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DOSSIER

Des couvre-sols au pied des arbres en pot

TOM HEBBINCKUYS, Astredhor, Station Arexhor Pays de la Loire - Les-Ponts-de-Cé. - Phytoma - n°729 - décembre 2019 - page 40

L'enherbement peut permettre de réduire l'emploi d'herbicides tout en en favorisant la biodiversité utile. Voici les premiers résultats obtenus en pépinière hors-sol.
 Culture de liquidambars avec les différents couvre-sols présents dans les pots, en juin 2019. Photo : T. Hebbinckuys - Arexhor PDL

Culture de liquidambars avec les différents couvre-sols présents dans les pots, en juin 2019. Photo : T. Hebbinckuys - Arexhor PDL

 2a. Témoin positif cosse de sarrasin. 2b. Aspérule implantée à trois godets par pot. 2c. matricaire à six mini-mottes par pot, le 4 avril 2019.

2a. Témoin positif cosse de sarrasin. 2b. Aspérule implantée à trois godets par pot. 2c. matricaire à six mini-mottes par pot, le 4 avril 2019.

 Photos : J. Couëdel

Photos : J. Couëdel

Fig. 1 : Dynamique de recouvrement de la surface du pot en fonction de l'espèce de couvre-sol      Le recouvrement (en %) représente la surface du pot occupée par la plante couvre-sol. Les valeurs indiquées ci-dessous représentent la moyenne des sept répétitions aux cinq dates d'observation, d'avril à octobre 2019.

Fig. 1 : Dynamique de recouvrement de la surface du pot en fonction de l'espèce de couvre-sol Le recouvrement (en %) représente la surface du pot occupée par la plante couvre-sol. Les valeurs indiquées ci-dessous représentent la moyenne des sept répétitions aux cinq dates d'observation, d'avril à octobre 2019.

Fig. 2 : Hauteur moyenne des liquidambars à la fin de l'essai, le 7 octobre 2019 (lorsque les plantes sont commercialisables), selon les modalités couvre-sols et témoins

Fig. 2 : Hauteur moyenne des liquidambars à la fin de l'essai, le 7 octobre 2019 (lorsque les plantes sont commercialisables), selon les modalités couvre-sols et témoins

Fig. 3 : Diamètre moyen du tronc des liquidambars à la fin de l'essai, le 7 octobre 2019 (lorsque les plantes sont commercialisables), selon les modalités couvre-sols et témoins

Fig. 3 : Diamètre moyen du tronc des liquidambars à la fin de l'essai, le 7 octobre 2019 (lorsque les plantes sont commercialisables), selon les modalités couvre-sols et témoins

Fig. 4 : Observations de la biodiversité présente sur les plantes couvre-sol testées, somme des deux observations de biodiversité (mai et juillet)

Fig. 4 : Observations de la biodiversité présente sur les plantes couvre-sol testées, somme des deux observations de biodiversité (mai et juillet)

 Couvre-sols au pied de liquidambar en conteneur de 35 litres en octobre 2019. 3. Camomille tapissante (Matricaria tchihatchewii). 4. Thym à longues tiges (Thymus longicaulis). Photos : J. Couëdel

Couvre-sols au pied de liquidambar en conteneur de 35 litres en octobre 2019. 3. Camomille tapissante (Matricaria tchihatchewii). 4. Thym à longues tiges (Thymus longicaulis). Photos : J. Couëdel

Le projet PlacoHB (Encadré 1) vise à évaluer les plantes couvre-sol en alternatives aux désherbages chimiques et physiques. Ce projet regroupe seize partenaires au sein de cinq filières (arboriculture, horticulture, maraîchage, PPAMC et viticulture) et permet ainsi de tester les couvre-sols dans de multiples conditions et usages. Dans ce cadre, un essai a consisté à évaluer si des plantes couvre-sol pouvaient être installées en conteneurs, au pied de grands sujets afin de limiter la présence d'adventices.

