisent pas. « Mon objectif ultime est de caractériser la souche d'un pathogène pour mieux la combattre », rappelle Marc Masson. Multigène permet aussi de détecter les vulpins et les ray-grass résistants aux herbicides du groupe HRAC A et B.
« Notre challenge est maintenant de trouver le bon modèle de commercialisation de nos kits et de la plateforme. » Côté kit, la gamme poursuit son développement. « Nous travaillons actuellement avec un partenaire privé pour mettre au point des kits de détection de résistance aux fongicides. Pour l'instant, nous en sommes au stade laboratoire pour identifier les mutations les plus fréquentes. »
Biocluster français dédié à la recherche en génomique, génétique et biotechnologies.
MARC MASSON BIO EXPRESS
1964. Technicien supérieur agricole, Crézancy.
1966. Sélectionneur graminées et légumineuses chez Clause.
1969. Directeur scientifique de Germicopa.
1977. Mémoire de biologie, mathématique et statistique du Cnam + DEA Amélioration des plantes, Orsay.
1985. PhD en génétique quantitative pomme de terre (États-Unis).
Directeur scientifique de Clause.
1988. Création Biofords Consultants et ABC Biokits SAS, Évry.
2005. Directeur scientifique d'Agdia, États-Unis.
2012. Création d'Anova-Plus, Évry Genopole.