Retour

imprimer l'article Imprimer

DOSSIER - Pulvérisation des bases à la dérive

Pulvérisateurs : de bonnes pratiques pour éviter les dérives

MICHEL MOREL, Commission «Techniques d'applications » Végéphyl, Académie d'agriculture de France. - Phytoma - n°741 - février 2021 - page 14

Réduire la dérive de l'application commence par le respect de règles de base et le choix d'équipements appropriés.
 Photo : M. Morel

Photo : M. Morel

 Extrait de la classification « Performance Pulvé » (Institut français de la vigne et du vin), http://www.performancepulve.fr/materiels/liste

Extrait de la classification « Performance Pulvé » (Institut français de la vigne et du vin), http://www.performancepulve.fr/materiels/liste

 Rampe pneumatique face par face au-dessus de la végétation en traitement précoce. Photo : M. Morel

Rampe pneumatique face par face au-dessus de la végétation en traitement précoce. Photo : M. Morel

 Photos : 3 à 5 : M. Morel - 6. Berthoud

Photos : 3 à 5 : M. Morel - 6. Berthoud

 3. Rampe pneumatique face par face au-dessus de la végétation.      4. Équipement pneumatique deux mains/quatre canons en pleine végétation.      5. Rampe jet porté face par face avec module interrang.      6. Rampe grandes cultures en pleine végétation.

3. Rampe pneumatique face par face au-dessus de la végétation. 4. Équipement pneumatique deux mains/quatre canons en pleine végétation. 5. Rampe jet porté face par face avec module interrang. 6. Rampe grandes cultures en pleine végétation.

Depuis la fin du XIXe siècle, les pulvérisateurs font partie de la palette des machines agricoles rencontrées dans les cours de ferme au même titre que les semoirs, charrues, faucheuses, etc. En revanche, depuis plusieurs années déjà, ils sont devenus, aux yeux d'une partie de la « société civile », l'expression d'une agriculture intensive, polluante et contaminante ; et ceci même pour les producteurs bio ! Au-delà de la tendance lourde au retour vers le « naturel », du « c'était mieux avant », les pulvérisateurs ont pu donner une image critiquable en raison de pratiques inappropriées, dont tout d'abord une traînée de dérive en cours d'application. Cette réalité est d'autant plus dommageable que de multiples solutions simples existent pour éviter ce type d'inconvénients sans atténuer la qualité de l'intervention.

Un credo : les gouttes fines

La présence fréquente de dérive pourrait être due à cette idée largement répandue selon laquelle plus les gouttes sont fines, plus la densité de couverture est élevée, plus le traitement est efficace. Ainsi la densité de couverture prend l'avantage sur le « potentiel dérive ». Or la dérive, au-delà de l'image négative qu'elle génère, peut provoquer de nombreux dégâts :

- manque de dépôt du produit sur la cible pouvant atténuer l'efficacité du traitement ;

- phytotoxicité sur les cultures voisines sensibles ;

- dépôt de produit sur le pulvérisateur lui-même, le tracteur ou pire, l'opérateur, le voisinage public ou privé...

À ce stade, deux écoles possibles :

- supprimer les conditions qui conduisent à la dérive ;

- récupérer le produit qui dérive.

Pulvérisateurs à rampe : choisir la bonne buse

Sur les pulvérisateurs à rampe, la dérive est provoquée par les caractéristiques de la granulométrie du jet des buses, amplifiée par la vitesse de déplacement et la hauteur de la rampe par rapport à la cible.

Depuis plus de quarante ans, les constructeurs de buses ont élargi leur catalogue et proposent une grande diversité de modèles caractérisés par le débit (identifié par un code couleur mondial ISO), l'angle, le type de jet : turbulence, pinceau, miroir... et la granulométrie. Or la granulométrie est déterminante dans le potentiel de dérive. Parmi ces buses, certaines ont la capacité de produire un jet qui comporte très peu, voire pas du tout, de gouttes au diamètre inférieur à environ 100 microns ; ces gouttes de faible masse dont on maîtrise peu ou pas du tout la trajectoire constituent l'essentiel de la dérive de pulvérisation.

Depuis la loi sur l'eau de 2006, le ministère de l'Agriculture a chargé son service « Machinisme » (Cemagref/Irstea) d'analyser le spectre des buses et de qualifier celles capables de diviser la dérive par un facteur au moins égal à trois par rapport à une buse classique de référence. L'usage de ces buses permet, en plus, une réduction conséquente des zones non traitées ZNT (de 20 à 5 m)(1).

