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Gestion du désherbage

Impacts des alternatives au glyphosate en grandes cultures

CÉLINE DENIEUL(1), MORGANE HENAFF(1), LAURIE LOILLIER(1), RÉMI RANGHEARD(1), ROBIN SESMAT(1), ÉLISA MITKO(1), ABDELJALIL LIOEDDINE(1), FRANÇOIS DECAMPS(2), ANTHONY GALMOT(3), JÉRÔME GAUCHON(4), CLÉMENT JULLIEN(5), PIERRICK SORGNIARD(6) ET VINCENT VACCARI - Phytoma - n°735 - juin 2020 - page 46

Les répercussions économiques, environnementales et sociales d'une sortie du glyphosate à court terme ont été évaluées pour six itinéraires différents.
La destruction des prairies : un usage majeur du glyphosate dans les systèmes d'élevage. Photo : C. Denieul

La destruction des prairies : un usage majeur du glyphosate dans les systèmes d'élevage. Photo : C. Denieul

Fig. 1 : Impact des itinéraires alternatifs étudiés sur les principaux indicateurs économiques, environnementaux et sociaux      Sur ce graphique, chaque système alternatif doit être comparé à l'itinéraire initial exprimé en base 100.      N. B. : le stockage de carbone organique n'a pas pu être modélisé sur l'exploitation de polyculture-élevage des Côtes-d'Armor car Simeos-AMG n'intègre pas le stockage lié aux prairies temporaires. Et l'insertion de prairie est l'une des alternatives étudiées sur cette exploitation.

Fig. 1 : Impact des itinéraires alternatifs étudiés sur les principaux indicateurs économiques, environnementaux et sociaux Sur ce graphique, chaque système alternatif doit être comparé à l'itinéraire initial exprimé en base 100. N. B. : le stockage de carbone organique n'a pas pu être modélisé sur l'exploitation de polyculture-élevage des Côtes-d'Armor car Simeos-AMG n'intègre pas le stockage lié aux prairies temporaires. Et l'insertion de prairie est l'une des alternatives étudiées sur cette exploitation.

En 2018, le gouvernement français a pris la décision de mettre fin à l'utilisation du glyphosate d'ici trois à cinq ans. Selon le ministère de l'Agriculture, cette interdiction concernera les principaux usages du glyphosate, dès lors que des alternatives existent, d'ici fin 2020, et les agriculteurs ne seront pas laissés sans solutions. Le cap est tracé : les exploitations agricoles doivent apprendre à se passer du glyphosate. Cette évolution ne sera pas sans conséquences, économiques, environnementales et sociales.

Une molécule à la base de nombreux itinéraires

Le glyphosate est utilisé dans les productions agricoles françaises depuis 1975. Son large spectre, son haut niveau d'efficacité notamment sur vivaces, sa facilité d'utilisation, son faible prix ont contribué à son intégration dans les systèmes de cultures, mais également à la gestion de l'enherbement dans les zones non agricoles par les collectivités territoriales, les particuliers et les entreprises.

Son utilisation, ainsi que celle des tout premiers herbicides non sélectifs aujourd'hui interdits, a permis aux agriculteurs de s'affranchir d'une partie des contraintes liées à la gestion des adventices : le travail du sol et le labour en particulier. Cela a fortement contribué à l'optimisation des itinéraires techniques tels qu'ils existent actuellement. De fait, le glyphosate est constitutif d'un grand nombre de systèmes de culture. En particulier, il est l'un des outils indispensables à l'agriculture de conservation des sols et des systèmes de semis direct sous couvert, où il est utilisé pour contrôler les couverts et gérer les adventices.

Évaluation multicritère à l'échelle des systèmes de culture

Efficacité technique des alternatives

Les pratiques agronomiques de substitution du glyphosate ont déjà été, au moins partiellement, évaluées en grandes cultures. Ces évaluations ont notamment fait l'objet de publications de la part des instituts(1) (2). Ces études se focalisent, pour la plupart, sur l'efficacité technique des pratiques alternatives au glyphosate.

Du fait de l'intégration du glyphosate à l'échelle des systèmes, il semble pertinent de les compléter ces études par une évaluation globale des impacts (économiques, environnementaux, sociaux) induits par la mise en oeuvre d'une combinaison d'alternatives à l'échelle de l'exploitation agricole et non uniquement à l'échelle de la parcelle.

Agrosolutions et les coopératives du réseau InVivo ont donc décidé d'évaluer, pour six cas concrets d'exploitations agricoles, les impacts associés aux nouveaux systèmes de cultures mis en oeuvre pour faire face au retrait du glyphosate. Pour cela, les systèmes de cultures avec glyphosate ont été comparés à des systèmes de cultures alternatifs, conçus en collaboration avec les coopératives partenaires et Agrosolutions pour apporter les mêmes niveaux d'efficacité technique.

Impacts économiques, environnementaux et sociaux

Ces comparaisons s'attachent à évaluer trois types d'impacts : économiques (marge brute, coût des intrants, consommation de carburant, etc.), environnementaux (émissions de gaz à effet de serre [GES], stockage du carbone dans les sols, indicateur de fréquence de traitements phyto[IFT], risque vis-à-vis des eaux souterraines, etc.) et sociaux (temps de travail, nombre de passages, etc.). L'évaluation de ces impacts a été réalisée grâce à la modélisation des systèmes avec plusieurs outils/modèles :

- Systerre est un outil, développé par Arvalis, d'évaluation globale des systèmes de cultures ; il modélise l'impact de changements de pratiques à l'échelle des systèmes de cultures en calculant une vingtaine d'indicateurs : marge, efficience économique des intrants, IFT, consommation de carburant, émissions de GES... Cet outil est communément utilisé par la communauté technique et scientifique.

- Macro 5.2 est un modèle mécaniste d'évaluation du risque de transferts verticaux des substances actives dans les sols et vers les eaux souterraines ; il est notamment utilisé pour l'évaluation des produits phytopharmaceutiques dans le cadre de la demande d'homologation. Macro 5.2. a été adapté et automatisé par des méthodes mises au point par Agrosolutions. Il prend en compte le contexte pédoclimatique, les caractéristiques des substances actives, leurs conditions d'applications et les cultures. Il est notamment le seul modèle, parmi ceux testés lors du projet Équipe(3), qui permet d'atteindre un bon niveau de corrélations (0,89) entre les paramètres cités et les concentrations moyennes des substances actives mesurées en conditions réelles.

- Simeos-AMG est un outil de simulation de l'évolution des teneurs organiques et des stocks en carbone du sol. Cet outil est développé par Agro-Transfert RT et se base sur le modèle AMG ; celui-ci est maintenu et amélioré depuis 2012 dans le cadre du consortium AMG rassemblant Inrae, Agro-Transfert RT, Arvalis, le LDAR (Laboratoire départemental d'analyses et de recherche), avec Terres Inovia.

Une diversité de systèmes de cultures étudiés

La participation à cette étude de plusieurs coopératives du réseau InVivo, présentes sur six régions différentes, a permis d'appréhender des systèmes de cultures variés. Les coopératives partenaires sont Le Gouessant (Côtes-d'Armor), Océalia (Haute-Vienne), Sèvre et Belle (Deux-Sèvres), Bonneval Beauce et Perche (Eure-et-Loir), Val de Gascogne (Gers) et Dijon Céréales (Côte-d'Or, représentant les partenaires coopératifs de la plateforme Artémis).

En collaboration avec Agrosolutions, les six coopératives partenaires ont chacune choisi une exploitation utilisatrice de glyphosate et représentative de leur territoire par son système de cultures et ses productions (Tableau 1 page suivante). Leurs pratiques culturales ont été collectées grâce aux données issues d'outils de traçabilité agriculteurs ou de plateformes expérimentales mises en oeuvre par les coopératives. Ces données ont permis de décrire les itinéraires culturaux avec glyphosate des différentes exploitations.

La conception des systèmes de cultures alternatifs au glyphosate et de leurs itinéraires culturaux a été réalisée en deux temps.

