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En mots et en pratiques

Stocker la récolte sans insecticides chimiques

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°735 - juin 2020 - page 52

La demande des industries agroalimentaires pour des matières premières stockées sans insecticides de stockage grandit. Des techniques efficaces existent, déjà mises en place par les collecteurs bio, voire conventionnels. L'anticipation et les mesures préventives sont au coeur de leur stratégie. Entretien avec Dimitri Penduff, d'Agribio Union.
Dimitri Penduff, responsable exploitation, en charge de la conservation des grains sur l'ensemble des silos d'Agribio Union dans le Sud-Ouest.

Dimitri Penduff, responsable exploitation, en charge de la conservation des grains sur l'ensemble des silos d'Agribio Union dans le Sud-Ouest.

 Photos : Agribio Union

Photos : Agribio Union

Pouvez-vous nous présenter Agribio Union ?

Dimitri Penduff : Agribio Union regroupe Agribio, coopérative dédiée à la production bio, et les activités bio d'Euralis, Arterris, Terres du Sud, Vivadour et Maïsadour. Une quarantaine d'espèces sont collectées sur 55 000 ha chez 1 500 producteurs de dix-sept départements de l'Occitanie et de la Nouvelle-Aquitaine. La production, qui a plus que doublé en quatre ans pour atteindre 100 000 t en 2019, est destinée à l'alimentation humaine et animale à parts égales. Agribio Union dispose actuellement de quatorze silos pour 110 000 t de capacité de stockage.

À quelles exigences devez-vous répondre ?

D. P. : Le label AB est soumis à la réglementation européenne relative à la production biologique et à des dispositions nationales qui interdisent l'utilisation de produits insecticides chimiques y compris pendant le stockage. Seules des

poudres inertes sont pour l'instant autorisées en France (produits présents dans le guide des intrants de l'INAO). Nos clients exigent tous l'absence de parasites vivants ou morts dans la marchandise. La présence d'insectes est la première cause de non-conformité commerciale.

Avant la moisson, comment préparez-vous le stockage ?

D. P. : Les solutions curatives étant peu nombreuses, nous misons sur les actions préventives. Les gaines de ventilation sont nettoyées minutieusement par aspiration pour éliminer les reliquats de grains et les amas de poussières favorables au développement des insectes. Les cellules sont ensuite traitées avec une poudre inerte (terre de diatomée) pour éliminer les insectes potentiels. Nous respectons, si possible, un vide sanitaire de trois semaines avant d'y stocker à nouveau du grain.

Quels sont les leviers au moment de la récolte ?

D. P. : À l'arrivée au silo, le grain passe systématiquement au nettoyeur-séparateur pour enlever les impuretés, facteur de développement des insectes. Cela améliore également la performance de la ventilation future. La température des lots de céréales arrivant au silo peut parfois atteindre 30 °C à 35 °C. Dès que le volume est suffisant dans la cellule, la ventilation est actionnée pour atteindre le premier palier de température (20 °C environ) fin août-début septembre, grâce aux nuits fraîches (entre 15 °C et 20 °C), et réduire ainsi le développement des insectes.

Quels moyens actionnez-vous pendant toute la durée de stockage ?

D. P. : Une ventilation est à nouveau lancée à l'automne pour descendre à 10-12 °C et stopper le développement des insectes. Dans les silos les plus récents, cette opération est pilotée automatiquement pour valoriser au mieux les écarts entre la température extérieure et celle du grain. En hiver, l'objectif serait d'atteindre les 5 °C. Mais avec le réchauffement climatique, nous parvenons au mieux à descendre à 8-9 °C sur les installations les plus performantes. En décembre-janvier, toute la récolte repasse au nettoyeur-séparateur pour enlever à nouveau poussières et grains cassés (transilage de conservation). Lors de la remontée des températures extérieures au printemps, la maîtrise des insectes passe par une détection précoce d'un développement potentiel grâce à la thermométrie, la surveillance visuelle des cellules, le transilage et des pièges à phéromones à l'extérieur des cellules.

Quelles sont les actions curatives possibles ?

D. P. : Bien réalisé, le nettoyage au séparateur est très efficace. L'inertage au CO2, confié à un prestataire, est aussi utilisé pour tuer les charançons dans du blé ou des teignes dans du soja ou des pois chiches non éliminés par le nettoyage. Les lots sont enfermés dans un contenant étanche (big-bag dans un conteneur maritime de 15 à 20 t ou citerne de transport de 20 à 30 t) dans lequel on injecte du CO2. Le traitement thermique (55 °C au coeur du grain) par passage au séchoir à céréales est aussi une solution efficace, principalement pour détruire des charançons sur céréales à paille. Nous utilisons très peu la terre de diatomée car sa mise en oeuvre est contraignante. Ces méthodes curatives permettent généralement de sauver les lots.

Avez-vous testé des techniques innovantes en préventif ?

D. P. : La bruche de la lentille étant difficile à éliminer au champ, nous avons recours à l'inertage au CO2 sur toute la collecte (1 000 t) pour les éliminer avant stockage. Après injection du CO2, les lentilles restent enfermées pendant quinze jours environ avant d'être transférées dans une cellule classique. Cette technique a aussi été utilisée pour un lot de petit épeautre que nous devions stocker 18 à 24 mois. Avant l'inertage, nous utilisions la congélation pour les lentilles, solution plus compliquée en termes de logistique, plus coûteuse et moins efficace. Nous étudions actuellement la désinsectisation par micro-ondes, une technique récente qui peut être utilisée en préventif ou en curatif. Elle semble être légèrement moins chère que l'inertage pour une efficacité équivalente et surtout beaucoup plus rapide : une vingtaine de jours pour 1 000 t de lentilles contre trois à quatre mois par inertage en raison du nombre limité de citernes et de conteneurs.

Y penser dès la conception des silos

Lors de la construction des silos verticaux dédiés au bio, des dispositifs ont été intégrés pour faciliter la conservation des grains sans insecticides : cellules en palplanches (qui réduisent les zones de rétention des grains) isolées thermiquement et équipées de système de vidange quasi intégrale, pièces mécaniques optimisées à l'intérieur des cellules pour éviter la rétention des grains, outils de nettoyage surdimensionnés. L'orientation des cellules a également été réfléchie pour limiter l'exposition au soleil et le réchauffement des grains au printemps.

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