Ainsi, tous les pulvérisateurs à rampe quel que soit leur âge ou leur niveau de sophistication peuvent, à moindre coût (5 à 10 € par buse en fonction du type et du matériau), réaliser des applications sans dérive. Dans le cas contraire, le choix des buses est incorrect ou la plage de pression non respectée. Pour respecter les exigences plus facilement et autoriser des plages de vitesse plus larges, des porte-buses multiples récents permettent le fonctionnement des buses en solo alternatif ou en duo. D'autres gèrent l'alimentation de chaque buse par pulsation modulable (PWM : pulse width modulation). Ces systèmes autorisent une variation du débit instantané (l/min) tout en conservant une granulométrie choisie quasi constante.

Cultures pérennes : au plus près du feuillage

En cultures pérennes, en vigne en particulier, la dérive demeure une préoccupation majeure qui n'a pas toujours fait l'objet d'une attention prioritaire. La recherche d'une couverture de la cible la plus dense possible pour une efficacité maximale a conduit à produire les gouttes les plus fines : pulvérisation pneumatique, buses à haute pression. Enfin, la recherche de rendement de chantier élevé a entraîné l'accroissement des largeurs traitées par passage. Dans les années 1970, les canons orientables ou oscillants ont constitué le « must » de ces exigences. Ces machines compactes rendaient les manoeuvres faciles dans les rangs, en bout de rangs et étaient adaptées à la diversité des largeurs de plantation. En revanche, la distance entre buses et cibles pouvaient atteindre 2 à 8 m, voire plus...

Puis se sont développés les pulvérisateurs interrangs ou enjambeurs avec mains, voûtes ou canons capables de produire de fines gouttes, disposés au-dessus de la vigne pour traiter une face par rang avec de puissantes ventilations. Plus récemment, les générateurs de gouttes (buses, mains, canons...) ont été disposés pour couvrir chacun une face de rang toujours depuis le dessus de la vigne. Ces modèles sont désormais qualifiés de « pulvérisateurs face par face ».

Dans les années 1990, les réflexions prospectives d'ingénieurs de l'ITV (Institut technique de la vigne et du vin, aujourd'hui IFV) et du CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne) ont conduit au développement d'un équipement composé de buses de pulvérisation à pression, toutes identiques, incluses dans une veine d'air à volume ajustable, faible vitesse et faible puissance absorbée. Le tout est disposé sur un module interrang. Le but a consisté à placer les buses à 0,20/0,30 m de la face du rang. Dans cette configuration, il devient facile et rapide d'ajuster le nombre de buses en service en fonction du stade de la végétation. Sur un module comportant cinq buses pour couvrir une face en pleine végétation, avec une seule buse au premier traitement, le volume/ha effectif appliqué est cinq fois plus faible qu'en pleine végétation sans modifier la concentration de la bouillie. L'autonomie du pulvérisateur est alors multipliée par cinq : une contribution simple et efficace à la réduction de l'indicateur de fréquence de traitement (IFT).

Gratifiée d'un prix spécial du jury du Vinitech 1995, cette réalisation figure parmi les plus performantes sur la première liste des pulvérisateurs certifiés « Performance Pulvé » établie par l'IFV et présentée en février 2020(2). Ces résultats ont été obtenus à partir de tests conduits sur un équipement dont la conception, le développement et la mise en oeuvre ont été particulièrement longs mais qui constitue enfin une référence.

Le choix de solutions techniques et économiques compatibles et acceptables n'a jamais été aussi large. Gageons que chacun des acteurs de cette filière tende vers l'excellence dans son domaine de compétence pour que la protection des cultures se révèle encore plus performante et responsable.

(1) https://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2020-689

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La qualité de la pulvérisation combine efficacité (dépôt du produit sur la cible) et absence de dérive. Cette dernière est à l'origine de mesures de gestion visant à protéger les riverains, points d'eau et/ou d'organismes non-cibles, consistant à respecter des zones non traitées (ZNT) lors de l'emploi de certains produits.

BONNES PRATIQUES - Si les constructeurs proposent des équipements de plus en plus perfectionnés, il ne faut pas oublier les principes de base permettant de limiter la dérive, parmi lesquels le choix de la buse pour limiter la création de gouttes trop fines, et le positionnement de l'application au plus près de la zone à traiter.

MOTS-CLÉS - Pulvérisateurs, rampe, dérive, buse, granulométrie.

Des zones non traitées

Parmi les mesures de gestion apparaissant dans les décisions d'autorisation de mise en marché (AMM) d'un produit phytopharmaceutique figurent les zones non traitées (ZNT) vis-à-vis des points d'eau et/ou d'organismes non cibles (arthropodes, plantes), fixées à 5 m, 20 m, 50 m, voire plus de 100 m. Les nouvelles exigences européennes conduisent, dans la plupart des cas, à assortir l'AMM d'une distance de sécurité de 3, 5 ou 10 mètres en vue de renforcer la protection des personnes. L'arrêté du 27 décembre 2019 précise les distances générales à respecter en attendant la réévaluation de tous les produits actuellement autorisés.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : mmorel@wanadoo.fr

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :