Fig. 1 : Indicateurs de performances d'une pulvérisation Une pulvérisation peut être qualifiée selon sa performance agronomique et sa performance environnementale.
Fig. 2 : Méthodologie de quantification des dépôts de pulvérisation Principe : la quantité de dépôt de traceur par unité de surface de collecteur est représentative de la qualité de pulvérisation. 1. Découpage de la canopée en compartiments sur quatre arbres du même rang. 2. Pose de collecteurs dans chaque compartiment (faces supérieure et inférieure des feuilles) et au sol. 3. Pulvérisation d'une bouillie eau + traceur (colorant alimentaire) selon un sens de passage du pulvérisateur prédéfini. 4. Récupération des collecteurs, extraction du traceur par dilution avec de l'eau. 5. Analyse des solutions au spectrophotomètre, transformation des absorbances en concentration de traceur à partir d'une solution-mère de la bouillie pulvérisée.
Fig. 3 : paramètres testés dans les essais PulvArbo de 2016 à 2018 L'objectif des essais vise à comparer les performances d'une pulvérisation de référence (texte écrit en rouge) à un réglage, une pratique ou un matériel différent.
Fig. 4 : Impact de la vitesse de turbine et du régime moteur sur la répartition verticale des dépôts de pulvérisation Essai juillet 2016.
Fig. 5 : Impact du type de buses sur la répartition transversale des dépôts de pulvérisationEssai juin 2018. L'utilisation de buses antidérive en panachage (ici, buses antidérive TVI sur le haut et buses à turbulence classiques ATR sur les autres positions) combinée à une faible vitesse de turbine (position I) améliore les dépôts sur la végétation.
L'amélioration des performances du matériel de pulvérisation, de son réglage et des pratiques est un levier essentiel à la limitation des pertes de produits phytopharmaceutiques dans l'environnement et une condition nécessaire à l'entrée dans des démarches de réduction des doses. Le projet collaboratif national PulvArbo initié en 2015 contribue à évaluer ces performances.
Acquérir des données de référence
Le parc matériel utilisé en arboriculture est constitué à 90 % de pulvérisateurs à jet porté multidirectionnel (axial), toutes espèces arboricoles confondues (photos ci-contre). Des efforts importants de la part des constructeurs ont été réalisés ces cinq dernières années pour proposer des appareils permettant de mieux cibler l'application sur la végétation (flux d'air horizontaux). Ces matériels sont bien adaptés aux typologies haie fruitière mais l'adoption de pulvérisateurs « nouvelle génération » est lente du fait principalement de leur coût d'achat, de la crainte du manque de robustesse de ces machines et du manque de références chiffrées sur leurs performances. Cela constitue un frein à la diffusion des pratiques de pulvérisation les plus performantes. L'acquisition de ces données de références à l'échelle nationale est une composante importante du projet PulvArbo et une étape incontournable dans l'identification des combinaisons « matériel, réglage, pratique » permettant de réaliser les pulvérisations les plus performantes.
Caractériser les performances par des indicateurs objectifs
Performances agronomique et environnementale
Une pulvérisation peut être qualifiée de performante selon deux critères :
-la performance agronomique ; le produit pulvérisé doit être efficace vis-à-vis de la cible visée (efficacité liée à la quantité de produit déposé et à la répartition du produit dans l'arbre) ;
-la performance environnementale ; un maximum de bouillie sur la cible avec un impact minimal sur les compartiments air et sol (Figure 1).
Mesures au champ
Comment concrètement ces indicateurs sont-ils mesurés ? Les essais sont conduits en vergers selon une méthodologie commune aux différents sites expérimentaux. Cette méthodologie est issue de la norme ISO 22522:2007 relative au « mesurage au champ de la répartition de la pulvérisation pour arbres et arbustes fruitiers » et a été adaptée aux spécificités des fruits à pépins. Ces essais consistent à pulvériser un traceur sur la végétation et à disposer au sein de celle-ci et au sol des collecteurs artificiels permettant d'échantillonner l'intérieur et l'extérieur de la canopée, le bas, le milieu, le haut de la canopée ainsi que les faces supérieures et inférieures des feuilles (Figure 2). Cette évaluation de la qualité d'application est basée sur le principe selon lequel la quantité de dépôt de traceur par unité de surface de collecteur est représentative de la qualité de pulvérisation. Ainsi, plus les dépôts par unité de surface foliaire à protéger sont importants et homogènes, plus la pulvérisation est performante.
Pulvérisation de référence
Une pulvérisation dite « de référence » est intégrée dans tous les essais. Elle a été définie ainsi : utilisation d'un pulvérisateur à ventilation axiale, roulant à une vitesse d'avancement comprise entre 6 et 7 km/h, avec réglage de la prise de force à 540 tr/min et équipé de buses à turbulence classiques. Le volume de bouillie appliqué diffère selon les deux typologies pomme de table (400 l/ha) et pomme à cidre (500 l/ha). L'objectif des essais mis en place vise à comparer les performances de cette pulvérisation dite de référence à un réglage, une pratique ou un matériel différent de cette référence en ciblant des pratiques :
- visant à limiter les pertes par dérive et le bruit ;
- visant à augmenter les débits de chantier tout en maintenant une qualité d'application suffisante ;
- visant à limiter la dérive, le bruit et optimiser les débits de chantier.
La mise en oeuvre de ces essais sur les différents sites partenaires se traduit concrètement depuis 2016 par plus de 174 modalités testées, 77 000 collecteurs posés dans la végétation et plus de 12 500 échantillons analysés au spectrophotomètre. À titre d'exemples, la Figure 3 décrit différentes modalités testées dans le cadre de ces essais en 2016, 2017 et 2018.
Traiter rapidement en limitant les impacts
Preuves à l'appui
Un grand nombre d'arboriculteurs optimisent déjà le réglage de leurs pulvérisateurs en lien avec leurs parcelles mais certains sont plus frileux par manque d'informations objectives sur le sujet. L'objectif de PulvArbo est de démontrer, chiffres à l'appui, que ces pratiques ne pénalisent pas la qualité d'application. Les résultats étant très nombreux, seuls certains exemples notoires sont présentés ici. Tous les vergers supports des essais sont en situation de surface plane, adultes et en pleine production, conduits en axe (haie fruitière), représentatifs du verger « pomme à couteau » et « pomme à cidre » standards. L'unité de mesure retenue est le nanogramme (ng) de produit déposé par décimètre carré (dm²) de végétation pour 1 g de produit pulvérisé par hectare de sol.
Adapter le régime moteur et la vitesse de la turbine
Il est possible de limiter le bruit et les impacts sur l'environnement en adaptant le régime moteur et la vitesse de la turbine. Travailler à une vitesse de turbine réglée en position I (position tortue) en adaptant son régime moteur à 430-450 tr/min n'a pas d'impact sur la quantité et la répartition des dépôts mesurés et ce, quelle que soit la typologie de l'appareil (jet porté axial, jet porté dirigé avec tour, jet porté dirigé pneumatique avec mains et tronçons ajustables, flux tangentiel) et quel que soit le stade végétatif. Pour exemple, la Figure 4 présente la répartition des dépôts (de bas en haut de l'arbre) obtenus sur un essai conduit en pleine végétation visant à comparer la pulvérisation de référence et une pulvérisation en jet porté axial avec une vitesse de turbine réglée en I et un régime moteur de 430 tr/min. Attention cependant à ne pas combiner la vitesse de turbine faible (I) à un régime moteur trop bas (inférieur à 370 tr/min) au risque de déprécier la qualité d'application (35 % de dépôts en moins).
