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DOSSIER - Pulvérisation des bases à la dérive

Une nouvelle génération d'EPI phyto

JULIEN DURAND-RÉVILLE(1) ET CLOTILDE BOIS-MARCHAND(2) (1) Responsable santé UIPP. (2) Chargée de missions Agronomie Environnement - FNSEA. - Phytoma - n°741 - février 2021 - page 32

Des évolutions visent à rendre les équipements de protection individuelle (EPI) agricoles plus faciles à choisir et à porter, afin que leur port devienne un geste habituel à chaque traitement.
Fig. 1 : Exemple d'un « tableau EPI » présent dans le livret d'une étiquette d'un produit phyto       Ces tableaux EPI présentent en ligne, grâce à des pictogrammes, chacune des catégories d'EPI et les normes auxquelles ils doivent répondre. Ils précisent en colonne le jeu d'EPI requis en fonction des tâches à entreprendre et/ou du type de matériel dont dispose l'agriculteur (pulvérisateur avec ou sans cabine, pulvérisation vers le haut ou le bas, etc.).

Fig. 1 : Exemple d'un « tableau EPI » présent dans le livret d'une étiquette d'un produit phyto Ces tableaux EPI présentent en ligne, grâce à des pictogrammes, chacune des catégories d'EPI et les normes auxquelles ils doivent répondre. Ils précisent en colonne le jeu d'EPI requis en fonction des tâches à entreprendre et/ou du type de matériel dont dispose l'agriculteur (pulvérisateur avec ou sans cabine, pulvérisation vers le haut ou le bas, etc.).

 Photos : RAS Production / A. Loren - reproduction illicite

Photos : RAS Production / A. Loren - reproduction illicite

Exemples de nouvelles gammes d'EPI vestimentaires.

Exemples de nouvelles gammes d'EPI vestimentaires.

 4 et 5. Exemples d'EPI vestimentaires et d'accessoires EPI complémentaires

4 et 5. Exemples d'EPI vestimentaires et d'accessoires EPI complémentaires

6. Exemple d'EPI vestimentaire dédié aux travailleurs en rentrée.

6. Exemple d'EPI vestimentaire dédié aux travailleurs en rentrée.

 7. Exemple d'innovation technique inspirée d'équipements militaires. Photos : RAS Production / A. Loren - reproduction illicite

7. Exemple d'innovation technique inspirée d'équipements militaires. Photos : RAS Production / A. Loren - reproduction illicite

Si les produits de protection des plantes sont indéniablement utiles pour protéger les cultures, ils ne sont pourtant pas des produits anodins pour la santé et l'environnement, et doivent ainsi être employés en dernier recours et avec précaution. Limiter l'exposition à ces substances « invisibles » est un enjeu majeur pour réduire les risques liés à leur usage. Ces produits et les pratiques évoluent au cours du temps, et il est important d'améliorer encore les comportements et les équipements à la disposition des agriculteurs.

Différentes étapes de prévention

Une prévention efficace passe d'abord par une réduction du danger à sa source (se passer de ces produits si possible) et ensuite par une bonne information (lecture des étiquettes...), une organisation de l'environnement de travail (séparation des zones de travail « phyto » et des zones de vie/famille...) et une vigilance sur l'ensemble des règles d'hygiène (lavage des mains régulier, douche en fin de chantier phyto...). Le dernier rempart de la prévention regroupe les équipements de protection collective (cabine de tracteur fermée, systèmes de transfert sécurisé du bidon au pulvérisateur...) et les équipements de protection individuelle : les fameux EPI.

Des EPI enfin dédiés aux métiers de l'agriculture

Un constat, partagé par les parties prenantes il y a quelques années en France, a conduit à une large refonte de l'encadrement des EPI d'ancienne génération qui n'étaient pas toujours très adaptés aux métiers de l'agriculture. Les normes de protection chimiques en vigueur avaient en effet été rédigées dans l'optique de protéger des ouvriers en usine. En 2015, les autorités, des représentants agricoles, l'industrie phyto et des fabricants d'EPI se sont associés pour refondre les cadres réglementaires et normatifs, améliorer l'information sur les étiquettes et proposer une nouvelle génération d'EPI agricoles, autour du triptyque : confort, sécurité, design.

Quels EPI se procurer ? Se référer aux étiquettes

Depuis trois ans, l'industrie phytopharmaceutique française a déployé son « Guide d'étiquetage » volontaire visant à homogénéiser et améliorer la lisibilité des étiquettes. Désormais plus de 98 % des produits phyto en sortie d'usine présentent cette mise en forme standardisée. Ce standard propose dans le livret de l'étiquette phyto un tableau regroupant toutes les recommandations EPI. C'est à ce tableau qu'il faut se référer systématiquement pour savoir quels EPI acheter chez son distributeur (Figure 1).

À noter que l'article 15 de l'arrêté du 27 décembre 2019(1) permet désormais de gérer les mises à jour de recommandation d'EPI, ainsi que les évolutions continues normatives. Cet article donne aux utilisateurs la capacité de « [remplacer] les équipements de protection mentionnés dans les autorisations de mise sur le marché par des équipements conformes [...] ». En d'autres termes, l'utilisateur peut réglementairement utiliser des EPI de nouvelle génération, selon les préconisations récentes, même lors de l'utilisation de produits phyto relativement anciens, et dont l'étiquette réglementaire reflétait encore d'anciennes préconisations.

Une nouvelle génération d'EPI

Des équipements adaptés aux agriculteurs

La logique principale suivie vise à (re)mettre l'agriculteur et ses contraintes au centre des réflexions (confort, respirabilité, praticité, réutilisabilité, regard des riverains...), sans pour autant compromettre l'exigence de base qui reste la sécurité. Fort de ce cahier des charges, les fabricants d'EPI, notamment français, ont innové avec de nouvelles coupes mieux adaptées aux tâches, et notamment l'introduction d'EPI veste-pantalon, mais aussi la création de modèles hommes et femmes différenciés, et enfin l'utilisation de nouveaux matériaux et tissages lavables et réutilisables, avec une réflexion spécifique sur les couleurs et l'aspect extérieur, pour éviter l'image du « cosmonaute » (photos 1 à 3).

Une autre réflexion a par ailleurs été menée spécifiquement pour l'outre-mer (projet Écophyto « Challenge Epidom », 2018-2020), pour favoriser le développement d'équipements adaptés aux conditions locales (climat, types de cultures...). Deux jeux d'EPI ont ainsi été mis en avant pour mieux répondre aux attentes des agriculteurs ultramarins et devraient être disponibles sur le terrain courant 2021.

Réduire le nombre d'habillages/déshabillages

Les nouvelles recommandations officielles sur les EPI visent à limiter les phases d'habillage/déshabillage, souvent source de contamination significative. Plutôt que d'enfiler et retirer tout au long des tâches des combinaisons chimiques intégrales à usage unique, l'idée clé a été de proposer un EPI vestimentaire basal, lavable et réutilisable, porté du début à la fin du chantier phyto, et de n'y ajouter des accessoires complémentaires (tablier, visière, gants...) que lors des phases les plus exposantes les nécessitant, comme le mélange/chargement de la bouillie par exemple (photos 4 et 5).

Éviter de s'encombrer avec une « garde-robe » EPI

Inutile d'avoir un « EPI A » pour utiliser le « produit A », un « EPI B » pour le « produit B » et ainsi de suite. En effet, les EPI requis pour se protéger du risque phyto sont standard pour les opérateurs. Vous devez intervenir avec un produit classé CMR ? Vous êtes en agriculture biologique ? Vous utilisez un produit de biocontrôle ? Ce sont les mêmes EPI qui seront nécessaires. En effet, ce n'est pas parce qu'un produit est autorisé en agriculture biologique par exemple qu'il ne présente pas de risques pour la santé et qu'il ne faut pas s'en protéger. Finalement, et pour des raisons de praticité, ce n'est donc pas tant le profil d'une substance (ou son origine conventionnelle, minérale ou naturelle) qui entre en jeu, mais bien le type de tâche ou de matériel de traitement qui conditionnera principalement les EPI requis.

La seule exception notable concerne la protection respiratoire, qui peut être à ajouter pour certains produits en fonction de leurs caractéristiques. C'est le cas pour les poudres (WP), les produits comportant des substances volatiles (pression de vapeur > 5 Pa à 20 °C) ou classées sur le volet de l'inhalation (H335, H336, H330 et H331), qui comportent, en effet, un risque respiratoire accru.

Travaux de rentrée dans des parcelles préalablement traitées

L'exposition aux produits phyto doit aussi être prise en compte lors des travaux manuels dans des parcelles préalablement traitées. Certaines estimations tendent d'ailleurs à confirmer que ces expositions, répétées sur une campagne et sur plusieurs heures lors de la manipulation de feuillages, seraient du même ordre de grandeur que pour des personnes en charge des mélanges/chargements/traitements. En effet, et même au-delà du délai de rentrée, il reste des résidus et certaines situations peuvent ainsi nécessiter le port d'EPI (photo 6). Là encore il faut se référer à l'étiquette du produit pour savoir si des EPI sont nécessaires et lesquels (généralement un EPI vestimentaire et des gants de protection). À noter que cette nécessité d'EPI en rentrée, ou pour protéger les semeurs de semences traitées, est de plus en plus fréquente désormais, du fait des exigences croissantes des évaluations des produits phyto.

Protection chimique plus importante

Si cette nouvelle génération d'équipements et de recommandations EPI a permis d'obtenir une balance acceptable entre le confort, la praticité et la protection, il reste néanmoins des situations où l'exposition aux produits nécessite une protection chimique plus importante. C'est le cas par exemple des traitements vers le haut sans cabine (exemple : arboriculture, cultures de banane...) ou lors de l'usage de pulvérisateurs à dos. Dans ces situations, il est évident que les simples EPI vestimentaires, même accessoirisés, ne sont pas suffisants. À noter que même pour ce type d'équipements « plus lourds », des innovations techniques ont été réalisées pour proposer des équipements les plus confortables et acceptables possibles (photo 7).

(1) Arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime - https://tinyurl.com/y37kyf7f

RÉSUMÉ

CONTEXTE - La France s'est collectivement mobilisée depuis quelques années sur le champ de la prévention et de la protection individuelle vis-à-vis du risque « phyto ». L'ensemble des acteurs agricoles, institutionnels, industriels et de la prévention se sont ainsi associés, pour la première fois, pour construire des messages de prévention et informer le plus grand nombre d'agriculteurs, salariés et conseillers, sur les évolutions récentes relatives aux EPI (équipements de protection individuelle).

ÉTUDE - Les normes EPI et la réglementation nationale ont récemment fortement évolué. L'information présente sur les produits a été homogénéisée et clarifiée. Les gammes vestimentaires désormais disponibles prennent mieux en compte la balance efficacité/confort/facilité de mise en oeuvre, afin de rendre la protection plus systématique, dans le cadre des règles globales de prévention du risque.

MOTS-CLÉS - Équipements de protection individuelle, EPI, confort, opérateurs, travailleurs en rentrée.

Les moyens de s'informer sur les EPI

Pour la santé de l'opérateur et celle de ses proches, le port des EPI doit devenir un geste habituel et professionnel, dans le cadre d'une approche de prévention globale. Pour savoir quels EPI choisir selon la situation : se référer systématiquement aux étiquettes des produits phyto et leurs tableaux EPI récapitulatifs. Pour savoir comment choisir, gérer, s'habiller/se déshabiller et organiser la récupération en fin de vie des EPI, il est possible de se référer au site web : www.epiphyto.fr, qui regroupe les informations de manière synthétique, notamment des réponses aux idées reçues et des tutoriels vidéo courts et humoristiques (websérie « EPI c'est tout » présente dans l'onglet « Outils »). Ces supports de communication ont été développés dans le cadre du projet Écophyto « Campagne de prévention EPI », porté par le Contrat de solutions.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : jdreville@uipp.net

clotilde.bois.marchand@reseaufnsea.fr

LIEN UTILE : https://epiphyto.fr

L'essentiel de l'offre

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