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Bioagresseurs

Aclees foveatus, un ravageur émergent sur figuier

KARINE PANCHAUD*, FANNY VERNIER**, SAMANTHA BESSE***, FRÉDÉRIC GANDIN**** ET RÉMI REVEST***** *VégéTech - La Crau. **Chambre d'agriculture du Var - Vidauban. ***UPL Openg Ag - Pau. ****Syndicat ODG Figue de Solliès - Solliès-Pont. *****Producteur de figue - Phytoma - n°731 - février 2020 - page 37

À la suite de la découverte d'un nouveau charançon ravageur, la filière varoise s'organise pour ébaucher une stratégie de lutte (première partie).
1. Figuier adulte dépérissant attaqué par le charançon.

1. Figuier adulte dépérissant attaqué par le charançon.

2. Récolte de Aclees foveatus adultes.  Photos : 1. DP. 2. Chambre d'agriculture du Var.

2. Récolte de Aclees foveatus adultes. Photos : 1. DP. 2. Chambre d'agriculture du Var.

3. Aclees foveatus adulte, de 1,4 à 1,9 cm.

3. Aclees foveatus adulte, de 1,4 à 1,9 cm.

4. Larve d'Aclees foveatus.

4. Larve d'Aclees foveatus.

5. Fiche descriptive des différents niveaux de dégâts du charançon Aclees foveatus sur figuier. Photos : VégéTech

5. Fiche descriptive des différents niveaux de dégâts du charançon Aclees foveatus sur figuier. Photos : VégéTech

6. Adultes sur milieu nutritif, individu de droite au repos. Photos : 6. VégéTech. 7 et 8. Chambre d'agriculture du Var.

6. Adultes sur milieu nutritif, individu de droite au repos. Photos : 6. VégéTech. 7 et 8. Chambre d'agriculture du Var.

7. Nymphe.

7. Nymphe.

8. Chitinisation.

8. Chitinisation.

Chantier-école : abattage et dessouchage de figuiers. Photo : chambre d'agriculture du Var

Chantier-école : abattage et dessouchage de figuiers. Photo : chambre d'agriculture du Var

En juin 2019, à la suite de la réalisation d'un audit d'exploitation de verger en Vallée de Sauvebonne (Hyères, dans le Var) par la chambre d'agriculture du Var (dans le cadre de l'animation d'un groupe de progrès Figue), des arbres adultes dépérissants ont été observés et étudiés (photo 1). Des dégâts au collet des arbres ont été constatés, avec présence de galeries. Des spécimens d'insectes adultes inconnus ont été prélevés par le technicien du syndicat d'appellation de la Figue de Solliès et le producteur, et adressés pour identification à l'Anses et à la Fredon Paca. Selon le premier retour d'étude fin juin, il s'agit d'un charançon du genre Aclees. L'envoi de nouveaux spécimens a permis fin juillet d'identifier Aclees foveatus (photo 2).

Mobilisation d'une filière

Durant la période de détermination, pressentant un risque majeur, le syndicat de la figue a informé ses adhérents et commencé à structurer un groupe de travail autour de ce ravageur. Début juillet, le syndicat s'est rapproché de VégéTech, entreprise locale spécialisée dans l'étude des insectes (laboratoire agréé de quarantaine) et notamment de plusieurs charançons (Rhynchophorus ferrugineus et Scyphophorus acupunctatus) présents dans la région. Les travaux d'étude in situ ont commencé immédiatement.

Fin juillet, une réunion de cadrage est organisée par la chambre d'agriculture afin de répartir le travail entre les différents membres du groupe de travail :

- chambre d'agriculture et VégéTech ; création d'un jeu de fiches (observations, notations, mesures prophylactiques ou moyens de lutte...) ;

- VégéTech ; étude de l'insecte sur le terrain et en laboratoire, mise en place de screening laboratoire et d'essais terrains(1) ;

- chambre d'agriculture, Copsol Fruit et Syndicat d'appellation de la Figue de Solliès ; communication, coordination des travaux en relation directe avec la Draf Paca et l'expert national arboriculture fruitière de la DGAL, recherche de financements, inventaire des parcelles contaminées.

Recherche bibliographique : peu de données, pas de produit homologué

Selon la bibliographie, l'insecte a été sommairement décrit en 1932 par Voss, puis par Ciampolini en 2005 à la suite de sa découverte en Italie (où il fut dans un premier temps identifié comme étant Aclees cribratus).

Aclees foveatus est un coléoptère curculionidé, originaire de Chine, où il n'est pas référencé comme ravageur majeur des ficus. Sa larve est xylophage et provoque des dégâts au collet des arbres. Il est inféodé à Ficus carica.

En Italie, il est présent depuis 2005 dans la région de Pistoia et a progressivement colonisé les bassins de production (pépinières et vergers), jusqu'en Sicile (déclaré en 2018). La production de figue étant mineure dans le pays, peu de financements ont été accordés à la recherche qui s'est orientée vers la mise en oeuvre de moyens de lutte chimique et biologique (Ciampolini, Penacchio, Benvenuti). À ce jour, aucun des produits phytopharmaceutiques étudiés en Italie ne dispose d'une autorisation de mise sur le marché contre ce ravageur en France, et l'approche de lutte chimique implique un traitement au sol constituant une pratique à fort impact environnemental.

Les éléments trouvés étant insuffisants pour permettre de communiquer plus largement sur l'insecte et sa gestion auprès des producteurs, il a été décidé de procéder à une étude in situ de l'insecte.

Éléments de reconnaissance, indicateurs de présence, chantier-école

Symptômes

Les premières études réalisées sur parcelle contaminée ont permis de définir les symptômes caractéristiques liés aux attaques du charançon. Ont ainsi été identifiés :

- une chlorose (jaunissement) des feuilles avec parfois mort de branches entières ;

- un changement de forme de la frondaison en raison d'une réduction de croissance du végétal (les larves se nourrissant de l'aubier à la base du tronc, le flux de sève est perturbé) ;

- des broutages des feuilles, des fruits et des bourgeons ;

- des bouchons de sciure (non agglomérée et rougeâtre si liée à de jeunes larves) sur tronc, anciennes coupes, plaies et rejets ;

- des écoulements d'exsudats brunâtres au collet (liés à une réaction de défense de l'arbre) qui peuvent par ailleurs attirer des diptères ou lépidoptères ;

- des insectes in situ (imagos et larves) (photos 3 et 4) ;

- des bruits et craquements (perceptibles au stéthoscope) au niveau du tronc en raison de l'activité de nutrition des larves.

À la suite de ces observations et à l'étude de sujets diversement dégradés, une fiche de notation et d'aide à la décision destinée aux producteurs a été créée (photo 5).

Un chantier-école pour assainir la parcelle

L'étude approfondie de la parcelle contaminée a montré un très fort niveau de présence de l'insecte, beaucoup de sujets étant très contaminés. Devant le risque de dispersion d'une grande quantité d'insectes et par précaution, il a été décidé par le producteur d'abattre de nombreux sujets et de les dessoucher. Afin d'éviter l'échappement d'adultes (sa capacité de déplacement n'étant pas connue), les déchets sont placés en andains et solarisés sous bâche noire.

Devant l'ampleur de la tâche et le coût financier pour l'agriculteur (pas de fonds d'indemnisation), un chantier-école sur deux jours a été organisé selon le principe suivant : les producteurs participent aux travaux (abattage et mise en andain) et sont en échange formés à la détection de l'insecte et informés sur les premiers éléments relatifs à la lutte. Cette approche a permis de créer une dynamique d'échanges d'information avec les producteurs et d'initier un travail de référencement des parcelles contaminées. Le chantier a permis d'impliquer une quarantaine de producteurs et quelques professionnels du paysage. Relayé par la presse, il a permis la diffusion de l'information de l'arrivée du ravageur à un grand nombre de professionnels et au grand public.

Éléments de biologie, approche comportementale

Notations in situ et en laboratoire

Des observations en plein champ et au laboratoire ont été réalisées en parallèle après mise en élevage :

- sur milieu nutritif seul (larves et adultes) ;

- sur milieu nutritif et feuilles de figuiers fraîches (adultes) ;

- sur figues fraîches et feuilles vertes (adultes) ;

- sur figues sèches (adultes).

Les notations et observations ont été réalisées sur le terrain comme au laboratoire tous les deux jours sur la période allant de fin juillet à décembre 2019 (Tableau 1, photos 6 à 8). Les lots d'adultes récoltés sur le terrain ont systématiquement été isolés (pas de mélange des lots). Les larves ont été isolées en boîtes individuelles, par tranche de taille, tout comme les nymphes.

Nymphes et larves âgées ont pu terminer leur cycle. Les plus jeunes larves ont fini par mourir, le milieu nutritif devant manquer d'un élément majeur présent dans l'aubier des figuiers. Chez les adultes, les populations ayant reçu des feuilles fraîches, consommées dans leur intégralité, ont eu une durée de vie plus longue que les autres. La consommation de matière fraîche (sous forme de bourgeons au printemps) semble donc importante dans la survie des adultes. Par ailleurs, une souche complète de figuier a été transférée et confinée pour étude et suivi.

Étude des sex ratios

Au laboratoire, un travail spécifique de sexage des adultes a été réalisé. Deux critères morphologiques ont été identifiés après étude comparative de deux adultes qui venaient de s'accoupler (travail réalisé sur cinq répétitions) :

- chez le mâle, le rostre est légèrement plus épais et présente à sa face inférieure deux rangées de poils parallèles ;

- chez la femelle, le rostre est lisse à sa face inférieure et l'angle entre le dernier sternite et l'extrémité des élytres est plus prononcé.

À partir de ces éléments, des déterminations de sex ratios ont pu être effectuées chaque mois (Tableau 2). La valeur moyenne montre que le rapport est d'une femelle pour deux mâles.

Vers la construction d'une stratégie de lutte

Au fur et à mesure de l'étude de l'insecte, et en vue de limiter l'expansion des foyers de charançons, divers produits ont été testés afin d'aboutir à la construction d'une stratégie de lutte. Les premiers résultats de ces études seront présentés dans le numéro de mars de Phytoma.

(1) Pour les produits non soumis à permis d'expérimenter : poudre de lave basaltique et lithothamne.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La découverte, au printemps 2019 dans le Var, d'un nouveau ravageur sur figuier, le charançon Aclees foveatus, a incité les acteurs locaux (chambre d'agriculture, laboratoire, coopérative, syndicat) à se concerter pour déterminer une stratégie de lutte.

ÉTUDES (1RE PARTIE) - Les observations et études bibliographiques ont permis la réalisation de fiches descriptives des symptômes, ainsi que l'établissement de premiers éléments de biologie. L'organisation d'un chantier-école autour de l'assainissement de la parcelle contaminée a favorisé la diffusion de ces connaissances auprès des professionnels (et du grand public par voie de presse).

PERSPECTIVES (2E PARTIE, PROCHAIN PHYTOMA) - Différents produits ont été expérimentés afin d'évaluer leur efficacité sur le ravageur.

La mise en oeuvre combinée de mesures prophylactiques (fauchage, coupe des rejets, abattage des arbres trop atteints), associées à des badigeons et des piégeages à base figue sèche permet de réduire les populations. Les études en laboratoire ont montré le potentiel intéressant du Beauveria bassiana souche NPP111B005.

MOTS-CLÉS - Figuier, charançon, Aclees foveatus.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : karine.panchaud@vegetech-jardins.com

REMERCIEMENTS

aux Pépinière Figoli pour la fourniture de figuiers expérimentaux

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