Privilégier l'utilisation de buses antidérive
L'une des solutions faciles à mettre en oeuvre pour limiter la dérive est de privilégier l'utilisation de buses antidérive ou buses à injection d'air. De nombreux essais ont démontré que ces buses permettent de concilier efficacité de protection et réduction de la dérive. Les essais conduits dans le cadre du projet PulvArbo démontrent qu'elles permettent aussi d'obtenir des dépôts équivalents, voire supérieurs à ceux obtenus avec des buses à turbulence classiques. L'utilisation de buses antidérive sur toute la couronne ou en panachage (buses antidérive sur le haut de la couronne ou le haut de la tour et buses à turbulence classiques sur les autres positions) combinée à une faible vitesse de turbine améliore les dépôts sur la végétation (Figure 5 p. 18). Ces buses sont donc fortement recommandées notamment en début de végétation et, pour rappel, elles sont obligatoires dans le cas des situations concernées par les ZNT (zones non traitées) eau (arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime).
Augmenter les débits de chantier
Maintenir une qualité d'application suffisante tout en augmentant les débits de chantier, c'est possible... en diminuant les volumes de bouillie. D'une part, travailler à 250 l/ha avec un pulvérisateur à jet porté axial ne dégrade pas la qualité d'application. Et pour les pulvérisateurs de type pneumatique, ces volumes de bouillie sont même à privilégier en comparaison à des volumes de 400, 500 ou 1 000 l/ha. D'autre part, il est aussi possible de travailler plus vite en augmentant la vitesse d'avancement du tracteur. Une vitesse d'avancement de 8 km/h ou 10 km/h couplée à du bas volume (250 l/ha) aboutit à des dépôts équivalents, voire supérieurs à la référence en début ou milieu de végétation. Il faut bien entendu que la situation du verger permette une telle vitesse d'avancement. Ce phénomène est atténué dès lors que le stade de pleine végétation est atteint.
Pratique du « un rang sur deux »
Une pratique est en plein essor mais à raisonner ou à mettre en oeuvre avec précautions : la pratique du un rang sur deux. Quelles conséquences sur la qualité d'application ? Cette pratique a l'avantage d'augmenter le débit de chantier et elle est de plus en plus utilisée.
Attention cependant à la raisonner en fonction du risque épidémiologique de la tavelure notamment mais aussi en tenant compte du stage végétatif. Tous les essais conduits dans le cadre du projet PulvArbo montrent sans équivoque que les faces des arbres non directement exposées au pulvérisateur sont deux à cinq fois moins couvertes que les faces exposées (Figure 6 page suivante). Cette pratique est donc à privilégier en début de végétation et à raisonner en fonction de la pression des bioagresseurs.
Perspectives : vers la création d'un verger artificiel
Une base de données regroupant les données multisites et pluriannuelles de performance de pulvérisation est en cours de construction. Cette base de données permettra dans un premier temps d'établir des représentations graphiques mettant en avant différents facteurs pouvant avoir un impact sur les dépôts. L'un des facteurs prépondérants non encore abordés dans cet article est le stade de végétation : les dépôts mesurés peuvent varier de 60 ng/dm² de surface foliaire à protéger en pleine végétation à 310 ng/dm² pour une même quantité de produit appliqué en début de végétation (avant fleur), soit un rapport de 5 entre les valeurs extrêmes. Pour un même stade végétatif, on constate de forts écarts entre les différents appareils et réglages testés : le rapport de dépôts entre les modalités les plus performantes et les moins performantes est d'un facteur de 3,6 après floraison. Il apparaît donc que, dans la pratique, des marges de sécurité en termes de qualité de protection existent et pourraient être exploitées pour accompagner les utilisateurs de produits phytosanitaires dans leur démarche d'optimisation des doses appliquées. Toutes ces données chiffrées vont donner lieu à la rédaction de fiches conseils permettant d'orienter les professionnels vers les pratiques qui ressortent comme les plus performantes ou permettant une qualité d'application identique à la référence mais répondant mieux aux exigences actuelles : moins de dérive, moins de bruit, débit de chantier augmenté. Ces fiches seront accessibles en 2020.
