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DOSSIER - Se protéger des diptères sans prendre la mouche

Les diptères d'importance agronomique

MICHEL MARTINEZ, entomologiste - Sausset-les-Pins. - Phytoma - n°740 - janvier 2021 - page 14

Mouches, moustiques, taons, tipules, syrphes... les diptères constituent un ordre d'une grande diversité. Certaines espèces sont phytophages d'autres sont prédatrices ou parasitoïdes : combien sont-elles ? Qui sont-elles ? Que font-elles ?
 1. Liriomyza chinensis (Kato) (diptère Agromyzidae) : mouche mineuse des Alliaceae.

1. Liriomyza chinensis (Kato) (diptère Agromyzidae) : mouche mineuse des Alliaceae.

2. Pegomya betae (Curtis) (diptère Anthomyiidae) : mouche de la betterave. Dessins : R. Prechac - Inrae

2. Pegomya betae (Curtis) (diptère Anthomyiidae) : mouche de la betterave. Dessins : R. Prechac - Inrae

Eumerus strigatus (Fallén) (diptère Syrphidae) : mouche des bulbes. Dessin : R. Prechac - Inrae

Eumerus strigatus (Fallén) (diptère Syrphidae) : mouche des bulbes. Dessin : R. Prechac - Inrae

Les diptères constituent un ordre de première importance sur les plans économique, agronomique et écologique. Ils forment un groupe très varié, tant par leur morphologie que par leur biologie et c'est probablement, au sein du règne animal, l'ordre qui présente la plus grande diversité biologique et écologique.

Les diptères phytophages, ravageurs avérés ou potentiels

Deux-cent soixante-quinze espèces nuisibles, dans dix-neuf familles

On trouve des diptères réellement phytophages dans trente-deux familles, dont dix-neuf d'entre elles (Tableaux 1 et 2) comprennent des espèces plus ou moins nuisibles à nos plantes cultivées, à nos essences forestières ou à certaines de nos denrées alimentaires, principalement les fruits stockés. Il n'existe pas de diptères dommageables aux produits manufacturés. Sur les 9 000 espèces recensées en France, 275 sont ainsi considérées comme nuisibles, ravageurs avérés ou potentiels.

Principalement nuisibles au stade larvaire

Dans la majorité des cas, les adultes de diptères, phytophages ou non, consomment avec leur trompe des matières organiques végétales ou animales en décomposition, du nectar, divers exsudats de plantes ou du miellat produit par certains hémiptères (pucerons, cicadelles). Environ 65 % des diptères sont saprophages, détritiphages ou nécrophages aux stades larvaires.

Chez les diptères phytophages, seules les larves sont nuisibles, sauf rares exceptions. Certains adultes peuvent contaminer les végétaux, surtout lors de la ponte en leur inoculant des organismes pathogènes (maladies fongiques, virus, etc.). Les nombreuses piqûres foliaires (piqûres de nutrition), faites par les femelles d'Agromyzidae (Liriomyza spp...) avec leur ovipositeur, peuvent évoluer en points nécrotiques dépréciant la valeur marchande de certaines plantes comme les salades.

Ravageurs des parties aériennes ou souterraines

Les diptères phytophages ravageurs se répartissent en deux groupes selon leur mode d'alimentation :

• ceux, trente-cinq espèces concernées en France, appartenant aux familles des Bibionidae, Chironomidae, Sciaridae et Tipulidae, qui consomment obligatoirement des organes végétatifs souterrains, c'est-à-dire la partie hypogée des plantes ; leurs larves sont généralement exophytes avec une capsule céphalique et des mandibules broyeuses, qui dévorent, sectionnent, broutent ou rongent les tissus végétaux, à la manière des chenilles de lépidoptères ou des larves de coléoptères ;

• ceux, les plus nombreux avec quinze familles et environ 240 espèces concernées en France, qui consomment majoritairement des organes végétatifs aériens, c'est-à-dire la partie épigée des plantes. Leurs larves sont généralement endophytes, pourvues de stylets ou de crochets mandibulaires qui agissent à la manière des lames d'un couteau à scie. Les végétaux sont finement incisés et perforés. Certains provoquent sur les végétaux des déformations ou des galles spécifiques, appelées diptérocécidies ; les larves y trouvent refuge et nourriture. Les diptères sont le groupe le plus important parmi les hexapodes galligènes et ils sont à l'origine d'environ 40 % des galles végétales ; les Cecidomyiidae en provoquent près de 35 %.

Tous les organes végétatifs peuvent être consommés par les larves des diptères, depuis les radicelles jusqu'aux bourgeons, fleurs, fruits et graines. La grande majorité des diptères phytophages sont monophages ou oligophages, la polyphagie étant rare.

Les diptères auxiliaires

Parasitoïdes ou prédateurs

Le rôle des diptères en tant qu'auxiliaires est très important. Beaucoup de diptères sont prédateurs souvent généralistes, comme les Hybotidae ou certains Muscidae du genre Coenosia. Ils sont parfois prédateurs spécialistes, comme certains Syrphidae et Chamaemyiidae prédateurs de pucerons ou des Cecidomyiidae prédatrices de pucerons, de cochenilles ou d'acariens. Certaines familles sont strictement parasites (Tachinidae, Pipunculidae...).

De nombreux diptères saprophages vivent aux dépens d'une multitude d'animaux morts et ne sont donc pas parasites.

Les diptères parasitoïdes

Les diptères parasitoïdes(1) ont fait l'objet de nombreux travaux depuis plus d'un siècle, en particulier les Tachinidae. Ils sont souvent spécifiques et de ce fait plus efficaces que les prédateurs majoritairement généralistes. Mais leur utilisation en lutte biologique s'avère souvent délicate et coûteuse (contraintes d'élevage...).

En France, environ 1 500 espèces sont parasitoïdes, endoparasitoïdes larvaires ou ectoparasitoïdes de larves ou d'adultes. Elles appartiennent à vingt-six familles parmi lesquelles les plus importantes sont les Tachinidae, dont beaucoup d'espèces parasitent des lépidoptères et des coléoptères ravageurs, et les Pipunculidae, qui parasitent principalement des hémiptères cicadomorphes. La majorité des espèces appartenant à ces vingt-six familles parasite des espèces qui sont extrêmement nombreuses et appartiennent à tous les ordres d'insectes, la très grande majorité des espèces parasitées n'étant pas nuisible aux cultures.

Les diptères prédateurs

Les diptères prédateurs se répartissent dans trente-six familles, mais seules cinq (Tableau 3) ont réellement, selon les années et les situations, un impact dans la régulation des populations de ravageurs. Certaines espèces sont utilisées ou produites à des fins de lutte biologique surtout dans les serres (exemple des Cecidomyiidae).

À l'exception des Chamaemyiidae, Cecidomyiidae et Syrphidae, qui regroupent des prédateurs spécialisés/spécifiques intervenant aux stades larvaires, les autres familles regroupent des prédateurs polyphages/généralistes agissant au stade adulte.

Importance écologique des diptères

Les diptères représentent une biomasse considérable tant à l'état larvaire (en particulier chez les espèces aquatiques) qu'à l'état imaginal. Ils sont la base essentielle, voire l'unique nourriture pour de nombreux animaux : autres insectes, poissons, reptiles, oiseaux, certains mammifères... et même une base de nourriture pour l'homme.

De nombreux diptères ont, aux stades larvaires, le rôle primordial de décomposeurs et recycleurs des matières organiques. Leurs larves détritiphages, saprophages, coprophages... contribuent à faire disparaître les charognes, détritus et déchets animaux ou végétaux.

De nombreux diptères sont floricoles et jouent mécaniquement un rôle important, encore largement sous-estimé, dans la pollinisation. Ils sont particulièrement efficaces pour la pollinisation de certaines familles de plantes, en particulier en milieu tropical, là où d'autres pollinisateurs comme par exemple les apoïdes (abeilles, bourdons) se montrent peu efficaces. Il en va de même en zones désertiques ou encore dans les zones d'altitudes des régions tempérées et froides là où les hyménoptères occupent moins de place.

Certains diptères sont des bioindicateurs fiables. Par exemple, les larves de Chironomidae permettent le dépistage de pollutions organiques, par des métaux ou des pesticides en milieux aquatiques. Ces mêmes chironomes sont utilisés comme indicateurs environnementaux et climatiques dans des études rétrospectives sur l'évolution des milieux et l'impact du changement climatique.

Enfin signalons que de plus en plus de diptères sont l'objet d'élevages (exemple : Hermetia illucens (L.), Stratiomyidae). Leurs larves, qui ont parfois des propriétés antibiotiques, sont une source de nourriture principale ou complémentaire pour les volailles et les poissons, elles sont aussi un aliment pour les animaux d'aquarium ou de terrarium (reptiles, rongeurs, insectes), ou pour les oiseaux exotiques, voire l'homme. La production de larves est également envisagée pour la biodégradation de matières premières ou transformées (animales ou végétales) et pour la fabrication de compost, voire même de biocarburant.

(1) Sous le vocable de parasitoïdes sont inclus les parasites.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les diptères constituent un des ordres les plus importants en agronomie, en tant que phytophages et/ou auxiliaires. Cet article généraliste énumère les familles concernées et donne les grandes lignes de leur biologie et de leur incidence agronomique.

ÉTUDE - Sur les 9 000 espèces recensées en France, 275 sont considérées comme nuisibles ; elles appartiennent à dix-neuf familles. Environ 1 500 espèces, distribuées dans vingt-six familles, sont parasitoïdes, endoparasitoïdes larvaires ou ectoparasitoïdes de larves ou d'adultes. Les diptères prédateurs se répartissent dans trente-six familles, dont cinq ont un réel impact dans la régulation des populations de ravageurs.

MOTS-CLÉS - Diptères, phytophages, auxiliaires, mouches.

Neuf mille espèces en France

L'ordre des diptères englobe les mouches (sensu stricto), les moustiques, les cousins, les moucherons, les taons, les syrphes et autres « mouchettes ». Parmi les vingt-huit ordres d'insectes actuels, les diptères occupent, avec 156 000 espèces connues, la troisième place et sont répartis dans 162 familles. En France, près de 41 000 espèces d'insectes sont recensées et on connaît environ 9 000 espèces de diptères pour 123 familles. Outre leur importance agronomique et écologique, il faut rappeler leur importante implication dans les maladies humaines et animales, particulièrement en régions chaudes.

POUR EN SAVOIR PLUS

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