Des itinéraires alternatifs construits en deux temps

Dans un premier temps, les coopératives et Agrosolutions ont recensé des alternatives envisageables aux différents usages du glyphosate et pour chaque système de cultures des territoires des coopératives. Les méthodes alternatives ont été catégorisées. Puis un premier tri a été appliqué afin d'écarter les méthodes trop onéreuses, chronophages ou peu matures d'un point de vue technologique (désherbage thermique, herbicide de biocontrôle, etc.), considérant qu'elles ne pourront pas être pratiquées à court terme par les agriculteurs. Seules les méthodes déjà expérimentées, déployées ou en cours de déploiement sur chaque bassin d'approvisionnement ont été retenues. Elles correspondent aux pratiques techniquement acceptables et économiquement raisonnables. De ce fait, les principales alternatives sont le travail de sol profond et/ou superficiel, l'augmentation du désherbage chimique en culture et la modification de la rotation (Tableau 2 p. 50).

Dans un second temps, les itinéraires alternatifs ont été élaborés pour chaque exploitation, grâce à l'expertise couplée des coopératives et d'Agrosolutions. Pour certains d'entre eux, ils correspondent à des systèmes déjà évalués par les coopératives, au sein de réseau d'expérimentation. Ils ont été conçus en intégrant une ou plusieurs alternatives pour gérer ou prévenir les problématiques auparavant contrôlées par le glyphosate, à partir des systèmes culturaux initiaux. Ces itinéraires techniques ont été conçus pour apporter, dans la mesure du possible et des connaissances disponibles, le même niveau d'efficacité technique du désherbage et de rendements.

Six cas étudiés

Six couples de systèmes de cultures différents ont ainsi été modélisés. Ils représentent un échantillon des différents modes de production en grandes cultures en France : une exploitation de polyculture-élevage (vaches à viande et brebis) localisée dans le Limousin ; une autre (vaches laitières) située au nord Bretagne dont les pratiques alternatives correspondent à ce qui est expérimenté dans le réseau Dephy animé par la coopérative ; les systèmes céréaliers sont représentés par trois exploitations : l'une en Beauce, uniquement avec des cultures d'hiver, et deux avec alternance cultures de printemps/cultures d'hiver, en Poitou-Charentes et en Midi-Pyrénées ; enfin, un système céréalier de semis direct sous couvert se trouve en Bourgogne. Sur ce secteur, la coopérative anime un groupe d'agriculteurs engagés dans cette pratique. D'après l'expérience de ce groupe, il sera très difficile, voire impossible de se passer du glyphosate dans ces systèmes de cultures. Pour cette raison, l'alternative choisie est un retour au travail du sol, expérimenté sur la plateforme Artémis.

Les modélisations ont nécessité de poser certaines hypothèses. En premier lieu, nous avons choisi de ne pas poser d'hypothèses de variation de rendement sur les systèmes de cultures alternatifs, considérant que nous n'avons pas assez de recul, à ce jour, sur ce point. Les prix des intrants sont issus de données panel ou fournis par les coopératives, de même que les conditions pédologiques. Le prix de vente de toutes les productions a été estimé par les coopératives ou avec les cours en vigueur, y compris les productions autoconsommées sur l'exploitation.

Résultats : des impacts variables

Impacts économiques

Les impacts de l'arrêt du glyphosate sont très dépendants des systèmes de culture préexistants et des alternatives mises en place (Figure 1).

D'un point de vue économique, le chiffre d'affaires reste constant sur toutes les exploitations qui n'ont pas modifié leur assolement, puisque les rendements sont considérés comme non touchés. Concernant la marge brute de l'exploitation, l'impact du retrait du glyphosate semble relativement faible (entre - 5 % et + 2 % par hectare) dans cinq des six exploitations étudiées. Ces exploitations s'appuient essentiellement sur le travail du sol et le désherbage chimique pour compenser l'arrêt du glyphosate. Ces deux éléments influencent peu la marge brute : dans nos exemples, les produits phytopharmaceutiques ne concernent que 26 % des charges d'intrants (produits phytopharmaceutiques, semences, engrais) ; les charges de mécanisation ne sont pas intégrées à ces charges d'intrants et n'ont donc pas d'impact sur la marge brute. Tous les systèmes dans lesquels le glyphosate est partiellement remplacé par une augmentation du désherbage chimique en culture voient leurs charges liées aux produits phytopharmaceutiques augmenter, mais de manière relativement faible (+ 2,5 % en moyenne sur ces exploitations).