Deux objectifs : désherbage et esthétisme

Critères des couvre-sols

L'utilisation de couvre-sols au pied des arbres en conteneur permettrait de réduire la main-d'oeuvre liée au désherbage manuel, mais pourrait aussi offrir une plus-value esthétique (photo 1). La plante couvre-sol doit donc répondre aux objectifs suivants :

- occuper rapidement et efficacement le milieu pour limiter l'installation d'adventices ;

- ne pas entraîner de concurrence vis-à-vis de la culture principale ;

- apporter une plus-value esthétique.

Les plantes à implanter au pied des arbres ont été sélectionnées pour leur effet couvrant, limitant ainsi l'espace disponible à l'installation des adventices, mais aussi car elles ne demandent pas d'entretien (taille, apport d'engrais...). De plus, certaines sont allélopathiques (Encadré 2) et il est alors indispensable d'évaluer l'effet dépressif qu'elles pourraient occasionner. Le choix précis des espèces provient de recherches bibliographiques ainsi que des résultats précédemment acquis au cours de nos travaux ou de ceux de nos partenaires. Les espèces testées(1) sont :

- Asperula odorata (aspérule odorante ou gaillet odorant) ;

- Matricaria tchihatchewii (camomille tapissante) ;

- Phuopsis stylosa (crucianelle) ;

- Veronica cantiana 'Kentish Pink' (véronique tapissante) ;

- Thymus longicaulis (thym à longue tige) ;

- Mentha x piperita 'Bergamote' (menthe poivrée) ;

- Festuca x et Lolium x Expé N3 ILC (semis de fétuque et ray-grass).

À ces modalités de plantes couvre-sol s'ajoutent deux modalités témoin. Un témoin négatif appelé « sol nu » qui laisse le substrat à nu. Cette modalité permet d'évaluer la pression en adventices subie par la culture au cours de l'essai. L'autre témoin est un témoin positif, à savoir une couverture du pot reconnue comme efficace pour limiter les adventices, en l'occurrence de la cosse de sarrasin (Fagopyrum esculentum) sur une épaisseur de 2 cm environ. La présence de ces deux témoins permet de situer au mieux l'efficacité des couvre-sols étudiés. Chaque modalité est répétée sept fois.

Déroulement de l'essai

Les plantes couvre-sol ont été implantées le 4 avril 2019 au moment du rempotage en conteneurs de 35 l de liquidambars au sein de la station d'expérimentation d'Arexhor Pays de la Loire (photo 1). L'aspérule et la menthe ont été implantées à la dose de trois godets par pot. Les autres espèces ont été introduites sous forme de mini-mottes racinées à la dose de six par pot (photos 2a à c page suivante).

Un engrais à libération lente est incorporé dans le substrat à raison de 5 kg/m3. L'arrosage s'effectue par un système de goutte-à-goutte, deux à trois fois par jour selon les besoins. Toutes les modalités sont soumises strictement au même régime hydrique, de façon à identifier si une plante couvre-sol entraîne une concurrence hydrique trop forte avec la culture. L'essai a été mené en « confort » pour les plantes : un arrosage abondant et de l'engrais en quantité suffisante dans le pot durant toute la durée de culture.

Cinq notations ont été effectuées durant l'essai, d'avril à octobre 2019, sur les critères suivants :

- pourcentage de recouvrement des plantes couvre-sol afin d'observer la vitesse d'implantation et la surface occupée par ces plantes ;

- pourcentage de recouvrement en adventices afin d'évaluer le pouvoir concurrentiel des couvre-sols vis-à-vis de celles-ci ;

- hauteur et diamètre des liquidambars pour quantifier la croissance de ces plantes et estimer l'éventuelle concurrence des couvre-sols ;

- biodiversité d'arthropodes présente (couvre-sols et liquidambars).

Évaluation des plantes couvre-sol

Recouvrement par les couvre-sols

Le recouvrement a été mesuré une fois par mois (Figure 1 page suivante). L'espèce la plus rapide à s'implanter est la matricaire, avec 100 % de la surface recouverte en seulement un mois. Ceci répond parfaitement à l'un des critères auquel doit répondre le couvre-sol, à savoir s'implanter rapidement. La plus lente est le thym. Il faut trois mois à cette espèce pour recouvrir 85 % de la surface du pot. Toutes les autres espèces ont besoin d'environ deux mois pour s'implanter convenablement et recouvrir plus de 80 % de la surface du pot. Ces plantes, mises en place début avril, ont profité de températures clémentes. Pour les rempotages de fin d'hiver, le temps nécessaire à l'installation sera sûrement légèrement rallongé mais les plantes couvre-sol seront tout de même suffisamment installées avant la belle saison et donc avant les risques de contamination en adventices.

