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DOSSIER - Pulvérisation des bases à la dérive

EoleDrift : la dérive des pulvérisateurs au banc d'essai

ADRIEN VERGÈS(1), SÉBASTIEN CODIS(1), OLIVIER NAUD(2), JEAN-PAUL DOUZALS(2), ÉLODIE TRINQUIER(1), XAVIER RIBEYROLLES(2), JEAN-FRANÇOIS BONICEL(2), DAVID BASTIDON(2), YOAN HUDEBINE(1) ET ADRIEN LIENARD(1) (1) Institut français de la vigne et du vin (IFV). - Phytoma - n°741 - février 2021 - page 22

EoleDrift permet de comparer les performances des pulvérisateurs viticoles en matière de réduction de dérive.
Banc d'essai EoleDrift avec la végétation artificielle en conformation « début de végétation ». La soufflerie composée de 25 ventilateurs est située à l'arrière-plan tandis que quatre rangs de vigne artificielle en conformation de début de végétation sont installés perpendiculairement à la direction du vent généré. Au premier plan apparaît l'un des deux mâts équipés d'un système de poulie permettant de hisser les fils collecteurs de dérive à la hauteur voulue. Photo : IFV

Banc d'essai EoleDrift avec la végétation artificielle en conformation « début de végétation ». La soufflerie composée de 25 ventilateurs est située à l'arrière-plan tandis que quatre rangs de vigne artificielle en conformation de début de végétation sont installés perpendiculairement à la direction du vent généré. Au premier plan apparaît l'un des deux mâts équipés d'un système de poulie permettant de hisser les fils collecteurs de dérive à la hauteur voulue. Photo : IFV

Fig. 1 : Représentation schématique de l'organisation du banc d'essai EoleDrift vue du dessus

Fig. 1 : Représentation schématique de l'organisation du banc d'essai EoleDrift vue du dessus

Fig. 2 : Résultats préliminaires issus du banc d'essai EoleDrift       Dérive moyenne mesurée sur le banc d'essai EoleDrift pour plusieurs techniques de pulvérisation au stade de pleine végétation : un pulvérisateur de type voûte et deux modèles distincts de panneaux récupérateurs. Les résultats sont exprimés en % de la modalité « voûte pneumatique 2019 » (prise pour base 100 %).

Fig. 2 : Résultats préliminaires issus du banc d'essai EoleDrift Dérive moyenne mesurée sur le banc d'essai EoleDrift pour plusieurs techniques de pulvérisation au stade de pleine végétation : un pulvérisateur de type voûte et deux modèles distincts de panneaux récupérateurs. Les résultats sont exprimés en % de la modalité « voûte pneumatique 2019 » (prise pour base 100 %).

Ces premiers résultats doivent être consolidés par des essais multiples de matériels. Photo : V. Vidril

Ces premiers résultats doivent être consolidés par des essais multiples de matériels. Photo : V. Vidril

La réduction de la dérive de pulvérisation en viticulture est un enjeu majeur pour toutes les parties prenantes (viticulteurs, constructeurs de pulvérisateurs, firmes phytosanitaires, pouvoirs publics, riverains des parcelles traitées). Cette réduction varie selon les équipements utilisés, d'où l'importance de pouvoir évaluer leurs performances.

Dérive et dispositions réglementaires

La réduction de la dérive est un enjeu pour protéger les zones sensibles à proximité des parcelles traitées (eau de surface, zones abritant de la biodiversité, lieux abritant des personnes sensibles, habitations, etc.) et minimiser les risques de contamination par les produits de traitement.

En complément à la réduction de la dérive, des zones non traitées (ZNT) de largeur variable ont été instaurées aux abords des divers types de zones sensibles. En ce qui concerne plus particulièrement la protection des riverains et dans le cas de la viticulture, en l'absence de précision sur l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit utilisé, une ZNT de 10 mètres de large est requise pour les parcelles jouxtant des zones habitées, voire 20 mètres pour certains produits présentant des mentions de danger spécifiées (arrêté du 27 décembre 2019).

La réglementation prévoit également la possibilité de réduire la largeur des ZNT sous plusieurs conditions dont l'emploi d'une technique de pulvérisation inscrite sur la liste officielle des « techniques réductrices de dérive(1) ». En viticulture, ces dispositions réglementaires permettent une réduction de la largeur de la ZNT pouvant aller jusqu'à 3 mètres. Il apparaît en effet que les quantités de produits phytosanitaires qui dérivent au-delà des limites de la parcelle traitée lors des applications sont très fortement dépendantes de la technique de pulvérisation utilisée. Des réductions très significatives de la dérive peuvent être obtenues avec les techniques les plus performantes.

Identifier les techniques de réduction de la dérive

Une norme difficile à mettre en oeuvre

L'identification par des moyens objectifs et officiellement reconnus de techniques de pulvérisation (matériels et réglages) permettant de réduire la dérive est donc un enjeu fort. La méthode de « mesurage de la dérive au champ » décrite dans la norme ISO 22 866 : 2005(2) fait aujourd'hui référence. Cependant, cette méthode s'avère extrêmement lourde à mettre en oeuvre en particulier dans le cas des cultures pérennes. Elle requiert notamment des conditions de vent précises (en termes de force et de direction) qui sont difficiles à réunir et contrôler au moment de la pulvérisation, lors de l'essai. Les dispositifs expérimentaux sont parfois installés en vain, et des essais peuvent être invalidés a posteriori. Pour ce qui concerne la viticulture, la lourdeur de cette méthode de mesure a conduit à une situation de blocage : depuis l'année 2006 un seul pulvérisateur viticole a été inscrit sur la liste officielle des « techniques réductrices de dérive » sur la base de résultats d'essais au champ. Aucune campagne d'essais n'avait été menée depuis.

Depuis 2015, à défaut de méthodes permettant de mesurer facilement et de manière répétable la dérive, l'inscription des pulvérisateurs sur la liste officielle des « techniques réductrices de dérive » du ministère de l'Agriculture se fait à dires d'expert sur la base de la typologie des machines. Les machines de type panneaux récupérateurs à jet porté équipés de buses à injection d'air peuvent prétendre à la classe de 90 % de réduction de dérive, alors que les appareils à jet porté face par face équipés de buses à injection d'air, ainsi que les pulvérisateur jet porté uniface équipés de buses à injection d'air peuvent prétendre à la classe 66 %.

Artificialisation des conditions de mesure

En réponse au besoin d'acquisition de références, les équipes de l'IFV et de l'Inrae, partenaires de l'UMT EcoTech, ont entrepris en 2017 le développement d'un banc d'essai baptisé EoleDrift permettant de comparer les performances des pulvérisateurs viticoles en matière de réduction de dérive. Cette action a été conduite d'abord dans le cadre d'un projet CasDAR RT (EoleDrift, 2017-2018) puis poursuivie dans le cadre d'un projet Écophyto (StopDrift, 2018-2020). Le principe de ce banc d'essai repose sur l'artificialisation des conditions de mesure pour avoir une meilleure maîtrise de celles-ci. Le vent et la végétation mis en oeuvre lors des essais sont artificiels. Une soufflerie de 5 mètres de large et 5 mètres de haut souffle perpendiculairement à plusieurs rangs de vigne artificielle qui reçoivent la pulvérisation. L'ambition est donc d'augmenter la fiabilité des mesures de dérive comparatives entre techniques de pulvérisation et d'alléger leur réalisation.

Description du banc d'essai EoleDrift

Soufflerie, vigne artificielle et fils de collecte

Le banc d'essai EoleDrift est composé de quatre principaux éléments (photo 1) : une soufflerie, quatre rangs de vigne artificielle (photo 2 p. 26), un dispositif de collecte de la dérive aérienne et des capteurs permettant d'enregistrer les conditions météorologiques (Figure 1). Le principe des mesures de dérive réalisées sur le banc d'essai EoleDrift est le suivant : pour chaque technique de pulvérisation testée, un traitement simulé avec une bouillie chargée en traceur est réalisé sur l'ensemble des quatre rangs de vigne artificielle tandis que la soufflerie génère un vent perpendiculaire aux rangs. Un dispositif de collecte de la dérive constitué de fils de 2 mm de diamètre est installé sous le vent et reçoit les embruns de dérive. À l'issue de la pulvérisation d'essai, les fils de collecte sont récoltés et emportés au laboratoire d'analyse chimique. La quantité de traceur déposée sur les fils de collecte est ensuite dosée. Les données obtenues sont normalisées par la dose de traceur épandue sur la « parcelle artificielle ». Ce sont ces données normalisées qui sont utilisées pour comparer les niveaux de dérive générés par les techniques de pulvérisation passées au banc d'essai.

La végétation artificielle du banc d'essai EoleDrift peut mimer deux stades de développement. La conformation « début de végétation » représente la végétation recevant les premiers traitements de la campagne (60 cm de haut). La conformation « pleine végétation » représente celle observée en fin de campagne de traitement lorsque la vigne est pleinement développée.

Le dispositif permettant la collecte verticale de la dérive est implanté à 5 m de la bordure de la parcelle de vigne artificielle. Il est constitué de deux mâts de 6 mètres de haut équipés d'un système de poulie permettant aux opérateurs de hisser les fils à différentes hauteurs. Ces fils sont disposés tous les 50 cm de haut sur un plan vertical, à l'image des barreaux d'une échelle, sur 6 m de haut (douze fils au total). Les fils de collecte ont une longueur de 6 mètres. Ils sont de type « conduite en polyéthylène » tel que mentionné dans la norme ISO 22866:2005. Le diamètre des fils utilisés est de 2 mm.

Mesures et enregistrements

À l'issue des essais, le dépôt de traceur reçu par chaque fil est mesuré individuellement au laboratoire. Ainsi, un profil de répartition de la dérive sur la hauteur peut être tracé. Par ailleurs, la moyenne des dépôts reçus par chacun des douze fils de collecte révèle le niveau global de dérive ou la « dérive moyenne ».

Pendant la pulvérisation d'essai, l'enregistrement des conditions météorologiques est réalisé conformément aux exigences de la norme ISO 22866:2005. Les trois composantes géométriques des vecteurs vent ainsi que la température et l'hygrométrie sont enregistrées à la fréquence de 30 Hz. Un premier capteur météo est installé au centre du plan de collecte de la dérive, à environ 1 m sous le vent tandis qu'un autre capteur est installé en dehors du champ d'influence de la soufflerie. Ces enregistrements permettent de calculer les indicateurs de conformité du vent pour la réalisation de mesure de dérive inscrits dans la norme (proportion de vecteurs vent ayant une vitesse supérieure à 1 m.s-1 et proportion de vecteurs vent ayant une direction s'écartant de plus de 30 ° de la perpendiculaire aux rangs). Lorsque les conditions atmosphériques naturelles sont stables (courants d'air ayant une vitesse inférieure à 0,8 m.s-1), le vent issu de la soufflerie régnant au niveau du dispositif de collecte est conforme aux exigences de la norme.

Adaptations du banc d'essai pour les tests en vignes étroites

Les densités de plantation et notamment les largeurs d'interrang sont très diversifiées au sein du vignoble français. On distingue couramment deux grandes familles de vignoble, les vignes larges et les vignes étroites. Ces deux familles se distinguent entre autres par les types d'agroéquipements qui y sont utilisés : alors que l'espacement interrang des vignes larges permet la circulation d'engins interligne, les vignes étroites sont le plus souvent travaillées avec des outils portés sur enjambeurs. Du fait des différences existant entre les matériels utilisés et entre l'architecture de la végétation de la vigne, la dérive en vigne étroite ne peut pas être étudiée avec un banc d'essai configuré pour la vigne large.

Une configuration du banc d'essai EoleDrift pour vignes étroites a donc été définie. Neuf rangs de vigne artificielle espacés de 1,1 m remplacent les quatre rangs espacés de 2,5 m de la conformation vignes larges. Les dimensions des rangs de vigne en hauteur et en épaisseur sont adaptées pour représenter au mieux celles des vignes étroites. Comme pour les vignes larges, les essais de dérive sont conduits dans deux conformations de la vigne : début et pleine végétation. Les dimensions de la « parcelle de vigne artificielle » sont les mêmes pour la configuration vigne large et la configuration vigne étroite.

