Christopher Sénéchal, l'agriculture durable en firme phyto

Responsable agriculture durable chez Syngenta, Christopher Sénéchal a pour mission d'étendre les bonnes pratiques d'utilisation des produits phytosanitaires au plus grand nombre d'agriculteurs via la distribution agricole. Les moyens ? Un outil de diagnostic qu'il a conçu et des formations notamment sur les abeilles, la sécurité des utilisateurs. Pour être légitime sur tous ces sujets, il est même devenu apiculteur !

Pourquoi un responsable agriculture durable dans une firme phytosanitaire ? « Le service a été créé en 2001, raconte Christopher Sénéchal. Syngenta percevait déjà la montée en puissance de la problématique environnementale et avait la conviction qu'il fallait apporter des réponses, notamment sur des idées reçues sur les traitements phytosanitaires. Le service a développé une expertise technique sur l'identification des risques de nos produits pour la qualité de l'eau, les utilisateurs... » Pour Syngenta, « l'homologation d'une matière active est longue et coûteuse. Si des impacts environnementaux sont constatés en raison d'une mauvaise utilisation, elle peut nous être retirée. Notre objectif est donc de réduire l'exposition aux produits phyto pour réduire leur impact ».

Évaluer les pratiques

Sa première mission a été de créer un outil de diagnostic des bonnes pratiques des agriculteurs. Celles-ci étaient expérimentées sur une dizaine d'exploitations de référence (le réseau Agéris) depuis 2004. « Nous avons ainsi pu mettre en parallèle les bonnes pratiques et les résultats mesurés par des experts sur la faune, la flore, les oiseaux, les insectes, le risque de pollution... » Puis la durabilité de ces exploitations a été évaluée par des outils existants (Idea, Systerre...) de 2012 à 2014. Mais aucun ne convenait aux agriculteurs Agéris pour une utilisation en routine. Christopher Sénéchal repart alors de zéro pour construire avec les agriculteurs un outil très « pratico-pratique », appelé DIAgéris, qui s'est transformé en projet d'entreprise.

Vendre un service

L'outil diagnostique une exploitation en moins de deux heures et fournit un plan de progrès et des indicateurs pour aider l'agriculteur à communiquer sur son métier. « Ce qui est important, c'est qu'il arrive à mettre des mots sur ce qu'est la durabilité. » DIAgéris est aujourd'hui vendu aux coopératives et négoces comme un service car il apporte non seulement du conseil mais aussi une offre de formations adaptées aux agriculteurs chez qui le diagnostic est réalisé. « L'objectif final est d'aider leurs adhérents ou clients à faire évoluer leurs pratiques. » Christopher Sénéchal dispense des formations sur les abeilles, sur la sécurité pour les agriculteurs et depuis peu sur les couverts et sur l'agriculture de conservation avec l'aide d'experts. Une vingtaine de distributeurs utilisent aujourd'hui DIAgéris, soit environ 500 agriculteurs diagnostiqués. « Nous avons fait le choix de privilégier ceux qui s'engageaient à accompagner les agriculteurs jusqu'à la mise en application des bonnes pratiques. »

Promouvoir les couverts

Une autre mission de Christopher Sénéchal est de promouvoir des couverts pour la faune et les abeilles. « Des actions étaient déjà réalisées autour des couverts Agrifaune. Mais ils constituent une dépense pour l'agriculteur qui n'en mesurait pas les avantages pour lui. Avec Bonduelle, dans le nord de la France, nous avons mesuré à l'aide de scientifiques l'impact positif des couverts d'un point de vue agronomique. » Ces bénéfices démontrés l'aident aujourd'hui à convaincre les producteurs. « Les couverts fleuris sont également un moyen important pour faire changer le regard de la société sur l'agriculture. » Les formations abeilles sont ainsi couplées à une remise de graines pour 1 ha de jachère fleurie. « Nous devons les faire monter en compétences et leur mettre le pied à l'étrier. Ensuite, c'est à eux de continuer. L'image de l'agriculture en dépend. »

Vivre l'apiculture

Christopher Sénéchal est également apiculteur depuis 2016. « C'est une passion dévorante ! Aujourd'hui, j'ai 60 ruches installées chez plusieurs agriculteurs qui ont des systèmes de production différents. Cela me permet d'observer l'impact sur les abeilles. J'ai passé un DIE apiculture à l'école vétérinaire de Nantes, avec un stage en exploitation apicole. Je vis maintenant au quotidien les messages que je porte sous l'étiquette Syngenta. Ça crédibilise ma parole en formation. » Devenir apiculteur a-t-il changé quelque chose ? « Ma production de miel dépend de la ressource fleurie existante et surtout de celle qui manque, en été notamment. Cela a changé mes préconisations en espèces fleuries. Cette expérience m'a aussi rassuré sur nos recommandations en matière de traitements phyto car mes abeilles sont entourées de cultures traitées, notamment du colza. Mais les bonnes pratiques appliquées font que les traitements n'ont pas d'impact sur mes ruches. »

Convaincre les OS

Pour Christopher Sénéchal, l'objectif est maintenant de déployer DIAgéris et ses formations pour toucher le maximum d'agriculteurs. Les changements de pratiques ne seront en effet efficaces que si le plus grand nombre les applique. « Je dois également convaincre les distributeurs. Nous avons un accueil plutôt favorable des directions et des services communication car cela leur permet de répondre aux attentes sociétales et fidéliser les agriculteurs en les accompagnant sur ces sujets. » Demain, avec la séparation du conseil et de la vente, il s'adressera également aux chambres d'agriculture si elles conseillent les agriculteurs. « Nous pouvons être légitimes sur la question grâce à 15 ans d'antériorité », conclut Christopher Sénéchal.