La mise en place de ce type d'essais en verger est cependant associée à diverses contraintes limitant le déploiement de ces expérimentations : conditions météorologiques, nombre de rangs et longueurs de rangs suffisants, contraintes logistiques d'acheminement des pulvérisateurs sur les différents sites, etc.
De plus, les premiers résultats confirment la forte variabilité mesurée sur les dépôts (déjà constatée dans divers essais menés au niveau européen). Compte tenu de ces contraintes et en s'appuyant sur les travaux menés en viticulture dans le cadre du projet EcoSprayViti (Développement des écotechnologies de la pulvérisation en viticulture), un verger artificiel a été construit dans les ateliers de l'Irstea(1) de Montpellier et des premières évaluations vont avoir lieu lors du premier semestre 2020. Ce verger artificiel permettra à moyen/long terme d'évaluer de manière globale les performances agroenvironnementales des pulvérisateurs utilisés en arboriculture en conditions standardisées.
(1) L'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - L'un des paramètres essentiels à la réduction des quantités de produits phytosanitaires employées à chaque intervention est la capacité du matériel et de l'opérateur à apporter la bonne dose au bon endroit, au bon moment. Afin d'orienter les arboriculteurs dans leurs pratiques, des travaux sur l'évaluation des performances agroenvironnementales des pulvérisateurs, de leurs réglages et des pratiques ont vu le jour en 2015 dans le cadre du projet collaboratif national PulvArbo (2015-2020).
RÉSULTATS - L'objectif de PulvArbo est de démontrer que certaines pratiques ne pénalisent pas la qualité d'application. Ainsi, il est possible de limiter le bruit et les impacts sur l'environnement en adaptant le régime moteur et la vitesse de la turbine, et en privilégiant l'utilisation de buses antidérives.
De même, diminuer le volume de bouillie en augmentant la vitesse d'avancement du tracteur permet d'augmenter le débit de chantier tout en conservant une qualité d'application suffisante.
MOTS-CLÉS - Pulvérisateur, dérive, doses, buse.
Partenaires et financement
Le projet PulvArbo est porté par le CTIFL, en partenariat avec Irstea, les stations expérimentales d'Invenio, de SudExpé, de La Morinière, de La Pugère, du Cefel, de la filière cidricole (IFPC, CRA Normandie et Bretagne, Agrial, Les Cidres de Loire) en lien étroit avec les équipementiers, la Direction générale de l'alimentation (DGAL) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Il est financé par l'Agence française pour la biodiversité et soutenu par le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : florence.verpont@ctifl.fr
BIBLIOGRAPHIE : - Verpont F., Favareille J., Prince P., 2017, Le projet PulvArbo piloté par le CTIFL : comment optimiser la pulvérisation en arboriculture fruitière ?, Infos CTIFL, janvier-février 2017, n° 328, p. 23-29.
- Verpont F., Favareille J., 2019, Identifier les techniques de pulvérisation performantes pour une meilleure utilisation des produits de protection des plantes, Infos CTIFL, juin 2019, n° 328, p. 29-35.
- Verpont F., Favareille J.,2017, PulvArbo: a French project to improve spray application in fruit growing, 14th Workshop on Spray Application Techniques in Fruit Growing, Hasselt (Belgium), 10-12 mai 2014.
- Verpont F., Leberre F., Le Maguet J., Crete X., 2019, What are the best sprayer settings to avoid drift in apple orchards ? 16th Workshop on Spray Application Techniques in Fruit Growing, East Malling (England), 16-18 july 2019.
REMERCIEMENTS
Nos remerciements aux partenaires du projet PulvArbo (CTIFL, Irstea, IFPC, La Morinière, Invenio, Cefel, SudExpé/Cehm, La Pugère, CRA Normandie, CRA Bretagne, Agrial, Cidres de Loire), aux constructeurs de machines qui ont mis du matériel à disposition, aux membres actifs du comité de pilotage de ce projet piloté par le MAAF/DGAL/SDQPV et financé par l'Agence française pour la biodiversité.