Résultats préliminaires

Répétabilité des mesures de dérive moyenne

Au cours de la campagne d'essais 2019, plusieurs séries de mesures de dérive ont été menées avec diverses techniques de pulvérisation sur le banc d'essai EoleDrift. La répétabilité de la mesure de dérive moyenne liée au banc d'essai a été évaluée. Le tableau ci-dessus détaille les coefficients de variation des répétitions de mesure (écarts-types de la série de répétitions de mesures de « dérive moyenne » divisés par la moyenne de la série).

Les résultats obtenus montrent que pour les diverses techniques de pulvérisation passées au banc d'essai EoleDrift avec la méthode développée en 2019, la répétabilité des mesures (au sens du coefficient de variation) se situe entre 20 et 42 %. Par rapport aux mesures au champ réalisées par l'IFV en 2006 et 2007, la répétabilité des mesures semble donc améliorée (cette dernière se situait à environ 40 %). Ce premier résultat souligne l'intérêt du dispositif EoleDrift : des résultats plus répétables peuvent être acquis avec des conditions d'expérimentation moins difficiles à réunir et avec un temps de travail sensiblement réduit.

La variabilité des mesures de dérive ici constatée est la résultante de plusieurs sources de bruit qui se combinent. Notamment, la sensibilité du traceur fluorescent utilisé à une dégradation sous l'effet des UV et la variabilité des courants d'air naturels peuvent être identifiées. Mais ces facteurs n'expliquent pas la totalité des variations constatées. La dérive aérienne de pulvérisation est un phénomène complexe, dans lequel beaucoup d'éléments environnementaux interviennent. Par exemple, les variations de température et d'hygrométrie qui sont des facteurs subis dans des mesures en extérieur peuvent entraîner des modifications de la taille des gouttes et donc de leur trajectoire. Des pistes d'amélioration de cette répétabilité ont été étudiées en 2020 et sont en cours d'analyse. Même si l'incertitude restera probablement toujours significative en pourcentage du fait de la complexité et de la variabilité rapide dans le temps des phénomènes, l'utilisation d'un banc facilite indéniablement sa réduction.

Il est important de relativiser ce bruit de mesure au regard de l'objectif qui est de discriminer les performances en matière de réduction de dérive des différents pulvérisateurs viticoles proposés sur le marché des agroéquipements. Les mesures menées au champ indiquent en effet que les écarts entre les différentes techniques sont importants (facteur supérieur à 100 entre certaines techniques de pulvérisation). Par ailleurs, les classes de niveaux de réduction de dérive retenues au niveau européen sont 66 %, 75 %, 90 % et 95 % de réduction par rapport à une référence. La répétabilité des mesures obtenue à ce stade du développement sur le banc EoleDrift semble suffisante pour permettre de discriminer entre elles les techniques de pulvérisation et les évaluer selon ces classes européennes de réduction de la dérive.

Comparaisons de niveaux de dérive entre techniques de pulvérisation

La Figure 2 présente les mesures de dérive obtenues pour plusieurs techniques de pulvérisation. Chaque technique de pulvérisation a fait l'objet de plusieurs répétitions de mesure, chaque barre du graphique représente la moyenne de la dérive mesurée à chaque répétition. Seules les répétitions de mesures pour lesquelles les conditions météorologiques étaient conformes aux exigences de la norme ISO 22866 ont été prises en compte. À ce stade d'avancement des travaux, le nombre de répétitions pour la plupart des modalités d'essais présentées est trop faible pour pouvoir appliquer des tests statistiques ou calculer un intervalle de confiance. Il s'agit de résultats préliminaires à interpréter avec prudence. Pour l'ensemble de ces mesures, la vigne artificielle mimait un stade de pleine végétation.

Les mesures de dérive présentées sont très variables d'une modalité de technique de pulvérisation à l'autre. Les deux modalités avec panneaux récupérateurs et buses à injection d'air sont celles qui semblent offrir la plus forte réduction de dérive par rapport à la voûte pneumatique. En revanche, pour les deux modèles de pulvérisateur à panneaux récupérateurs ayant fait l'objet de mesures, la réduction de dérive par rapport à la voûte pneumatique semble moins élevée lorsqu'ils sont équipés de buses classiques ou fonctionnent en pneumatique. Enfin, avec le modèle de voûte testé, la dérive mesurée pour la modalité de voûte transformée en jet porté et équipée de buses à injection d'air est environ deux fois moindre que celle mesurée pour le même pulvérisateur fonctionnant en pneumatique.

Nous pouvons à ce stade formuler l'hypothèse que ce sont les modalités qui mettent en oeuvre des buses à injection d'air (produisant des gouttelettes moins fines que les buses classiques et les diffuseurs pneumatiques) et dont les diffuseurs sont situés à proximité de la végétation (face par face ou panneaux récupérateurs), qui ont permis dans ces essais d'atteindre les réductions de dérive les plus fortes. Ceci est en accord avec les informations disponibles dans la bibliographie(Heidary et al., 2014). En effet, la taille des gouttelettes est le premier facteur d'influence sur la dérive. Plus les gouttes sont fines plus elles sont sujettes à l'influence des conditions atmosphériques (vent, faible hygrométrie...) qui viennent perturber leur trajectoire.

Précisons ici que les résultats présentés ne sauraient à ce stade être généralisés à l'ensemble des techniques de pulvérisation appartenant à l'une ou l'autre des typologies mentionnées. Ils sont le reflet des performances des matériels utilisés pour ces essais. Ces résultats préliminaires devront être consolidés par des essais multiples de matériels.

Une potentielle valorisation

Les classes de réduction de dérive définies au niveau européen sont exprimées en pourcentage de réduction de la dérive par rapport à un niveau de dérive de référence : 66 %, 75 %, 90 % et 95 %. L'une des voies de valorisation des données issues du banc d'essai EoleDrift poursuivie est de les utiliser pour classer les diverses techniques de pulvérisation dédiées à la viticulture dans ces différentes classes de réduction de dérive. L'un des premiers enjeux pour y parvenir est de définir le niveau de dérive « de référence ». En 2007, la Commission interprofessionnelle d'étude des techniques d'application de produits phytosanitaires (Cietap, Végéphyl) avait convenu que le niveau de dérive de référence serait représenté par celui mesuré pour les voûtes pneumatiques en vignes larges et les voûtes à dix sorties (« araignées ») en vignes étroites. Les discussions sur ce point se poursuivront de manière collégiale dans les comités de pilotage des projets de R&D reposant sur l'utilisation du banc d'essai (projets Écophyto StopDrift et CasDAR Capriv). En vignes larges, les pulvérisateurs de type « voûte pneumatique » représentent à ce jour 70 % du parc de machines en service et représentent donc la pratique majoritaire par rapport à laquelle des progrès en matière de réduction de dérive sont recherchés. Afin de nourrir la réflexion et les échanges au sujet du choix du niveau de dérive de référence, plusieurs matériels de ce type seront passés au banc d'essai selon différents réglages représentatifs de la pratique viticole afin d'examiner la variabilité des niveaux de dérive constatée au sein de cette gamme d'appareils.

À terme, l'ambition est d'utiliser le banc d'essai EoleDrift pour fournir des données qui permettront d'objectiver sur la base de résultats d'essais l'inscription de matériels de pulvérisation sur la liste officielle des moyens permettant de réduire la dérive. Cette inscription est aujourd'hui effectuée sur dossier, en vérifiant que les machines répondent aux exigences d'un cahier des charges qui a été établi (un seul pulvérisateur dédié à la viticulture fait exception et a été inscrit sur la base d'essais). Les différentes parties prenantes (autorités et experts du sujet) sont associées à la réflexion pour bâtir un cadre méthodologique d'utilisation du banc d'essai faisant consensus et permettant d'arriver à cet objectif.

Conclusion et perspectives

Les premiers résultats obtenus sont prometteurs quant au potentiel du banc d'essai EoleDrift pour réaliser des mesures comparatives de dérive fiables et répétables dans des limites de temps et de coût acceptables pour permettre de bâtir une classification des machines dans le cadre de projets de R&D. La répétabilité des mesures obtenue est en effet équivalente sinon meilleure à celle obtenue (coefficient de variation d'environ 40 % obtenu en 2007 pour deux techniques de pulvérisation viticoles) lors de mesures effectuées en suivant le protocole décrit dans la norme ISO 22866. En outre l'utilisation du banc d'essai permet de réduire très significativement le temps et la main-d'oeuvre nécessaire à la réalisation d'un essai. Enfin, les premières comparaisons de niveaux de dérive mesurés sur le banc d'essais pour plusieurs techniques de pulvérisation viticoles ont pu être effectuées, même si, à ce stade d'avancement des travaux, les résultats ne sauraient être généralisés.

