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ACTUS

NÉONICOTINOÏDES LES CONDITIONS DE DÉROGATIONS POUR LA BETTERAVE SUCRIÈRE

Phytoma - n°742 - mars 2021 - page 4

En 2021, le risque de virose sur betterave sucrière pourrait être semblable à 2020. Une première dérogation pour l'emploi de néonicotinoïdes a été publiée.
Les prévisions climatiques saisonnières, basées sur les températures moyennes en automne et en hiver, informent sur la date des premiers vols de pucerons. Photo : Pixabay

Les prévisions climatiques saisonnières, basées sur les températures moyennes en automne et en hiver, informent sur la date des premiers vols de pucerons. Photo : Pixabay

Un arrêté du 5 février (arrêté NOR : AGRG2104041A du 5 février 2021, au JORF du 6 février 2021) autorise la mise sur le marché et l'utilisation de semences de betteraves sucrières traitées avec Gaucho 600 FS et Cruiser SB, deux produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives néonicotinoïdes imidaclopride ou thiaméthoxame (NNI). Cette autorisation provisoire et dérogatoire (article 53 du règlement n° 1107/2009) est valable pour une durée de 120 jours à compter du 7 février 2021.

Pour limiter l'impact sur les insectes pollinisateurs, les exigences consistent notamment à :

- ne pas semer une culture en fleur comme culture de remplacement en cas de destruction précoce de la culture issue des graines traitées ;

- limiter les cultures suivantes conformément à l'annexe 2, y compris les cultures intermédiaires (ou alors éviter les floraisons, ou recourir à une destruction avant floraison) ;

- limiter la floraison des adventices dans les cultures suivantes.

D'autres modalités sont fixées en vue de protéger les oiseaux et mammifères sauvages (incorporation totale des semences dans le sol, récupération des semences traitées accidentellement répandues), ainsi que l'environnement (conditions de lavage et d'équipement). Les semences traitées ne doivent pas être semées plus d'une fois par an et plus d'une année sur trois sur la même parcelle.

æSuivant l'avis de l'Anses du 23 décembre 2020 sur les mesures d'atténuation des risques(1), l'arrêté précise les cultures autorisées pour les campagnes suivantes (après l'emploi des semences de betteraves traitées en 2021) :

- à partir de la campagne 2022, avoine, blé, choux, cultures fourragères non attractives, cultures légumières non attractives, endive, fétuque (semences), moha, oignon, orge, ray-grass, seigle ;

- à partir de la campagne 2023, chanvre, maïs, pavot/oeillette, pomme de terre ;

- à partir de la campagne 2024, colza, cultures fourragères mellifères, cultures légumières mellifères, féverole, lin fibre, luzerne, moutarde tardive, phacélie, pois, radis, tournesol, trèfle, vesce.

Ce classement s'appuie sur un indicateur de risque développé par l'Institut technique et scientifique de l'abeille et de la pollinisation (Itsap), basé sur la probabilité d'exposition des pollinisateurs et prenant en compte l'attractivité des cultures de rotation (et intercultures) et la rémanence dans les sols des substances. Ainsi, le maïs ne pourrait être implanté qu'à partir de la deuxième campagne, et le colza qu'à partir de la troisième campagne.

æToutefois, le texte prévoit des mesures d'atténuation et de compensation permettant d'anticiper le semis, la plantation ou la replantation de ces deux cultures « sous réserve d'assurer un niveau équivalent de protection des pollinisateurs et de la biodiversité » :

• pour les cultures de maïs : le pourtour des parcelles de betteraves (2021) doit comporter une largeur d'au moins dix-huit rangs de betteraves issues de semences non traitées avec des NNI et cette bande ne peut être inférieure à 8 mètres ; des surfaces mellifères doivent être implantées en 2021 et 2022, à une distance adaptée, à raison de 2 % des surfaces implantées de semences de betteraves traitées ;

• pour les cultures de colza : un mélange composé d'au moins 50 % d'une variété précoce à floraison de type 'ES Alicia' ou d'une variété équivalente doit être implantée, sur une surface représentant au moins 10 % de la sole de colza de l'exploitation concernée et sur laquelle n'ont pas été cultivées des betteraves traitées au cours des trois années précédentes.

Les modalités d'anticipation pour les exploitants ayant mis en oeuvre ces mesures sont fixées par arrêté des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture, après avis de l'Anses confirmant le niveau de protection.

æSelon les conditions prévues à l'article 53 du règlement n° 1107/2009, les dérogations sont autorisées « en raison d'un danger qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens raisonnables ». Or l'Inrae a conclu qu'il n'est pas possible d'écarter l'hypothèse que 2021 soit semblable à 2020, en matière de risques de virose sur la betterave sucrière en France(2) : « Au seuil de l'hiver 2020-2021, un potentiel de contamination existe, si les conditions météorologiques s'avèrent favorables. »

En lien avec l'Institut technique de la betterave (ITB), l'institut de recherche a en effet évalué le risque de pression phytosanitaire susceptible d'être rencontrée cette année en fonction de trois critères considérés comme déterminants :

• l'analyse des réservoirs viraux au cours de l'automne (2020), qui démontre l'existence d'un réservoir significatif auprès duquel les pucerons pourraient se charger en virus et ensuite infecter les cultures de betterave sucrière ;

• la présence de populations de pucerons au cours de l'automne, qui peut avoir une valeur prédictive pour le printemps selon les conditions de survie pendant l'hiver ;

• les prévisions climatiques saisonnières, initialisées au 1er décembre, qui permettent d'anticiper le climat plusieurs mois à l'avance. Basées sur les températures moyennes en automne et en hiver, elles donnent une indication sur la capacité de survie des pucerons pendant l'hiver. Elles informent sur la date des premiers vols de pucerons virulifères, les betteraves étant d'autant plus vulnérables que les pucerons sont précoces.

æLa campagne 2019-2020 a été marquée par une prolifération de pucerons, favorisés par un hiver doux et un printemps chaud et ensoleillé, accompagnée d'une propagation de jaunisse dans l'ensemble des régions productrices et de chutes de rendement hétérogènes. En réponse à une crise touchant l'ensemble du secteur sucrier, la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 a été adoptée. Des dérogations 120 jours pour des produits de traitement de semences de betteraves sucrières contenant des néonicotinoïdes sont ainsi possibles jusqu'au 1er juillet 2023. Le conseil de surveillance, instauré par la loi du 14 décembre 2020, est chargé d'émettre un avis sur ces autorisations temporaires, d'évaluer leurs conséquences, notamment environnementales et économiques, de suivre l'état d'avancement du plan de prévention proposé par la filière de la betterave à sucre, ainsi que la recherche d'alternatives.

Un plan national de recherche et d'innovation doté de 7 millions d'euros, pour un montant global supérieur à 20 millions d'euros avec les cofinancements de l'Inrae, de l'ITB et des semenciers, doit permettre de coordonner les efforts de recherche sur la jaunisse de la betterave sucrière en vue d'apporter des solutions opérationnelles aux agriculteurs d'ici trois ans.

(1) Avis de l'Anses relatif aux mesures d'atténuation des risques devant figurer dans toute dérogation à l'interdiction d'utiliser des produits à base de néonicotinoïdes ou substances à mode d'action identique : https://tinyurl.com/36db3zy3(2) Note de l'Inrae, Critères de déclenchement de la dérogation : https://tinyurl.com/e6basjhh

POUR EN SAVOIR PLUS

https://tinyurl.com/mnbr47kf

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