Retour

imprimer l'article Imprimer

DOSSIER - Pomme de terre Des enjeux à relever

Défanage : recourir aux agroéquipements

CATHERINE VACHER ET MICHEL MARTIN, Arvalis-Institut du végétal. - Phytoma - n°731 - février 2020 - page 23

Il existe un éventail de techniques alternatives ou complémentaires au défanage chimique de la pomme de terre de consommation.
Efficacité de différents programmes de défanage, observée le 26 septembre, 28 jours après la première intervention T1. Aucun des programmes mis en oeuvre ne permet de stopper la végétation. Essai Arvalis, 2019 - Variété 'Kaptah Vandel'. Variété féculière à fort développement végétatif.  1. Spotlight 1 l/ha à T1 puis T2.  2. Sorcier (0,8 l/ha) + Brasero (1,6 l/ha) à T1 puis T2.

Efficacité de différents programmes de défanage, observée le 26 septembre, 28 jours après la première intervention T1. Aucun des programmes mis en oeuvre ne permet de stopper la végétation. Essai Arvalis, 2019 - Variété 'Kaptah Vandel'. Variété féculière à fort développement végétatif. 1. Spotlight 1 l/ha à T1 puis T2. 2. Sorcier (0,8 l/ha) + Brasero (1,6 l/ha) à T1 puis T2.

 Photos : N. Schwartz - Arvalis

Photos : N. Schwartz - Arvalis

 Un traitement localisé peut être réalisé simultanément au broyage.  Photo : M. Martin - Arvalis

Un traitement localisé peut être réalisé simultanément au broyage. Photo : M. Martin - Arvalis

Fig. 1 : Pourcentage de tiges présentant des reprises de végétation observé quinze jours après broyage sur des parcelles broyées et non traitées (essais Arvalis)       Le faible taux de reprises observé en 2009 était lié à un défanage réalisé en début de sénescence visible des plantes et des conditions sèches après broyage.

Fig. 1 : Pourcentage de tiges présentant des reprises de végétation observé quinze jours après broyage sur des parcelles broyées et non traitées (essais Arvalis) Le faible taux de reprises observé en 2009 était lié à un défanage réalisé en début de sénescence visible des plantes et des conditions sèches après broyage.

 4. L'arracheuse de fanes Envimax, de la société Rema.

4. L'arracheuse de fanes Envimax, de la société Rema.

 5. Défaneuse électrique Zasso. Photos : M. Martin - Arvalis

5. Défaneuse électrique Zasso. Photos : M. Martin - Arvalis

Dans un contexte de réduction des indices de fréquence de traitement (IFT) et de retrait des produits à action défanante-dessicante, le recours à des agroéquipements spécialisés peut être mis en avant pour proposer des alternatives totales ou partielles à l'emploi exclusif de produits phytopharmaceutiques pour le défanage de la pomme de terre de consommation.

Le défanage 100 % chimique : toujours d'actualité

Une, deux, parfois trois applications

Quel que soit le type de culture, le défanage 100 % chimique est la méthode actuellement la plus largement utilisée. Cette méthode ne nécessite pas de matériel spécifique (pulvérisateur classique). Sa mise en oeuvre est rapide et limite les dépenses énergétiques de traction à un niveau minimal.

Lorsque le feuillage des pommes de terre a atteint le début sénescence, le défanage est relativement aisé ; un seul passage est généralement suffisant. Dans les autres cas (défanage « en vert » par exemple) et en particulier pour les variétés à fort développement ('Innovator', 'Markies', etc.), un programme de traitement à deux applications, parfois trois, est la stratégie la plus fréquente. Le premier traitement vise à détruire rapidement le feuillage et à enclencher la sénescence ; le suivant, cinq à sept jours plus tard, permet la destruction des tiges tout en limitant les reprises de végétation foliées (redémarrage des bourgeons à l'aisselle des feuilles). Une des stratégies classiques était un premier passage avec un défanant à base de diquat, puis une seconde application avec un défanant à base de pyraflufène-éthyle ou de carfentrazone-éthyle.

Retrait du diquat et alternatives chimiques

Depuis novembre 2019, date de fin d'utilisation de toutes les spécialités à base de diquat, dont la plus connue était Reglone 2, le défanage chimique de la culture repose sur l'application de substances entrant dans la catégorie des dessicants. Leur rôle est de dessécher les fanes pour faciliter la récolte, d'améliorer le décrochement des tubercules et d'éviter le redémarrage de végétation, mais pas de stopper la végétation. Le Tableau 1 page suivante présente les substances actives actuellement utilisables pour le défanage de la pomme de terre. Le pyraflufène (Sorcier/Guerrier/Gozaï...) doit être associé avec un adjuvant pour être efficace.

L'acide pélargonique en biocontrôle

Les spécialités à base d'acide pélargonique (Beloukha...) sont actuellement les seuls produits figurant sur la liste de la DGAL des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle actuellement autorisés pour le défanage de la pomme de terre. Leur application entraîne la déstructuration mécanique rapide de la cuticule - la couche protectrice qui recouvre toutes les parties aériennes des végétaux. Cette perméabilisation provoque une déshydratation rapide des tissus touchés puis leur mort. Son mode d'action nécessite néanmoins d'intervenir en conditions favorables pour obtenir une bonne efficacité : le temps doit être ensoleillé, sans couvert nuageux, pendant au moins deux heures après l'application, le feuillage doit être sec, et la température, d'au moins 15 °C - autant de facteurs favorables à une perte d'eau importante par les fanes après l'application. La qualité de la pulvérisation est tout aussi importante que les conditions météorologiques pendant et dans les heures qui suivent l'application, en particulier pour limiter le redémarrage des bourgeons axillaires (repousses foliées). Lorsqu'ils sont utilisés à 16 l/ha, en complément d'un broyage de fanes, leur efficacité est comparable à celle des autres dessicants dans les mêmes conditions d'utilisation. Cependant, son utilisation en tant que produit de défanage reste très marginale, en raison d'efficacités très dépendantes des conditions d'application et d'un coût/ha élevé (en moyenne 250 euros/ha contre 45 à 50 euros/ha pour les produits à base de carfentrazone ou pyraflufène).

Cas difficiles : le recours aux agroéquipements

Pour les productions défanées « en vert », la production de plant ou les variétés à fort développement foliaires, les solutions chimiques actuelles risquent parfois d'être insuffisantes (photos 1 et 2 page précédente). Dans ces situations, le recours à des méthodes alternatives en complément ou non à une solution chimique est à envisager.

Plusieurs types de matériel permettent la mise en oeuvre d'alternatives au défanage chimique :

- broyage mécanique des fanes à l'aide de broyeurs adaptés à la culture et à la plantation en buttes ou billons ;

- broyage mécanique des fanes combiné à l'application localisée d'un défanant grâce à l'intégration d'un équipement de pulvérisation spécialisé (cuve de traitement + rampe de buses arrière) pour réaliser broyage et traitement complémentaire localisé en un seul passage ;

- arrachage mécanique des fanes complété par un dispositif de type coupe-racines ;

- défanage thermique avec utilisation du gaz naturel, du fioul ou d'huile végétale ;

- défanage électrique (en cours d'étude de faisabilité).

Le broyage mécanique pour réduire la part du chimique

Seul ou en complément

Le broyage mécanique détruit instantanément une forte proportion des tiges et des feuilles, même s'il est conseillé de maintenir au minimum 20 cm de tiges en sommet de butte pour faciliter leur élimination à la récolte par les organes effaneurs de l'arracheuse. Le broyage élimine en général 90 % des feuilles et 75 à 80 % des tiges, et les tubercules cessent donc de grossir (Tableau 2, Figure 1 p. 26). Pour les parcelles en état de sénescence avancée, il peut même suffire lorsque les conditions météorologiques sont sèches.

