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ACTUS

SUBSTANCES ACTIVES DES EXIGENCES NATIONALES ET EUROPÉENNES RENFORCÉES

Phytoma - n°735 - juin 2020 - page 4

Alors que le glyphosate focalise l'attention, le travail d'évaluation des substances et de retrait des molécules les plus dangereuses continue, avec un nouvel horizon : 2030.
Le glyphosate concentre l'attention, avec la publication de rapports et d'enquêtes sur ses usages, l'impact des alternatives possibles, les impasses techniques... En parallèle, l'évaluation continue des substances actives mène à de nouvelles interdictions, dans un contexte de renforcement réglementaire européen. Photo : Pixabay

Le glyphosate concentre l'attention, avec la publication de rapports et d'enquêtes sur ses usages, l'impact des alternatives possibles, les impasses techniques... En parallèle, l'évaluation continue des substances actives mène à de nouvelles interdictions, dans un contexte de renforcement réglementaire européen. Photo : Pixabay

En France, le glyphosate est sur la sellette, au moins pour une grande partie de ses usages. Aux évaluations économiques des alternatives par l'Inrae - le rapport scientifique pour les grandes cultures est sorti le 9 juin(1) -, les filières ajoutent leurs propres enquêtes et études terrain, afin notamment d'orienter leurs essais. Après Arvalis(2), le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) a rendu ses résultats en mai dernier(3). Par ailleurs, le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation a fait réaliser par l'institut Ipsos un sondage sur les pratiques de désherbage des agriculteurs et les enjeux liés à l'arrêt de la molécule(4). Une enquête sur les utilisations dans les pays européens a également été publiée en mai dernier(5), révélant que les ventes de glyphosate représentent un tiers des ventes totales d'herbicides dans l'UE. Si l'on voulait résumer sommairement les différentes conclusions, on pourrait dire que des combinaisons de leviers existent pour remplacer le glyphosate sur une majorité d'usages, avec souvent des obstacles économiques liés à certains systèmes de cultures (pertes de rendement, achat de matériels, main-d'oeuvre qualifiée), tandis que des impasses techniques spécifiques sont clairement identifiées (systèmes agricoles basés sur la conservation des sols, terrains en pente ou caillouteux, filières noix et noisette...).

æLe médiatique glyphosate a valeur d'exemple pour illustrer la volonté du gouvernement de diminuer le recours aux produits phytopharmaceutiques (PPP). Il s'agit en effet de la deuxième substance active la plus utilisée sur l'Hexagone après le soufre (le prosulfocarbe et le mancozèbe sont en 3e et 4e positions) avec 9 700 t achetées en 2018(6). Et ses ventes ont augmenté de 25 % entre les périodes 2009-2011 et 2016-2018. Mais il représente un peu l'arbre qui cache la forêt aux yeux du grand public, en occultant le travail d'évaluation des substances actives à l'échelle européenne, et celui réalisé sur les PPP au niveau national, lesquels peuvent être interdits d'autorisation de mise en marché (AMM). En avril dernier, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a ainsi publié son expertise sur des substances actives devant faire l'objet d'une attention particulière au regard de leur niveau de danger et des données de phytopharmacovigilance(7).

æDans son expertise, l'Agence a identifié des substances actuellement approuvées mais présentant des critères d'exclusion au regard du règlement européen n° 1107/2009, car l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) a récemment statué qu'elles étaient cancérigènes ou reprotoxiques de catégorie 1. Remplir les critères d'exclusion implique que l'approbation de ces substances ne sera pas renouvelée sauf si des mesures dérogatoires peuvent être justifiées. Après la décision de non-renouvellement du chlorpyrifos-éthyl et du chlorpyrifos-méthyl (insecticides), l'Anses souhaite une décision rapide de la Commission européenne (CE) sur le non-renouvellement de l'approbation de deux autres substances actives fongicides : le mancozèbe, considéré comme toxique pour la reproduction de catégorie 1B par l'Echa ; le thiophanate-méthyl, actuellement la seule substance active classée mutagène de catégorie 2 contenue dans des produits autorisés en France.

æL'Anses s'engage par ailleurs, sur la période 2020-2021, à réévaluer les risques des produits à base des six substances suivantes, en vue d'une modification éventuelle des AMM en vigueur : 8-hydroxyquinoline, ipconazole, flurochloridone, spirodiclofène, halosulfuron-méthyl, substances venant d'être classées cancérigènes ou reprotoxiques de catégorie 1B par l'Echa ; prosulfocarbe, pour lequel des traitements autorisés sur certaines cultures ont provoqué des contaminations de cultures non ciblées situées à proximité, ce qui avait conduit à des modifications des conditions d'utilisation. Dans le cadre de la 2e stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE2), l'agence va aussi évaluer les effets perturbateurs endocriniens de diverses substances (six en 2020, neuf par an à partir de 2021), dont le prochloraze. À ce sujet, depuis le 2 juin 2020, le site edlists.org répertorie la liste des substances reconnues (ou en cours d'évaluation) comme étant des perturbateurs endocriniens dans la réglementation européenne sur les produits chimiques.

æEn aval de l'usage des pesticides, leurs résidus sur les aliments font l'objet de contrôles annuels. Ainsi, selon le rapport de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) publié en avril(8), le taux de dépassement des limites maximales de résidus (LMR) dans l'UE est passé de 4,1 % en 2017 à 4,5 % en 2018 (91 015 échantillons analysés).