Il n'y a que l'exploitation bretonne qui fait exception à cette première analyse économique. Sur celle-ci, deux itinéraires alternatifs ont été évalués, qui intègrent une refonte du système de cultures avec notamment l'intégration de prairies temporaires. La marge brute augmente significativement, d'environ 27 %. Ceci est dû à une diminution des charges à l'hectare et à l'intégration de revenus supplémentaires avec la fauche des prairies temporaires. Cependant, ces résultats doivent être nuancés car les fourrages produits sont autoconsommés et ne représentent pas une source de revenu direct supplémentaire pour l'exploitation. Il faut aussi noter que l'exploitation se trouve dans un contexte économique et climatique favorable à ces modifications en profondeur.

La consommation de carburant, qui n'est pas intégrée dans le calcul de la marge brute, est touchée dans les six systèmes étudiés : de + 9 % à + 32 %. Ceci est lié au fait que, dans toutes les exploitations, le travail du sol, superficiel et/ou profond, est intégré comme l'une des alternatives au glyphosate.

Dans les exploitations étudiées, ces charges de carburant représentent entre 6 % et 20 % de la marge brute. Il est donc possible que dans certaines exploitations, en cas d'augmentation des charges de carburant liées à une intensification du travail du sol, il puisse y avoir un impact significatif sur l'économie de l'exploitation. D'autre part, il faut aussi intégrer que l'intensification du travail du sol superficiel ou profond entraînera une augmentation de l'usure du matériel (outil et tracteur) et une augmentation des charges de mécanisation. Cela aura un impact sur l'économie de l'exploitation, partiellement appréhendé dans cette étude.

Impacts environnementaux

D'un point de vue environnemental, si la consommation de carburant augmente, parfois de manière très significative, on observe une très faible variation des émissions de GES (-2 % à +4 %), et quelles que soient les pratiques alternatives mises en place. En effet, la part du carburant, et donc du travail du sol, dans les émissions de GES d'un système de culture, est relativement faible (en moyenne de 13,5 %), notamment au regard des émissions liées à l'utilisation de fertilisants (qui comptent généralement pour plus de deux tiers des émissions de GES directes totales). De ce fait, si le nombre de passages d'outils agraires ou de pulvérisateurs est accru, l'impact sur les GES est limité.

Concernant l'utilisation de produits phyto, l'IFT augmente dans tous les systèmes où l'intensification du désherbage en culture est intégrée comme l'une des alternatives au glyphosate. C'est le cas de quatre exploitations sur six. Sur ces exploitations, l'IFT annuel augmente de manière variable, en moyenne de 15 % (+0,5 à +47 % par rapport au système initial). Dans ces cas-là, on observe aussi une augmentation du risque vis-à-vis des eaux souterraines pour deux principales raisons : le glyphosate, utilisé dans les systèmes initiaux, présente un risque de transfert vers les eaux souterraines relativement faible ; en revanche, certaines substances actives utilisées en culture pour compenser son utilisation présentent un risque plus élevé dans certains contextes pédoclimatiques. C'est le cas de la plupart des herbicides racinaires, dont l'usage apparaît ou augmente dans les systèmes alternatifs pour le contrôle des graminées. C'est aussi le cas des herbicides auxiniques, utilisés pour gérer les dicotylédones annuelles ou vivaces. Dans ces systèmes où le désherbage chimique en culture est envisagé comme une alternative au glyphosate, le choix de substances actives devra donc se faire en intégrant ce risque.