Les travaux sur le banc d'essai EoleDrift vont se poursuivre et s'intensifier au cours des prochaines campagnes. Le banc d'essai sera largement mobilisé dans le cadre des projets StopDrift 2 (Écophyto) et Capriv (CasDAR). Les objectifs de ces projets seront multiples. Il s'agira notamment :

- de finaliser et valider une méthode de routine de mesure de la dérive sur le banc d'essai EoleDrift et de dresser un état des lieux de la diversité des performances des divers types de pulvérisateurs viticoles en matière de réduction de dérive ;

- de réaliser des travaux de développement méthodologique étudiant le lien entre les différents types de dérive (aérienne, sédimentaire) et l'exposition des personnes voisines de la parcelle traitée ;

- d'étudier l'intérêt de propositions techniques « faciles à mettre en oeuvre » pour limiter l'exposition (filets antidérive, modifications mineures des pulvérisateurs).

Enfin, ces premiers résultats, s'ils doivent encore être interprétés avec prudence, confirment bien qu'il existe des techniques de pulvérisation permettant de réduire significativement la dérive par rapport aux techniques de pulvérisation le plus couramment employées. Il apparaît notamment que l'utilisation de buses à injection d'air associées à des matériels à jet porté, travaillant à proximité de la cible, offre des solutions prometteuses.

Toutefois, malgré l'accumulation de références qui devraient rassurer sur la question, l'utilisation des buses à injection d'air fait encore débat au vignoble. De nombreux essais, menés en viticulture ou dans d'autres filières, montrent que l'utilisation de buses à injection d'air ne diminue pas l'efficacité biologique des traitements (sauf pour de très bas volumes par hectare en grandes cultures). Malgré ces résultats expérimentaux, de nombreux acteurs continuent de préférer l'utilisation de diffuseurs pneumatiques ou de buses classiques au motif que cela permet d'optimiser le nombre d'impacts et leur répartition sur le feuillage ciblé. Pour un déploiement effectif des techniques de pulvérisation permettant de réduire la dérive au vignoble, des travaux de transfert, de communication et d'accompagnement sur ce point sont donc à prévoir, certainement en collaboration avec les fabricants de buses, de pulvérisateurs, les firmes phytosanitaires et les divers acteurs de la filière.

(1) https://agriculture.gouv.fr/materiels-permettant-la-limitation-de-la-derive-de-pulverisation-des-produits-phytopharmaceutiques(2) ISO 22866:2005 Matériel de protection des cultures - Mesurage de la dérive du jet au champ.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les quantités de produits phytosanitaires qui dérivent au-delà des limites de la parcelle dépendent des techniques de pulvérisation utilisée. Une norme (ISO 22866:2005) détaille les conditions requises pour mesurer cette dérive au champ, mais ces dernières sont difficiles à mettre en oeuvre, notamment en viticulture.

ÉTUDE - Les équipes de l'Institut français de la vigne et du vin (IFV) et de l'Inrae, partenaires de l'UMT EcoTech, ont développé à partir de 2017 un banc d'essai baptisé EoleDrift. L'artificialisation des conditions de mesure (vent et végétation) facilite les mesures de réduction de dérive obtenue avec différents pulvérisateurs viticoles.

RÉSULTATS - Le dispositif EoleDrift permet d'acquérir des résultats plus répétables avec des conditions d'expérimentation moins difficiles à réunir et un temps de travail sensiblement réduit.

Des mesures préliminaires de dérive ont été obtenues pour plusieurs techniques de pulvérisation. Une valorisation des mesures issues du banc d'essai pourrait être la classification des techniques de pulvérisation selon leur performance en termes de réduction de dérive.

MOTS-CLÉS - Dérive, pulvérisation, norme, banc d'essai.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : adrien.verges@vignevin.com

LIEN UTILE : www.vignevin.com/reductions-intrants/optimisation-de-la-pulverisation/

BIBLIOGRAPHIE : - Heidary M. Al, Douzals J.P., Sinfort C., Vallet A., 2014. Influence of spray characteristics on potential spray drift of field crop sprayers: A literature review, Crop Protection, volume 63, p. 120-130.

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