Toutefois, les produits alimentaires analysés en 2018 ne sont pas susceptibles de constituer un problème pour la santé des consommateurs. Les « effets cocktail » (exposition cumulée aux résidus de pesticides multiples) sont désormais pris en considération, avec la publication récente de deux évaluations : l'une relative aux effets chroniques sur le système thyroïdien et l'autre portant sur les effets aigus sur le système nerveux. Selon l'Efsa, ces risques sont, avec des degrés variables de certitude, inférieurs au seuil qui requiert une action réglementaire et ce, pour tous les groupes de population couverts. Des évaluations couvrant les effets des pesticides sur d'autres organes et d'autres fonctions du corps suivront dans les années à venir.

æQu'il s'agisse de l'usage des PPP, de leurs alternatives ou des LMR, le cadre réglementaire européen est amené à se renforcer à la suite de l'évaluation des textes engagée depuis fin 2016. Ainsi deux rapports ont été publiés le 20 mai : l'un sur la mise en oeuvre des règlements n° 1107/2009 (concernant la mise sur le marché des PPP) et n° 396/2005 (concernant les LMR)(9) ; et le second sur la mise en oeuvre de la directive 2009/128/EC (sur l'utilisation durable des pesticides)(10).

Concernant les règlements PPP et LMR, les parties prenantes de tous horizons considèrent que les exigences réglementaires dans l'UE sont parmi les plus strictes au monde. Selon le rapport, ces règlements garantissent la protection de la santé humaine et de l'environnement et sont généralement efficaces, même si leur mise en oeuvre peut encore être améliorée. Le règlement PPP a notamment permis de poursuivre l'élimination progressive des substances à haut risque ; les dispositions favorisant les substances à faible risque ont commencé à porter leurs fruits. Mais la plupart des procédures définies dans ces textes souffrent de retards importants, nécessitant l'amélioration de la mise en oeuvre du cadre législatif existant.

Parmi les objectifs : un retrait rapide des substances actives qui ne remplissent pas les critères d'approbation, la promotion des PPP non chimiques et à faible risque. De plus, la CE va mener une réflexion sur les moyens de concilier respect des obligations de l'OMC et exigences environnementales européennes dans le cas des tolérances à l'importation pour des substances qui ne sont plus approuvées dans l'UE.

æLe second rapport pointe les lacunes des plans d'action nationaux pour une utilisation durable des PPP. Malgré tout, les États membres ont réalisé des progrès : mise en place des systèmes de formation et de certification des opérateurs, mesures pour la protection de l'eau, et pour la manipulation et le stockage en toute sécurité des pesticides. Si les quantités de PPP vendues et utilisées sont restées relativement constantes dans l'UE depuis l'entrée en vigueur de la directive, le profil des produits a évolué au profit d'une baisse des risques. Néanmoins, dans le même temps, les autorisations d'urgence ont augmenté. Le rapport note une importante marge de réduction des risques possibles par une meilleure mise en oeuvre de la directive, en particulier par une adoption plus large de la lutte intégrée, quitte à envisager des procédures d'infraction.

Considérée comme un outil essentiel pour atteindre les objectifs la stratégie de la ferme à la fourchette (« Farm to fork », volet agricole du « Green deal ») de la CE, cette directive sur l'utilisation durable des pesticides va être renforcée. Présentée le 20 mai dernier conjointement avec la stratégie pour la biodiversité, « Farm to fork » propose de réduire d'ici 2030 de 50 % l'emploi et les risques des pesticides chimiques et de développer l'agriculture biologique à hauteur de 25 %. Première étape de la révision de la directive, une feuille de route en ligne examine les options possibles(11) : citoyens, experts et parties prenantes sont invités à donner leur avis d'ici le 7 août 2020 ; la consultation publique se déroulera le quatrième trimestre 2020 pour une adoption prévue le 1er trimestre 2022.

(1) Alternatives au glyphosate en grandes cultures, Évaluation économique, Inrae, juin 2020 : https://tinyurl.com/yd988g9y(2) Voir Phytoma n° 734, p. 4.(3) Rapport consultable sur www.ctifl.fr(4) 604 agriculteurs interrogés entre octobre 2019 et janvier 2020, répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain et dans quatre filières de production : grandes cultures, viticulture, arboriculture et autres cultures (horticulture, maraîchage, élevage et polyculture-élevage) : https://tinyurl.com/yb6octsz(5) Antier C. et al., 2020, A survey on the uses of glyphosate in european countries, Inrae. https://doi.org/10.15454/A30K-D531(6) État des lieux des ventes et des achats de produits phytosanitaires en France en 2018, CGDD (Commissariat général au développement durable), mai 2020 : https://tinyurl.com/ybhvl8og(7) https://tinyurl.com/y8spwgpq(8) https://www.efsa.europa.eu/en/annual-pesticides-report-2018(9) https://tinyurl.com/yavs77gt(10) https://tinyurl.com/yaquscnv(11) https://tinyurl.com/y82krxy6

GLOSSAIRE

AMM = autorisation de mise sur le marché

• De biocontrôle L. 253-5 = figurant sur la liste des produits de biocontrôle « établie au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7, IV du code rural (...) »

• JORF = Journal officiel de la République française

• JOUE = Journal officiel de l'Union européenne

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