Le glyphosate présente un risque important de transfert vers ce compartiment. Il aurait donc été intéressant d'évaluer l'impact des itinéraires alternatifs sur les eaux de surface.

Sur notre échantillon, deux exploitations arrivent à diminuer leur IFT grâce au choix d'itinéraires techniques alternatifs. Il s'agit tout d'abord de l'exploitation bretonne, pour laquelle deux systèmes alternatifs sont étudiés, qui allonge sa rotation en intégrant des prairies temporaires et un couvert semi-permanent de trèfle. De ce fait, l'IFT moyen de cette exploitation diminue d'environ 50 %. La seconde exploitation est un système de grandes cultures, dans les Deux-Sèvres. Dans ce cas, le retrait du glyphosate n'est compensé que par le travail du sol, ce qui permet de diminuer l'IFT de 5 %.

Le stockage de carbone organique dans les sols ne varie que dans les systèmes qui modifient leur assolement, la gestion des couverts ou leurs apports organiques. Le travail du sol, premier levier activé dans les systèmes étudiés, n'a pas d'impact sur le stockage de carbone dans le sol, contrairement aux idées longtemps admises(4). Cependant, il peut avoir un impact sur la répartition du stock de carbone dans les horizons du sol. Cette répartition n'est pas analysée dans cette étude. Dans le système bourguignon, initialement conduit en semis direct sous couvert, l'alternative mise oeuvre consiste en la réintroduction du travail du sol et la suppression des couverts semi-permanents, ce qui a un impact sur la restitution de biomasse au sol et donc le stockage de carbone organique sur le long terme. Une diminution annuelle de 50 % du stockage de carbone est estimée par le modèle Simeos-AMG, par rapport à l'itinéraire initial.

Temps de travail

Dans tous les systèmes étudiés, quelles que soient les alternatives intégrées, l'arrêt du glyphosate conduit à une augmentation de la charge de travail. Celle-ci, de l'ordre de 22 % (+18 % à +23 %), est liée à l'augmentation du nombre de passages : en moyenne + 1,4 passage par hectare et par an dans ces contextes. L'augmentation du temps de travail n'est pas linéaire sur l'année. Ainsi la charge journalière durant certains mois décisifs peut s'accroître de 2 heures à plus de 6 heures dans les exploitations agricoles étudiées.

Perspectives

Certains aspects restent difficiles à appréhender au travers de cette étude. En premier lieu, l'impact du retrait du glyphosate sur les rendements. Ce point est difficile à apprécier a priori, hors de toute expérimentation longue durée sur ce sujet. Il sera peut-être aussi difficile à évaluer a posteriori, d'autant plus que le retrait du glyphosate se fera dans un contexte en évolution : augmentation des résistances aux herbicides qui, sur certains secteurs, ont déjà un impact sur les rendements des céréales ; évolution du contexte sanitaire et des résistances variétales ; modification du paysage réglementaire, aléas climatiques, etc. Les coopératives se posent d'autres questions : le retrait du glyphosate aura-t-il un impact sur la gestion du datura, de l'ambroisie ou d'autres adventices difficiles à détruire ? Peut-il aussi entraîner une recrudescence de l'ergot, lié aux fortes infestations de graminées ? Autant de questions auxquelles cette étude ne répond pas et auxquelles il faudra répondre.

Cette étude montre la nécessité d'être vigilant sur certains points, dans les premières années qui suivront le retrait du glyphosate. La suppression du glyphosate paraît peu compatible avec une diminution globale de l'utilisation d'herbicides si elle ne s'accompagne pas d'une reconception du système de cultures. Dans les exemples étudiés, où il n'y a pas de remise en question de l'assolement, l'IFT a tendance à augmenter, de même que le risque de transfert vers les eaux souterraines. Il conviendra donc d'être vigilant dans le choix des programmes de désherbage en intégrant le risque lié au contexte pédoclimatique. Par ailleurs, la charge de travail augmente de manière conséquente dans toutes les exploitations de l'échantillon étudié ici, avec la création ou l'accentuation de pics de travail. Comment cela touchera-t-il l'organisation des exploitations ? Cela orientera-t-il les choix de matériel ? Faudra-t-il attendre une plus grande implication des entreprises de travaux agricoles ?

