De nombreux médias se sont fait l'écho de l'adoption du règlement (CE) 2019/1009 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 établissant les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants UE, modifiant les règlements (CE) n° 1069/2009 et (CE) n° 1107/2009 et abrogeant le règlement (CE) n° 2003/2003. Les producteurs et utilisateurs de biostimulants se sont réjouis que les biostimulants trouvent enfin un cadre réglementaire européen, mais il convient de lire attentivement ce règlement pour y trouver la définition et les exigences relatives aux biostimulants.
Un concept difficile à appréhender
Une longue attente
Le règlement 2019/1009 s'applique aux fertilisants et vient remplacer le règlement 2003/2003, qui était en révision depuis de nombreuses années. La seconde Commission Barroso (commission européenne présidée par José Manuel Barroso de 2009 à 2014) avait à son agenda la rédaction d'un règlement concernant les biostimulants des plantes. C'est dans ce contexte que le professeur de biologie Patrick du Jardin (Gembloux Agro-Bio Tech - université de Liège) avait été chargé d'une étude sur les biostimulants et qu'il avait remis un compte rendu provisoire en 2012. Toutefois, la commission ne s'est pas emparée du sujet et la question des biostimulants ne figurait plus à l'agenda de la nouvelle Commission présidée par Jean-Claude Juncker (2014-2019). La persévérance de certains fonctionnaires européens alliée à la forte demande des industriels producteurs de biostimulants a remis ce sujet à l'ordre du jour en intégrant les biostimulants dans le règlement sur les fertilisants.
Avant de donner la définition officielle des biostimulants telle qu'elle apparaît dans le règlement 2019/1009, il est intéressant d'évoquer les définitions proposées par différents auteurs, ce qui permet de comprendre que le concept de « biostimulation de la croissance des plantes » n'est pas facile à appréhender.
Les définitions proposées par le professeur Patrick du Jardin
Dans son rapport préliminaire, Patrick du Jardin (2012) propose la définition suivante : « Les biostimulants végétaux sont des substances et des matériaux, à l'exception des nutriments et des biocides, qui, appliqués aux plantes ou aux sols dans des formulations spécifiques, ont la capacité de modifier les processus physiologiques des plantes de manière à offrir des avantages potentiels pour leur croissance, leur développement et leur réponse aux stress biotiques et abiotiques. » À partir de cette définition, le professeur répartit les biostimulants en huit catégories, mais il n'y inclut pas les micro-organismes et, parmi les effets bénéfiques potentiels, il cite la résistance aux stress biotiques.
En 2015, dans un article reprenant les conclusions de son rapport définitif, Patrick du Jardin donne une définition modifiée des biostimulants : « Un biostimulant végétal est une substance ou un micro-organisme appliqué aux plantes dans le but de renforcer la nutrition, l'efficacité, la tolérance au stress abiotique et/ou les caractéristiques de qualité des cultures, indépendamment de sa teneur en éléments nutritifs. Par extension, les biostimulants végétaux désignent également les produits commerciaux contenant des mélanges de telles substances et/ou des micro-organismes. » Il exclut ici la résistance aux stress biotiques parmi les bénéfices potentiels attendus. Le professeur ramène alors à sept les différents types de biostimulants, tout en y incluant les micro-organismes : acides humiques et fulviques, hydrolysats de protéines et autres composés contenant de l'azote, extraits d'algues et de plantes, chitosan et autres biopolymères, composés inorganiques, champignons bénéfiques, bactéries bénéfiques.
Définition des biostimulants selon EBIC
Les industriels européens producteurs de biostimulants ont créé, en 2011, une association « European Biostimulant Industry Council » (EBIC) pour promouvoir l'industrie des biostimulants au service d'une agriculturale durable. EBIC définit les biostimulants végétaux comme suit : « Les biostimulants végétaux contiennent des substances et/ou des micro-organismes dont la fonction appliquée aux plantes ou à la rhizosphère est de stimuler les processus naturels pour améliorer l'absorption de nutriments, l'efficacité des nutriments, la tolérance aux stress abiotiques et la qualité de la récolte. Les biostimulants n'ont pas d'action directe contre les parasites, et ne relèvent donc pas du cadre réglementaire des pesticides. »
Puis EBIC énumère les effets des biostimulants. « Les biostimulants favorisent, de diverses manières, la croissance et le développement des plantes tout au long du cycle de vie de la culture, de la germination des graines à la maturité de la plante. Les mécanismes en jeu incluent, mais ne se limitent pas à :
1/ améliorer l'efficacité du métabolisme de la plante pour induire des augmentations de rendement et de qualité de la récolte ;
2/ augmenter la tolérance et la récupération des plantes aux stress abiotiques ;
3/ faciliter l'assimilation des nutriments ;
4/ rendre l'utilisation de l'eau plus efficace ;
5/ améliorer certaines propriétés physicochimiques du sol ;
6/ favoriser le développement de certains micro-organismes du sol. »
Enfin, pour EBIC, les biostimulants incluent des produits contenant certains éléments nutritifs, à condition que l'effet sur la croissance des plantes ne soit pas le fait d'une fertilisation directe :
« Les biostimulants fonctionnent par des mécanismes différents de ceux des engrais, peu importe la présence d'éléments nutritifs dans les produits. »
Que dit le règlement européen 2019/1009 ?
Une définition large des fertilisants
« Aux fins du présent règlement, on entend par "fertilisant" une substance, un mélange, un micro-organisme ou toute autre matière appliquée ou destinée à être appliquée sur des végétaux ou leur rhizosphère ou sur des champignons ou leur mycosphère, ou destinée à constituer la rhizosphère ou la mycosphère, seule ou mélangée avec une autre matière, dans le but d'apporter aux végétaux ou aux champignons des éléments nutritifs ou d'améliorer leur efficacité nutritionnelle. »
Ainsi ce règlement « fertilisants » inclut les biostimulants y compris les biostimulants microbiens, mais aussi les supports de culture puisqu'il précise que ces fertilisants peuvent constituer la rhizosphère, seuls ou mélangés avec une autre matière. Cela correspond à la catégorie des « matières fertilisantes et supports de culture » (MFSC) à laquelle appartiennent les biostimulants commercialisés en France.
Définition européenne des biostimulants
Le règlement 2019/1009 définit les biostimulants de la manière suivante :
« Un biostimulant des végétaux est un produit qui stimule les processus de nutrition des végétaux indépendamment des éléments nutritifs qu'il contient, dans le seul but d'améliorer une ou plusieurs des caractéristiques suivantes des végétaux ou de leur rhizosphère :
- l'efficacité d'utilisation des éléments nutritifs ;
- la tolérance aux stress abiotiques ;
- les caractéristiques qualitatives ;
- la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère. »
Le règlement précise les matières constitutives (CMC « component material categories ») qui peuvent entrer dans la composition des fertilisants. Parmi les onze substances citées, les plus pertinentes pour fabriquer des biostimulants sont :
- la CMC 1 - Substances et mélanges à base de matières vierges (pas de déchet, de coproduit etc.) ;
- la CMC 2 - Parties de végétaux ou extraits de végétaux non traités ou traités mécaniquement (si extraction, uniquement à l'eau) ;
- la CMC 7 - Micro-organismes, y compris des micro-organismes morts ou des parois cellulaires vides de micro-organismes, ainsi que des résidus non nocifs du milieu dans lequel ils se sont développés. Ces micro-organismes ne peuvent avoir subi aucun autre traitement qu'une déshydratation ou une lyophilisation.
Une distinction affirmée avec les produits phyto
La définition des biostimulants adoptée par ce règlement européen les distingue nettement des produits de protection des plantes. Toute substance qui permet de lutter contre un stress d'origine biotique entre dans la catégorie des produits phytopharmaceutiques (régis par le règlement 1107/2009), y compris s'il s'agit de micro-organismes. En revanche, toute substance qui permet à la plante de mieux résister aux stress abiotiques (sécheresse, salinité, etc.) est considérée comme un biostimulant.
Patrick du Jardin soulignait en 2015 que « la nature des biostimulants est extrêmement diverse, leurs fonctions physiologiques sont également très diverses. Cependant, les effets scientifiquement démontrés convergent vers au moins une ou plusieurs des fonctions agricoles suivantes : ils améliorent l'efficacité nutritionnelle, la tolérance aux stress abiotiques et/ou les caractéristiques de qualité des cultures ». Ainsi, il n'est pas possible de définir les biostimulants par rapport à leurs mécanismes d'action, ils sont uniquement définis par leurs effets bénéfiques sur la croissance et le développement des plantes.
Ce que change le règlement européen
En absence d'harmonisation européenne, ce qui est encore le cas aujourd'hui puisque le règlement 2019/1009 n'entrera en vigueur qu'en juillet 2022, les biostimulants sont réglementés au niveau de chaque État avec des disparités flagrantes. Dans certains pays, il suffit d'une simple déclaration, dans d'autres d'un dossier relativement facile à construire, dans d'autres comme la France d'un dossier très complet, donc coûteux en temps et en argent (voir encadré).
Le règlement harmonise au niveau de l'Union européenne les critères de qualité, les règles sanitaires, les règles d'étiquetage et les revendications, il vise donc à créer un marché unique pour les biostimulants. De ce fait, il va permettre aux industriels de commercialiser des biostimulants dans l'ensemble des pays de l'Union avec le marquage CE, et aux agriculteurs de disposer des mêmes produits biostimulants.
Il faut préciser qu'un important travail de normalisation doit être accompli avant l'entrée en vigueur de ce règlement, car les revendications devront être validées par un organisme certificateur sur la base de méthodes d'analyses normalisées. De plus, les réglementations nationales resteront en vigueur et il sera donc possible de commercialiser un produit sans marquage CE dans certains pays.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Le règlement (CE) 2019/1009 du 5 juin 2019 établit les règles relatives à la mise à disposition sur le marché des fertilisants CE. En particulier, il y intègre une nouvelle catégorie : les biostimulants. Il entrera en vigueur en 2022.
ÉTUDE - Comme le rappelle cet article, différentes définitions ont été proposées préalablement, illustrant la difficulté à appréhender la notion de biostimulation. Le règlement européen distingue bien les biostimulants des produits phytopharmaceutiques qui eux dépendent du règlement 1107/2009. Les biostimulants améliorent l'efficacité d'utilisation des éléments nutritifs, la tolérance aux stress abiotiques, les caractéristiques qualitatives, et/ou la disponibilité des éléments nutritifs confinés dans le sol ou la rhizosphère.
MOTS-CLÉS - Biostimulant, règlement 2019/1009, fertilisant, stress abiotiques, produits phytopharmaceutiques.
Les biostimulants dans la réglementation française
L'article 50 de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (n° 2014-1170 du 13 octobre 2014) mentionne les substances naturelles à usage biostimulant (SNUB) comme un composant des préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), avec les substances de base. Une PNPP est obtenue par un procédé accessible à tout utilisateur final. Les SNUB sont autorisées selon une procédure fixée par voie réglementaire.
Le décret n° 2016-532 du 27 avril 2016 décrit la procédure d'autorisation des SNUB ainsi que les dispositions relatives à la publicité des PNPP composées exclusivement de SNUB. Ces dernières doivent être inscrites sur une liste publiée par arrêté du ministre chargé de l'agriculture.
L'arrêté du 27 avril 2016 liste les produits autorisés en tant que SNUB : les plantes ou parties de plantes mentionnées à l'article D. 4211-11 du code de la santé publique (plantes médicinales inscrites à la pharmacopée), sous la forme dans laquelle elles y sont inscrites ou résultant d'un procédé accessible à tout utilisateur final ; les SNUB autorisées dont la liste est annexée à l'arrêté.
Le décret n° 2019-329 du 16 avril 2019 (PNPP) modifie les dispositions applicables aux SNUB et aux PNPP et plus particulièrement l'article D255-30-1 du code rural et de la pêche maritime. Ce dernier précise qu'une SNUB est une substance d'origine végétale, animale ou minérale, à l'exclusion des micro-organismes, non génétiquement modifiée, et qui est obtenue par un procédé accessible à tout utilisateur final (absence de traitement ou traitement reposant exclusivement sur des moyens manuels, mécaniques ou gravitationnels, la dissolution dans l'eau ou dans l'alcool, la flottation, l'extraction par l'eau ou par l'alcool, la distillation à la vapeur ou le chauffage uniquement pour éliminer l'eau).
L'Anses(1) délivre les autorisations de mise sur le marché des MFSC, dont les biostimulants : www.anses.fr/fr/system/files/Modalites_depot_dossier_MFSC.pdf
(1) Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : cala@free.fr
LIENS UTILES : - Académie des biostimulants : www.biostimulants.fr - Afaïa : www.afaia.fr - Ebic : www.biostimulants.eu - Anses : www.anses.fr
BIBLIOGRAPHIE : - Du Jardin P., 2012, The Science of Plant Biostimulants - A bibliographic analysis. Ad hoc Study Report to the European Commission DG ENTR. 2012 : https://op.europa.eu/s/n6aG
Du Jardin P., 2015, Plant biostimulants : Definition, concept, main categories and regulation, Scientia Horticulturae, volume 196, p. 3-14.