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ACTUS - BIOCONTRÔLE

DE NOUVELLES SOLUTIONS DE PROTECTION À DÉPLOYER

Phytoma - n°739 - décembre 2020 - page 4

Le gouvernement a publié, le 10 novembre, sa stratégie nationale de déploiement du biocontrôle, dont l'usage implique une appropriation par les agriculteurs et une réelle évolution des modes de production.
Diffuseur de phéromones pour la lutte par confusion sexuelle contre le carpocapse des pommes. Photo : Sumi Agro

Diffuseur de phéromones pour la lutte par confusion sexuelle contre le carpocapse des pommes. Photo : Sumi Agro

æAfin de renforcer l'essor du biocontrôle, la loi du 30 octobre 2018 dite loi EGalim(1) prévoit que le gouvernement adopte une stratégie nationale de déploiement du biocontrôle. Cette stratégie, pour les cinq années à venir, a été publiée le 10 novembre 2020. Copilotée par le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation et par le ministère de la Transition écologique, elle vise à mettre en oeuvre une série de mesures dans le domaine de la recherche, de l'expérimentation, de l'innovation industrielle et du déploiement sur le terrain. Quatre axes sont définis et leurs objectifs détaillés : accélérer la recherche, l'industrialisation et le développement de nouvelles solutions de biocontrôle (quatorze objectifs) ; simplifier les procédures réglementaires pour l'autorisation et l'utilisation des solutions de biocontrôle (sept objectifs) ; assurer le déploiement du biocontrôle sur le territoire (dix objectifs) ; promouvoir le biocontrôle au niveau de l'Union européenne (trois objectifs).

æAu niveau national, dès 2021, vont notamment être engagés :

- la mise en place d'un dispositif d'accompagnement des TPE/PME développant des produits de biocontrôle et les techniques facilitant leur mise en oeuvre, dispositif porté par la Banque publique d'investissement ;

- la consolidation de la définition réglementaire du biocontrôle ; l'objectif est de ne viser que les produits dépourvus de risque, ou présentant un risque faible pour la santé ou l'environnement ;

- le recours facilité aux pièges à phéromones pour la surveillance et la lutte contre les insectes ravageurs des cultures ; dans ce cadre, depuis peu, le piégeage de masse à base de médiateurs chimiques et sans substance insecticide est dispensé d'AMM (Phytoma n° 738, p. 7) ;

- la simplification des procédures administratives pour la dissémination dans l'environnement des macro-organismes utiles à la protection des plantes.

La stratégie vise aussi à favoriser la mise en place de dispositifs d'évaluation ou d'expérimentation adaptés (tests en combinaison avec d'autres pratiques), à améliorer la formation des acteurs professionnels et l'information du grand public, à valoriser économiquement les nouvelles pratiques (éventuellement en alignant la TVA pour les solutions de biocontrôle à celle des produits UAB.

æL'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) définit les produits de biocontrôle comme des méthodes de protection des végétaux reposant sur l'utilisation de mécanismes naturels. L'objectif est une gestion des équilibres de populations plutôt que leur éradication. Les produits de biocontrôle comprennent en particulier : les macro-organismes (lutte biologique) ; et des produits phytopharmaceutiques composés de micro-organismes, de médiateurs chimiques (phéromones, kairomones...), ou de substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Hormis les macro-organismes, il s'agit bien de produits phytopharmaceutiques, qui à ce titre sont soumis aux exigences européennes et autorisés sur le territoire national à l'issue d'une évaluation des risques pour la santé humaine, la santé animale et l'environnement.

La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 introduit la mise en place d'une réglementation nationale spécifique pour leur utilisation . Par rapport aux autres produits phyto, ils bénéficient de différents avantages (fiscalité réduite, délais d'évaluation réduits, exemption d'interdiction des remises, rabais et ristournes, exemption de l'obligation d'agrément pour les produits sans mention de danger, publicité possible en 4e de couverture, exemption de l'obligation de mettre en place des mesures de protection des personnes).

æL'origine naturelle des produits et agents de biocontrôle ne garantit pas à elle seule qu'ils ne présentent pas de risque pour la santé ou l'environnement. C'est pourquoi une liste nominative (articles L. 253-5 et L. 253-7 du CRPM), dite « liste de biocontrôle » ne retenant que les produits d'origine naturelle présentant un risque faible est mise à jour mensuellement. Ces produits sont éligibles à davantage d'exemptions et facilitations : exemption de l'interdiction de publicité commerciale ; utilisation possible dans les espaces verts, forêts, voiries ou promenades accessibles ou ouverts au public ; emploi possible par les utilisateurs non-professionnels pour ceux accompagnés de la mention « emploi autorisé dans les jardins » (EAJ) ; non prise en compte dans le calcul des obligations liées à la mise en oeuvre des CEPP ; taxe réduite sur la vente des produits phytopharmaceutiques. Et à partir du 1er janvier 2021, les entreprises utilisatrices de produits phytopharmaceutiques qui n'utilisent que des produits de biocontrôle seront exemptées de l'obligation de disposer d'un conseil stratégique (Phytoma n° 737, p. 4).

