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DOSSIER - Auxiliaires vs ravageurs Une lutte au long cours

Cas de résistance au flonicamide chez Dysaphis plantaginea

CLAIRE MOTTET, ELORRI SEGURA ET BENOÎT BARRÈS*, D'APRÈS UN ARTICLE RÉDIGÉ POUR LA 12E CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RAVAGEURS ET AUXILIAIRES EN AGRICULTURE (CIRAA) ORGANISÉE PAR VÉGÉPHYL** *Anses-Laboratoire de Lyon - Lyon. **Initialement programmée l - Phytoma - n°738 - novembre 2020 - page 40

Le plan de surveillance des résistances a caractérisé des clones de puceron cendré du pommier résistants au flonicamide.
 Dysaphis plantaginea sur plantain : un adulte et deux larves, vus à la loupe binoculaire.  Photo : Anses- Casper

Dysaphis plantaginea sur plantain : un adulte et deux larves, vus à la loupe binoculaire. Photo : Anses- Casper

Fig. 1 : Répartition des prélèvements de pucerons reçus en fonction des régions en 2017, 2018 et 2019       Plans de surveillance des résistances DGAL-Anses.

Fig. 1 : Répartition des prélèvements de pucerons reçus en fonction des régions en 2017, 2018 et 2019 Plans de surveillance des résistances DGAL-Anses.

Fig. 2 : Résultats de la recherche de clones résistants dans des populations de Dysaphis plantaginea en 2017, 2018 et 2019      La couleur bleue représente les prélèvements dans lesquels aucune résistance n'a été détectée. La couleur orange représente les prélèvements dans lesquels une résistance a été détectée selon le protocole utilisé. Il suffit qu'un seul clone au sein de la population soit identifié comme résistant pour que le prélèvement soit déclaré résistant. Le chiffre à l'intérieur des camemberts représente l'effectif pour lequel un résultat a été obtenu.

Fig. 2 : Résultats de la recherche de clones résistants dans des populations de Dysaphis plantaginea en 2017, 2018 et 2019 La couleur bleue représente les prélèvements dans lesquels aucune résistance n'a été détectée. La couleur orange représente les prélèvements dans lesquels une résistance a été détectée selon le protocole utilisé. Il suffit qu'un seul clone au sein de la population soit identifié comme résistant pour que le prélèvement soit déclaré résistant. Le chiffre à l'intérieur des camemberts représente l'effectif pour lequel un résultat a été obtenu.

 2. Matériel pour test de résistance au flonicamide par trempage de feuille sur Dysaphis plantaginea.

2. Matériel pour test de résistance au flonicamide par trempage de feuille sur Dysaphis plantaginea.

 3. Plaque de test de résistance au flonicamide par trempage de feuille, sur Dysaphis plantaginea.

3. Plaque de test de résistance au flonicamide par trempage de feuille, sur Dysaphis plantaginea.

4. Dysaphis plantaginea sur plantain dans un puits de plaque pour test de résistance par trempage de feuille. Photos : Anses - Casper

4. Dysaphis plantaginea sur plantain dans un puits de plaque pour test de résistance par trempage de feuille. Photos : Anses - Casper

La lutte contre le puceron cendré du pommier, Dysaphis plantaginea, une des espèces les plus nuisibles sur pommier, repose sur un nombre restreint d'insecticides, parmi lesquels le flonicamide. À ce jour, aucune résistance à cette substance active n'avait été décrite chez ce puceron.

Ravageur et moyen de lutte

Le plus nuisible des pucerons des pommiers

Dysaphis plantaginea (Passerini, 1860) (photo 1), le puceron cendré du pommier, a pour hôte primaire le pommier (Malus communis), et pour hôte secondaire le plantain lancéolé (Plantago lanceolata) (Blommers, 1999). Il suit un cycle holocyclique dioecique, c'est-à-dire qu'il alterne des phases de reproduction sexuée sur l'hôte primaire à l'automne, suivies d'une migration sur son hôte secondaire au printemps où se produit la phase de multiplication asexuée (Hullé et al., 2020). Il provoque, par ses piqûres, de graves déformations des organes végétaux. Les feuilles se recroquevillent et peuvent tomber, les rameaux sont déformés, la chute physiologique est contrariée, les fruits restent nombreux, petits et bosselés (Forrest et Dixon, 1975 ; De Berardinis et al., 1994).

D. plantaginea est le plus nuisible des pucerons des pommiers car il est très fécond (reproduction par parthénogenèse), nuisible tôt au printemps (Bloomers 1994, Blommers et al., 2004) et occasionne des pertes économiques importantes aux Pays-Bas (Bloomers et al., 2004), en Belgique (Simon et al., 2011) et en France (Rousselin et al., 2017).

Une lutte principalement chimique

La lutte contre ce ravageur est principalement chimique (bien que des variétés résistantes soient aussi utilisées (Miñarro et al., 2005 ; Rousselin et al., 2017), mais d'autres méthodes sont aussi employées : barrière physique (argile) (Cross et al., 2007), huiles minérales (Cross et al., 2007), ou prophylaxie par défoliation et le fait de favoriser les espèces auxiliaires (Dib et al., 2016 ; Cahenzly et al., 2017). Dans le contexte du changement climatique (avec des hivers doux plus fréquents), la pression du puceron cendré sur pommier est telle que le seuil de d'intervention est très bas : il est préconisé de traiter dès la détection du premier puceron (Dib et al., 2016).

La lutte chimique contre le puceron cendré du pommier, depuis l'interdiction des néonicotinoïdes en 2018, repose principalement sur six substances actives de modes d'action différents appartenant à quatre familles : les pyréthrinoïdes (deltaméthrine, esfenvalérate, lambda-cyhalothrine et tau-fluvalinate, seuls ou en association avec du pirimicarbe - famille des carbamates - pour les deux dernières) ; le flonicamide, un perturbateur des organes chordotonaux qui inhibe la prise alimentaire(famille des pyridine-carboxamides) ; et le spirotétramate (famille des dérivés des acides tétronique et tétramique)(1).

Le petit nombre de matières actives de modes d'actions différents disponibles contre ce ravageur est favorable à l'évolution de phénomènes de résistance (R4P, 2016), qu'il convient de surveiller. Les pyréthrinoïdes sont une famille assez ancienne d'insecticides. Les phénomènes de résistance de D. plantaginea vis-à-vis de ces produits sont d'ailleurs connus depuis de nombreuses années (Delorme et al., 1997). Le spirotétramate et le flonicamide ont été plus récemment homologués (2015 et 2005, respectivement(2)). Le flonicamide semble particulièrement à surveiller pour l'évolution de résistances étant donné son utilisation importante depuis plusieurs années. La résistance de D. plantaginea au flonicamide a donc fait l'objet d'un suivi, à partir de 2017, dans le cadre du plan de surveillance des résistance DGAl-Anses, qui s'inscrit dans le volet du suivi des effets non intentionnels de la surveillance biologique du territoire.

Matériel et méthodes

Prélèvements

Les prélèvements de pucerons sont issus des plans de surveillance des résistances DGAl-Anses 2017 à 2019 (annexe 3 des notes de service DGAL/SDQSPV/2016-992 du 20 décembre 2016, DGAL/SDQSPV/2018-21 du 28 décembre 2017 et DGAL/SDQSPV/2019-31 du 14 janvier 2019) (Figure 1). Ces prélèvements sont faits sur la base de suspicions de phénomènes de résistance.

En parallèle de ces prélèvements, un clone (un individu femelle isolé et qui s'est multiplié de manière asexuée) de référence sensible a été testé : 16-0042-0001. Ce clone, issu d'un pommier isolé non traité, est élevé en laboratoire depuis 2016. Sa sensibilité au flonicamide a été évaluée par des tests en gamme de doses, et comparée à celles d'autres clones prélevés dans les plans de surveillance. On considère que ce clone a une DL50 basse.

Produits phytosanitaires

Le flonicamide agit par contact et ingestion (Morita et al., 2007). Ce perturbateur des organes chordotonaux (récepteurs intradermiques) des insectes aboutit à une inhibition de la prise alimentaire et à la mort des individus sensibles. Le site cible de la molécule reste toutefois inconnu à ce jour (Ren et al., 2018).

Pour ce test biologique par trempage de feuilles, c'est le produit formulé qui est utilisé : le Teppeki, formulé en solution à 50 % de flonicamide, Belchim Crop Protection France SA.

Mise en place du protocole

L'objectif, lors du développement de la méthode, était de disposer d'un test simple, miniaturisé et qui ne requiert pas trop de temps de manière à pouvoir tester les pucerons dès le stade visé atteint. Pour des raisons de praticité, nous avons utilisé les feuilles de plantain lancéolé comme support de test. Nous avons systématisé la conduite de l'élevage et synchronisé les pucerons pour disposer de suffisamment d'adultes le jour de la mise en test. Les tests sont considérés comme valides tant que la mortalité observée dans le témoin non traité est inférieure à 10 %.

Le test par trempage de feuilles a été adapté à partir de la méthode IRAC 019.v3.2 recommandée pour les tests de résistance sur pucerons (photos 2 à 4 p. 43). Il consiste à exposer des larves de premier stade à des feuilles de plantain traitées avec une gamme de doses de flonicamide, en laissant pondre des adultes pendant 24 h directement sur les feuilles traitées, et en évaluant la mortalité après 120 h d'exposition. Les tests peuvent être de deux types : test en gamme de doses ou en dose discriminante(3). Pour les tests en gamme de doses, chaque test est constitué de cinq doses ainsi que d'un témoin non traité, avec dix à douze répétitions par dose, alors que pour les tests en dose discriminante, les pucerons sont divisés en deux lots, l'un exposé à la dose discriminante, l'autre au témoin non traité.

Évolution du protocole et calcul du facteur de résistance

La méthode de test biologique de recherche de la résistance de D. plantaginea au flonicamide par trempage de feuilles s'est affinée au cours des trois années d'études présentées ici. Dans un premier temps, il était nécessaire de passer par l'établissement de courbes dose-réponse pour caractériser les clones disponibles. En 2017, l'étude a donc débuté avec un test en gamme de doses (5 doses et un témoin non traité).

Dès l'identification d'un clone sensible (en 2016) et d'un clone résistant en 2017, une dose discriminante a été choisie, afin de pouvoir tester plus d'individus plus rapidement, et ainsi gagner en efficacité et en représentativité (R4P, 2016). Cette dose, déterminée à 2,5 mg/l de flonicamide, a été utilisée pour les tests à la réception des prélèvements en 2018 et 2019. La dose discriminante choisie étant proche de la DL97, et non d'une DL100, des tests de confirmation ont été effectués pour exclure les faux-positifs potentiels. Ce test de confirmation a été effectué en gamme de doses en 2018, puis en dose discriminante en 2019 (2,5 mg/l à nouveau), toujours avec pour objectif d'accroitre le débit d'analyse. Le prélèvement est considéré résistant s'il contient au moins un individu résistant.

L'analyse des résultats et la détermination de la DL50 sont effectuées avec le package 'drc' (Ritz et al., 2015) dans le logiciel R (R Core team, 2018). Une comparaison avec les résultats obtenus sur le clone sensible qui sert de référence (16-0042-0001) est réalisée en calculant le facteur de résistance (FR = DL50 échantillon/DL50 référence sensible). Pour être valable, une répétition de test en gamme de doses doit comporter au moins vingt individus en moyenne par dose, et la mortalité enregistrée dans le témoin non traité doit être inférieure à 10 %.

Résultats des tests par année

2017

En 2017, les prélèvements ont été traités en clones. Ces clones ont été soumis à une gamme de doses ajustée en fonction des premiers résultats obtenus ; pour chaque clone, cinq doses ont été choisies parmi les doses suivantes (en plus du témoin non traité, systématiquement inclus) : 0,1 - 0,5 - 1 - 2,5 - 12,5 - 62,5 - 312,5 - 1 562,5 mg/l de flonicamide.

Les DL50 obtenues pour chaque clone, servant de base de comparaison avec la DL50 de la référence sensible, sont présentées dans le Tableau 1. Les facteurs de résistance (FR) ont été calculés par rapport à la référence sensible (clone 16-0042-0001).

2018

En 2018, les pucerons ont été multipliés à la réception des prélèvements sur une à deux générations, puis testés en dose discriminante (2,5 mg/l), avec une confirmation par test en gamme de doses sur la descendance des individus survivants au premier test. Les résultats sont présentés dans le Tableau 2.

Lors de ce premier test en dose discriminante, seuls deux prélèvements ont présenté des individus survivants, à raison d'un puceron viable par prélèvement testé. Ces prélèvements proviennent l'un de la région Centre-Val de Loire (identifiant numéro 18-0087), l'autre de la région Nouvelle-Aquitaine (identifiant numéro 18-0103). Les pucerons survivants au test en dose discriminante ont été multipliés de manière clonale, puis testés en gamme de dose. Pour le premier (issu du prélèvement 18-0087), la DL50 s'est élevée à 0,61 mg/l, valeur proche de celle de la référence sensible, ce qui donne un facteur de résistance proche de 1. Nous concluons donc à la sensibilité de ce prélèvement au flonicamide. Pour le second clone survivant au test en dose discriminante (issu du prélèvement 18-0103), le test en gamme de dose a révélé une DL50 de 7,04 mg/l, soit un facteur de résistance avec la référence sensible proche de 17. Ce clone s'avère donc bien résistant, conférant au prélèvement 18-0103, provenant de Nouvelle-Aquitaine, le statut de prélèvement résistant.

2019

En 2019, les pucerons ont été dans un premier temps testés par dose discriminante (2,5 mg/l), suivi d'une confirmation de résistance par un nouveau test en dose discriminante sur les descendants des survivants au premier test. Les résultats sont présentés dans le Tableau 3.

Lors du premier test en dose discriminante, un seul des cinq prélèvements analysés (19-0204, provenant de Centre-Val de Loire) s'est avéré sensible (aucun puceron survivant à la dose discriminante), alors que les quatre autres (issus de Centre-Val de Loire et Nouvelle-Aquitaine) ont présenté des individus survivants, à raison de quelques pucerons viables par prélèvement testé (Tableau 3). La résistance a été confirmée par un nouveau test en dose discriminante (2,5 mg/l) pour tous les prélèvements (19-0173, 19-0174, et 19-0177 (Nouvelle-Aquitaine) et 19-0176 (Centre-Val de Loire)).

Récapitulatif des résultats

Sur les trois années de surveillance, seuls quatorze prélèvements ont pu être analysés sur les dix-sept initialement prévus. Au moins un clone résistant a pu être détecté dans six de ces quatorze prélèvements (environ 43 %) (prélèvements 17-0041, 18-0103, 19-0173, 19-0174, 19-0176 et 19-0177). La répartition de ces prélèvements incluant des clones résistants est assez large géographiquement : cinq départements sont concernés (départements Dordogne, Indre-et-Loire, Deux-Sèvres, Tarn-et-Garonne, Vendée) sur les sept explorés à ce jour (départements précédemment cités, auxquels s'ajoutent Bouches-du-Rhône et Loiret) (Figure 2).

Peu d'informations sur cette résistance dans la littérature

Puceron cendré : une résistance aux insecticides peu étudiée

Les six populations considérées résistantes dès lors qu'un individu était identifié comme résistant ne forment pas un foyer isolé, mais sont réparties sur la façade ouest du territoire français. L'absence, dans la littérature, de signalement de cas de résistance de D. plantaginea au flonicamide ne laissait pas présager d'un tel résultat.

La résistance aux insecticides en général semble très peu étudiée chez D. plantaginea, un puceron pour lequel les études dédiées sont déjà peu abondantes, peut-être en raison du faible impact de D. plantaginea sur la récolte de l'année, alors que l'impact est conséquent à plus long terme (Rousselin et al., 2017). Dans la littérature, la résistance de D. plantaginea aux insecticides apparaît principalement dans les études de Delorme, en 1997 et 1999, dans lesquels il décrit la résistance d'une souche à un insecticide de chacune des familles suivantes : organo-phosphorés, carbamates et carbamyltriazoles, ainsi qu'à un insecticide de la famille des pyréthrinoïdes, sans qu'il soit précisé s'il s'agit de résistance ou d'inefficacité (Delorme et al., 1997 ; Delorme et al., 1999). Dans le livre Aphids as crop pests (Van Emden et Harrington, 2017), D. plantaginea figure d'ailleurs dans la catégorie des « pucerons qui posent une menace mineure ou potentielle ». Les auteurs y recensent des cas de résistance décrits par Wiesmann en 1955 (résistance aux organo-phosphorés), Hohn en 1995 et 1996 (carbamates), Delorme (études citées ci-dessus) et Schaub en 2001 (néonicotinoïdes) (Van Emden et Harrington, 2017). Les études plus récentes consacrées à D. plantaginea ne citent aucun autre cas de résistance aux insecticides chez ce puceron (Guillemaud et al., 2011 ; Dib et al., 2016 ; Rousselin et al., 2017).

Résistance au flonicamide : peu de cas relatés

Par ailleurs, la résistance au flonicamide ne fait pas non plus l'objet d'un grand nombre de publications. De fait, le flonicamide est un insecticide relativement nouveau, puisqu'autorisé en France en 2005(4), et il a une cible différente des autres insecticides, ce qui le place à part dans la classification IRAC (classe 29) ou R4P (N12 - Substances anti-appétantes affectant les organes chordonataux - cible inconnue), dans les deux cas, le flonicamide est le seul représentant de la classe. La plupart des publications qui mentionnent la résistance au flonicamide en parlent donc surtout pour souligner l'absence de résistance croisée à d'autres insecticides (Morita et al., 2014 ; Ren et al., 2018), ou l'absence de résistance tout court (Jansen et al., 2011 ; Bass et al., 2015). On trouve néanmoins quelques études spécifiques à l'examen de la résistance au flonicamide, par exemple chez les espèces Bemisia tabaci en Grèce (Roditakis et al., 2014), Aphis gossypii aux États-Unis (Gore et al., 2013) ou Amrasca devastans au Pakistan (Abbas et al., 2018). À ce jour, il semble que l'existence d'une résistance au flonicamide n'ait été mise en évidence que chez deux autres espèces d'insectes cibles : A. gossypii en Corée du Sud (Koo et al., 2014) et B. tabaci en Inde (Akoijam et al., 2019).

Un emploi fréquent en contexte de gestion intégrée

La résistance de D. plantaginea au flonicamide annoncée ici est donc relativement inattendue, quoique le petit nombre de substances actives disponibles sur cet usage laisse imaginer un recours fréquent à cette substance active, d'autant qu'elle est sélective (efficace seulement sur pucerons et certains piqueurs-suceurs (Morita et al., 2014)) et de ce fait recommandée dans la gestion intégrée des bioagresseurs (Ren et al., 2018). Auxiliaires et prédateurs étant utilisés dans la lutte contre D. plantaginea (Garzón et al., 2015 ; Dib et al., 2016 ; Rousselin et al., 2017 ; Pålsson et al., 2020), ce souci de les préserver a pu favoriser le recours au flonicamide.

Même si la résistance démontrée ici est indéniable, les facteurs de résistance des clones pour lesquels une DL50 a été établie restent faibles ou modérés (FR allant jusqu'à 17 pour le clone le plus résistant, autour de 3 à 10 pour la plupart) pour des insectes. À titre de comparaison, Bass et ses collègues parlent de faible niveau de résistance pour un FR de 10, et de niveau de résistance élevé avec un FR allant jusqu'à 800 (Bass et al., 2011, sur Myzus persicae). S'il ne peut être écarté, un lien avec des pertes d'efficacité du flonicamide au verger est compliqué à faire en l'absence d'essais contrôlés. Des suspicions d'échec de traitement ont cependant été signalées sur le terrain.

Une résistance à surveiller

La résistance au flonicamide a été détectée dans six populations de D. plantaginea parmi quatorze testées par tests biologiques, dans plusieurs régions françaises. Cette résistance, avec des facteurs de résistance FR qui restent toutefois modérés, est donc bien présente, alors qu'il existe peu d'occurrences dans la littérature de résistance de D. plantaginea aux insecticides quels qu'ils soient, mais aussi de résistance d'insectes divers au flonicamide.

La résistance de D. plantaginea au flonicamide est donc à surveiller avec attention, d'autant que Guillemaud et ses collègues ont montré que la structuration génétique(5) des populations de D. plantaginea était faible, ce qui est certainement la conséquence d'une grande capacité migratoire de cette espèce. Un génotype résistant pourrait donc rapidement se répandre après son émergence, et conduire à une expansion rapide de la résistance (Guillemaud et al., 2011). Peut-être serait-il aussi judicieux d'élargir la détection à d'autres substances actives (spirotétramate entre autres), ou pour d'autres espèces d'insectes (flonicamide sur Myzus persicae par exemple).

1) Source : https://ephy.anses.fr/(2) Source : https://ephy.anses.fr/(3) Dose discriminante : dans des conditions contrôlées, dose de pesticide qui tue ou inhibe la croissance ou le développement de tous les génotypes considérés comme sensibles. Tout génotype pouvant croître, se développer ou survivre à cette dose correctement appliquée est considéré comme résistant. Source : www.r4p-inra.fr/fr/glossaire/

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le flonicamide tient une place importante dans la lutte contre le puceron cendré du pommier, Dysaphis plantaginea, une des espèces les plus nuisibles sur pommier. Cet insecticide, qui agit par inhibition de la prise alimentaire, a été mis sur le marché en 2005. À ce jour, aucune résistance à cette substance active n'avait été décrite chez D. plantaginea.

ÉTUDE - Une méthode de mesure de la sensibilité par test biologique a été mise au point dans le cadre du plan de surveillance des résistances DGAL-Anses. Ce test par trempage de feuilles réalisé en gamme de doses a permis la caractérisation des premiers clones résistants au flonicamide. Une dose discriminante a pu être déterminée afin de cribler de manière simplifiée un grand nombre d'individus au sein des populations de pucerons prélevés.

RÉSULTATS - À ce jour, des clones résistants au flonicamide ont été détectés dans six populations de D. plantaginea sur quatorze analysées en France au cours de trois années. Les facteurs de résistance des clones isolés sont pour l'instant modérés. Dans un contexte général de réduction de la diversité des modes d'action, le flonicamide devient une molécule de plus en plus centrale dans la lutte contre les pucerons et certains insectes piqueurs-suceurs (aleurodes notamment). La surveillance de la situation vis-à-vis de la résistance au flonicamide doit donc être poursuivie.

MOTS-CLÉS - Puceron cendré du pommier, Dysaphis plantaginea, flonicamide.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : claire.mottet@anses.fr.

Le protocole de test détaillé est disponible auprès des auteurs.

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article (26 références) est disponible auprès de ses auteurs (contact ci-dessus).

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