Pour les végétations plus actives, un complément chimique est nécessaire pour stopper complètement le métabolisme de la plante et éviter les reprises de végétation (photo 3). Cette application peut être réalisée par pulvérisation classique 24 à 48 heures après le broyage, mais elle peut également être combinée à celui-ci par l'adjonction de dispositifs de traitement spécifiques.

En complément d'un broyeur frontal, le modèle Loef-Does, de la société Agricult, porté à l'arrière du tracteur permet une pulvérisation centrifuge à bas volume (40 à 70 l/ha) généralisée à la surface des buttes. Pour les broyeurs tractés, une rampe arrière équipée de buses classiques permet d'effectuer un traitement localisé de la partie haute des buttes, ce qui permet de réduire généralement la dose de produit appliquée à l'hectare de 50 % avec une efficacité comparable. Les sociétés Agronomic et Grimme proposent des adaptations de ce type. Pour accroître le débit de chantier qui est souvent limité par une vitesse d'avancement modérée de 5 à 6 km/h, plusieurs constructeurs proposent désormais des broyeurs six rangs alors qu'ils se limitaient à quatre rangs il y a peu. Les matériels s'adaptent également aux différentes configurations de plantations : buttes ou billons.

Défanage thermique

Une voie renouvelée

Malgré son bilan énergétique élevé, le défanage thermique peut constituer également une option pour la production certifiée « agriculture biologique » ou éviter tout recours aux produits chimiques de synthèse, même en cas de développement important de la végétation. Le passage d'une défaneuse thermique se traduit par une destruction des feuilles en quelques heures seulement, ce qui procure un effet assainissant intéressant en cas d'attaque de mildiou sur le feuillage pour ces cultures à cahier des charges spécifiques.

Après des solutions au gaz initiées au milieu des années 1990 (modèles proposés par les sociétés Moreau, Rabaud, etc.), la société Axinor propose depuis plus de trois ans un équipement utilisant de l'huile de colza pour ses brûleurs. Développé pour répondre au besoin de la Cuma Creative(1), ce modèle travaille sur quatre rangs, s'adaptant aux différentes configurations de plantation, de 70 à 90 cm, grâce à des brûleurs coulissants au-dessus du four inox à l'isolation renforcée. La vitesse d'avancement varie de 2,5 à 4 km/h selon le volume foliaire à détruire pour une consommation d'huile entre 100 et 150 l/ha. Ses deux réservoirs rassemblant une contenance totale de 650 l lui procurent une autonomie d'environ 5 à 6 ha (soit 5 heures généralement) avant de nécessiter un remplissage.

Dans le sud de la France, la défaneuse Humeau travaille sur deux rangs, avec du fuel comme combustible. Depuis près de dix ans, plusieurs groupes de producteurs de plants certifiés AB l'utilisent avec succès après un broyage frontal léger réalisé en simultané. Le débit de chantier est plus faible que le modèle précédent du fait de la largeur de travail ; la consommation de fuel est de l'ordre de 35 l/ha pour un passage, sachant que deux interventions sont le plus souvent requises dans ce contexte de défanage précoce pour parvenir à une destruction totale de la végétation en culture de plants.

Arrachage mécanique des fanes

Une innovation récente

L'arrachage mécanique des fanes est une voie ouverte il y a plus de vingt ans. Le matériel à ballons gonflables Oldenhuis a été l'équipement le plus commercialisé : il est resté toutefois principalement cantonné aux Pays-Bas à la culture de plants pour obtenir une destruction rapide de la végétation en réduisant le risque de contamination des tubercules par le rhizoctone.

Depuis 2017, la société Rema propose un équipement hydraulique à bandes totalement automatisé (photo 4). Il est associé à un organe coupe-racines pour compléter l'action sur les tiges insuffisamment désolidarisées du système racinaire. Ce matériel travaille classiquement avec un broyage initial du feuillage pour faciliter le pincement des tiges entre les bandes en évitant les bourrages. L'évaluation réalisée en 2018 a montré une efficacité similaire à celle du produit Spotlight (à base de carfentrazone-éthyle) pour parvenir à une destruction précoce totale d'une végétation encore immature après un broyage préalable. L'agressivité sur les buttes du matériel Rema est moindre que celle du modèle Oldenhuis, permettant de limiter le risque de tubercules découverts et qui risquent de verdir. Les observations ont également montré une vitesse de maturation de la peau des tubercules similaire à celle de la solution chimique pour éviter un caractère peleux des tubercules lors de la récolte.

Défanage électrique

Une nouvelle voie encore en expérimentation

Les premiers travaux engagés en 2019 ont montré que le modèle XPower de la société Zasso pourrait sans doute apporter une nouvelle voie pour le défanage des pommes de terre (photo 5). Ce matériel électrocute les plantes à partir d'un générateur d'électricité connecté à la prise de force du tracteur. Cette électrocution provoque un déclin progressif de la végétation. Les mesures faites l'année dernière ont montré une action significative pour parvenir à un bon défanage de la culture avec une innocuité sur les tubercules à condition d'adopter la bonne puissance et la bonne vitesse d'avancement du matériel. De nouveaux travaux engagés cette année devraient permettre d'affiner les possibilités et conditions d'utilisation de cet équipement novateur.

Perspectives

Avec l'arrêt d'utilisation du diquat, de nouvelles stratégies de défanage sont à construire en fonction du type variétal, de la précocité de destruction de la végétation et des exigences de qualité pour les tubercules liées au débouché. Pour optimiser leur performance, le positionnement des solutions chimique devra s'effectuer au mieux. Le recours partiel ou total au mécanique offre et offrira sans doute de nouvelles perspectives, surtout si la limitation de l'IFT constitue progressivement un enjeu majeur de l'itinéraire technique de la culture. Ces solutions se heurteront cependant à la valorisation économique de ces interventions et de leur praticité en situation humide.

(1) Cuma régionale pour l'émergence d'activités territoriales innovantes et la valorisation de l'environnement.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Novembre 2019 marque la fin d'utilisation des spécialités défanantes à base de diquat. Des produits à base d'acide pélargonique, de pyraflufène-éthyle ou de carfentrazone-éthyle peuvent encore être utilisés pour le défanage de la pomme de terre. Dans certaines situations où ils s'avèrent insuffisants, les agroéquipements peuvent compléter ou remplacer ces solutions.

ALTERNATIVES NON CHI-MIQUES - Différents matériels permettent de broyer les fanes uniquement ou combiné à l'application localisée d'un défanant, de les arracher, de les détruire thermiquement ou bien prochainement électriquement.

MOTS-CLÉS - Défanage, défanant, dessicant, broyage mécanique, défanage thermique, défanage électrique, arrachage de fanes.

Contrôler le calibre et la qualité des tubercules

Le défanage de la pomme de terre de consommation a pour objectifs la destruction complète et rapide de la végétation pour contrôler le calibre, maîtriser la qualité des tubercules de pomme de terre, limiter les contaminations de pathogènes et ravageurs et faciliter les opérations de récolte. Il joue aussi le rôle d'herbicide pour les adventices qui auraient pu passer au travers du désherbage. Il permet d'arrêter le grossissement des tubercules et de renforcer l'adhésion de l'épiderme essentiel à leur bonne conservation ultérieure en stockage. La date de cette intervention - la dernière avant la récolte - est déterminée selon le débouché : plant, marché du frais ou industrie pour l'alimentation humaine ; la prise de décision s'appuie sur l'appréciation visuelle de la végétation (sénescence du feuillage) et le suivi de la tubérisation et de la matière sèche.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : c.vacher@arvalis.fr

m.martin@arvalis.fr

LIEN UTILE : https://www.arvalis-infos.fr/guide-de-production-de-la-pomme-de-terre-@/view-6132-arvarticle.html

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :