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DOSSIER - Couverts végétaux

Cultures spécialisées : installer des plantes couvre-sol (1re partie)

TOM HEBBINCKUYS*, GUILLAUME GOANVIC*, OLIVIER YZEBE** (FILIÈRE HORTICULTURE), MAXIME JACQUOT***, CLAUDE BUSSI****, ARMAND GUILLERMIN****, FRANCK MERLIN****, SOPHIE-JOY ONDET*****, INESSA BUCH*****, AUDREY BELLOIR***** ET ELENA GARCIA***** (FILIÈRE ARBORIC - Phytoma - n°734 - mai 2020 - page 31

Dans le cadre du projet PlacoHB, cinq filières ont expérimenté différentes espèces de couvre-sols pour contrôler les adventices et favoriser la biodiversité. Présentation de quelques résultats en horticulture ornementale et en arboriculture.
Phuopsis stylosa en bordure de tunnel. Photo : T. Hebbinckuys - Astredhor Photo : T. Hebbinckuys - Astredhor

Phuopsis stylosa en bordure de tunnel. Photo : T. Hebbinckuys - Astredhor Photo : T. Hebbinckuys - Astredhor

3. Leucanthemum vulgare sur un rang de pommiers. 4. Phuopsis stylosa en interrang de poiriers. Photos : 3. M. Jacquot, Grab - 4. E Garcia, Grab

3. Leucanthemum vulgare sur un rang de pommiers. 4. Phuopsis stylosa en interrang de poiriers. Photos : 3. M. Jacquot, Grab - 4. E Garcia, Grab

Le projet PlacoHB (2017-2019) (« Plantes couvre-sol comme contribution au contrôle des adventices et à la promotion de la biodiversité »), financé par l'Agence française pour la biodiversité (AFB), visait à évaluer les plantes couvre-sol en alternatives aux désherbages chimiques et physiques. Ce projet, désormais achevé et non prolongé, a regroupé seize partenaires répartis au sein de cinq filières (arboriculture, horticulture, maraîchage, plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires PPAMC, et viticulture) et a permis ainsi de tester les couvre-sols dans de multiples conditions : climat, type de sol, régime d'irrigation...

PlacoHB : un projet multifilière

Le projet PlacoHB avait pour ambition de proposer des solutions d'enherbement spécifiques aux divers usages : rangs ou interrangs, bords de parcelles, entre-tunnels... Pour cela, les seize partenaires ont testé des espèces de plantes couvre-sol de type vivaces, légumineuses ou des mélanges de graminées. Toutes ces plantes sélectionnées grâce à la bibliographie et aux travaux précédemment menés par les partenaires devaient répondre à divers critères comme une multiplication végétative prédominante ainsi qu'un entretien très réduit. Le premier effet souhaité était le contrôle des adventices mais des effets complémentaires ont également été étudiés et recherchés, comme la promotion de la biodiversité (auxiliaire ou pollinisatrice) et l'amélioration de la qualité des sols. Enfin, dans le cas d'enherbement de parcelles, les plantes sélectionnées ne devaient pas entraîner une concurrence trop forte avec les cultures en place (photo 1).

Les résultats présentés dans les pages suivantes, classés par filière, sont majoritairement mais non exclusivement issus du projet PlacoHB. Ce premier article aborde les essais de plantes couvre-sol en zones non cultivées par la filière horticulture ornementale, et sur les rangs et interrangs par la filière arboriculture.

Horticulture ornementale : couvrir les zones non cultivées

Essais Arexhor Pays de la Loire et ALB-CDHRC

Les résultats présentés ci-après en horticulture ornementale concernent essentiellement les zones non cultivées, à savoir les abords de parcelles, entre-tunnels, bords de bâtiments... Ces zones sont soumises à des contraintes particulières du type :

1/ absence d'arrosage hormis les précipitations naturelles ou, à l'inverse, un, voire deux arrosages quotidiens par les asperseurs de la culture adjacente ;

2/ piétinement fréquent par les salariés et les véhicules ;

3/ réflexion de la chaleur du soleil contre les bâtiments alentour ;

4/ type de sol peu propice à l'installation de végétaux (calcaire, sableux...) ;

5/ zones difficiles d'entretien.

Les travaux ont été menés par deux stations du réseau Astredhor : Arexhor Pays de la Loire à Angers (Maine-et-Loire) et Astredhor Loire-Bretagne - CDHR Centre-Val de Loire (ALB - CDHRC) à Orléans (Loiret). L'Arexhor PL a testé les plantes couvre-sol au sein d'un dispositif en mini-parcelles de manière à étudier un grand nombre d'espèces et pouvoir rapidement discriminer les plus ou moins prometteuses. Ces espèces ont été implantées au printemps ou à l'automne, sous forme de semis, boutures ou mini-mottes, ou encore en condition arrosée ou non. Cela a permis de réunir les meilleures conditions d'implantation selon l'espèce (période de plantation, type de matériel végétal à implanter, régime hydrique).

À ALB-CDHRC, les plantes couvre-sol ont été testées directement en abords de serre, de tunnels et de parcelles de culture dans des sols en remblais de grave et sableux. Les espèces couvre-sol ont été implantées à une densité de dix alvéoles par mètre carré et un arrosage léger a été effectué durant le premier mois pour permettre la bonne installation des espèces.

Matricaria tchihatchewii et Achillea crithmifolia, rapides et compétitives

Pour une colonisation plus rapide de la zone à enherber, une implantation au printemps est à privilégier par rapport à une implantation à l'automne. Matricaria tchihatchewii et Achillea crithmifolia sont les plus rapides à coloniser la zone et à concurrencer le développement des adventices, avec Phuopsis stylosa et Plantago coronopus. Une multiplication sur toile de paillage en jute/sisal a également été évaluée. Une fois les boutures racinées dans la toile, cette dernière est déposée directement sur la zone à enherber. Cela permet ainsi un gain de temps à l'implantation et limite le désherbage durant les premières semaines. Toutefois, cette technique n'est pas réalisable avec toutes les espèces. Cela fonctionne très bien pour M. tchihatchewii et Lippia nodiflora mais est à éviter pour A. crithmifolia et Pilosella officinarum. Le tableau ci-dessus résume, de manière non exhaustive, les principaux résultats obtenus sur les deux sites.

Des conditions d'implantation sélectives

Il est à noter que dans le cas de l'Arexhor PL, P. stylosa (photo 2), Thymus longicaulis ou encore Pilosella officinarum ont été testés en situation de très forte concurrence adventices. La parcelle au sein de laquelle l'essai a été réalisé était une ancienne prairie. Elle a été travaillée plusieurs fois avant l'essai pour limiter les adventices mais la pression restait très importante. Dans de telles conditions, ces trois couvre-sols ont donné des résultats décevants. En revanche, ces mêmes espèces ont été implantées quelques années auparavant lors du projet Caapt (Contrôle alternatif des adventices en pleine terre - 2013-2016) en bordures de parcelles et de structures de production. Dans une situation de terrain pauvre, rocailleux, en pression relativement faible en adventices, elles se sont avérées très efficaces pour limiter le développement de celles-ci. Ces résultats concordent avec ceux du CDHRC, y compris concernant la période de plantation puisqu'une implantation printanière offre de meilleurs résultats qu'une automnale. De plus, non seulement ces espèces apportent un côté esthétique non négligeable (photo 2) et généralement apprécié par les visiteurs, mais elles hébergent aussi un nombre très important de pollinisateurs. Les intérêts de telles espèces sont alors multiples et ne se limitent pas qu'au contrôle des adventices.

Arboriculture fruitière : couverts sur rang et interrang

Verger de pêchers : des engrais verts à l'implantation

Le travail du sol sur le rang dans les premières années d'implantation d'un verger permet le bon développement des arbres. Efficace pour limiter les adventices, cette technique peut défavoriser la biodiversité si le sol est maintenu sans couvert végétal tout au long de l'année. La culture d'engrais verts en automne et en hiver a été testée pour compenser ces inconvénients du travail du sol seul. L'expérimentation a eu lieu sur la station de l'Unité expérimentale de recherche intégrée (UERI) Inrae de Gotheron (Saint-Marcel-lès-Valence, Drôme), dans un verger de pêchers de variété 'Bénédicte' (greffée sur 'Monclar'). Les arbres ont été plantés en février 2018 directement dans une bande d'engrais verts de 2 mètres de large, semée à l'automne 2017. Quatre modalités ont été comparées :

1/ travail du sol seul (témoin) ;

2/ engrais vert 1 (mélange avoine rude Avena strigosa, trèfle incarnat Trifolium incarnatum et trèfle d'Alexandrie T. alexandrinum) ;

3/ engrais vert 2 (mélange avoine rude, vesce d'hiver Vicia villosa et vesce de printemps Vicia sativa) ;

4/ engrais vert 3 (mélange pois d'hiver Pisum sativum, trèfle d'Alexandrie et vesce d'hiver).

L'interrang de l'ensemble de la parcelle a été semé avec un mélange de fétuque et ray-grass.

Les résultats montrent que la culture d'engrais verts sur le rang d'un verger de pêchers dès la plantation peut apporter de nombreux bénéfices par rapport au travail du sol seul. En 2019, le pourcentage d'accroissement des troncs (estimation de la croissance des arbres) était significativement plus important pour les modalités avec engrais verts (90,2 %) que dans la modalité travail du sol seul (71,0 %). La biodiversité associée aux différentes modalités a été mesurée chaque année en mars et avril. L'abondance des arthropodes échantillonnés par aspiration était significativement plus grande dans les engrais verts que dans la modalité travail du sol. La richesse des ordres d'arthropodes dans les engrais verts 1 et 3 était significativement plus grande que dans le témoin travail du sol. Les engrais verts 1 et 3 présentaient également une abondance en vers de terre plus importante que le témoin. Il faut toutefois veiller à détruire les engrais verts au printemps (broyage et enfouissement) pour éviter les concurrences vis-à-vis des arbres et favoriser les restitutions d'éléments. Même si cette technique permet une couverture plus importante du sol sur l'année, les modalités testées ont nécessité un travail du sol important (préparation des semis, enfouissement). Les essais futurs pourront notamment rechercher des espèces compatibles avec des techniques culturales simplifiées, facilement destructibles par roulage ou broyage.

Jeune verger de pommiers : cinq couverts favorisant la biodiversité

Dans la majorité des vergers bio, l'interrang est géré par des broyages réguliers de l'enherbement et le rang est entretenu par un travail du sol avec des outils interceps. L'enherbement permanent du rang en arboriculture fruitière pourrait permettre des économies de temps et d'énergie pour les producteurs, tout en favorisant la biodiversité. Pour cela, il est nécessaire, dans un premier temps, d'identifier des espèces de plantes couvre-sol ayant un bon recouvrement, faciles à entretenir et favorisant la biodiversité fonctionnelle. Vingt espèces de plantes ont ainsi été testées depuis fin 2017 sur les rangs d'un verger de pommiers planté en février 2015 et situé sur la station de l'UERI Inrae de Gotheron (sol de type sable argilo-limoneux). Les couvre-sols ont été semés ou plantés en automne 2017 et printemps 2018 sur une largeur de 1 m de part et d'autre de la ligne d'arbres. Les suivis de recouvrements des espèces implantées et des adventices ont montré que, sur les vingt espèces testées, six, toutes vivaces, semblaient présenter une bonne capacité d'installation et de maintien (sur deux années)sur le rang d'un jeune verger de pommiers : achillée millefeuille (Achillea millefolium), agrostis stolonifère (Agrostis stolonifera), centaurée jacée (Centaurea jacea), lotier corniculé (Lotus corniculatus), marguerite (Leucanthemum vulgare, photo 3) et petite pimprenelle (Sanguisorba minor). Les suivis de biodiversité dans le sol et sur ces plantes suggèrent que :

- l'achillée favoriserait la vie microbienne du sol ;

- la petite pimprenelle favoriserait l'abondance des vers de terre ;

- la centaurée jacée, la marguerite et l'agrostis favoriseraient les populations d'insectes.

La complémentarité de ces cinq espèces pourrait être exploitée en les semant en mélange, des essais seraient alors nécessaires pour trouver les proportions idéales de chaque espèce.

Jeune verger d'abricotiers : un impact à la récolte des couverts sur le rang

En verger d'abricotiers adultes (sol des Costières, près de Bellegarde, Gard), une comparaison d'entretien du sol par méthode sandwich (bande enherbée non travaillée de 25 à 40 cm de largeur sur la ligne d'arbres, entourée de chaque côté d'une bande travaillée de 40 à 50 cm de largeur) et d'enherbement permanent sur le rang a été suivie de 2004 à 2011, et a permis de mettre en évidence les avantages - dans ces conditions pédoclimatiques - d'un semis de fétuque ovine Festuca ovina mélangée à du trèfle blanc nain Trifolium repens, sur la ligne de plantation : amélioration de la texture du sol et domination de la fétuque ovine vis-à-vis des espèces spontanées. Ces constats ont conduit à tester une installation de ce mélange fétuque ovine et trèfle blanc nain le plus tôt possible dans la création d'un verger. Un semis de ce mélange a été mis en place sur le rang, une année avant plantation d'abricotiers et comparé à un semis à la plantation (en janvier 2015), à un semis une année après plantation et à un travail du sol classique selon la méthode sandwich. La plantation des arbres date de janvier 2015. Les impacts sur la vigueur des arbres (diamètre du tronc, hauteur, entrée en production, rendement) et la vitesse de recouvrement des espèces semées ont été suivis jusqu'en 2019, soit trois ans après le dernier semis.

L'enherbement de fétuque ovine et de microtrèfle a un effet sur l'entrée en production des arbres, plus lente avec les enherbements semés par rapport à un travail du sol de part et d'autre de la ligne. Sans apport d'engrais complémentaire, cet enherbement semé entraîne une moindre récolte et un plus faible développement des arbres, comparés à ceux avec travail du sol en méthode sandwich. Les arbres sur sol travaillé ont produit en effet près de 20 kg/arbre en récolte cumulée de 2017 à 2019, alors que les arbres sur sol enherbé avec fétuque ovine avant plantation ou l'année de plantation ont produit en moyenne 15 kg/arbre. Le plus grand retard d'entrée en production est observé sur les arbres cultivés sur sol enherbé un an après plantation avec cette même espèce, où seulement 7 kg/arbre ont été récoltés en moyenne sur les trois années cumulées.

Verger de poiriers : de bons taux de recouvrement pour quatre espèces

Dans la recherche d'espèces couvre-sol pour la ligne de plantation, rapidement couvrantes, de port bas et peu concurrentielles pour les arbres, onze espèces ont été testées sur un autre site pédoclimatique (sol limino-argileux calcaire développé sur alluvions de la Durance, site d'Avignon) où le développement naturel des adventices est fort. Ces espèces ont été semées ou plantées (minimottes) à l'automne 2017 ou au printemps 2018, sur la ligne de plantation de poiriers ou en interrang. Parmi ces onze espèces, quatre ont retenu l'attention pour leur rapidité de recouvrement, leur comportement vis-à-vis des adventices et leur pérennité sur toute la saison : Achillea millefolium, Phuopsis stylosa, Lippia nodiflora et Thymus serpyllum. L'achillée millefeuille a permis un recouvrement du sol de 90 % dès la première année. Phuopsis stylosa (photo 4) et Thymus serpyllum ont atteint ce taux de recouvrement au cours de la seconde année. Les adventices ont donc pu être maîtrisées. Lippia nodiflora nécessite plus de temps mais atteint 80 % de recouvrement en juillet de la seconde année.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les couverts végétaux apparaissent comme une alternative agroécologique au désherbage, qu'il soit chimique ou mécanique.

Les espèces sélectionnées doivent avoir une implantation concurrentielle des adventices tout en respectant la culture, et ne pas se révéler envahissantes. Les couverts peuvent offrir d'autres services : favoriser la biodiversité fonctionnelle (auxiliaires, faune du sol, pollinisateurs...), améliorer la structure du sol...

ÉTUDE - Cinq filières (arboriculture, horticulture, maraîchage, plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires PPAMC et viticulture) ont testé les couvre-sols dans de multiples conditions dans le cadre du projet PlacoHB (2017-2019) (« Plantes couvre-sol comme contribution au contrôle des adventices et à la promotion de la biodiversité »).

Cet article donne un aperçu des résultats obtenus par les partenaires. Les résultats détaillés, des informations complémentaires et des fiches techniques (par espèce ou usage) seront consultables prochainement sur le site internet du projet.

MOTS-CLÉS - Couvre-sol, couvert permanent, engrais vert, enherbement du rang, interrang, travail du sol, biodiversité.

POUR EN SAVOIR PLUS

VOIR CONTACTS ET LIENS P. 38.

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