Les virus ont bien occupé l'année 2020 en France. Ce fut le cas pour le SARS-Cov2 responsable de la pandémie de Covid chez l'homme, et l'un des virus de la jaunisse de la betterave à l'origine de perte de production considérable et d'une polémique renouvelée concernant les néonicotinoïdes en agriculture.
Des pertes de rendement dues aux jaunisses
En ce qui concerne la jaunisse de la betterave en 2020, les structures responsables de la filière s'accordent sur des chiffres moyens de pertes de rendement au niveau national de 30 %, avec certains départements des Hauts de France atteignant 50 %, voire davantage, correspondant à 700-1 000 euros/ha. Sachant que la filière sucrière française dégage normalement un excédent d'exportation de 2 millions de tonnes surtout vers les pays européens, correspondant à 800 millions d'euros, il est facile de comprendre la très grande réactivité de la filière en 2020 avec saisie de la gouvernance politique (gouvernement, Assemblée nationale et Sénat). Les réactions ont été rapides pour protéger la production avec des arrêtés concernant l'autorisation d'usage de néonicotinoïdes en traitement de semences jusqu'à 2023 d'une part ; d'autre part, dans des conditions définies d'usage de ces molécules une fois pendant le cycle annuel de la culture. Les associations de défense des consommateurs se sont étonnées et préoccupées de telles autorisations vis-à-vis de molécules ayant été dénoncées comme altérant le comportement et la viabilité des pollinisateurs à cause d'interactions entre ces molécules et les récepteurs nicotiniques à l'acétylcholine dans le cerveau.
Les pucerons, vecteurs de virus
Chez les plantes, comme chez les animaux, les virus sont transmis de différentes manières, par exemple de manière mécanique par le biais de blessures comme pour le virus de la mosaïque du tabac (TMV), mais majoritairement par des arthropodes appartenant à plusieurs grands ordres, surtout celui des hémiptères responsables de la transmission de 75 % des 550 phytovirus les plus présents en cultures végétales. Les pucerons ou aphides (300 espèces vectrices connues en France) représentent à eux seuls 55 % de cet ensemble, les « mouches blanches » ou aleurodes 11 % et les cicadelles 9 %.
Les pucerons sont caractérisés par une parthénogenèse cyclique : à une phase sexuée produisant des oeufs à la fin de l'hiver peuvent succéder plusieurs cycles de parthénogenèse vivipare, c'est-à-dire une production très importante de descendants par femelle sans ponte d'oeufs et sans sexualité avec des mâles. C'est ainsi que des explosions de pucerons telles qu'observées sur betterave sucrière l'an dernier peuvent se produire, et ce d'autant plus que les hivers sont doux, et donc les cycles parthénogénétiques très précoces dans l'année, comme observé dans les Hauts-de-France pendant l'hiver 2019-2020.
Des interactions virus/puceron/plantes
Enfin, et c'est très bien expliqué dans le premier article du dossier, l'interaction entre pucerons et virus est pluripartite, c'est-à-dire que certains virus vont rester aux niveaux des pièces buccales du puceron seulement quelques dizaines de secondes avant d'être dégradés, d'autres vont être absorbés par l'insecte et y circuler et d'autres vont même être multipliés lors de sa circulation via l'hémolymphe et l'abdomen. Cette complexité d'interactions a de multiples conséquences sur la dynamique des viroses, dissémination à courte ou à longue distance, évolution ou non par mutation dans l'insecte... Les virus se sont eux-mêmes adaptés à la complexité de ces cycles et ont notamment maintenus/sélectionnés des gènes codant pour des protéines qui les aident à se maintenir dans l'insecte.
Les articles qui suivent répondent pour partie à la connaissance de ces viroses, de même qu'à l'identification de solutions potentielles qui mériteraient d'être testées dans le cadre de ces financements de la recherche récemment mis en place par différentes instances pour améliorer la lutte contre les jaunisses virales transmises par pucerons.
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