Recouvrement par les adventices

En 2019, deux périodes de canicule, fin mai et juillet, associées à peu, voire pas de précipitations, ont abouti à une pression en adventices très faible.

L'occupation maximale par les adventices n'a pas dépassé 10 % de la surface du pot, et nombre de pots, y compris les témoins, ne comportaient pas de mauvaises herbes. L'effet concurrence des couvre-sols vis-à-vis des adventices est donc difficile à évaluer cette année dans cet essai. Les plantes couvre-sol étaient arrosées en même temps que les liquidambars et ont donc moins subi de plein fouet les périodes de très fortes chaleurs (voir Figure 1).

Concurrence vis-à-vis des ligneux

La hauteur et le diamètre des liquidambars ont été notés à trois reprises (Figures 2 et 3) : une notation initiale au moment du rempotage, une intermédiaire et une notation finale en fin de culture. La faible présence d'adventices en culture durant cet essai ne permet pas d'évaluer leur impact sur la croissance des liquidambars. À l'inverse, la modalité témoin positif permet de visualiser la croissance d'une plante sans concurrence au pied, ni adventice, ni couvre-sol.

Aucun effet de concurrence des couvre-sols n'a été mis en évidence. Les différences de hauteur entre les différentes modalités (7 % maximum) ne sont pas significatives. Il en est de même pour les diamètres de tronc qui ne varient au maximum que d'une dizaine de pourcents. Aucun effet dépressif marqué n'a été mis en évidence avec les espèces allélopathiques comme la crucianelle. L'implantation de plantes couvre-sol au moment du rempotage n'a pas entraîné de diminution de croissance des liquidambars.

Cet essai est mené en conditions de confort pour les plantes ; en pleine terre, en conditions limitantes, les résultats pourraient être différents. Ces études sont d'ailleurs menées par d'autres partenaires du projet en vigne et en PPAMC (plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires) notamment, afin de quantifier l'impact de la présence de couvre-sol sur le rendement de la culture.

Biodiversité

Un élément important à prendre en compte est l'hébergement de ravageurs (Figure 4 page suivante). Il n'est pas envisageable que la plante couvre-sol attire un nombre important de ravageurs qui pourraient potentiellement migrer vers l'arbre cultivé, notamment des ravageurs polyphages comme certaines espèces de pucerons, de thrips ou encore de cicadelles. Dans le cas où le ravageur identifié est spécifique au couvre-sol, il ne risque pas de migrer vers la culture et la plante peut donc être validée. L'aspérule, le semis de graminées et la menthe sont les plantes couvre-sol qui accueillent le plus d'individus. L'aspérule héberge beaucoup de pucerons et subit des morsures d'otiorhynques. Le semis de graminées contient beaucoup de cicadelles et leurs dégâts, tout comme ceux causés par les thrips, sont importants. Enfin, la menthe contient la plus grande diversité d'individus, ce qui augmente le risque de transmission à la culture. À l'inverse, la crucianelle (Phuopsis stylosa) et la matricaire sont celles qui en hébergent le moins, en nombre, mais aussi en diversité, ce qui les rend particulièrement intéressantes.

Le puceron est le genre prédominant retrouvé, suivi par la cicadelle et le thrips. Les autres espèces observées sont plus minoritaires et peuvent être considérées comme négligeables. Les identifications de pucerons nous informent qu'il n'y a que des espèces de pucerons polyphages sur ces plantes (Aphis gossypii, Aulacorthum solani ou encore Myzus persicae). Ceci ne peut pas être négligé, mais les observations montrent que les liquidambars avec couvre-sol ne semblent pas subir davantage de dégâts que les témoins. De plus, de nombreux auxiliaires ont également été observés (araignées, syrphes, chrysopes).

