Fig. 1 : Degré d'infestation et taux de parasitisme apparent de trois espèces de parasitoïdes asiatiques observées en condition de non-choix sur sept espèces de diptères Ccap : Ceratitis capitata ; Dbus : Drosophila busckii ; Dhyd : D. hydei ; Dimm : D. immigrans ; Dmel : D. melanogaster ; Dsub : D. subobscura ; Dsuz : D. suzukii. Taux de parasitisme apparent : proportion de parasitoïdes émergés par rapport au nombre total de descendants observés, mouches et parasitoïdes. Degré d'infestation : proportion d'hôtes parasités.
Appelée drosophile à ailes tachetées à cause de la tache sombre généralement présente sur les ailes antérieures des adultes mâles, Drosophila suzukii Matsumura (Drosophilidae) est une drosophile originaire d'Asie qui, depuis les années 2000, se répand dans de nombreuses régions du monde : Asie, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe, océan Indien (Asplen et al., 2015 ; Fraimout et al., 2017). La lutte biologique par acclimatation permettrait de diminuer la pression du ravageur à l'échelle du territoire.
Un ravageur invasif sur cultures fruitières
Des caractéristiques facilitant la colonisation
Drosophila suzukii appartient au sous-genre Sophophora au sein duquel elle forme, avec quelques autres espèces asiatiques, un groupe particulier (le groupe « suzukii ») dont les femelles sont caractérisées par la présence d'un ovipositeur dentelé leur permettant de pondre dans les fruits en cours de maturation (Lee et al., 2011). Contrairement à la majorité des drosophiles qui exploitent principalement les fruits et/ou les végétaux en décomposition (comme D. melanogaster par exemple), D. suzukii est donc un ravageur qui a un impact direct sur les cultures fruitières, et en particulier les petits fruits rouges et certains fruits à noyau (Bellamy et al., 2013).
Cette particularité morphologique n'est pas le seul facteur permettant d'expliquer son importance économique. Sa grande fécondité (300 oeufs pondus par les femelles en moyenne), son cycle de développement court (environ quinze jours de l'oeuf à l'adulte à 22 °C) ainsi que sa tolérance à survivre et à se développer dans différents contextes climatiques lui permettent de coloniser de nombreux territoires et d'y faire jusqu'à treize générations par an (Tochen et al., 2014 ; Asplen et al., 2015).
Une large gamme d'hôtes
Cette petite mouche présente également une très large gamme de plantes-hôtes sur lesquelles elle est capable de se développer. Plus de 300 espèces de plantes sont ainsi répertoriées (Kenis et al., 2016 ; Poyet et al., 2015), dont plusieurs sont d'importance agronomique (framboise, fraise, cerise) et pour lesquels les impacts économiques peuvent être significatifs. La plupart des plantes-hôtes sont toutefois des espèces non cultivées, spontanément abondantes et présentes à différentes périodes de la saison. Elles peuvent donc servir de réservoirs et/ou de refuge à D. suzukii lorsque les conditions lui deviennent défavorables dans les cultures (traitement phytosanitaire par exemple).
Les limites des méthodes de lutte actuelles
La gestion de ce ravageur est donc problématique et passe par l'utilisation combinée de plusieurs méthodes. Malheureusement, bien qu'intégrées, ces méthodes de lutte actuelles ne donnent pas entière satisfaction. En verger de cerisiers par exemple, les stratégies conventionnelles de protection ont une efficacité variable et insuffisante en cas de forte pression du ravageur. De plus, pour coller au cycle court du ravageur, des dérogations doivent être obtenues pour réduire le délai avant récolte des produits... ce qui pose la question de l'impact sur l'environnement et la santé humaine. Afin de gérer au mieux les mécanismes de résistance que D. suzukii pourrait développer à l'avenir vis-à-vis de certaines molécules, l'alternance des produits est préconisée alors même que le nombre de produits disponibles se réduit.
Les méthodes de prophylaxie sont bien moins efficaces en vergers que dans les cultures sous-abri. Parmi les méthodes alternatives actuellement disponibles, la plus efficace consiste à mettre en place des filets « insect-proof » (monoparcelle ou monorang) mais son coût reste élevé (50 à 100 k€ par hectare, source CTIFL).
À la recherche des auxiliaires ad hoc
Parasitoïdes indigènes
Les possibilités de lutte biologique ont été évaluées, tout d'abord en s'intéressant aux parasitoïdes indigènes associés aux communautés de drosophiles frugivores en France, et qui ont l'avantage d'être bien documentées (Fleury et al., 2009). Malheureusement, les études ont montré que les parasitoïdes larvaires (Leptopilina boulardi et L. heterotoma) ne parvenaient pas à se développer sur D. suzukii, notamment à cause d'une réponse immunitaire intense du ravageur (Chabert et al., 2012 ; Poyet et al., 2013).
Les parasitoïdes de pupes se montrent généralistes et capables de se développer sur de nombreux hôtes, ce qui rend leur utilisation quelque peu aléatoire. Des essais menés avec Trichopria drosophilae ont cependant livré des résultats encourageants (Chabert et al., 2012 ; Trottin et al., 2017) ; ce parasitoïde est actuellement commercialisé.
Parasitoïdes exotiques et lutte biologique par acclimatation
Dans le même temps, des recherches ont été entreprises afin de développer une lutte biologique par acclimatation (ou lutte biologique classique(1)). Le premier parasitoïde exotique à avoir été étudié est Asobara japonica (Hym., Braconidae), disponible « historiquement » dans certains laboratoires. Cette opportunité de tester l'efficacité d'un parasitoïde d'origine asiatique s'est toutefois avérée peu concluante, notamment à cause de la polyphagie de ce parasitoïde (Ideo et al., 2008 ; L. Kremmer, non publié).
Des prospections récentes en Asie
À partir de 2013, plusieurs équipes internationales ont mené des prospections en Asie (Chine, Corée du Sud, Japon) afin d'étudier les communautés de parasitoïdes associées à D. suzukii dans son aire d'origine (Daane et al., 2016 ; Giorgini et al., 2019 ; Guerrieri et al., 2016). C'est ainsi que des collaborations entre l'Inrae Paca (Sophia Antipolis) et le Cabi (Centre for Agricultural Bioscience International, Suisse) ont permis la mise en place de prospections de terrain en Chine et au Japon en 2015, 2016 et 2017. Afin de cibler spécifiquement les parasitoïdes larvaires, plus spécifiques, des collectes de fruits frais sur arbres (Prunus spp., Rubus spp., etc.) ont été réalisées sur plus de cent sites. Une fois collectés, les fruits ont été placés dans des boîtes aérées et insect-proof pour permettre aux larves de drosophiles de poursuivre leur développement. En fin de cycle, les pupes (parasitées ou non) ont été récupérées et placées dans des tubes hermétiques afin d'être importées en laboratoire de quarantaine, en Suisse (Delémont) ou en France (Sophia Antipolis). Toutes les mouches émergentes ont été placées dans de l'alcool tandis que les adultes parasitoïdes ont été, dans un premier temps, utilisés vivants pour initier des élevages, avant d'être placés dans de l'alcool pour identification morphologique et moléculaire ultérieure. Au total, plusieurs populations des genres Asobara (Braconidae), Ganaspis et Leptopilina (Figitidae) ont été mises en élevage (Girod et al., 2018a).
Caractérisation des candidats potentiels
Une démarche en plusieurs étapes au laboratoire
Après avoir identifié les ennemis naturels du ravageur dans sa zone d'origine, les programmes de lutte biologique par acclimatation se poursuivent par une évaluation fine des candidats potentiels au laboratoire (en conditions contrôlées) et/ou en serre (en conditions semi-naturelles). Au cours de cette étape, différentes caractéristiques biologiques (spécificité d'hôtes, cycle de développement, capacité de dispersion, etc.) sont évaluées. Elles doivent permettre de sélectionner le ou les candidats les plus prometteurs pour un contrôle durable du ravageur (Borowiec et Sforza, 2020). En plus de ces données biologiques, il est indispensable de s'assurer de l'identité précise des auxiliaires potentiels. Il convient de pouvoir distinguer les cas relevant de différences génétiques voire plastiques au sein d'une même espèce, de ceux relevant de la présence de complexes d'espèces cryptiques(2) (Encadré 1). Particulièrement utiles, les outils de caractérisation moléculaire (barcoding, phylogénie multilocus) démontrent régulièrement la présence de tels complexes d'espèces au sein de ce qui était considéré auparavant comme une seule et même espèce (Ris et al., 2020).
Capacité des parasitoïdes à se développer sur les hôtes
L'évaluation au laboratoire des parasitoïdes asiatiques de D. suzukii s'est déroulée en plusieurs étapes. La première a consisté à caractériser la capacité des parasitoïdes à se développer sur différents hôtes en conditions contraintes (non-choix) (Encadré 2). Il s'agit de vérifier l'adéquation physiologique entre les parasitoïdes et ces hôtes(3). D. suzukii étant la seule espèce du genre Drosophila à se développer sur des fruits « frais » en Europe, les hôtes à tester ont été choisis en fonction de leur proximité phylogénétique par rapport à D. suzukii. Au total, les cinq espèces de drosophiles sélectionnées sont les suivantes (par ordre de proximité phylogénétique avec D. suzukii) : D. melanogaster (sous-genre Sophophora), D. subobscura (sous-genre Sophophora), D. busckii (sous-genre Dorsilopha), D. hydei et D. immigrans (sous-genre Drosophila). Nous avons également testé Ceratitis capitata (Tephritidae), qui n'appartient pas à la famille des Drosophilidae mais qui partage certaines exigences écologiques avec D. suzukii (ponte sur fruits frais).
Les résultats des tests varient en fonction de l'espèce-hôte et de la population de parasitoïdes considérée (Figure 1). Bien que les parasitoïdes aient été contraints à parasiter les larves de l'hôte proposé, seules certaines espèces de drosophiles permettent un développement des parasitoïdes. Ceratitis capitata par exemple est une espèce dont les larves ont été très attaquées par les différents parasitoïdes (degré d'infestation de 50 % à 80 %) mais sans qu'aucun parasitoïde descendant n'ait émergé. Comme attendu, les populations de Leptopilina japonica présentent un spectre d'hôtes plus large (production de descendants sur D. busckii, D. melanogaster, D. subobscura et D. suzukii) que les populations de Ganaspis cf. brasiliensis, qui ne se développent presque exclusivement que sur D. melanogaster et D. suzukii. En plus de ce spectre d'hôtes plus restreint, certaines populations de G. cf. brasiliensis se sont avérées présenter des caractéristiques biologiques différentes, certaines se développant à la fois sur des fruits frais et du milieu artificiel tandis que d'autres ne se développent que sur des fruits frais (Girod et al., 2018b ; Girod et al., 2018c ; Ponchon, 2018). Pour expliquer les différences phénotypiques observées à l'échelle de G. cf. brasiliensis, une caractérisation moléculaire des différentes populations échantillonnées a été réalisée en utilisant différents marqueurs. Parmi les quatre à cinq clusters génétiquement différenciés, un (« groupe 1 ») semble regrouper les populations les plus spécifiques de D. suzukii (Idier, 2019 ; Seehausen et al., 2020).
Compatibilités de reproduction des parasitoïdes
En parallèle, des expériences de croisement ont été effectuées afin de vérifier les (in)compatibilités de reproduction au sein du complexe G. cf. brasiliensis. Ces parasitoïdes se reproduisent par parthénogenèse arrhénotoque, c'est-à-dire que les femelles non accouplées ne produisent que des descendants mâles, tandis que les femelles accouplées sont capables de produire des descendants mâles (issus d'oeufs non fécondés) et femelles (issus d'oeufs fécondés). La présence d'individus femelles dans la descendance indique donc une capacité des parents à s'accoupler et à se reproduire. Les croisements réalisés ont consisté à mettre en présence des individus vierges (femelles et mâles) appartenant à différentes populations de G. cf. brasiliensis (deux populations du groupe 1 : Chine et Japon ; une population du groupe 3-4 : Japon) puis à observer la proportion de descendants femelles produits sur l'hôte cible D. suzukii. Les résultats (non représentés) montrent que les croisements entre des individus appartenant à deux populations (Japon et Chine) du même cluster moléculaire (groupe 1) sont capables de s'accoupler et de se reproduire (production de descendants femelles et mâles). Au contraire, les croisements entre des individus appartenant à deux clusters moléculaires différents (groupe 1 et groupe 3-4) n'ont produit aucun descendant femelle (Idier, 2019 ; Seehausen et al., 2020).
Affinité vis-à-vis de différents hôtes et substrats
L'affinité de ces différentes populations de G. cf. brasiliensis vis-à-vis de différents hôtes (D. melanogaster, D. suzukii) et de différents substrats (fruits frais, fruits en décomposition, milieu artificiel) a également été testée (pour plus de détails, voir Seehausen et al., 2020). Une première série d'expérimentations a par exemple consisté à exposer, en conditions de non-choix, différentes modalités « hôte-substrat » (D. suzukii sur fruits frais ; D. suzukii sur milieu artificiel ; D. melanogaster sur milieu artificiel) à des populations de G. cf. brasiliensis appartenant au groupe 1 (Dali, Tokyo et Xining) ou au groupe 3-4 (Hasuike, Fumin, Shiping). Les résultats (420 femelles testées au total) montrent que les femelles des trois populations appartenant au groupe 1 ont parasité D. suzukii uniquement sur fruits frais (excepté une femelle de la population Dali), ce qui n'est pas le cas des populations appartenant au groupe 3-4 qui ont parasité indifféremment D. melanogaster et D. suzukii sur milieu artificiel et fruits frais (Figure 2). Des tests en conditions de choix ont également été réalisés pour vérifier la préférence des différentes populations de G. cf. brasiliensis (groupe 1 versus groupe 3-4) vis-à-vis de l'hôte (D. melanogaster et D. suzukii) et de l'habitat (fruits frais et fruits en décomposition). Les résultats (49 femelles testées) montrent que pour les représentants du groupe 1 (Tokyo), les taux de parasitisme sont significativement plus importants sur fruits frais que sur fruits en décomposition, quel que soit l'hôte testé. Au contraire, pour les individus du groupe 3-4, les taux de parasitisme sont les plus importants sur fruits en décomposition et en particulier sur D. melanogaster (Figure 3).
Le meilleur candidat...
L'utilisation de données moléculaires, biologiques et écologiques chez G. brasiliensis dans une démarche de caractérisation intégrative conforte donc l'hypothèse d'un complexe d'espèces cryptiques. Au sein de ce complexe, ce sont les représentants du « groupe moléculaire 1 » (G1) qui constituent les meilleurs candidats pour une lutte biologique par acclimatation contre D. suzukii. En effet, G. cf. brasiliensis G1 présente la plus grande spécialisation écologique pour les fruits frais. De plus, bien que cette souche soit capable de se développer également sur D. melanogaster, les différences de niches écologiques entre D. suzukii (fruits frais) et les autres espèces de Drosophila (fruits en décomposition) limiteront probablement les interactions entre G. cf. brasiliensis G1 et D. melanogaster en conditions naturelles.
Des essais menés en serre confinée en 2020 vont dans ce sens. En effet, des introductions de deux populations de G. cf. brasiliensis G1 ont été réalisées afin de vérifier la capacité des parasitoïdes à localiser et parasiter le ravageur directement sur des plants de fraisiers, préalablement infestés par D. suzukii et placés dans de grandes cages insect-proof (dix plants de fraisiers par cage ; vingt-cinq femelles et huit mâles parasitoïdes introduits). Des descendants des deux populations de parasitoïdes testées ont été retrouvés tout au long de l'essai (1 mois), un total de 82 parasitoïdes étant recapturé. De plus, et à la suite d'une infestation inopinée par D. melanogaster, l'observation au stéréomicroscope de 83 pupes de D. melanogaster n'a pas permis de constater de signe de parasitisme de cette espèce par G. cf. brasiliensis G1 (Sauvignet, 2020).
Autorisation d'introduction dans l'environnement
À la vue de l'ensemble de ces résultats, la prochaine étape sera le dépôt d'une demande d'introduction dans l'environnement de G. cf. brasiliensis G1 en vue de démarrer, sous réserve de l'obtention des autorisations officielles et des moyens (humains, financiers, logistiques) nécessaires, l'évaluation en conditions naturelles de ce parasitoïde. Préalablement à ces primo-introductions potentielles, un état des lieux des communautés associées à D. suzukii dans les Alpes-Maritimes est déjà effectué depuis 2015. La première étude a été réalisée à l'aide d'expositions de larves de D. suzukii et D. melanogaster sur six sites répartis dans deux étages bioclimatiques (méso-méditerranéen et supra-méditerranéen) et trois types de milieux (zones anthropisées, zones de cultures, zones naturelles). Les résultats ont notamment montré que les espèces de drosophiles retrouvées en co-occurrence avec D. suzukii sont D. busckii et D. hydei (Kremmer et al., 2017), deux espèces qui ne sont pas parasitées par G. cf. brasiliensis G1 au laboratoire. Pour compléter ces résultats, des échantillonnages sont actuellement réalisés tous les 2 mois dans le département afin de caractériser la dynamique saisonnière de D. suzukii et de ses parasitoïdes sur différents fruits sauvages et cultivés.
(1) La lutte biologique par acclimatation se définit par l'introduction d'un auxiliaire exotique provenant de la même zone d'origine que le ravageur-cible, dans le but de son établissement permanent et d'un contrôle durable du ravageur.(2) Des espèces cryptiques sont des espèces qui ne sont pas différenciables sur la base de caractères morphologiques alors même qu'elles le sont au niveau génétique.(3) Les tests de spécificité permettent d'évaluer les risques non-intentionnels liés à l'introduction d'un parasitoïde exotique, en testant les espèces indigènes les plus susceptibles d'interagir avec ce parasitoïde, sur la base de critères de proximité phylogénétique avec le ravageur-cible, et de critères de « proximité écologique ».
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Les caractéristiques de Drosophila suzukii (fécondité, plantes-hôtes, nombre de générations...) en font un ravageur difficile à maîtriser en cultures fruitières, en particulier en verger de cerisier et en cultures de fruits rouges (fraise, framboise). Les solutions actuelles ne donnent pas entièrement satisfaction, du fait de contraintes techniques ou économiques.
ÉTUDE - La lutte biologique permettrait de diminuer la pression du ravageur sur le territoire. Cet article précise l'avancée de recherches pour une lutte biologique par acclimatation, qui se définit par l'introduction d'un auxiliaire exotique provenant de la même zone d'origine que le ravageur-cible, dans le but de son établissement permanent et d'un contrôle durable du ravageur.
RÉSULTATS - Après avoir identifié les ennemis naturels de Drosophila suzukii dans sa zone d'origine (parasitoïdes des genres Asobara, Ganaspis et Leptopilina), les programmes ont permis d'évaluer finement les candidats potentiels au laboratoire. L'espèce Ganaspis cf. brasiliensis, et plus particulièrement la population G1 (« groupe moléculaire 1 »), s'avère prometteuse et une demande d'introduction dans l'environnement devrait être faite prochainement.
MOTS-CLÉS - Drosophila suzukii, drosophile à ailes tachetées, lutte biologique par acclimatation, Ganaspis, Asobara, Leptopilina.
1 - Ganaspis brasiliensis : une espèce parasitoïde de Drosophila... ou plusieurs espèces ?
Appartenant à la vaste famille des Figitidae (1 700 espèces), le genre Ganaspis comprend environ 65 espèces dans le monde, dont la plupart sont des endoparasitoïdes(1) de diptères et notamment de drosophiles. À l'instar de nombreux autres genres de la sous-famille des Eucoilinae, des incertitudes demeurent quant au statut taxonomique de certaines espèces (Buffington et al., 2020). Sur la base de caractères morphologiques, les spécimens des populations collectées en Asie ont ainsi été affiliés à l'espèce Ganaspis brasiliensis, décrite initialement à partir de spécimens collectés dans la zone néotropicale, et redécrite récemment (Buffington et Forshage, 2016). Cependant, une différenciation génétique marquée a pu être observée entre des populations de G. brasiliensis collectées sur différents hôtes et dans différentes régions du monde (Nomano et al., 2017), suggérant la présence possible d'un complexe d'espèces cryptiques(2). Pour tenir compte de ces incertitudes, les spécimens collectés sur D. suzukii et sur fruits frais en Asie sont nommés Ganaspis cf. brasiliensis.
(1) Les endoparasitoïdes sont des parasitoïdes qui se développent à l'intérieur du corps de l'hôte aux dépens duquel ils vont se nourrir pour se développer.
(2) Espèces qui ne sont pas différenciables sur la base de caractères morphologiques alors qu'elles le sont au niveau génétique.
2 - Des tests pour vérifier l'adéquation entre le parasitoïde et ses hôtes
Les adultes de différentes espèces de mouches ont été mis à pondre sur du milieu artificiel et/ou sur des fruits frais. Au bout de 24 à 48 h, une femelle naïve (c'est-à-dire n'ayant jamais été en présence de l'hôte) de parasitoïde est introduite dans un dispositif contenant dix à cinquante jeunes larves de l'espèce de mouche à tester. La femelle parasitoïde est retirée du dispositif au bout de deux à trois jours. Tous les adultes émergents ont été sexés, dénombrés et identifiés. Plusieurs indices ont ensuite été calculés pour évaluer l'adéquation physiologique entre le parasitoïde et son hôte, comme par exemple le degré d'infestation (qui représente la proportion d'hôtes parasités en prenant en compte sa mortalité naturelle), le taux de parasitisme réel (proportion de parasitoïdes obtenus par rapport aux hôtes parasités) ou le taux de parasitisme apparent (proportion de parasitoïdes émergés par rapport au nombre total de descendants observés, mouches et parasitoïdes).
POUR EN SAVOIR PLUS
nicolas.borowiec@inrae.fr
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