æTous les produits de biocontrôle ne comportent pas forcément la mention UAB ou PBA (Production biologique amateur). Un des objectifs de la stratégie nationale est de permettre une délivrance rapide de ces mentions aux produits de biocontrôle.

Par ailleurs, un produit de biocontrôle ne se substitue pas forcément à un produit phyto conventionnel, par exemple en raison d'une efficacité plus limitée. Un des objectifs de la stratégie vise d'ailleurs à accompagner la prise de risque due à la réduction des traitements conventionnels et l'utilisation de ces solutions de biocontrôle. Elles doivent être associées à d'autres méthodes et pratiques, tels que la sélection variétale, de nouvelles pratiques culturales (rotation, diversification, travail du sol...), des outils d'aide à la décision... voire un changement de système de production. La complexité de certains modes d'action (par exemple, la stimulation des défenses des plantes), leurs interactions avec l'environnement (climat, sol, auxiliaires...) nécessitent de renforcer les connaissances et d'optimiser leur évaluation, en structurant notamment la communauté de travail en R&D (voir l'exemple du Consortium Biocontrôle p. 33). Leur utilisation entraîne aussi une réelle évolution des pratiques agricoles, passant par une gestion globale de la protection intégrée des cultures (exemple du projet Euclid p. 44) et une approche agronomique de la production. Certaines solutions de biocontrôle (phéromones pour la confusion sexuelle par exemple, voir p. 29) nécessitent d'être mises en place sur un territoire important, demandant une action coordonnée et collective des agriculteurs.

æSelon le baromètre 2019 IBMA France, le biocontrôle représente plus de 11 % du marché français des produits phytopharmaceutiques, soit un volume de ventes estimé à 217 millions d'euros en 2019, en progression d'environ 8,5 % entre 2018 et 2019. L'association française des entreprises de produits de biocontrôle(2) fait état d'une part de marché possible de 15 % d'ici 2022 et de 30 % à l'horizon 2030. Elle espère pouvoir proposer deux solutions de biocontrôle à modes d'actions complémentaires pour la majorité des usages d'ici dix ans. Le biocontrôle représentait, fin 2019, près de la moitié des actions standardisées au titre des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).

Selon le rapport sur la stratégie de déploiement, au premier janvier 2020, le nombre de produits phyto de biocontrôle (au sens de l'article L. 253-5 du CRPM, c'est-à-dire ceux de la liste de biocontrôle) disponibles sur le marché était de 523 (près de 100 substances actives), tandis que le nombre de références à base de macro-organismes autorisés atteignait 377, soit un pourcentage d'usages couverts de 40 %. Les objectifs visés au 1er janvier 2025 par la stratégie sont respectivement de 1 000 produits listés et 420 références macro-organismes couvrant 60 % des usages. Une des actions en ce sens consiste à recenser, d'ici 2022, les produits alternatifs utilisés dans d'autres pays et étudier les possibilités de les autoriser en France.

æConcernant la mise en oeuvre des produits de biocontrôle, le rapport souligne la nécessité d'adapter les conditions de stockage (réfrigération...) et de distribution pour certains produits, et de développer de nouveaux équipements (par exemple pour la pulvérisation de formulations à base de micro-organismes). La partie « agroéquipements » est intégrée dans le plan de relance, qui prévoit de rendre accessible, à partir du début de l'année 2021, une « aide à la conversion des équipements pour doter les agriculteurs de matériels plus performants en matière environnementale, permettant une agriculture plus sobre en intrants », dotée de 135 M€.

æS'il constitue le sujet direct de la stratégie de déploiement, le biocontrôle intègre par ailleurs d'autres initiatives : il s'inscrit dans la stratégie d'accélération « systèmes agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique » du pacte productif 2025, il fait l'objet de projets financés dans le cadre du programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement » lancé en juin 2019.

Les objectifs de la stratégie nationale font écho à ceux de la stratégie européenne « de la ferme à la table » de la Commission européenne, qui vise à réduire de 50 % l'utilisation des produits phyto et des risques qui leur sont associés, et de baisser de 50 % l'utilisation des produits phyto les plus préoccupants à l'horizon 2030. Pour cela, la Commission souhaite faciliter le recours à des produits à base de substance(s) active(s) d'origine biologique présentant un impact limité sur l'environnement et la santé.

(1) Loi n° 2018-938 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.(2) IBMA France fédère 42 membres, dont 33 membres actifs représentant 90 % du marché du biocontrôle en France. L'association organise tous les ans les Rencontres annuelles du biocontrôle. La prochaine édition se tiendra le 26 janvier 2021.

POUR EN SAVOIR PLUS

- Stratégie nationale de déploiement : https://agriculture.gouv.fr/strategie-nationale-de-deploiement-du-biocontrole

- Qu'est-ce que le biocontrôle : https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole

GLOSSAIRE

• AMM = autorisation de mise sur le marché

• De biocontrôle L. 253-5 = figurant sur la liste des produits de biocontrôle « établie au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7, IV du code rural (...) »

• JORF = Journal officiel de la République française

• JOUE = Journal officiel de l'Union européenne

• MAA = ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation

• Phyto = phytopharmaceutique (qualifie un produit, une substance, un pesticide, un marché...)

• UAB = utilisable en agriculture biologique

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