Cette étude n'a pas vocation à être exhaustive ou représentative en termes de fréquence quant à l'impact du retrait du glyphosate sur les systèmes de grandes cultures en France. Elle permet cependant de dresser un aperçu des alternatives qui seront principalement choisies à court terme : le travail du sol a été intensifié dans tous les systèmes étudiés (avec un retour au labour dans certains cas), la modification du désherbage en culture a été envisagée comme une alternative dans quatre des six exemples, seule une exploitation a choisi de modifier son assolement. Cette étude concerne donc les pratiques à court terme, ce qu'agriculteurs et techniciens sont prêts à faire dans les prochaines années. À long, voire moyen terme, de nouvelles pratiques et solutions puissent être déployées et ce, d'autant plus que l'économie agricole évolue : développement, sur certains secteurs, de la méthanisation à partir de biomasse agricole, volonté de certains acteurs de relocaliser la production de protéines végétales, nouveaux enjeux réglementaires, développement de l'agriculture de précision, arrivée de nouveaux modes d'actions herbicides, voire de bio-herbicides... Ces éléments pourront aussi participer à la modification des systèmes de cultures.

(1) Rodriguez A. et al., 2019. Retrait du glyphosate : analyse comparative de faisabilité et d'efficacité des pratiques agronomiques de remplacement, Phytoma n° 729, décembre 2019.(2) Reboud X. et al., 2017. Usages et alternatives au glyphosate dans l'agriculture française, Rapport Inra à la saisine, réf. TR507024, 85 pages.(3) Pierlot F., Marks-Perreau J., Réal B., Carluer N., Constant T., Lioeddine A., Van Dijk P., Villerd J., Keichinger O., Cherrier R., Bockstaller C., 2017. Predictive quality of 26 pesticide risk indicators and one flow model: A multisite assessment for water contamination. Science of the Total Environment 605-606, p. 655-665.(4) Pellerin S. et al., 2019. Stocker du carbone dans les sols français, quel potentiel au regard de l'objectif 4 pour 1 000 et à quel coût ? Synthèse du rapport d'étude, Inra (France), 114 p.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - À la suite de la décision gouvernementale d'interdire le glyphosate d'ici 2021, l'agriculture française doit apprendre à se passer de cette substance active, constitutive d'un grand nombre de systèmes de cultures. Son interdiction induit, à court terme, des modifications d'itinéraires techniques, voire une refonte des systèmes de culture.

ÉTUDE - Agrosolutions et les coopératives du réseau InVivo ont réalisé en 2020 une étude visant à évaluer les impacts économiques, environnementaux et sociaux de ces nouveaux systèmes de cultures dans différents contextes : polyculture-élevage, grandes cultures, semis direct...

RÉSULTATS - La sortie du glyphosate s'avère très dépendante des systèmes de culture préexistants et de la possibilité de mise en oeuvre des différentes alternatives. Dans la plupart des cas étudiés, la sortie du glyphosate s'accompagne d'une augmentation de l'indicateur de fréquence de traitement (IFT) herbicide à l'échelle du système, malgré le retour plus fréquent au travail du sol. Cette intensification du travail du sol s'accompagne d'une nette augmentation de consommation de carburant. Cependant, d'un point de vue environnemental, les émissions de gaz à effet de serre (GES) varient peu. Le changement de pratique fait appel à des herbicides racinaires qui présentent un risque de transfert vers les eaux souterraines important dans certains contextes. D'un point de vue social, la charge de travail pour les agriculteurs augmente, créant des pointes de travail difficilement absorbables dans l'organisation actuelle des exploitations.

MOTS-CLÉS - Glyphosate, alternative, grandes cultures, IFT (indicateur de fréquence de traitement), systèmes de culture, changement de pratiques, impact économique, impact environnemental, impact social.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : cdenieul@agrosolutions.com

BIBLIOGRAPHIE : voir notes.

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