Au bilan, peuvent être conservées les espèces suivantes : Phuopsis stylosa, Thymus longicaulis, Veronica cantiana et Matricaria tchihatchewii.

Utilisations possibles

Le principe de l'introduction de plantes couvre-sol au pied d'arbres en pot est plutôt destiné aux pépiniéristes vendant aux particuliers, avec plusieurs argumentaires de vente : embellir le pied, cacher un pot banal sur un balcon ou une terrasse, limiter l'entretien du pied après plantation. Une seconde cible serait constituée des paysagistes et collectivités, les plantes pouvant être implantées directement en ville avec leur couvre-sol pour limiter l'entretien des pieds d'arbres.

(1) Pour les plantes qui se bouturent très bien comme le thym, la crucianelle ou encore la matricaire, il peut être envisagé, voire conseillé, d'autoproduire ses mini-mottes afin de réduire les coûts et gérer au mieux le stade de développement auquel on souhaite les implanter.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le projet PlacoHB réunissant seize partenaires répartis dans cinq filières différentes (arboriculture, maraîchage, ornement, PPAMC et viticulture) vise à sélectionner une gamme de plantes couvre-sol contrôlant efficacement les adventices et permettant d'accroître la biodiversité utile. Cette gamme est adaptée pour chaque usage : vigne, arboriculture, maraîchage, plantes médicinales, pépinière hors-sol, zones non cultivées.

RÉSULTATS - En pépinière d'ornement, quatre plantes couvre-sol ont été sélectionnées pour leur capacité à recouvrir la surface du pot au pied des arbres, sans concurrencer la culture ni augmenter les risques d'attaques de bioagresseurs : Phuopsis stylosa, Thymus longicaulis, Veronica cantiana et Matricaria tchihatchewii.

MOTS-CLÉS - Couvre-sols, adventices, pot, pépinière.

1 - Des couvre-sols pour contrôler les adventices et promouvoir la biodiversité

Le projet PlacoHB (2017-2019) (plantes couvre-sol comme contribution au contrôle des adventices et à la promotion de la biodiversité), financé par l'Agence française pour la biodiversité (AFB), a pour ambition de proposer des solutions d'enherbement spécifiques aux divers usages : rangs ou interrangs, bords de parcelles ou entre-tunnels...

Pour cela, les seize partenaires testent des espèces de plantes couvre-sol vivaces ou des mélanges de graminées sélectionnés.

Les effets premiers souhaités sont le contrôle des adventices et un entretien très réduit. Des effets complémentaires sont également étudiés et recherchés comme la promotion de la biodiversité utile et l'amélioration de la qualité des sols.

Enfin, dans le cas d'enherbement de parcelle, les plantes sélectionnées ne doivent pas entraîner une concurrence trop forte avec les cultures en place.

2 - L'allélopathie : interactions chimiques entre espèces

L'allélopathie désigne tout effet, positif ou négatif, direct ou indirect, d'une espèce sur une autre par le biais de composés chimiques (métabolites secondaires) libérés dans l'environnement. Depuis plus de quarante ans, l'allélopathie est étudiée à des fins de désherbage, notamment en maraîchage et grande culture (cultures intercalaires dites nettoyantes, couverts végétaux). En espaces verts également, les plantes allélopathiques sont utilisées pour limiter la germination des espèces concurrentes. Elles diffusent leurs composés phytotoxiques de quatre manières :

- par les exsudats racinaires (thym, piloselle...) ;

- par la décomposition des feuilles mortes (ciste, phlomis, lentisque...) ;

- par lixiviation (rue...) ;

- par volatilisation puis dépôt des composés allélochimiques sur le sol (Salvia leucophylla...).

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : tom.hebbinckuys@astredhor.fr

LIEN UTILE : pour de plus amples informations sur les espèces de plantes couvre-sol étudiées, leurs usages ou encore leurs conditions d'utilisation, tous les autres résultats d'essais menés dans le cadre du projet PlacoHB sont consultables sur la page web du projet : https://wiki.itab-lab.fr/PlacoHB/?PagePrincipale

Les résultats 2019 seront bientôt mis en ligne et des fiches de synthèse par espèce, usage, ou filière, ne vont pas tarder à voir le jour.

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